Obédience : NC Loge : NC Date : NC


Vaincre ses passions (1)

Madame de la Sablière, (2) écrit :
« Acceptons qu’il soit difficile de vaincre ses passions, mais qu’il est impossible de les satisfaire ».

Avant tout, pourquoi devons nous vaincre nos passions ?

« Les passions nous empêchent de bien raisonner et nous engagent dans le vice si elles ne sont pas réprimées » nous dit Bossuet.

Car elles nous tirent vers le bas. Elles nous empêchent de voir clairement ce qui se passe. Elles nous aveuglent comme le bandeau que porte le profane qui entre chez nous.

Les passions réduisent notre capacité d’analyse objective et en deviennent dangereuses.

Elles nous installent dans un monde à part, plus ou moins temporaire, une fausse voie pour celui qui est dans une démarche initiatique.

La passion peut nous empêcher de rester Maître de nous même et nous faire accepter de dépasser les règles, et leurs limites, que nous nous sommes données ou que nous avons acceptées. Dans ce cas nous ne sommes plus libres, mais enchaînés, car ne pouvant plus observer le détachement nécessaire vis-à-vis de nos passions.

Mais la passion nous tire également vers le haut. Elle peut-être exigeante et aller chercher ce que nous avons de meilleur dans le but de réaliser une œuvre d’art ou un acte totalement désintéressé.

Le point commun est le désir, souvenons nous en.

La phrase du Rituel, tirée de l’instruction, est exactement :
D : Que venez-vous faire ici ?
R : Vaincre mes passions, soumettre ma volonté et faire de nouveaux progrès dans la Maçonnerie.

La Règle en 12 points de la GLNF dans son dernier paragraphe dit clairement que « les Francs-Maçons pratiquent l’art de conserver en toute circonstance le calme et l’équilibre indispensable à une parfaite maîtrise de soi ».

Je la trouve bien limitative, car il me semble que si les saillies inopportunes sont certes condamnables, il y a bien d’autres problèmes à corriger : la colère intérieure, l’orgueil, l’amour-propre, etc.

Que ce soit vaincre ses passions, dominer nos pulsions, chevaucher le tigre, dompter l’animalité, maîtriser ses instincts primaires, la tache est la même : il me faut non seulement arriver à contrôler mon impulsivité réactive mais aussi ce qui s’est ancré en moi depuis ma naissance et ne demande qu’à ressortir à la première occasion.

Est-ce à dire que je dois donc avant tout corriger les choses de l’intérieur ?

Ce faisant il me faudra faire le distinguo entre l’inné instinctif qui permet de survivre et l’acquis négatif qui s’est accumulé au fil du temps par négligence, laxisme et faiblesse de ma part.

  • La pulsion sexuelle fait partie de l’inné instinctif nécessaire à la vie et à ce titre doit être acceptée raisonnablement.
  • Suivre son intuition, autre pulsion, peut souvent être bénéfique pour découvrir l’aspect positif de certaines choses qui nous entourent.
  • Écouter son inspiration et jeter sur la toile se sentiment qui nous déborde, est ce qui nous fait comprendre la présence d’un autre monde à nos côtés.
  • Enfin à l’extrême limite, la passion-sacrifice des disciples de Jésus-Christ, n’est évidemment pas à rejeter.

Voila quatre exemples de passions que nous devons garder, mais avec raison.

Notre pavé mosaïque personnel, nous fait comprendre à tout instant, sur quel fil du rasoir nous nous situons, entre noir et blanc, entre acceptable et inacceptable.

La racine latine du mot passion est patio, qui veut dire souffrance, souffrir, nous indique la limite. Ainsi tout ce qui nous fait mal ou nous dévore, prend notre énergie et la détourne de ce que nous devrions en faire.

Notre démarche maçonnique est une quête de tous les instants, à laquelle nous devons toute notre énergie.

Est-ce que cela veut dire que les seules passions à vaincre sont celles qui nous avilissent ?

Le Rituel nous le dit :

« C’est pour mettre un frein salutaire à l’élan des viles passions, si impétueux lorsqu’il n’est pas contenu par la raison ; C’est pour nous élever au-dessus des méprisables intérêts qui asservissent trop d’hommes, que nous nous sommes formés en Société ».

