GLMMMl Loge : Sobek-Ré - Orient de Nimes. Date : NC


Soufre, Mercure et Sel

Pour apprendre à penser, il faut s'exercer à s'isoler et à s'abstraire. On y parvient en rentrant en soi même, en regardant au-dedans, sans se laisser distraire par ce qui se passe au dehors. Les anciens ont comparé cette opération à une descente aux enfers. Il s'agit, pour le penseur, de pénétrer jusqu'au centre des choses afin de parvenir à en connaître l'essence intime. L'esprit doit s'emprisonner dans les entrailles de la terre oit ne s'infiltre aucun rayon du jour extérieur. Il faut visiter l'intérieur de la terre, de sa terre, pour, après rectification, y trouver la pierre cachée. C'est à cette opération qu'est invité le profane lorsqu'il est introduit dans le cabinet de réflexion. S'offrent alors à ses yeux de multiples symboles, riches de sens cachés, outils destinés à l'ouvrier - à l’œuvrier - qu'il a vocation à devenir. Parmi ceux-ci, trois d'entre eux, parce qu'ils se rattachent à une Tradition aussi ancienne qu'hermétique, retiennent l'attention : il s'agit du soufre, du mercure et du sel.
Tous trois sont en effet proposés à la réflexion du profane : le Soufre et le Sel sous leur forme matérielle, le Mercure sous l'apparence du coq attribut d'Hermès.

En effet , « cet oiseau » dit Fulcanelli dans son ouvrage « les demeures philosophales et le symbolisme hermétique dans ses rapports avec l’art sacré et l'Esotérisme du Grand oeuvre « , qui annonce le lever du jour et de la lumière, l'aurore, exprime l'une des qualités du vif argent secret. C'est la raison pour laquelle, le coq, héraut du soleil, était consacré titi dieu mercure et figure sur nos clochers d'églises ». Il est le signe exotérique de la lumière qu'il annonce et que va recevoir le récipiendaire. Trois sont donc, pour les alchimistes, les éléments du Grand Oeuvre : le Soufre, le Mercure et le Sel.  .
On a souvent répété que les alchimistes travaillaient      en aveugles, c'est une grave erreur. Ils avaient des théories très rationnelles oui, d'origines très anciennes, se sont maintenues à peu près sans altération jusqu'au XVIII'''siècle. A la base de la théorie hermétique, ou trouve           : une grande loi : l'Unité de la Matière. La matière est une, mais elle peut prendre diverses formes et sous ces formes nouvelles se combiner en elle-même et produire nouveaux corps en nombre indéfini. Cette matière première était encore appelée semence, chaos, substance universelle. Sans entrer dans plus de détails, Basile Valentin pose en principe l'unité de la matière « toutes choses viennent d'une même semence, elles ont toutes été à l'origine enfantées par la même mère (Char de triomphe de l'antimoine). Sendivogius, plus cornu sous le nom de Cosmopolite, est plus explicite dans ses « lettres » « les chrétiens, dit il, veulent que Dieu ait d'abord créé une matière première ... et que de cette matière par voie de séparation, ayant été tirés des corps simples, qui ayant ensuite été mêlés les uns avec les autres par voie de composition servirent à faire ce que nous voyons. Il résume enfin sa pensée dans ces deux propositions :
I.          La production d'une matière première que rien n'a précédé.
II.      La division de cette matière « en éléments et enfin moyennant ces éléments la fabrique et la composition des mixtes ».
Il entend par mixte, toute espèce de corps composé.

D'Espagne complète Sendivogius en    établissant l'indestructibilité de la matière : il ajoute qu'elle ne peut que changer de forme : « tout ce qui porte le caractère de l'être ou de la substance ne peut plus le quitter et par les lois de la nature, il ne lui est pas permis de passer au non être. C'est pourquoi Trismégiste dit fort à propos, dans le Poimandres,  que rien ne meurt dans le monde, mais que toutes choses passent et changent. Naturellement, il admet l'existence d'une matière première : « les philosophes ont cru dit il, qu'il y avait une certaine matière première antérieure aux éléments ».  Cette hypothèse ajoute t’il se trouve déjà dans Aristote. Il examine ensuite les qualités que métaphysiciens ont attribuées à la matière. Barlet
nous renseigne sur ce point : « la substance universelle est toute tout intérieurement sans distinction de genre ou de sexe, c'est-à-dire, grosse, féconde et d‘empreinte de toutes choses sensibles à l'avenir » (Barlet: la théotechnie ergocosmique). Ce qui revient à dire que la matière première ne contient aucun corps en action et les représente tous en puissance.
Généralement, l'on admettait que la matière première est liquide, c'est une eau qui à l'origine du monde était le chaos. « C'était la matière première contenant  toutes les formes en puissance»...

