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Profane / Sacré : La séparation

Platon dit : « Laissez les profanes à la porte du Temple » ! La séparation entre le profane et le sacré se résumerait‑elle à une porte et à la création d'un espace ? Ou bien n'est‑ce pas plutôt une différente manière de voir, de comprendre, bref, un état d'esprit ? S'il est vrai qu'au sein de notre Ordre nous définissons un espace sacré tant par le rituel d'ouverture que par le tracé d'un tableau sur le sol, cela est bien davantage conditionné par une démarche, une recherche, que par les mots du Couvreur : « Les profanes sont écartés, nous pouvons nous livrer à nos travaux en toute sécurité »

Lorsque l'homme primitif a commencé par établir des liens avec son environnement, il a pris conscience de son existence. La fragilité de son existence comparée à la prééminence de ces rapports avec la nature imposèrent à sa raison la place centrale qu'il occupe dans l'univers. C'est donc bien un Homo religiosus qui précède l’Homo sapiens dans l'établissement de nos relations avec le sacré. Savoir relier les forces entre elles établit les bases d'un univers immatériel mais déterminant pour notre affect et donc par conséquent sur nos actes. L'existence la plus falote fourmille de symboles, l'homme le plus réaliste vit d'images. Ainsi considéré l'homme devient lui‑même le lieu de rencontre des deux mondes. Sanctuaire, puisque dépositaire de la conscience de son essence, l'initié est le relais que chaque génération se transmet depuis la nuit des temps.

C'est dans l'étude des évolutions techniques, économiques, de la naissance de nouvelles formes du pouvoir politique, des changements de structures sociales que le phénomène de «désacralisation» apparaît; mais il est plutôt postulé que montré. Mais il suffit de songer à ce que l'on sait de la pénétration du religieux dans le profane pour reconnaître que ce sont les Églises, en séparant radicalement le domaine du sacré, relevant de la loi divine, de celui du profane, relevant du droit naturel et de la morale, qui ont entamé le travail de désacralisation, anéantissant des pans entiers de civilisations traditionnelles.

Etymologiquement, sacré s'oppose à profane. Sacré désigne ce qui est à la fois séparé et circonscrit ( sandre = délimiter, entourer, sacraliser, sanctifier ), tandis que profane indique ce qui se trouve devant l'enceinte réservée ( pro fanum ). II y a donc deux domaines: l'un qui est réglé de manière transcendante, dangereuse et capitale, le sacré, et un autre où l'homme a loisir et liberté de penser et d'agir à sa guise. La vie est constituée par l'équilibre entre ces deux domaines.

Le sacré n'est ni le signe d'un stade particulier de la conscience humaine, ni le fait d'une mentalité primitive mais un élément fondamental dans la structure de la conscience de lHomo sapiens. Ainsi conçu comme un invariant universel, il se manifeste dans les images, des symboles, des comportements qui s'inscrivent dans les formes historiques particulières. Dans la morphologie du sacré, il faut savoir lever le voile de l'illusion pour révéler la face cachée d'un objet, d'un paysage ou d'un geste rituel, qui deviennent alors autant de manifestations du sacré ; c'est une expérience radicale du « tout autre » qui fait alors irruption dans le quotidien.

L'homme moderne, radicalement sécularisé, se croit ou se veut athée, areligieux, ou tout au moins indifférent. Mais il se trompe : il n'a pas encore réussi à abolir lHomo religiosus qui est en lui ! Cela veut dire qu'il est resté « païen » sans le savoir

Au fond de chaque être humain demeure un besoin, plus ou moins en éveil, de sacralité et de religiosité (Homo religiosus ). Cela explique que l'homme occidental moderne reconnaisse sans effort, dans les temps et les espaces lointains, les phénomènes religieux et sacrés comme tels. Ainsi, ce qui donne un sens humain à toutes choses, c'est précisément ce sentiment diffus du sacré que l'on porte en soi et qui se dévoile ici dans un objet rudimentaire, ailleurs dans une figure de dieu. Ainsi, le sacré se trouve‑t‑il dans notre inconscient collectif. Elle est dans la nature profonde de l'Homme, cette aspiration à un Absolu qu'il ne fait que pressentir. Connaître n'est pas savoir. Savoir est apprendre de l'Autre alors que Connaître est apprendre de soi, dans son rapport avec le monde, de sa propre expérience d'Homme Total, à la fois Homme pensant et Homme vivant. Comprendre l'autre, le lointain, c'est d'abord se (re)découvrir soi‑même et sublimer le temps et l'espace...

Esotérisme / F\ M\ : La réunion

L'adverbe grec « Etaco » ( eiso ) signifie « au dedans » . II est indéniable que cet adjectif et le nom « ésotérisme » ont tendu à s'associer étroitement à l'idée de secret au sens d'« occulte » que peut prendre l'épithète. L'enseignement ésotérique d'un philosophe était celui qu'il réservait à ses disciples, s'associant ainsi à la notion d'un savoir réservé : C'est donc l'idée de secret qui frappe évidemment, mais « Ce que les philosophes s'efforcent d'atteindre par une voie détournée et comme par tâtonnement, il faut y parvenir immédiatement, par l'intuition sans laquelle nulle métaphysique réelle n'est possible et hors de laquelle on ne peut saisir qu'une ombre de la vérité » (R. GUENON).

