GODF Loge : Fraternité Cauchoise Date : NC


Similitudes et Symbolique

entre Rituels Maçonniques et Tauromachiques

PREAMBULE
Pourquoi une planche sur la tauromachie ici en plein pays de Caux, simplement parce que la première représentation de l’ancêtre de la corrida a été faite au Havre lors de la venue de Napoléon III et d’Eugénie de Montijo en 1853.
Ensuite, c’est une institution née au début du 18ème siècle comme la franc maçonnerie et en dernier lieu elle est universelle car la corrida a droit de cité en France, en Colombie, au Mexique, au Portugal et en Espagne bien sûr.
Cet essai, sans me prendre pour Montaigne, n’est pas de faire l’apologie de la corrida mais de vous emmener en promenade sur le chemin de notre rituel et de s’arrêter là ou le sentier croise celui de la tauromachie

Le 5 juillet 2008, notre Grand Maître, attendu dans le cadre des festivités de l’Armada à Rouen livrait ses impressions aux quotidiens locaux.
Il développait notamment notre récente volonté d’ouverture pour casser cette image négative de la Franc Maçonnerie liée aux fantasmes et au secret maçonnique. « Soyons fiers d’être maçons et expliquons ce que nous faisons! »
Je suis fier d’être maçon et je suis aussi fier de partager ma passion de la tauromachie avec tous ceux et celles qui l’aiment dans cette communion de fin d’après midi quand la chaleur s’attarde, le soleil se fait rasant sur le temple dédié à cet art de l’éphémère qui participe à la double tragédie du fauve et de l’homme.

Ce symbolisme du temple rejoint dans les deux approches la ritualité maçonnique et tauromachique. De même, qu’en maçonnerie, sans rituel, il ne peut y avoir de tenue, dans une arène, il ne peut y avoir de corrida, sans rituel!

Ainsi, le rite de la mise à mort du taureau, s’accomplit dans un temps défini, dans un ordre précis lié au ternaire. Tout cela se déroule selon des règles strictes, dans un espace circonscrit, en un lieu bien particulier.

Cette description n’est elle pas la base d’un rituel ?

Ce rite et cela est très important pour comprendre la corrida, se place au carrefour de la nature, de la société, de la culture et de la religion.
Frédéric Garcia Lorca donnait une définition que je ne partage pas car elle ne respecte pas le taureau, mais je vous la livre pour son symbolisme: « Dans le rituel de la corrida s’écrit, de façon publique et solennelle, la plus haute victoire des plus hautes vertus humaines sur les bas-instincts, la supériorité de l’esprit sur la matière, de l’intelligence sur l’instinct, du héros souriant sur le montre écumant ».
C’est dans l’adolescence, que commence l’apprentissage, souvent entre 14 et 17 ans, l’apprenti toréro combat des jeunes taureaux de moins de trois ans, des « bécéros » et sans picador.

A force de volonté, de courage, de travail, de coup de cornes, il passe au degré supérieur, au 2
ème, il va combattre des « novillos » de 3 ans avec picadors et affirmer son titre de « novillos compagnon ». Il accède enfin, au 3ème degré où le mène sa passion.
Avant d’arriver, à ce combat décisif, angoissant, dangereux, l’impétrant, dans son « alternative » son passage ou son élévation au statut de matador, le « maestro » aura accepté de mourir dans l’arène.
Loin d’être une fin en soi, au contraire cela va être pour le jeune « matador de toros » une nouvelle quête un autre cheminement, pour acquérir cette grâce et cette assurance
qui domine sa peur à l’approche du duel.

Revenons à l’intronisation au 3
ème grade, un toréro déjà confirmé, maître et reconnu comme tel, assisté d’un parrain, lui remettra par une gestuelle particulière sur le bras gauche la « muleta » et son « épée de mort » dans un silence complet, devant des spectateurs émus.
Le « maestro » termine la cérémonie par un petit discours personnalisé, secret et à voix basse.
Puis c’est l’étreinte fraternelle suivie d’une franche et chaleureuse accolade!
Malgré une certaine compétition entre eux, il règne une grande solidarité et une grande fraternité.
Ils se doivent assistance et protection quand l’un d’eux se trouve en danger.
Cela n’éveille-t-il rien en vous, mes frères?

