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Les Fondamentaux du RER
1 - l'ésotérisme chrétien du RER

Chacun d'entre nous a bien entendu gardé mémoire;-) de mon cycle de conférences;- concernant l'histoire du RER. Vous m'avez fait l'honneur de me demander, cette année, d'approfondir l'éducation de nos FF AA – et eux seuls;- en leur rappelant -car ils ont tous passé leur été à apprendre par cœur le rituel ;-)- ce que j'appelle les fondamentaux du RER;

Car à quoi sert-il de connaître l'histoire si l'on ne sait pas de quoi ? De plus, le fonds de notre rite est d'autant plus important à pénétrer qu'il est la plupart du temps méconnu, quand il est connu mal compris, quand il est compris, mal interprété, parfois contesté, voire dévoyé;- parfois par ceux-là mêmes qui le pratiquent !

A noter que nous avons la prétention d'être le seul Rite à connaître ces conflits plus ou moins feutrés.

Je n'aurai pas celle de détenir une quelconque vérité sur le sujet, ne serait-ce que parce que convaincu que l'humilité est –ou devrait- en être l'une des vertus essentielles. Aussi ce qui suit doit être entendu comme étant perception purement personnelle, même si elle s'appuie sur de très saines lectures (j'y reviendrai)…

Puisque vous m'avez autorisé un rythme ternaire, je répartirai à votre bon vouloir une savante gradation du politiquement correct à l'essentiel.

Ce soir, je me contenterai donc d'aborder le politiquement correct, qui ne prête à aucune contestation, même si je cours le risque de démythifier voire démystifier quelques idées reçues : l'ésotérisme chrétien propre au RER, tout entier contenu dans sa doctrine.

En effet, la principale spécificité de notre Rite et peut-être plus encore de notre Régime, avec sa classe chevaleresque ("l'aubier de l'arbre dont la FM est l'écorce" dixit ?), est de s'appuyer sur une doctrine -même si le mot fâche certains maçons, alors qu'étymologiquement, il n'a que le sens "d'enseignement". Or, toute la Maçonnerie est faite d'enseignements. Et singulièrement la Maçonnerie rectifiée, où cet enseignement est en quelque sorte le fil conducteur qui guide ses membres tout au long de leur parcours initiatique.

C'est que l'enseignement dispensé là est d'une nature particulière.

Le Régime présente en effet la particularité remarquable, et probablement unique, de posséder en propre une doctrine de l'initiation, explicitement formulée et méthodiquement enseignée, grade par grade. Ainsi, en même temps qu'il fait avancer ses membres dans la voie de l'initiation, il leur dispense un enseignement théorique en forme de discours pédagogique sur le sujet de même de cette initiation.

Cet enseignement – issu de la cosmogonie de Martinez de Pasqually - peut se résumer en 4 points:

1°) L'homme a été créé à l'image et à la ressemblance divine, et dans "l'état primitif glorieux" qui était alors le sien, il jouissait de l'immortalité et de la béatitude parfaite, parce qu'il était en "communication" directe et constante avec le Créateur, "en unité" avec lui, disent nos textes. C'est ce qu'exprime l'adjectif "glorieux", qui est à prendre dans le sens plénier qu'il a dans l'Ecriture, où la "gloire" manifeste la présence immédiate et lumineuse de Dieu.
Pour mémoire, pour tout Maçon "régulier", travailler à la Gloire du Grand Architecte de l'Univers, c'est travailler en présence de Dieu Créateur.
L'homme premier, revêtu de la lumière divine, c'est-à-dire participant aux "vertus et puissances qui sont dans l'essence divine" – et y participant sans être lui-même d'essence divine - avait pour destinée d'être le roi de cet univers créé par Dieu.

2°) Cet homme, par une décision de sa libre volonté, s'est détourné et séparé de son Créateur, et a donc chuté. En conséquence, il a perdu la ressemblance divine. Cependant l'image divine en lui subsiste inaltérée, parce que l'empreinte de Dieu est inaltérable. Cette image est déformée, devenue difforme, et c'est ce que symbolise le passage de l'Orient à l'Occident, de la lumière aux ténèbres, de l'unité à la multiplicité : Adam chassé de ce lieu de lumière et de paix complète qu'était le Paradis terrestre - sachant que le Paradis terrestre n'est en réalité pas un lieu, mais un état d'être.

