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Propos sur le Sel, le Soufre et le Mercure

AVANT-PROPOS


Au hasard d’un article lu  il y a quelques jours j’ai retenu ces quelques mots qui peuvent donner une indication sur  l’état d’esprit dans lequel j’ai voulu rédiger cette planche :
 Citation de Saint Paul. Hébreux 11 « Ce monde est un système de choses invisibles manifestées visiblement » suivi de ce commentaire :« L’ histoire que nous connaissons n’est que la partie d’événements qui se déroulent dans l’invisible. »

Comme l’intitulé l’indique :

PROPOS SUR LE SEL, LE SOUFRE, ET LE MERCURE


Cette planche n’a pas la prétention d’apporter une explication complète sur les notions contenues dans les mots « sel, soufre, mercure » mais plutôt de suggérer des axes de recherches pour ceux qui pourraient être intéressés par une approche différente de la F.M. Elle est aussi, pour moi, une façon d’essayer de découvrir, de comprendre ce que peut être une démarche initiatique, ma démarche initiatique en l’abordant par l’une de ses méthodes, l’alchimie et ses symboles.

Nous savons que « le REAA a pour but de développer un système de valeurs et des procédures symboliques empreintes d’une spiritualité qui ne sont ni religieuses ni métaphysiques . C’est un système  philosophique au sens que Pythagore et Platon donnent à ce mot comme sont philosophiques les Anciens Mystères, l’Hermétisme et l’Alchimie qui ont inspiré la Franc-Maçonnerie. Leur point commun est le rite, le symbole, qui sollicitent l’individu dans sa personnalité profonde et ses états de conscience bien plus que dans son intelligence et sa raison. Il n’existe ni acte de foi ni soumission à un dogme, mais adhésion, implication de l’homme dans une œuvre de reconstruction personnelle ».

En conséquence la recherche maçonnique, qui n’est pas unidimensionnelle, n’est pas fondée sur la pensée unique. Chaque Franc-Maçon se doit d’aborder les études ésotériques avec sa personnalité afin de dégager, ce qui, pour lui, est SA vérité, en utilisant les différentes sources dont il dispose que ce soit le rituel, les manuels d’instruction, les différents ouvrages qu’il pourra étudier, les discussions avec les Frères. L’essentiel est qu’il réveille en lui le feu qui lui permettra de donner vie à l’homme nouveau qu’il souhaite voir naître. « Lis le Coran comme s’il avait été écrit pour toi » a dit un sage soufi.

D’où la question que je me pose : pour être un bon Maçon doit-on obligatoirement marcher dans les traces des pas des déistes protestants qui ont jeté les bases de la franc-maçonnerie moderne sans être pour autant taxé de déviationnisme ?. Parce que si je me réfère aux écrits de Guy Piau, ancien Grand Maître de la G.L.D.F. (1988-1990) «  nous nous devons d’observer que l’histoire réécrite par Anderson n’a aucun titre pouvant nous conduire à LA prendre en considération de préférence aux narrations des manuscrits REGIUS et COOKE qui lui sont antérieurs ».  Le récit d’Anderson « présente un grand intérêt dans la mesure où il marque une évolution de la pensée maçonnique, laquelle se trouve soumise à l’influence d’un parti religieux, chrétien et déiste qui prend son inspiration dans la Bible. »  « Par contre, les manuscrits REGIUS et COOKE s’imposent comme une relation plus authentique des idées et des influences qui s’exerçaient au sein des anciennes loges. La légende telle qu’elle est transcrite dans le manuscrit COOKE, nous donne des indications très précieuse au regard de la correspondance qui nous paraît manifeste entre la pensée alchimique et la pensée maçonnique, correspondance que nous suggèrent, de manière concrète, les représentations symboliques qui abondent dans les décorations des monuments du Moyen-Âge ». « Dans la légende qu’expose le document COOKE, apparaissent des personnages, réels ou imaginaires, qu’Anderson occulte et qui pourtant nous paraissent très significatifs de l’influence alchimique et hermétique dans la pensée maçonnique». Donc, écrit Guy Piau « nous ne pouvons pas ignorer ou laisser de côté cette influence ainsi que le fait Anderson ».  Quant « au manuscrit REGIUS il ne fait aucune référence à la Bible. La construction du Temple de Salomon n’y apparaît pas » ni, en conséquence, toute allusion à la géométrie sacrée ou non.