S'il y a bien convergence de toutes les traditions vers un même noyau central de vérités fondamentales, on retrouve la nécessité d'une préalable et complète intégration à l'exotérisme d'une tradition avant de pouvoir espérer accéder à l'ésotérisme qu'elle encercle. Or, la tradition est la transmission (étymologiquement) d'un ensemble de moyens consacrés qui facilitent la prise de conscience de principes immanents d'ordre universel (puisque l'homme ne s'est semble‑t‑il pas donné à lui‑même ses raisons de vivre). C'est pourquoi l'on peut parler d'ésotérisme au sens large lorsque celui‑ci s'enrichit de la dimension théosophique. On peut préciser encore
« L'enseignement concernant l'inexprimable ne peut évidemment que le suggérer à l'aide d'images appropriées ... Cela revient à dire qu'un tel enseignement prend nécessairement la forme symbolique ». A l'époque dite archaïque de la Grèce, le Mythos et le Logos ne s'opposent pas l'un à l'autre : en grec, le mythe c'est le mot et « Si le mythe est historiquement faux, il n'en est pas moins psychologiquement réel » (P. DIEL) .

Nous avons vu que les symboles permettent de rendre concrètes, sensibles, perceptibles, des vérités transcendantes que le langage serait incapable de formuler et que l'ésotérisme devient ainsi à même de dégager la réalité spirituelle sous‑jacente aux symboles. Mais à cela s'ajoute l'idée fondamentale d'une transmission, d'une « Tradition, au sens étymologique du mot. L'ésotérisme procède non point par syncrétisme ( réunion d'éléments disparates ) mais par synthèse unificatrice . « La synthèse s'effectue essentiellement du dedans ; nous voulons dire par là qu'elle consiste proprement à envisager les choses dans l'Unité de leur Principe même et à les
unir ainsi ....... » (René GUENON).

La notion du sacré n'est certes pas exclusivement maçonnique mais en tant que Francs‑Maçons nous descendons d'une longue lignée de penseurs qui ont oeuvré à créer notre Ordre Initiatique ; la notion d'Ordre et de Tradition prend donc ici sa valeur essentielle et nécessaire. La singularité attachée à la Franc‑Maçonnerie, et plus particulièrement à notre Rite, est ce concept d'ouverture qui se fait jour dès le degré d'Apprenti car il concerne des êtres adultes, libres et volontaires à l'accès vers la Connaissance.

L'enseignement maçonnique n'est pas celui d'une doctrine, mais celui d'une méthodologie de la connaissance par le truchement des symboles : universels et intemporels, ils peuvent aider tous les hommes à mieux comprendre le monde sans imposer de préalable idéologique ni de dogme. Cette expérience qui s'enrichit de l'Initiation et de la démarche initiatique, construit l'Etre et son rapport au Monde dans un rapport plus vrai, plus authentique.

Sur l'autel de nos Loges, le Livre de la Loi Sacrée est offert à la réflexion du Maçon du R\ E\ A\ A\ pour qu'il découvre la clef du message Johannique. Celui‑ci nous invite, en tout premier lieu, à rechercher la vérité dans son acception initiale qui en fait le contraire de l'erreur, la sublime Vérité se maintenant, certes, toujours hors de notre portée.

L'épée flamboyante qui décore l'Orient de nos Temples dans les mains du Vénérable, Lumière de la Loge, ouvre à chaque tenue, le passage du profane au sacré et lors de l'initiation, fait entrer le récipiendaire dans le monde des Initiés : retour aux Origines symboliques, retour à la Source, au Principe Suprême qui n'est possible que par le dépouillement de prises de conscience successives, allant de la superficie de nous même vers la profondeur de nos âmes...

Conclusion : Libération ?

Ainsi l'enseignement du R:. E.‑. A:. A:. permet‑il, au travers d'une certaine synthèse des traditions et notamment de l'ésotérisme, d'appréhender une « spiritualisation plus haute de l'initié qui suit ainsi la voie traditionnelle de sa réalisation intérieure »

Cette investigation induit un immense programme dont l'exécution obéit au dessein de contraindre les tentations et les passions, de freiner les désordres de l'âme et les exaltations excessives et factices. ( cf. Paul DIEL ). Toute la cécité de l'homme et son malheur viennent de ce que son individualité lui masque son destin collectif et qu'il rêve de transférer sur lui seul l'« éternité de la vie ». Comme la bûche dans le foyer, il n'est porteur de flamme que s'il joue son rôle et accompli son destin dans la Chaîne d'Union » (Jacques TRESCASE).

Le Rituel nous replace en effet en dehors de l'espace et du temps et nous mène vers la compréhension mystique de la représentation de la continuité de la vie, puisqu'au secret de l'évolution s'associent les divers états de l'être. Notre voie comme toute voie ésotérique fait ainsi appel à la fonction analogique de la pensée humaine. Travailler sur le symbole puis sur le mythe, c'est charger de sens au pluriel l'objet symbole, réveiller en nous ces associations subconscientes qui nous séparent de l'Archétype.


Contrairement à la révélation mystique où la Connaissance est abordée dans sa Totalité, fugace mais globale, la démarche initiatique est une conversion progressive du regard au delà de l'apparence des choses au travers de nos cinq sens si limitatifs. Elle relève d'un autre ordre de pensée que la pensée ordinaire, fait appel à une expression différente et est, comme l'expérience, communicable dans l'image mais incommunicable dans sa réalité. Nous la cherchons avec une méthode de dessillement du regard au prix d'un travail intérieur dont nous venons puiser l'énergie en Tenue, dispersés que nous sommes dans notre vie quotidienne.

La compréhension de cette symbolique permet donc à l'initié de se réaliser et à l'homme « banalisé » de devenir l'homme véritable, ou homme de vérité, réintégré dans la chaîne de la vie, porteur de lumière et facteur de paix, de joie et d'amour.

Mes T\ C\ FF\,
VM, j'ai dit.

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