Cet homme coupé de son origine, Dieu, de son "vrai Orient", Willermoz, à la suite de Martinez, l'appelle l'homme "en privation". Et cette privation est absolue. Elle entraîne un double châtiment, châtiment exigé par la justice divine, mais auquel l'homme s'est condamné lui-même. Le premier est que l'homme n'est plus "en unité" avec Dieu, en communication immédiate et constante avec lui. C'est ce que nos textes désignent par la "mort intellectuelle" - étant entendu que, dans la langue du temps, "intellectuel" veut dire "spirituel", incorporel : nous dirions maintenant que l'homme déchu est en état de "mort spirituelle".

Mais il a encouru encore un deuxième châtiment. La mutation ontologique radicale que la chute de l'homme a provoquée en lui se manifeste aussi par le fait que le corps glorieux dont il était initialement revêtu, corps de lumière, "corps spirituel" (Corbin), se changea en un "corps de matière sujet à la corruption et à la mort". De sorte que, condamné à la mort spirituelle, il l'est de surcroît à la mort corporelle.

Dans cet état, il se trouve désormais pourvu d'une double nature : sa nature spirituelle, par laquelle il demeure image de Dieu, et qu'il a conservée ; et la nature "animale corporelle" que lui a value sa chute, et qui l'assimile aux "animaux terrestres". Et il est en proie à d'affreux tourments. Comme être spirituel, aspirant par toute sa nature à l'unité avec Dieu, il souffre indiciblement de sa rupture avec lui. Comme être animal, il est devenu l'esclave des sensations et besoins physiques et le jouet des forces et des éléments matériels. Enfin, comme être double, à la fois spirituel et animal, il est déchiré et écartelé par l'antagonisme entre les aspirations et tendances contraires de ses deux natures.

Tragique est donc notre condition, mes FF.

3°) Cependant, nous avons la chance, au Régime Rectifié, que cette privation absolue qui eût dû, selon la justice divine, être définitive, ne le sera en réalité pas, à cause de l'entrée en jeu de la miséricorde ou clémence divine, laquelle se déploie aussitôt que l'homme se repent. Or, se repentir, c'est faire retour sur soi-même, c'est se retourner. C'est se détourner des ténèbres et faire de nouveau face à "l'Orient où se trouve la lumière". C'est se mettre en état de remonter à sa source, à son origine.

Alors, le travail de l'initiation devient possible.

Car l'initiation est un des moyens ménagés par la miséricorde divine - et cela dès après la chute - pour permettre à l'homme de recouvrer son état d'origine en rétablissant en lui la ressemblance à l'image divine, en restaurant en lui la conformité du type au prototype, de l'homme à Dieu.

Comme l'écrit J.B.W. :
" Si l'homme s'était conservé dans la pureté de sa première origine, l'initiation n'aurait jamais eu lieu pour lui, et la vérité s'offrirait encore sans voile à ses regards, puisqu'il était né pour la contempler, et pour lui rendre un continuel hommage."
C'est pourquoi, est-il dit ailleurs, le "vrai, le seul but des initiations" est de "préparer" les initiés à "(découvrir) la seule route qui peut conduire l'homme dans son état primitif et le rétablir dans les droits qu'il a perdus". Texte à rapprocher de celui où Louis-Claude de Saint-Martin (disciple, comme Willermoz, de Martinez) expose que l'objet de l'initiation "est d'annuler la distance qui se trouve entre la lumière et l'homme, ou de le rapprocher de son principe en le rétablissant dans le même état où il était au commencement".

Voilà donc en quoi consiste cette liaison nécessaire entre chute de l'homme et initiation, réelle spécificité du RER. L'initiation est une conséquence de la chute : conséquence non pas fatale mais providentielle ; non pas obligée, mais voulue par la miséricorde divine pour contrecarrer cette chute et en annuler les effets. C'est un secours de la Providence à l'homme qui ne lui a jamais fait défaut tout au long de son histoire, et c'est pourquoi les formes successives que prit l'initiation au cours des temps - et la Maçonnerie en est une - furent en correspondance avec les vicissitudes temporelles de l'homme, sans cesse ballotté entre rechute et repentir.