Que je sois bien compris, je ne remets pas en cause le caractère fondamental de la Géométrie dans la pensée maçonnique, je considère seulement que, Euclide, Thalès et leurs émules sont des panneaux indicateurs que peuvent suivre uniquement ceux dont la psychologie, l’intellect, leur permet de comprendre les raisonnements parfois confus et difficiles de ceux qui les utilisent. Il existe une façon plus simple, une géométrie plus aisée, « philosophale », « subtile »qui consiste à méditer sur des éléments simples. Par exemple un trait vertical donne une image du ternaire : nous avons un corps avec deux extrémités. Il en va de même pour le cercle : une limite séparant le contenu limité d’une ambiance infinie.  Ou bien, si nous essayons de représenter l’unité nous ne pouvons éprouver que des difficultés ; elle se conçoit mais ne se montre nulle part ; son meilleur symbole est le point mathématique qu’on peut situer abstraitement à l’intersection de deux lignes ou au centre du cercle. Ce point matériellement inexistant engendre la ligne en se déplaçant dans l’espace. Nous pouvons concevoir, alors, une surface qui s’élève, s’abaisse, tourne sur l’un de ses côtés et acquérir, ainsi, l’idée d’un corps à trois dimensions. Et nous obtenons par complexité croissante l’ensemble des symboles que la Franc-Maçonnerie propose à notre méditation. Voilà ce qui, pour moi, est la géométrie.

Quel rapport me direz-vous avec  le Sel, le Soufre et le Mercure ? Je crois posséder la clef qui me permettra d’étudier leur signification.
Se référer au diagramme.

Si vous analysez chacun des symboles vous pouvez remarquer qu’ils sont composés : trait, croix, cercle, demi-cercle, triangle chacun de ses éléments ayant une signification particulière.

Prenons tout d’abord le cercle. Il symbolise ce qui n’a ni commencement ni fin, le « UN le TOUT », l’Ouroboros, il représente la substance primordiale uniforme, non différenciée, en cosmogonie le CHAOS primitif. Placez un point au milieu et vous obtenez la Lumière créatrice, la Lumière existant en soi, la radiation initiale qui part immédiatement de partout dont le résultat est la circonférence du cercle. Nous obtenons le Grand Agent Primordial, le Delta Lumineux, le G.A.D.L.U. qui s’oppose à lui-même pour engendrer d’abord les idées, les formes et, progressivement, les apparences compactes. Nous nous référons ici à Genèse I,1-5 « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. Or la terre était vide et vague, les ténèbres couvraient l’abîme, un vent de Dieu tournoyait sur les eaux. Dieu dit « que la lumière soit » et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara la lumière et les ténèbres. Dieu appela la lumière « jour » et les ténèbres « nuit ».

Continuons avec le cercle. Les dérivés de la substance primordiale, symbolisée par le cercle et  appelée ALUN par les Alchimistes, sont nombreux et prennent le nom de Sels. Selon O. Wirth l’alun, selon un jeu de mots, personnifie l’un ou le cercle, i.e, à la fois le chaos primitif et l’éther.

