GODF Loge : NC 22/03/2007


Construis-Toi Toi-Même


Lorsque j’ai choisi le sujet de cette planche, et jusqu’il y a peu, je n’avais strictement aucune idée de ce que j’allais vous dire. Ce qui a guidé mon choix s’apparente d’avantage à un sens de la litote : Le thème de l’année « la construction du temple » associé à la formule « connais toi toi-même », m’a donné tout simplement envie de traiter d’un travail sur « construis-toi toi-même. »

Puis, vint le moment tant redouté où il fallut donner un sens allant au delà de la formule, et, croyez moi, cela n’a pas été facile car lorsque l’on est attablé devant une page blanche, pour travailler sur un tel sujet, il est très dur d’écrire sans noircir celle-ci car la page blanche est comme le F\M\, elle se froisse parfois pour un rien.

Puisque le sujet dont je dois vous parler est « construis-toi toi-même », et que le seul frère que je suis habilité à tutoyer en tenue est moi-même, je me permettrai de vous faire part de mon ressenti : A la table de notre auberge espagnole, chacun est invité à se servir à son gré, selon ses goûts et ses envies.

Comme je vous le dirais, il est très difficile d’aborder un tel sujet car en fait « construis-toi toi-même » ne signifie rien de bien défini, et, en même temps, résume toute la maçonnerie écossaise à la différence d’autres voies initiatiques, maçonniques ou non.
C’est pour cela qu’il convient selon moi de considérer d’abord la structuration de la voie initiatique à travers notre rite, afin ensuite de nous aider à appréhender les épreuves que nous affrontons, ce qui doit immanquablement nous entraîner sur la voie de la tolérance et de l’amour Agapè.

La F\M\ opérative est née au moyen âge, avec les grandes cathédrales gothiques. L’analogie permanente entre la F\M\ et la construction vient de là : Avant cette ère, l’art roman enseignait la construction sans structure, où seule l’épaisseur des murs permettait de solidifier la construction.
Cette technique d’enfermement imposait de nombreuses contraintes, et notamment celle d’être quasiment imperméable à la lumière, car seules quelques timides ouvertures permettaient à la lumière du jour de pénétrer difficilement dans ce type d’édifice.

En créant des structures, que le Maître d’œuvre VILLARD DE HONNECOURT a dessiné dans ses carnets au XIième siècle, les Francs Maçons se sont libérés de ces contraintes. Ainsi grâce à l’avènement de la structure dans la construction des édifices religieux, les murs deviennent purement décoratifs et sont les supports d’immenses vitraux permettant au bâtiment d’accueillir la lumière sur toutes les façades.

C’est la structuration à travers le rite qui permet au F\M\ d’espérer un jour d’entrevoir la lumière. En effet, si la F\M\ n’est pas la seule voie initiatique, c’est, en revanche, la seule qui se distingue par une pratique originale qu’on appelle la « méthode maçonnique » et cette méthode s’appuie sur un rite qui sert de structure à la construction maçonnique.

Si je ne suis pas fondateur de notre R\L\ loge Tradition Ecossaise, j’ai un parcours qui fait que, tout comme nos FF fondateurs, j’ai été initié au RF et j’ai rejoint librement le REAA.
Ma motivation première pour entrer en F\M\ était comme beaucoup de vouloir changer les choses, la société et le monde en général, je me suis vite aperçu de la nécessité d’avoir un gardien pour protéger l’espace initiatique du forum, ce gardien étant le R\E\A\A\.

Nous sommes des êtres humains avec leurs forces qui capitulent vite devant leurs faiblesses. La politique et la vision sociétale divisent les hommes……
Par delà ce premier aspect, il ne saurait être question d’améliorer quoique se soit du monde qui nous entoure sans, avant tout, améliorer ceux qui le composent, c’est à dire nous mêmes.

Si la méthode maçonnique est la même quelque soient les rites, la méthodologie diffère sensiblement ; Le Rite Ecossais Ancien Accepté nous propose une méthode structurative qui fait appel à la connaissance initiatique en passant d’abord PAR la connaissance de soi. Initiation signifie « commencer à être soi-même ».