D'où la nécessité d'un enseignement connexe à l'initiation. Il est destiné à faire prendre conscience à l'homme d'une part de son état présent, et d'autre part de l'état qui était le sien à l'origine, et qui peut redevenir le sien au terme. Le but est évident : produire en l'homme - en l'initié - un changement d'état de conscience, de façon à rendre possible le changement d'état d'être que doit réaliser le travail initiatique. Les deux - état de conscience et état d'être - sont liés. C'est le sens de cette formule de Joseph de Maistre dans son Mémoire au duc de Brunswick : " Le grand but de la Maçonnerie sera la science de l'homme ".
D'étape en étape, de grade en grade, comme à l'intérieur de chaque grade, et cela dès celui d'apprenti, on constate ainsi que l'action rituelle se déroule à la fois simultanément et en continuité sur trois plans en correspondance constante : le passé, le présent, l'avenir ; l'origine et la destination premières de l'homme, son état actuel, ses fins dernières ; l'homme primitif glorieux, l'homme présent déchu, l'homme futur restauré dans sa gloire.

C'est pourquoi le rituel s'appuie sur le thème de la construction du Temple, de sa destruction et de sa reconstruction, qui est la transposition en mode opératif du thème de la ressemblance à l'image, successivement perdue puis retrouvée - car, en dernière analyse, le Temple n'est autre chose que l'homme.
De même, étape après étape, selon une progression pédagogique parfaitement bien agencée, les instructions donnent un enseignement à chaque fois un peu plus poussé et, simultanément, rappellent en l'approfondissant l'enseignement dispensé antérieurement.

De plus tout est indiqué dès le départ. Ainsi, à celui qui n'est pas encore un apprenti, mais un candidat que l'on soumet aux épreuves préalables à sa réception, on délivre la "première maxime de l'Ordre", maxime qu'il aura à méditer sa vie durant :
"L'homme est l'image immortelle de Dieu ; mais qui pourra la reconnaître, s'il la défigure lui-même ?"

D'autre part, la Règle maçonnique donnée à étudier à tous les apprentis les avertit :
"Si les leçons que l'Ordre t'adresse pour te faciliter le chemin de la vérité et du bonheur se gravent profondément dans ton âme (...) tu accompliras ta sublime destinée, tu recouvreras cette ressemblance divine qui fut le partage de l'homme dans son état d'innocence, qui est le but du christianisme et dont l'initiation maçonnique fait son objet principal."

4°) Le quatrième et dernier enseignement de la doctrine est aussi le plus essentiel. Ce rétablissement, cette réintégration dans son "état primitif" et dans "les droits qu'il a perdus", l'homme peut-il l'opérer par lui seul ? Absolument pas. Ce serait, de sa part, se rendre coupable d'une entreprise orgueilleuse similaire à celle qui provoqua sa chute originelle. Cette réintégration, c'est-à-dire ce retour à l'intégrité première, exige la médiation d'un être qui, à l'instar de l'homme, soit doté d'une double nature, d'une part spirituelle, et d'autre part corporelle. Toutefois, à la différence de l'homme actuel, dont les deux natures sont l'une et l'autre "corrompues" par la chute, elles sont, chez cet être, toutes deux dans l'état de pureté, d'innocence et de perfection glorieuse où elles étaient initialement chez l'homme.
Tout le monde comprend de qui il s'agit et qui est ce que nos textes appellent le "divin Médiateur". Ils sont, sur son identité, parfaitement explicites, mais je n'irai pas plus loin dans leur évocation, laissant à chacun le bonheur de les découvrir au cours de son chemin initiatique.

Voilà donc enfin en quoi "l'Ordre est chrétien", et en quoi consiste son ésotérisme !

…mais si cette "mise en équation" de la cosmogonie martinézienne par J.B. WILLERMOZ constitue l'ossature  du système Rectifié rien n'interdit d'aller plus loin dans la réflexion herméneutique.

Ainsi, déjà un simple rappel:

La Maçonnerie a été originellement et est restée durablement chrétienne. Toutes les traces écrites depuis le manuscrit Regius, daté de la toute fin du XIVe siècle (env. 1390) le prouvent.