Si nous partageons le cercle en deux à l’aide d’un trait horizontal, nous obtenons un Firmament séparateur des Eaux Supérieures des Eaux Inférieures ( Genèse I,6-10 : « Dieu dit : « qu’il y ait un firmament au milieu des eaux et qu’il sépare les eaux d’avec les eaux » et
Dès lors, le chaos indéterminé auquel nulle qualité ne pouvait être attribuée, n’existe plus. Cette barre horizontale donne au zéro la valeur d’une SUB-STANCE, pas encore sensible mais intelligible , et fait que tout ce qui existe a son Ciel (principe spirituel) et sa Terre ( principe matériel), possède une double influence interne, deux tendances opposées ( pôle positif, pôle négatif, Yin, Yang, le Soleil et la Lune, les Colonnes Jakin et Boaz)) qui permettent au Cosmos de se dégager du Chao ( Ordo ab Chao ).  En résumé, le SEL :
-         est à la base de tout ce qui prend forme, c’est-à-dire l’homme nouveau que veut devenir l’impétrant,
-         est le principe stabilisateur des corps, sa substance devient le corps de la Pierre que le Sage apprend à extraire et à travailler en essayant de dégager le subtil de l’épais, première leçon que nous donne le Cabinet de Réflexion, et que le néophyte mettra symboliquement en application quand il frappera sur la Pierre Brute,
-         est à la base de tout engendrement grâce à l’action combinée du Soufre et du Mercure que nous allons maintenant étudier en commençant par le MERCURE..

Poursuivons notre étude du cercle ; ajoutons au dessus un demi-cercle ou croissant avec les pointes en haut, allusion évidente au croissant de Lune. 
Développons notre étude du cercle en traçant sous le cercle une croix. Elle est composée, je vous le rappelle, d’une branche verticale, branche active, et d’une branche horizontale, branche passive, exprimant ainsi une idée de fécondation, l’idée pénétrant dans l’intelligence réceptive et la fécondant, l’union du Yin et du Yang, le « deux fait un » des évangiles gnostiques. Maintenant associons ces trois figures :
- d’abord un cercle
- sur le cercle un croissant avec les pointes en haut
- sous le croissant une croix.
Nous  obtenons le symbole du MERCURE.

C’est un symbole complexe qui peut être étudié de différentes façons :
- 1° nous visualisons un cercle sous lequel il y a une croix ; nous obtenons ainsi le symbole de Vénus. Il nous signale l’existence d’une substance renfermant en germe des énergies vitales destinées à se déployer dans la sphère de la matérialité soumise à de perpétuels changements, on pourrait dire qu’il s’agit de la chute de l’Esprit dans la matière, de l’involution.
- 2° nous ne voyons qu’un cercle surmonté d’un croissant pointes en haut c’est le Symbole du Sel Alkali dont la signification renforce ce qui a été dit précédemment : tout doit rentrer dans le courant de l’évolution.
- 3° nous faisons appel à la croix qui est l’indice de la fécondation et qui est placée sous le cercle  lui-même surmonté du croissant. Nous obtenons le symbole de la « Matière première des Sages » qui est prête à subir toutes les métamorphoses, à réaliser toutes ses potentialités latentes, c’est le passage de la puissance à l’acte. Or cette matière première des sages n’est autre que la pierre brute, l’Apprenti lui-même

En résumé, le Mercure est l’essence fondamentale de la vie des choses, c’est le principe grâce auquel elles se produisent, se développent et se transforment, c’est l’agent universel de la nature, l’intermédiaire indispensable aux différente manifestations de l’existence. Il pénètre tout, relie tout par les liens « d’une secrète sympathie », base de l’intersubjectivité universelle.
 
Si le Mercure fait allusion à ce qui rentre, « se rapporte à l’énergie expansive provenant des influences ambiantes qui se concentrent sur l’individualité », , le SOUFRE, lui, fait allusion  à ce qui sort. Il est le « Feu réalisateur » emprisonné dans chaque être, il symbolise l’ardeur vitale, le principe constructeur de tout organisme. Quand St Jean (X,33) déclare « N’est-il pas écrit dans votre loi : J’ai dit vous êtes des dieux » il fait allusion à la Lumière Créatrice enfermée, emprisonnée dans tout homme et que le Néophyte doit apprendre à découvrir en la dégageant des différentes écorces qui l’empêchent d’être efficace. Et les caractères alphabétiques : V.I.T.R.I.O.L. prennent tout leur sens. Ils invitent le Franc-Maçon à plonger au plus profond de son être pour sentir qu’il n’est pas le fruit du hasard et de la nécessité, mais bien un élément conçu pour participer à la construction d’une œuvre qui le dépasse puisque sa mise en route ne dépend pas de lui mais du GADLU. Seule lui reste la possibilité, en respectant le Tracé qui lui a été confié, d’inscrire ses efforts,  dans le monde qui l’entoure pour le marquer de son empreinte, devenant ainsi le collaborateur de la Lumière Créatrice, découvrant que le divin qu’il est et le divin qui est dans l’univers ne sont qu’un.      