Alors, le Rite Ecossais Ancien Accepté m’a semblé, comme aux F\F\ fondateurs de Tradition Ecossaise, un très bon support initiatique.
Il propose une méthode en 33 étapes pour libérer l’homme et en faire un initié, c’est à dire un homme achevé dans sa construction, conscient de lui même et de sa place dans l’univers et parmi les autres.

La connaissance de l’univers dans ses rouages et ses mutations est vaine si celui qui cherche à la pratiquer n’a pas conscience qu’il lui faut d’abord se connaître lui-même.

« Connais toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les Dieux ». La formule V.I.T.R.I.O.L. fait de l’adepte du R\E\A\A\ un disciple de SOCRATE.

Pour toute construction, c’est le soin apporté aux fondations qui la rend à l’épreuve du temps.
La construction de l’initié n’échappe pas à cette règle, avec cette nuance que l’initié est lui même tout à la fois la construction et le bâtisseur.

C’est d’autant plus vrai que la construction du temple de l’humanité se construit dans le R\E\A\A\ avec des fouilles profondes et que notre loge Tradition Ecossaise est exigeante dans le choix du terrain ; alors, parfois, il nous faut être modeste et détruire les fondations que nous avons nous même réalisées pour en réaliser d’autres plus profondes, sur un autre terrain plus propice….
Seule, cette apparente perte de temps garantira l’édifice pour l’avenir à travers la solidité des fondations de nos piliers.

Le jeune Maçon entré en maçonnerie pour des raisons évidentes de retrouver une assemblée fraternelle se retrouve chez nous dans un univers structuré et rigoureux.
Si, dans la vie profane, structure est synonyme de rigidité, de contraintes et d’inhumanité, en loge, celle ci garantit au contraire un formidable espace de liberté et de tolérance.


N’en déplaise à certains détracteurs, c’est la soumission à l’ordre qui est la garantie de fraternité et de liberté.

Bien souvent ceux qui ne savent pas respecter leurs engagements et la hiérarchie, qui confondent tolérance et laxisme, fraternité avec copinage et qui prennent la rigueur nécessaire pour de la simple rigidité, vont vouloir donner des leçons de fraternité aux autres, en essayant de les détourner du chemin choisi initialement.

Bien entendu, ce n’est pas là la voie facile, car la voie initiatique est un chemin long et tortueux, et la construction de notre temple intérieur est quelque chose de  strictement personnel.

Cela fait 21 ans que j’ai reçu la lumière et cela fait 21 ans que j’entends des F\F\ donner des leçons de maçonnerie et de fraternité. Or, à mes yeux nul ni personne n’est gardien du temple de l’orthodoxie maçonnique. 

Ce n’est que par l’exemplarité de leur comportement que mes FF m’enseignent les vraies valeurs de l’ordre qui sont contenues dans les constitutions (d’ANDERSSON et du G.O.) dont seul le rite est le gardien.

La F\M\ est ésotérique, elle est une école de l’éveil. Ecoutons les avis les plus divergents à condition qu’ils soient éclairés à la lanterne de la tolérance. Celle de l’expérience est, comme le dit CONFUCIUS : « Une lanterne qui éclaire un chemin DEJA parcouru », ce qui sous entend : pas le chemin que l’on doit parcourir.

Quelque soit l’étage où nous nous trouvons, rappelons nous que le R\E\A\A\ en compte 33. Rappelons-nous que 3 étages sont largement insuffisants pour dire que la construction est achevée et rappelons nous aussi que même les derniers étages peuvent révéler des faiblesses menaçant tout l’édifice…

En fait, les seules leçons à recevoir sont celles que nous devons prendre nous mêmes.

J’ai été blackboulé lors de mon premier bandeau en 1984 et c’est là que j’ai pris ma première leçon de maçonnerie : Je n’étais sans doute pas prêt à rentrer, (le suis-je encore aujourd’hui ?)
J’ai mis 2 ans et un stage pré-maçonnique hebdomadaire pour de nouveau subir l’épreuve du bandeau.

J’ai assisté en tout et pour tout à 2 réunions d’apprentis et à une réunion de compagnons. Non pas que j’étais absent mais simplement parce que mes surveillants n’étaient pas disponibles.

