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Fais-moi ce signe...

Depuis que je suis des vôtres, j’ai en effet compris et on nous l’a maintes fois fait comprendre que dans notre Rituel rien n’est superflu.

C’est effectivement là qu’a commencé toute la découverte symbolique du temple et du rituel et notamment des premiers secrets de la franc-maçonnerie ; chaque mot, geste, objet ou symbole compte et en particulier le signe d’ordre et le signe pénal.

Il me paraît en effet impossible de distinguer l’un sans l’autre tellement ils sont étroitement liés dans la façon de les exécuter certes, mais aussi dans ce qu’ils représentent en tant que symboles.

Je ne ferai aucune description technique du geste que nous connaissons toutes et sans lequel nous ne serions pas ici, encore que chacune ait son style pour le réaliser.

Le signe d’ordre doit se faire les pieds en équerre afin de toujours nous rappeler notre condition d’homme et de femme, capable de tout et son contraire et que nous devons prendre en compte la totalité de ce que nous sommes, c’est à dire ce qui est bien en nous mais aussi ce qui l’est moins, le signe d’ordre nous renvoie également à la matière que nous sommes en semblant nous enraciner encore dans cette terre, dans ce limon de la création dont notre corps est issu. Il symbolise également l’égalité qui règne entre toutes les sœurs et les frères, quelque soit leur rang social, leur intelligence ou leur fortune.

Il résume donc toutes les qualités de la maçonne, il lui rappelle qu’elle est astreinte au silence.

Ce signe qui consiste, en étant debout, les pieds formants un angle droit comme au garde à vous, s’engageant ainsi sur l’honneur, à toujours agir selon le droit et le devoir, s’attachant à juger de tout avec impartialité. De même ce signe d’ordre nous rappelle qu’il faut établir tout jugement sur des bases solides pour assurer l’harmonie et la solidité du temple que l’on construit.

En fait, ce signe au premier degré se divise en 2 composantes successives de significations différentes mais indissociables : la mise à l’ordre et le signe proprement dit.

La mise à l’ordre peut être une marque de respect envers l’assistance des autres sœurs (vénérable maitresse et vous toutes mes sœurs). Le signe s’adresse à toute l’assistance. En fait toutes les sœurs font ce signe au 1er degré, de l’apprentie à la Vénérable et uniquement dans l’enceinte du temple donc lors de la tenue.

Notre bras droit à l’horizontal conforte le fait que la matière du corps soit totalement attachée à la matière terrestre, pour vivre la vie matérielle. L’homme peut en effet ne choisir que de vivre pleinement cette vie matérielle, nous autres francs maçonnes avons choisi en plus de nous interroger, de chercher, de comprendre l’autre partie de nous-mêmes, la partie invisible et immatérielle, celle qui fait que nous sommes aussi autre chose que de simples corps de chair et de sang.

C’est le sens de la main droite placée sous la gorge, le pouce en équerre et qui semble contenir le bouillonnement de nos passions que je qualifierai de « terrestres » cette main au ras du cou signifie la barrière à établir entre ce qui vient de l’esprit et du corps. Autrement dit la main vient ici protéger l’esprit des passions venues du corps. D’une certaine manière elle est là pour contenir les bouillonnements intérieurs et permet de garder la tête froide. Il faut que la raison maitrise le corps et le cœur.

L’efficacité du geste est telle que le corps est non seulement jugulée en profondeur mais dans son expression même. De surcroît les jambes étant en équerre tout effet de jambe ou de manche devient interdit. Il n’y a de ce fait aucune fuite d’énergie inutile qui reste alors entièrement canalisée vers l’esprit.

D’un point de vue purement géométrique, l’ensemble des gestes est fait de perpendiculaire, de niveaux, d’équerre évoquant les outils de la Maçonne, la droiture et la justice qu’elle doit incarner.

Quant au signe

N’est-il donc pas une simple marque de respect mais aussi et surtout d’une part une marque d’égalité vis-à-vis des autres sœurs et d’autre part une mise en condition de concentration sur ce qui se passe, se dit, ou avant même de prendre la parole.

Le signe

Proprement dit mime un égorgement. Comme il m’a été dit lors de mon initiation « vous préfèreriez avoir la gorge tranchée que de révéler les secrets qui vous ont été confiés ».