J’ai précisé au début de cette planche qu’elle était pour moi une façon de comprendre ma démarche initiatique. Celle-ci repose en fait sur le constat qu’il existe dans l’homme un dynamisme, d’un élan qui le pousse à agir, à réaliser une oeuvre et le miroir présent dans le cabinet de réflexion est là pour me rappeler que la F.M. m’aidera  à mettre à jour ce qui est en moi, ce que je dois voir en moi, à comprendre que la lumière que je cherche est en moi. Le soufre, le mercure et le sel, qui symbolisent dans leur unité l’unité que je suis en tant qu’esprit, âme et corps, me révèlent que je suis l’aboutissement de la création. Je deviens le MIROIR dans lequel l’Esprit créateur, le GADLU, se reconnaît et se contemple. Mais je ne peux remplir cette fonction de miroir que si mon ego, ma rationalité, mon mental,consentent à lâcher prise. Ils refusent d’accepter de jouer les seconds rôles, de  la reconnaître qu’ils ne maîtrisent rien du tout, qu’ils sont agis par quelqu’un qui est notre être essentiel.

Je rejoins ici la problématique soulevée à  notre époque par le développement des sciences, en particulier de la physique quantique : celle de l’existence d’un domaine intermédiaire dans lequel le physique et le psychique sont mêlés en une indissociable unité, dans lequel l’esprit se matérialise, dans lequel la matière se spiritualise, stipulant ainsi qu’il existe d’autres formes de connaissance et d’action que celle de la conscience personnelle  du monde profane. Il s’agit de se projeter dans une dimension où le moyen de l’actualisation, de la réalisation, n’est ni l’esprit ni la matière mais ce domaine intermédiaire de réalité subtile qui ne peut être exprimé que par ce qui n’est ni abstrait, ni concret, ni rationnel, ni irrationnel, ni réel, ni irréel mais chaque fois les deux, c-à-d le SYMBOLE que Christophe Levalois définit ainsi dans son étude intitulé « Symbolisme de la  décapitation du Roi » : Le symbole manifeste une idée et l’affirmation d’une force. Il est, de plus, universel, c-à-d il établit un lien entre l’acte et l’idée et les différentes dimensions de notre univers. Donc, il relie et s’avère ainsi une clef qui permet à notre compréhension d’aller au-delà des apparences et au-delà du monde sensible  

Pour conclure et pour résumer, je citerai Irène Mainguy : « Ce ternaire alchimique, sel, soufre, mercure réunis dans le cabinet de réflexion, n’est pas immédiatement parlant au récipiendaire, ignorant qu’il est de toutes connaissances hermétiques. Selon l’hermétisme ( qui a rapport au grand œuvre et à la transmutation des métaux) tout se compose de soufre, de mercure, de sel ; ces trois principes se rapportent :
- à l’énergie expansive inhérente à toute individualité,
- à cette même énergie provenant des influences ambiantes qui se concentrent sur l’individualité,
-  à la sphère d’équilibre résultant de la neutralisation de l’action sulfureuse centrifuge ( qui tend à s’échapper vers l’extérieur) et de la réaction mercurielle centripète ( qui tend à revenir au centre ) pénétrante et compressive.

V.M. J'ai dit.

J\ D\

Bibliographie 
: Irène Mainguy, Guy Piau, O.Wirth, C.G.JUNG, R.Guénon, et Internet

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