Au 18ème  siècle, le christianisme est le fondement même de  toute la Maçonnerie. Il n'est alors pas une exception mais la normalité. Lorsque le Pasteur Anderson rédige ses fameuses "Constitutions" en 1723, ce qu'il a en vue, c'est ce christianisme primitif et universel dont saint Augustin avait -le premier avec autant de netteté- eu et formulé l'intuition, et qui se retrouvera chez les fondateurs du Régime Rectifié : Ainsi Joseph de Maistre dans son Mémoire au duc de Brunswick : "La vraie religion a bien plus de dix-huit siècles. Elle naquit le jour que naquirent les jours."

La Franc-Maçonnerie est d'ailleurs demeurée chrétienne dans les Grandes Loges de Suède, du Danemark, de Norvège, partiellement de Finlande, ainsi que d'Allemagne. Chrétienne, la Franc-Maçonnerie l'est aussi encore au sommet de la plupart des Systèmes anglo-saxons, parmi lesquels les grades chevaleresques des Knights Templars, des Chevaliers de Malte , des  Ordres de La Croix rouge de Constantin , du Saint-Sépulcre et de Saint-Jean l'Evangéliste, de l'Ordre Royal d'Ecosse ; de même le Rite Ecossais Ancien et Accepté dans son 33ème degré en Angleterre, en Ecosse, en Irlande et au moins une G.L. États-Unienne , où sont chrétiens également les trois grades de chevalerie qui couronnent le Rite d'York. Tout comme les références chevaleresques, le Christianisme ne semble donc aucunement poser problème pour nos FF anglo-saxons qui vantent l'universalisme et l'esprit d'ouverture –tout comme nous !

Le Christianisme constituerait plutôt le substrat d'une tradition culturelle occidentale que seul en France le RER assume encore intégralement, y compris dans son ésotérisme chrétien qui recoupe bien d'autres hermétismes, dans une démarche aux antipodes de toute forme d'intégrisme…

Par ailleurs, chacun connaît l'apport personnel de JBW dans la rédaction des Rituels, mais on connaît moins les "retouches" discrètes qu'il apporta à ceux issus de Wilhemsbad -en dehors de tout mandat : ajout de la religion chrétienne dans la première question d'Ordre, ajout de la mention du nom de baptême –et de celui du père !- dans les questions aux impétrants, clause de "fidélité à la Sainte Religion Chrétienne" de l'obligation, tout semble aller dans le même sens…

Est-ce le "philosophe inconnu" qui lui inspira cette ultime révision pendant son séjour concomitant à Lyon ? Des notes de Willermoz le suggèrent . En tout cas la dernière version des rituels "bleus" en 1802 témoigne d'une imprégnation Coën jamais atteinte jusque là. Elle ne fut jamais soumise à l'approbation des supérieurs allemands de l'Ordre. Ce sont pourtant ces rituels qui auraient surpris bien des délégués au Convent, que nous utilisons de nos jours, d'autres Régimes Rectifiés francophones étant revenus à la V.O.…

Le 4ème grade achevé en 1809 par Willermoz -alors octogénaire et bien solitaire- constitue une introduction très complète à la doctrine de Martinez et un prélude aux enseignements de la (Grande) Profession, que n'avaient jamais, et pour cause, prévus les députés au Convent… Ces textes étaient l'occasion d'expliciter enfin la filiation spirituelle de l'ensemble de l'œuvre et permettaient à Willermoz d'affirmer "L'Ordre est chrétien, il doit l'être et ne peut admettre dans son sein que des chrétiens ou des hommes libres disposés à le devenir de bonne foi".

Willermoz était certes un chrétien dévot et un catholique "militant", ce que n'étaient ni Martinez ni Saint-Martin, chrétiens eux aussi mais bien peu "orthodoxes". Les rituels qu'il rédigea s'en ressentirent malgré le soin qu'il mît à les rendre acceptables aux luthériens de Strasbourg et d'ailleurs. Vu le personnage, on ne peut s'étonner d'affirmations écrites sous l'Empire telles : "Les Juifs, les mahométans et tous ceux qui ne professent pas la religion chrétienne ne sont pas admissibles dans nos loges" (Instruction finale du quatrième grade) ou encore "L'institution maçonnique, tous les faits le démontrent, est religieuse et chrétienne" (lettre de 1814-1815).