Ce fût là ma 2ème leçon de Franc Maçonnerie, il m’a fallu cravacher cette monture folle que j’étais pour enfin comprendre, m’auto discipliner et me plonger dans les WIRTH, BOUCHER et autres BERESNIAK (aujourd’hui Irène MAINGUY) pour m’auto éveiller.

Jeune Maître, j’étais un espèce de SAINT JUST, confondant rigueur et rigorisme, morale et moralisme, me heurtant souvent de manière déconvenue à des avis divergents et plus tolérants de F\F\ plus éclairés que moi. Ce fût là ma 3ème leçon de maçonnerie.

Ce n’est qu’au bout d’une dizaine d’années que je pense avoir eu le déclic, et c’est ce qui m’a engagé sur la voie de l’écossisme : Celle qui nous intime de nous initier nous même avant de pouvoir réformer le monde…..

Je ne sais pas si ce que je vais vous annoncer doit vous rassurer ou vous inquiéter, mais je vous annonce que cette troisième leçon dure encore et toujours : Mais j’ai fini par m’y habituer. Et parfois même de temps en temps, trop rarement, j’arrive à être pour certains un de ces F\F\ plus éclairé : Qu’est ce que c’est difficile !! Car, voyez vous, avec l ‘école de la sagesse, dont nous sommes à la fois les élèves et les professeurs, on a souvent l’habitude de faire l’école buissonnière, cela est dû à notre côté obscur, notre intolérance…….

A MON COTE OBSCUR, A MON INTOLERANCE.

« Alors, c’est grave Docteur, cette maladie, l’intolérance ? »

« Oui… et Non. Pour te mettre sur la voie de la guérison, il faut d’abord que tu apprennes à aimer pour tolérer. A t’accepter et à te tolérer. A aimer les autres plus que toi même. »

La tolérance n’existe sincèrement qu’avec les yeux de l’amour. Elle consiste à prendre les paroles de l’autre avec leur sens le plus positif possible : Ce n’est pas facile car l’autre aussi a parfois un côté obscur.

La maladie pourrait rester bénigne, mais il y a curieusement un terrain favorable à son expansion : C’est la loge. La loge est une éprouvette dans laquelle un bouillon de culture de l’amour est en expérimentation. Dans cet univers aseptisé, intervient parfois un microbe. Nos sentiments étant mis à nu, nous en sommes d’autant plus fragilisés. Et parfois un rien peut tout ébranler et nos côtés noirs l’emportent et détruisent tout à leur contact, tel un microbe.

Alors, il faut que chacun d’entre nous surveille ses propres microbes, ses côtés noirs, car il y a en chacun de nous, tel JANUS, une schizophrénie latente. Chaque Franc Maçon digne de ce nom cultive pendant des années sa volonté d’être un homme nouveau, bon et loyal, homme de probité et d’un seul coup, il peut se révéler monstrueux, en proie à nos plus bas instincts, ceux-ci submergeant instantanément l’homme nouveau qu’il était patiemment en train d’élever depuis des années.

Alors quand je suis en train de déraper, je me souviens du moment où, le jour de la naissance de cet homme nouveau, que j’aspire à perfectionner chaque jour, mon parrain m’a tenu un miroir : Mon pire ennemi n’est autre que moi-même : Alors, l’homme nouveau doit combattre l’homme monstrueux et prendre le dessus sur ses bas instincts, pour retrouver l’apaisement et reprendre le cours de la construction.

A l’issue de ce travail, si je devais résumer en quelques mots ce qu’est pour moi « se construire soi même », je dirais : C’est douter en permanence de la pertinence de ma position individuelle, étant convenu que seules les valeurs de l’ordre sont inaltérables : Allégoriquement, elles ont, à la fois, valeur de plans et de structure de la construction : L’ouvrier que je suis doit en permanence consulter le plan, la construction que je suis doit s’assurer que la structure tiendra bon…Comme la tempête éprouve la construction, les épreuves qui me sont envoyées sont initiatiques : Chaque difficulté me renforce ; «  ce qui ne me détruit pas me rend plus fort. » écrivait NIETZSCHE.

Et, petit à petit, je me construis, m’initie moi même en aimant apprendre, en apprenant à aimer, et en aimant apprendre à aimer 

J’ai dit.

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