Obédience : NC Loge : NC 10/09/2007


Anarchie et Maçonnerie

L’assemblage de ces deux mots peut paraître contradictoire et même sans commune mesure, c’est au moins l’opinion du plus grand nombre. Il est vrai que l’idée que s’en font les gens, a été forgée au 19ème siècle, par une littérature et une presse abondantes mais pas toujours objectives, contribuant ainsi à installer une légende qui ne reflète pas la réalité. Pour être honnête, cette légende repose sur des faits indéniables. Pour l’anarchie, il s’agit de bombes, d’attaques de banques et de meurtre d’un président de la République (Ravachol, Gorgulof et la fameuse bande à Bonnot). Pour la maçonnerie elle est perçue comme étant l’antichambre de Lucifer, le lieu de messe noire, glorifiant Satan et magouillant dans les allées du pouvoir (lire les textes de Taxil et de Barruel sans oublier l’affaire des fiches, disons en passant que la maçonnerie ce jour là a commis une grosse bourde).

C’est le premier point de rapprochement de ces deux mots, dans l’esprit populaire tous deux sont connotés négatifs. C’est un premier regard qui cache une autre réalité.

L’anarchiste, est une personne qui estime qu’elle est capable de se prendre en mains pour avancer dans la Vie, et que tout pouvoir collectif est une atteinte à son intégrité, une limitation à sa liberté et pour le plus extrême, une manière d’aliénation. Mais sa liberté n’est ni la licence, ni l’égoïsme, mais plutôt une façon de se positionner dans la société en respectant les autres et en connaissant les limites qu’il ne faut pas dépasser pour ne pas empiéter sur celle des autres. Il n’est pas asociale, bien au contraire car il peut remettre en cause tout pouvoir qui limite les pratiques des individus, considérant que ces pouvoirs ne venant pas du plus grand nombre mais d’une minorité désireuse, d’asservir le plus grand nombre à ses vues. Pour exemple je choisi la fameuse phrase : « Ni dieu ! Ni Maître ! » Que généralement on interprète comme la négation de toute forme de croyance ou de système de société, alors qu’il faut y voir simplement la volonté personnelle de l’anarchiste de choisir ses dieux ou de ne pas choisir, et de même pour ses maitres. L’anarchiste rapporte tous choix à sa vision de la société idéale. Société où les individus seraient libres d’agir, de choisir et de décider ce qui serait le mieux pour eux et par extension pour la société humaine. L’anarchiste espère en une société idéale sans contraintes et donc sans conflits où l’homme atteignant la Sagesse serait capable de vivre en harmonie avec lui-même. C’est une philosophie de la vie proche de l’utopie. Mais dans toute philosophie, une lecture trop littérale faite par des Individus impatients, conduit inévitablement à des excès. Cela étant valable pour toute construction humaine voulant réaliser le paradis sur Terre.

Ceci étant dit, on oublie trop souvent que l’anarchie a aussi son ésotérisme, au moins aussi complet que la maçonnerie. Cet ésotérisme vient en grande partie de sociétés initiatiques comme les Charbonniers ou les Fendeurs de bois. Sans vouloir trop développer, il y a chez l’anarchiste, un retour ou plus exactement une remise en vigueur des cultes païens d’antan, cultes qui furent balayés par l’installation triomphante de l’Eglise. Il y a chez l’anarchiste, la croyance aux valeurs qui se dégage de la connaissance de la Nature, c’est une recherche d’Harmonie et même de communion. Sans oublier de souligner que le culte païen, avait pour lieu de célébration la Nature (les Charbonniers, étaient rejetés par la ville dans les tréfonds de la forêt).

Pour l’anarchie, l’Homme est au dessus de la Société, et sa philosophie est toute entière dans sa maxime : « Rien de ce qui est Humain ne n’est étranger ! »

Voyons si avec la maçonnerie un deuxième rapprochement est possible. Déjà, comme philosophie de l’homme, la maçonnerie se rapproche de la philosophie anarchiste. Le progrès de l’humanité passe par le progrès individuel de l’Homme, par la liberté de conscience, par le respect de soi même mais surtout des autres avec aussi une recherche de la place de l’Homme dans la société. L’Initiation maçonnique ayant comme but, la réalisation d’un Homme complet, capable de juger par lui-même, interrogeant constamment la Société sur son fonctionnement, et proposant si besoin est, des apports positifs afin d’améliorer la place de l’individu dans les structures sociales. Tirer par le haut, c’est un des buts maçonniques, en garantissant la liberté d’expression de tous, car sachant que la réalité n’est pas unique mais multiple. Ce progrès humain s’appuie lui aussi sur un socle ésotérique, mais tout comme l’anarchie nous avons eu aussi nos impatients, bien décidés à réaliser tout de suite les transformations utiles à la concrétisation de l’Idéal Maçonnique. Je parle des Illuminés de Bavière tout comme les Carbonari qui pensaient que la violence pouvait accélérer le processus. Tout casser pour reconstruire !

Pour la Maçonnerie l’affirmation qui résume une grande partie de sa philosophie est celle ci : « Un maçon Libre dans une Loge Libre ! » Deuxième point de convergence. Le dernier point, et pas des moindres, c’est l’interpénétration des deux philosophies avec l’exemple de Bakounine, théoricien de l’anarchie et qui fut pendant trente cinq ans maçon sans oublier une grande figure des deux philosophies, notre frère Léo Campion fondateur au sein du GODF d’une loge anarchiste.

La Pierre d’achoppement étant la grande méfiance de la société profane vis-à-vis des deux systèmes de pensées. De tous temps les pouvoirs en place, ont eu des réactions plutôt négatives, sachant que si elles prenaient trop d’emprise sur la société profane, c’est leur pouvoir qui serait en péril. C’est la raison qui les a poussés à décrier et l’anarchie et la maçonnerie, les présentant comme anti social et dangereuses.

Deux philosophies, prônant et prenant en compte le devenir de l’homme, l’espérance d’une société parfaite sans contraintes avec un imaginaire reposant sur la perfectibilité de l’individu et par delà de la société.

P\ L\

LUX EX TENEBRIS


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