Il était simplement un homme, un homme de son temps, où les Juifs n'étaient que tolérés. Loin de le lui reprocher, je note plutôt qu'il fallut attendre 1809 pour que soit explicitée une exclusion jusque là tacite. Outre son grand âge, j'y verrais aussi la réaction à une situation nouvelle qui rendait plausible ce qui était autrefois impensable : la candidature d'un Juif à l'initiation maçonnique (grâce à notre F. l'Abbé Grégoire, qui en 1791 avait permis au Juifs d'être des citoyens comme les autres).

Or nos rituels symboliques, si on veut bien les lire naïvement sont d'abord des rituels maçonniques entièrement basés sur la construction du temple de Salomon et sa réédification, sans contenu intrinsèquement chrétien. Ce que j'ai pudiquement qualifié de "retouches" sont des ajouts de surface qui ne changent rien ni au fond des rituels ni à leur "efficacité initiatique", ni même à l'économie générale du système, comme le démontre la vie de nos FF Rectifiés "réguliers" d'autres pays francophones qui s'en passent fort bien.

L'exposition de l'évangile de Saint Jean est une constante de la maçonnerie continentale depuis son introduction en France et ailleurs. Quant aux prières elles ne présentent aucun caractère confessionnel et peuvent être dites par tous les Maçons. Qu'en conclure sinon que les grades bleus rectifiés sont exclusivement "vétérotestamentaires" comme leurs homologues des autres Rites. Ce qui bien sûr n'interdit à personne d'en faire une lecture chrétienne…

Willermoz lui-même l'admet dans une lettre à Bernard de Türckheim, frère cadet de Jean (8 juin 1784):

 "Vous ne pouvez nier que les trois premiers grades ne peuvent présenter que des emblèmes et des symboles...tous fondés sur le temple de Jérusalem ou l'Ancien Testament qui lui-même est fondé sur la Loi écrite ou religion révélée qui a succédé à la Loi ou religion naturelle, lesquelles sont désignées dans nos loges par les deux colonnes du vestibule"
L'Instruction finale de 1809 ne dit rien d'autre :
" Tout ce que vous avez vu jusqu'à présent dans nos loges a eu pour base unique l'Ancien Testament et pour type général le temple célèbre de Salomon à Jérusalem qui fut et sera toujours un emblème universel ".

Mais si les grades bleus sont "vétérotestamentaires" et maçonniques, ce cycle est clos par le quatrième grade qui annonce ou plutôt ouvre le cycle chevaleresque chrétien. Les deux Ordres, maçonnique et équestre, articulés par un grade de transition, sont distincts comme le sont le Craft britannique ou l'Ordre des Knights Templar, articulés par le degré intermédiaire du Royal Arch. Dans les faits, le Rite Rectifié s'aligne sur la maçonnerie anglo-saxonne qui offre une série de degrés non-confessionnels et d'autres, chrétiens, ouverts à tous ceux qui en acceptent la spécificité. Rien n'empêcherait donc –en théorie- qu'un maçon reçoive les 4 premiers grades du Rite rectifié et s'abstienne de poursuivre si sa conscience lui fait hésiter à accepter le Christianisme de l'Ordre Intérieur, d'autant qu'aucune autorité "suprême" ne permet de nos jours de définir, voire d'authentifier ce Christianisme, qui peut donc osciller du laxisme à l'intégrisme.

Willermoz écrivait en 1814: "La première des trois questions d'Ordre présentée à la méditation du candidat dans la chambre de préparation est ainsi formulée : quelle est votre croyance sur l'existence d'un Dieu créateur et Principe unique de toutes choses, sur la Providence et sur l'immortalité de l'âme humaine, et que pensez-vous de la religion chrétienne ? A cette question le candidat répond librement tout ce qu'il veut et on ne le conteste nullement. On lui présente les mêmes questions aux deuxième, troisième et quatrième grades et on ne le conteste point sur ses réponses.

Le candidat répond donc librement à la question "sans qu'on le conteste", il peut exprimer une conviction qui ne soit pas celle de son interlocuteur et néanmoins être reçu jusqu'au quatrième grade inclus. Qu'espérer de mieux ?