Pour certain à midi pour d’autres à la « cinco de la tarde »pour les francs maçons après l’acclamation, les travaux sont ouverts, nous prenons place, le paséo lui entre dans l’arène, la colonne d’harmonie et la banda officielle font assaut de virtuosité, la musique flamboyante de Mozart est couverte par la « furia flamenca » d’un paso doble d’anthologie.

La loge présidentielle a donné le feu vert, trois personnes y ont pris place, un président et deux assesseurs (il en est de même à l’orient).
Sur le sable, se présentent deux alguazils à cheval, en habit noir, ce sont eux qui veillent au bon déroulement de la corrida, en faisant respecter les règles et les codes, le ,rituel tout simplement.
Les « cuadrillas » s’avancent vers la tribune officielle, elles sont trois, à la tête de chacune un matador suivi par trois péones pour les banderilles un valet d’épée, les deux picadors, cela fait sept.
Oserai-je dire alors que l’arène est juste et parfaite!

Débute la première partie du ternaire: le tercio de pique pour évaluer le toro, son comportement son angle d’attaque, corne gauche, corne droite.

La deuxième partie ou « tercio de banderilles » en moyenne trois paires.
Troisième partie ou « faëna de muleta » ‘et le combat avec le taureau jusqu’à sa mort.
Essayer face au taureau, face à sa peur, de mettre en place le « temple » synchronisme qui s’établit entre la force brute de l’animal, sa beauté et le rythme de l’étoffe rouge, prolongement de la main qui entraîne la bête dans une harmonieuse lenteur, sur une cadence exquise.

Grâce à ce temps suspendu, une arène achève de devenir lieu sacré, temple voué au rite taurin où se déroule une cérémonie sacrificielle.
Toréro et fauve s’écartent de nous et s’enferment dans un dialogue qui ne concerne plus qu’eux.
Enrique Ponce, presque Grand Maître des toréros confie dans un entretien « ce sont les bons taureaux qui t’encornent, tu construis avec eux une oeuvre plein e de sentiment, et tu arrives à croire qu’il n’y a plus de place pour le risque.
L’on a beau vivre un moment d’extase, il importe de garder à l’esprit, le comportement- du fauve et de contrôler autant que possible cette griserie »

Une impeccable musicalité émane de ses élans soutenus, de cet assaut quasi ininterrompu dont les variantes d’interprétation semblent fournir un équivalent en tauromachie aux variations du violon de Saint Georges.

Bien que toute puissante sous le splendide aspect d’un taureau de combat, la MORT, provisoirement soumise, voire complice, permet à l’homme d’être reçu dans une sorte de frange de la vie, le fil de rasoir ou de la « navaja » Eros rayonnant faisant reculer thanatos.
Et puis il y a l’ « adulto », cette grâce gagnée par le fauve, moment ou la perfection effleure de ses doigts les deux protagonistes, la mise à mort simulée du plat de la main rend au taureau sa liberté pour transmette ses qualités, il passera du statut de taureau de combat à celui de « semental »
Je voudrais citer le sentiment que nous livre Françoise Gilot (ex femme de Pablo Picasso)
« La corrida est un spectacle qui ne s’explique pas, on s’y implique, mais on ne l’explique pas.
Il refuse l’idéologie
La corrida dit ce qu’elle a à dire sans mots, c’est un art du silence, c’est comme une peinture venue d’ailleurs ».

En cette fin d’après midi sévillane, les bruits ne montent pas jusqu’à la petite chambre de l’hôtel ou se recueille le jeune toréro.

Dans ce cabinet de réflexion, face à l’autel improvisé, souvent dédié à la vierge, il est seul face à son reflet, ses doutes, avant d’affronter la mort, dans son habit d’or réfléchissant la lumière pour une initiation toujours renouvelée

J’ai dit Vénérable Maître


J\M\ T\

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