L'hypothèse de la matière première étant la base même de l'Alchimie, il était rationnel d'admettre la transmutation des métaux.
La matière se différenciait d'abord en soufre et en mercure, le sel ou arsenic étant simplement un moyen d'union entre le soufre et le mercure et ces deux principes s'unissant en  diverses proportions formaient tous les corps. « Tout se compose de matières sulfureuses « mercurielles » dit l'Anonyme chrétien. alchimiste grec.

Ces 3 principes ne désignaient en aucune façon des corps vulgaires. Ils représentaient certaines qualités de la matière, certaine ainsi le soufre dans un métal, figure la couleur, la combustibilité, la propriété d'attaquer les autres métaux, la dureté au contraire le mercure représente l'éclat, la volatilité, la fusibilité, la malléabilité. Le Soufre, le Mercure et le Sel ne sont donc que des abstractions commodes pour désigner un ensemble de propriétés. Un métal était il jaune ou rouge, difficilement fusible, on disait que le soufre abondait en lui.
Mais il ne faut pas oublier que le Soufre, le Mercure et le Sel dérivaient de la matière première : « O merveille, le Soufre le Mercure et le Sel me font voir trois substances en une seule matière » ( Lumière sortant par soi même des Ténèbres - Mare Antonio ).
 « Le Soufre, le Mercure et l'Arsenic sont les principes composants des métaux. Le soufre en est le principe actif, le mercure le principe passif, l'arsenic est le lien qui les unit « ( Roger bacon : Breve brevarium de dono dei).

Par analogie, Oswald Wirth propose un tableau dans lequel il associe, le Soufre au triangle, à Brahma, au père, au principe, à l'esprit, à l'Archée et à la Sagesse, le Mercure aux rayons, à Vishriou, au Fils, au verbe, à l'âme, à l'Azoth, à la Force, le Sel aux nuages, à Shiva, au
Saint Esprit, à la substance, au corps, à l’Hyle et à la Beauté. Le soufre est le principe actif de l'alchimie, celui qui agit sur le mercure inerte et le féconde ou le tue. Le soufre correspond au feu comme le mercure à l'eau. Il est le principe générateur masculin dont l'action sur le mercure produit souterrainement les métaux. Il manifeste la volonté céleste (ce à quoi la pluie de soufre de Sodome correspond d'ailleurs curieusement) et l'activité de l'Esprit. Le soufre rouge de l'ésotérisme musulman désigne l'homme universel - qui est aussi représenté par un phénix - donc le produit de l’œuvre au rouge hermétique, Selon une autre tradition ésotérique qui rejoint la première, le soufre symbolise le souffle igné et désigne le sperme minéral. Selon le symbolisme alchimique des mystiques musulmans, l'âme qui se trouve figée dans une dureté stérile doit être liquéfiée, puis congelée, opérations suivies par la fusion et la cristallisation. Les forces de l'âme sont comparées aux forces de la nature : chaleur froid, humidité sécheresse.

Dans l'âme, les forces correspondantes sont en relation avec deux principes complémentaires, analogues au soufre et au mercure de l'alchimiste. Dans le soufisme, le mercure désigne la plasticité de la psyché et le soufre l'acte spirituel. Pour Ibn Arabi, le soufre désigne l'action divine et le mercure la nature dans son ensemble. Toute l'alchimie taoïste repose sur l'idée de la conjonction des opposés (yin et yang, chaud et froid, sec el humide etc) que l'on doit d'abord réaliser si on veut la dépasser pour découvrir la source ultime et « sans nom » de toutes choses. Ainsi doit on unir le plomb et le mercure qui sont tout aussi bien le dragon et le tigre ou le yin et le yang. Cette conjonction suppose d'ailleurs que, non seulement on a conjoint les deux éléments opposés, riais qu'on a réalisé la conjonction de leur propre structure intérieure. Selon le principe du Tai-ghi-tu, tout élément contient en effet son contraire, le yin contient le yang et réciproquement et l'alchimiste taoïste doit savoir les convertir l'un dans l'autre. Toute chose à ce stade est elle-même et son contraire, on arrive à une coincidentia oppositorum (coïncidence des opposés) parfaite qui renvoie elle-même à l'unité la plus profonde de la réalité « antérieure au inonde » et de la « réalité postérieure au monde » du transcendantal et du phénoménal, du céleste et du terrestre, du principiel et de l'humain, c'est a-dire en fin de comptes, de la source inconditionnée et du sans forme avec l'existence mortelle des hommes et le royaume des formes.