Certes le secret doit être gardé, sans lui la Maçonnerie ne serait plus. Le secret est garant de la pérennité de notre Ordre. D’ailleurs on peut se demander quel serait l’intérêt de parler hors la loge à des profanes des travaux qu’on y fait ? Ces travaux sont tellement personnels que je ne vois pas à qui on pourrait en parler sinon à une sœur ou un frère. De là à penser que le viol de ce secret ne serait pas digne d’une maçonne il n’y a qu’un pas voire trois que je suis prête à franchir.

Par ailleurs le cou est le passage anatomique éminemment riche, on y trouve notamment le larynx siège de la voix, le signe nous rappelle donc aussi que le silence est une des vertus essentielles et indispensables de l’apprentie.

On pourrait dire aussi que le secret maçonnique est inviolable par sa propre nature puisque la maçonne le sait, ne l’a appris de personne, elle l’a découvert à force d’aller en loge d’observer de raisonner et de déduire que doit-on alors protéger si le secret est inviolable ? Je dirai alors que l’initiation est l’entrée par la porte du temple et le secret en est la clé.

C’est sans doute protéger chacune des expressions individuelles garantissant à chacune des sœurs le respect de la propriété de sa réflexion, de son point de vue, de ses sentiments car chaque expression individuelle est pour celle qui l’exprime le fruit d’une recherche visant à répondre à des interrogations somme toute très personnelle.

C’est aussi protéger la conscience collective à laquelle cette expression individuelle est venue s’ajouter, se mêler, pour permettre de nouvelles interrogations de nouvelles réflexions et produire alors cette forme d’alchimie que nous ressentons en loge parce que nous avons été initiées c'est-à-dire mises sur la voie.

La somme des ces expressions individuelles appartient alors à la loge toute entière, de même que nos travaux et notre rituel qui nous ont été transmis. Ce qui revient à dire que nous en sommes les gardiens.

C’est peut être en partie en cela que doit nous rappeler le signe pénal.

Le mot pénal vient de Peine du latin penas qui signifie tourments du martyre.

La peine a longtemps été considérée comme le châtiment infligé au délinquant à raison de l’infraction qu’il a commise. La peine remplissait d’abord une fonction d’intimidation collective et c’est cette idée qui prévalait dans la mise en œuvre des châtiments corporels.

Alors, s’agit-il d’une autosuggestion du châtiment à s’infliger soi-même comme pour interdire de donner la clé du temple à des inconnus ou bien remplit-il la fonction d’intimidation collective ?

Il faut d’abord noter qu’il est dit « que je préfèrerais avoir la gorge tranchée que de révéler les secrets qui m’ont été confiés » il s’agit là d’une nuance qui marque déjà toute la différence entre le monde profane et celui maçonnique. En effet quand la justice profane disait « tout condamné à mort aura la gorge tranchée » cette affirmation ne supportait aucune interprétation. Par contre quand nous disons « je préfèrerais » revient bien évidemment à l’esprit une alternative et assurément l’idée d’un choix celui d’avoir la gorge tranchée ou pas, mais aussi le choix de trahir ou ne pas trahir mon serment.

Le signe pénal permettrait alors de rappeler à l’initiée qu’elle a déjà choisi la voie de la connaissance et de la spiritualité et qu’elle ne doit pas laisser ses désirs rompre son serment.

Si dans un 1er temps cette interprétation me satisfait notamment par tout ce qu’elle évoque sur les notions de choix, j’ai éprouvé le besoin dans un second temps d’approfondir cette notion au travers une question : Le signe tranche-t-il bien la gorge, à moins qu’il ne s’agisse d’autre chose ?

Mais peut être pour répondre aux interrogations faut-il revenir à l’objet du serment c’est à dire au secret qu’il faut protéger.

Le serment maçonnique apparait très tôt dans les loges opératives et il se rattache alors au mot du maçon, ce mot est dévoilé lors de l’initiation après avoir prononcé le serment, d’en garder le secret.

Le serment devient le ciment de cette initiation, celle ou celui qui le rompt en révélant le mot s’expose à avoir la gorge tranchée. Il s’agirait alors de punir le parjure par l’objet même qui lui a permis de dévoiler le secret, c'est-à-dire la parole, mais cet aspect symbolique peut perdre de son sens si le mot est écrit ou tracé. C’est le serment qui constitue la maçonne puisque si elle le rompt plus de parole, plus de loge !