Vous me permettrez, VM, de conclure – provisoirement - par ma vision encore une fois humblement personnelle, mais que je partage avec de beaucoup plus illustres;- exégètes du "Système RER" :
Résumons nous :

-          le RER est un système maçonnique chrétien. Il n'est pas le premier, il n'est pas le seul.

-          il se réclame d'un christianisme ésotérique, donc par définition hors de toute Église –donc de toute confession-, voire de tout dogme, donc ouvert et parfaitement compatible avec la tolérance maçonnique ( " il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père "…).

-          mais sa démarche initiatique lui permet aussi –et peut-être surtout- d'être un archétype de la Maçonnerie, au point que sans RER, il n'y aurait historiquement peut-être pas de GLNF !

J'y reviendrai, si vous le permettez, tant il me semble important, non pas de proclamer une quelconque vérité, mais dans le cadre d'un "cycle" intitulé "les fondamentaux du Rite Ecossais rectifié" d'approfondir simplement ce pour quoi nous sommes –hic et nunc .

Pour moi, se dire chrétien, c’est d'abord affirmer sa référence à l’Evangile et à la personne du Christ. Jésus-Christ était un juif, mis à mort par les Romains, respectueux de l’enseignement des prophètes qui l’ont précédé, et qui s’est présenté en disant simplement : "mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur." (Matthieu 11, 29) Le suivre, c’est respecter son message et ses appels à la tolérance, à l’accueil de l’autre et au pardon. Le Dieu des juifs, des chrétiens et des musulmans, tous descendants d’Abraham, est un Dieu de bonté et de miséricorde. Le rejet, la haine et le fanatisme religieux Lui sont totalement étrangers. C’est Le trahir et Le blasphémer que de L’invoquer à l’appui des intolérances et des exclusions...

Cet "esprit du Christianisme" aussi évoqué par Camille Savoire ( 33éme REAA ) lorsqu'il réveilla le RER en France en 1910, c’est bien l'esprit du Convent de WILHEMBAD qui, avant les "retouches" de notre père fondateur, affirmait le 16 Juillet I782, :
" La vraie tendance du Régime Rectifié est et doit rester une ardente aspiration à l’établissement de la cité des hommes spiritualistes, pratiquant la morale du Christianisme primitif, dégagée de tout dogmatisme et de toute liaison avec une Eglise quelle qu’elle soit "...

J'ai dit, VM

C\ B\

BIBLIOGRAPHIE succincte

"Histoire des Francs-Maçons en France", dirigée par Daniel LIGOU (chez Privat, plsrs éditions)
Jean TOURNIAC: "Principes et Problèmes Spirituels du RER et de sa Chevalerie Templière" (Dervy, 1985) et allocutions pour la fête de la Saint-Hugues 1977-1979
Henry Corbin: "Introduction analytique aux Sept Traités des Compagnons Chevaliers de l'Islam iranien"
Paul NAUDON: "Origines Religieuses et Corporatives de la Franc-Maçonnerie" (chez Dervy, 1979)
René Le Forestier: "La Franc-maçonnerie templière et occultiste " Ed Aubier Paris
B.G Galiff : "La Chaîne Symbolique" réédité en 1986 par La Nouvelle Bibliothèque Initiatique à Genève.
Jean-François VAR: "La Stricte Observance" (Villard de Honnecourt N° 23-1991) et "L'Essor du Phénix" (Villard de Honnecourt N° 19-1989)
Emile Dermenghem,."Joseph de Maistre mystique". Paris, La Colombe, 1946.
René GUENON : "L'ésotérisme de Dante" (Gallimard 1995) et "Aperçus sur l'Initiation", Éditions Traditionnelles Paris 1946.
Antoine FAIVRE: "L'Esotérisme au XVIIIème siècle" (chez Seghers, 1971)
Alice JOLY: "Un Mystique Lyonnais"...(chez Protat Frères, 1938)
Wolfram von Eschenbach : "Parzifal" -Aubier Montaigne, 1977
André Kervella: "La Maçonnerie Ecossaise dans la France de l’Ancien Régime", Ed. du Rocher, 1999

Et surtout MERCI aux FF R\ B\, C\ B\, P\ N\, et à d'autres qui se reconnaîtront pour mes emprunts de certaines de leurs éminentes réflexions d'une pensée réellement partagée. 


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