C’est un travail de tous les instants, car même seul sur une île déserte, la tentation est forte de céder aux passions, si l’on considère « passions » tous les désirs qui naissent spontanément au cours des jours.

Refreiner faims et soifs, rejeter le découragement, refouler le désir, ne sont que quelques aspects auxquels l’homme peut avoir à faire face.

Le bandeau « Vigilance et Persévérance » du Cabinet de Réflexion, prend là, sa juste dimension.

Dans ce même lieu, on lit parfois :

  • Si la curiosité t’a conduit ici, va-t-en !
  • Si ton âme a senti l’effroi, ne va pas plus loin !
  • Si tu crains d’être éclairé sur tes défauts, tu seras mal parmi nous !
  • Si tu tiens aux distinctions humaines, sors, on n’en connaît point ici !

Curiosité, peur, fierté, orgueil, toutes choses à soumettre et dont nous sommes prévenus dès cet instant. Mais l’avions nous compris ?

Au-delà, c’est la recherche des satisfactions temporelles qui est condamnable. Qu’est-ce que l’argent, le pouvoir et les honneurs comparativement à notre quête ?

Quoique nous ayons été, nous ne serons en final qu’un crâne vide de tout. Sic transit gloria mundi. (Ainsi passe la gloire du monde).

De quoi faire souffrir notre égo, sauf si nous comprenons qu’après la mort est une autre vie pour ceux qui ont fait les efforts nécessaires pour être délivrés définitivement des passions terrestres. Ceux ont la chance de connaître an nouveau commencement « ici et maintenant », une renaissance.

Il y a quelques instants j’ai parlé d’impulsivité réactive. Réagir est agir en réaction, c'est-à-dire bien souvent répondre sans trop réfléchir à une action qui nous sollicite dans l’immédiateté.

N’avons-nous pas la, un commencement de solution ? Donnons-nous le temps de réfléchir, tournons notre langue 3 fois dans notre bouche avant de parler, replongeons dans le silence de l’Apprenti. Maîtrisons notre corps, mettons nous mentalement à l’ordre afin de nous calmer.

Par ailleurs, comment vaincre ?

  • L’affrontement est assez ma façon de faire instinctive sous l’influence de mon signe astral : le Taureau. Inutile ici de dire que c’est l’erreur totale.
  • Cependant, je pourrais aussi utiliser la force de l’adversaire pour le dominer ?
  • Je pourrais encore l’étudier en profondeur et essayer de le transformer progressivement ? N’est-ce pas le Rectificando du V.I.T.R.I.O.L. ?
  • Ou pourquoi pas « creuser des cachots pour le vice ».

Les voies sont donc multiples, mais les deux dernières nécessitent de bien connaître l’ennemi.

Dans tous les cas je dois « soumettre ma volonté ».

Encore faut-il comprendre ce que « volonté » au singulier, veut dire dans ce contexte. Le dictionnaire dit : « Faculté de se déterminer à certains actes et de les accomplir ». Cette volonté, c’est notre pensée initiale, modelée par la réflexion, elle-même basée sur notre expérience et nos acquis. En termes traditionnels, la pensée initiale, est celle de la vie. Elle est d’origine divine. Elle s’est malheureusement et progressivement entachée des scories de la vie. C’est notre pierre cubique, devenue brute par les rajouts successifs.

Je dois la « soumettre ».

Soumettre me fait immédiatement penser à Saint-Michel qui terrasse le dragon mais ne le tue pas. Il l’enchaîne, ce qui met définitivement un frein à ses passions.

Dois-je donc accepter de conserver en moi de façon latente des bombes à retardement ?
Où simplement dois-je comprendre que certaines taches sont impossibles à l’homme et qu’il ne sera jamais parfait ?

La perfection n’est pas de ce monde et seul le Créateur peut y prétendre.

Par ailleurs, habituellement le mot « soumettre » est utilisé sous la forme « soumettre à ». Impossible de la soumettre à elle-même.

Dois-je la soumettre à l’Ordre et donc à la communauté humaine par extension ? Certaines Loges (3) ont conservé leur rituel d’origine, qui disait « Soumettre ma volonté à mes devoirs », en même temps définissaient les devoirs par rapport à Dieu.