Il n’existe sans doute pas de mot pour définir ou décrire les conséquences que peuvent avoir le parjure car si les circonstances peuvent être matérialisées dans notre monde terrestre et alors s’appeler sanctions qu’en sera-t-il dans l’au-delà ?

Je n’ai bien évidement pas la réponse à cette question, mais sa seule évocation me suffit pour dire qu’un serment ne doit jamais être prononcé à la légère et bien qu’il soit difficile pour la femme que je suis d’envisager à l’instant présent quelle sera ma conduite pour le restant de ma vie, je ne peux me donner les moyens de me rappeler sans cesse l’existence de mon serment, c’est également à cela que renvoie le signe pénal.

Si l’inaction suggérée par le signe d’ordre à quelque chose de divin, que dire au contraire de l’action générée par le signe pénal lui-même.

Ce geste est le premier que nous instruit la seconde surveillante lors de l’initiation. C’est le tout premier secret transmis avec l’attouchement et le mot. C’est donc un moment d’importance pour une maçonne nouvellement née. Ensemble ces secrets forment la première trilogie de l’initiée.

Lors de la tenue, la mise à l’ordre s’effectue alors que la Vénérable n’a pas encore ouvert les travaux, lorsqu’elle va les ouvrir les sœurs se mettent à l’ordre, je vis toujours les instants qui suivent avec intensité et j’ai constaté que mes sœurs sont habituellement très concentrées, très attentives et qu’alors règne un silence absolu.

Cette mise à l’ordre est en effet d’importance puisqu’elle préside à la mise en place de l’édifice : La Sagesse, la Force et la Beauté, le tapis de loge et les 3 grandes lumières. Alors la Vénérable Maîtresse annonce l’ouverture de la loge au grade d’apprenties et l’on fait le signe pour confirmer notre serment de garder secret sur tout ce qui se déroulera dès lors.

Durant les travaux, certaines d’entre nous prennent la parole ou se déplacent, à ce moment précis nous devenons non plus seulement acteurs participant mais acteur officiant de la tenue et la mise à l’ordre est impérative car il faut affirmer dans l’action notre état de maçonne. Lorsque je circule ou prends la parole j’essaie aussi dans la circonstance de soigner ma mise à l’ordre.

Au seuil du temple se situent les 2 colonnes, c’est à cet endroit précis lors des entrées ou sorties que doit se refaire le signe pour bien rappeler la limite entre le monde profane et celui de l’initiée.

On se remet enfin à l’ordre pour clôturer les travaux, il faut en effet par ce geste s’engager à être, dans le monde profane que l’on va bientôt rejoindre, non plus une maçonne de Loge mais plus simplement une maçonne de la vie sinon quel serait l’intérêt de si belles tenues ?

Avant de conclure, je rappellerai donc succinctement que se mettre à l’ordre c’est se mettre en ordre, lutter contre le relâchement de la pensée et du corps. Savoir se tenir et mettre ses pensées en ordre, permet de les exprimer avec sérénité et précision. Sinon les participantes s’invectivent sans écouter, sans se comprendre.

Cette technique est une technique simple mais revêt une signification symbolique traduite, je le rappelle, par avoir la gorge tranchée plutôt que de trahir son serment de fidélité à la voie initiatique. Le serment initiatique doit être la quintessence de la parole, un condensé d’énergie qui marque l’engagement d’un être sur la voie initiatique. Le signe d’ordre marque une régulation de la parole et pour l’apprentie cette régulation débute par la pratique du silence mais un silence nourri de l’écoute de ses sœurs et frères et une méditation dans laquelle se préparent les paroles et les formulations de demain.

Je terminerai par la constatation d’une évidence qui ne m’est pourtant apparue qu’après quelques tenues :

Ce signe est notre passeport de franc-maçonne qui nous permet toute notre vie d’entrer dans le Temple en franchissant la frontière des 2 colonnes, il est comme un tatouage indélébile, que l’on garde toute sa vie jusqu’au seuil de l’orient éternel.

Alors mes sœurs faisons fièrement ce signe, portons le avec tout son symbole !

J’ai dit, vénérable Maîtresse

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