De même, pour certains alchimistes occidentaux comme Klunurath Tutoyer ou Blaise de Vigenère, il existe trois mondes : le matériel, l'humain, et le divin. Dans le monde matériel, nous avons le soufre, le mercure et le sel, principes de toute chose et une matière. Dans le inonde humain eu microcosme, : le corps, l'esprit et l'âme réunis en l'homme. Dans le monde divin, trois personnes en un seul Dieu. « Ainsi est Trinité eu unité et unité en Trinité, car là sont corps, esprit et âme. Là aussi est soufre, mercure, arsenic » (Bernard Le Trévisan : la parole délaissée).Le Grand Oeuvre a par suite un triple but : dans le monde matériel, la transmutation des métaux pour les faire arriver à l'or, à la perfection. Dans le microcosme, le perfectionnement de l'homme mortel ; dans le monde divin, la contemplation de la Divinité dans sa splendeur. D'après la seconde acception, l'homme est l'Athanor philosophique où s'accomplit l'élaboration des vertus, c'est dans ce sens selon les mystiques qu'il faut entendre ces paroles « Car l’œuvre est avec vous et chez vous, de sorte que le trouvant en vous-même, où il est continuellement, vous l'avez aussi toujours, quelque put que vous soyez, sur terre et sur mer » ( hennés : les 7 chapitres).
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Les alchimistes mystiques entendaient par Soufre, Mercure et Sel, la Matière , le Mouvement et la Force. Le Mercure, principe passif et femelle, c'est la matière. Le Soufre, principe actif et mâle, c'est la force qui façonne la matière et lui donne toute espèce de formes par le moyen du mouvement qu'est le Sel. Le Sel, c'est le moyen terme, c'est le résultat de l'application de la force à la matière, symboliquement, c'est le nouvel Être qui prend naissance par l'union du mâle et de la femelle. Le Soufre et le Mercure, principes males et femelles étaient symbolisés par un homme et une femme, ordinairement, un roi et une reine. C'est ainsi qu'ils sont représentés dans le Grand Rosaire imprimé au tome 2, page 243 de l'Anis Auriferae. C'est encore sous le symbole du roi et de la reine qu'ils sont représentés au premier symbole des douze clés de Basile Valentin, page 393 du Museum Hennétictun. L'union du roi et de la reine constituait le mariage philosophique. « Sois averti, mou fils, que votre oeuvre est un mariage philosophique qui doit être composé de mâle et de femelle » . (Philippe Rouillée - Abrégé du Grand oeuvre).
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C'est à proprement parler après ce mariage ou union, que la matière prenait le nom de Rebis ; on symbolisait Rebis par un corps humain surmonté de deux têtes, une d'homme et une de femme. Cet hermaphrodite chimique est commun dans les traités hermétiques. On la trouve notamment en tête du « De Alehimia operctda complura » puis dans te «Usatorium Spagyricum ». Le signe de l'hermaphrodite exprime ainsi le retour à l'unité originelle, à la totalité du monde maternel et paternel dans sa perfection divine où se dissolvent toutes les oppositions. De ce point de vue, le mariave sacré, le « hierosgamos » grec, symbolisait l'union créatrice du ciel et de la terre, de l'élément masculin et de l'élément féminin, du dieu et de la déesse et s'exprimait rituellement par l'union charnelle du roi avec une prêtresse qui incarnait la déesse ou plus généralement, l'élément féminin du inonde.

C'est de cette façon que l'on pouvait garantir la fertilité et l'ordre cosmique pour l'année à venir et il en allait de même en Mésopotamie lors de la fête qui marquait le début de l'an nouveau. La dualité originelle de «Sol » et «Luna » (du soleil et de la lune), de Mars et de Vénus, etc. se résout alors dans le mariage chimique, idée que l'on retrouve chez les gnostiques autour de l'union de «Sophia » (la sagesse) et de « Dynamis » ( la force) et qui s'est transmise sous une nouvelle forme dans l'alchimie. C'est à ce labeur patient, à ce grand oeuvre matériel et microcosmique, à ces « noces chimiques » que nous invite la présence dans le cabinet de réflexion du Souffre, du Mercure et du Sel afin que soit purifié et réuni dans radiante humain ce qui a été séparé car « ce qui est en bas est comme ce qui est en haut et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas. Par ces choses se font les miracles d'une seule chose.

Et comme toutes les choses sont et parviennent d'Un, par la médiation d'Un, ainsi toutes les choses sont créées de cette chose unique par adaptation « (Hermès Trismégiste : la Table d'Emeraude ».

J’ai dit

Jean-Pierre FIRMIN

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