Je dois soumettre mes devoirs à Dieu, ce qui est normalement déjà le cas de tout Franc-maçon traditionnel en quête de l’Absolu.

Soumettre prend alors une autre signification, car les vieux textes en français lorsqu’ils parlent de « soumettre à la question », entendent « jugement de Dieu ». C'est-à-dire présenter les propos de l’accusé à Dieu, témoin de ce qu’il dit.

« Soumettre ma volonté » prend alors le sens de « test de vérité » devant Dieu. On ne parle pas à Dieu sous l’emprise de la passion. On lui parle en vérité. Prendre Dieu à témoin, me permet de partir sur des bases saines pour « faire de nouveaux progrès en Maçonnerie », et accomplir tout ce que je peux pour la mission qui m’est donnée et que j’ai librement acceptée.

Attention au mot « progrès ».

L’homme ne crée rien, il modifie plus ou moins bien. Seul Dieu crée. Rien de neuf de la part de l’homme qui recycle en permanence les éléments de la création. Nous passons mais la création reste, plus ou moins abimée par l’homme.

Je commence à comprendre pourquoi certains sages indiens ne bougent surtout pas, afin d’avoir le moins possible d’influence sur la création. Ils ne vivent qu’au travers de leur pensée, leur âme purifiée étant dirigée vers l’Esprit. Autrement dit, ayant vaincu leurs passions et pouvant la soumettre au Divin.

Lorsque j’ai frappé à la porte du temple, mon parrain m’a présenté comme un homme bon qui pourrait encore devenir meilleur en « Maçonnerie ». Vaste programme même s’il semble simpliste. Essayer de devenir Maîtres de nous même.

« Maçonnerie » est le mot clé qui me rappelle que je ne suis qu’une pierre de l’ensemble du plan du G.A.D.L.U., mais que je me dois de tout faire pour qu’elle soit la meilleure possible. Même cubique elle pourra encore être améliorée, puisque tendre vers la perfection, n’est pas la perfection.

C’est la seule justification que je vois dans ce qu’il est habituel d’appeler les Loges de Perfection.

En conclusion mes Frères, notre programme de travail est tracé. Avant de nous séparer définitivement, essayons comme ces sages indiens, de purifier notre âme afin que le moment venu nous puissions réintégrer l’Âme Universelle. Celui qui passionné, reste Maître de lui-même aura vaincu ses passions, les aura Maîtrisées.

J’ai dit V\ M\

G\ B\

(1) Dictionnaire de l'Académie 1762 :
Passion. s. f. Souffrance. En ce sens il ne se dit guère que Des souffrances de Notre-Seigneur Jesus-Christ, pour la rédemption du Genre humain. La passion de Notre-Seigneur. Il a souffert mort et passion pour nous.
On appelle La semaine de la Passion, Celle qui précède la Semaine Sainte, et dans laquelle l'Église commence à faire l'Office de la Passion de Notre-Seigneur : Et l'on appelle Le Dimanche de la Passion, Le Dimanche de cette Semaine.
On appelle encore Passion, Le Sermon qu'on prêche le Vendredi Saint sur le même Mystère. Où avez-vous été à la Passion ? Il a prêché la Passion. J'ai entendu la Passion d'un tel Prédicateur.
Il signifie aussi, La partie de l'Évangile où est racontée la Passion de Notre-Seigneur. La Passion selon S. Jean, selon S. Matthieu, etc.
On dit proverbialement, Souffrir mort et passion, pour dire, Souffrir beaucoup. Il hésitoit à chaque moment dans son discours ; je souffrois mort et passion de l'entendre.
Passion, est aussi le nom que les Médecins donnent à certaines maladies très-douloureuses, telles que les vapeurs hystériques qu'ils appellent Passion hystérique ; la colique dite de miséréré, qu'ils nomment Passion iliaque, etc.
(2) « Il est difficile de vaincre ses passions, et impossible de les satisfaire ». [Marguerite de La Sablière] - Cité dans les Réflexions ou sentences et maximes morales.
(3) Saint Jean d’Écosse depuis la scission de 1960 qui l’amena de la GLDF à la GLNF.

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