Obédience : NC Loge : NC Date : NC


Les Trois Fenêtres

Il était une fois, un jeune homme qui s’appelait NEO. Il venait tout juste de perdre sa mère, lorsqu’il décida de construire sa maison. Un jour qu’il travaillait à ses plans, sa curiosité se trouva vivement excitée. La question était de savoir quel allait être le nombre de fenêtres ainsi que leur orientation et leur forme Aussi décida-t-il de se rendre à Amsterdam en 1745 afin d’avoir l’avis de « L’ordre des Maçon Trahis ». On lui fit rencontrer une personne qui tenait à l’anonymat.

A la question de Néo : « Où dois-je placer mes fenêtres et quelle forme doivent-elles avoir ? », l’inconnu répondit ceci.
- Tu en placeras une au-dessus de la porte d’orient, une au-dessus de la porte du midi, et une troisième au dessus de la porte d’occident.
Néo pensa que c’était là une bien curieuse manière de disposer des fenêtres. Car, placées ainsi, il ne pourrait jamais les atteindre, et ne pouvant ni les ouvrir ni les fermer, l’air ne pourrait donc jamais entrer chez lui ! seulement la lumière.

Mais, le Hollandais lui tendit un dessin d’un superbe tapis de loge, d’époque, et poursuivit en ces termes :
- Elles auront la forme rectangulaire et seront munies de trois barreaux dans le sens horizontal, et de trois barreaux dans le sens vertical, créant ainsi seize rectangles.

Néo crut remarquer la proportion dorée dans chacun des ces petits rectangles, ainsi que dans le triangle formé par chacune des fenêtres. Néanmoins, intrigué par ce quadrillage, il posa la question, et l’homme lui répondit que c’était en souvenir des grilles des fenêtres du temple de Salomon. Puis l’œil de Néo constatât avec amusement que, sur ce tapis de loge, les portes et les fenêtres avaient été dessinées comme si l’on avait rabattu les trois pans de murs sur le plancher de la pièce. Il nota également que le haut de chacune des portes était surmonté d’un arc romain et que deux traits les séparaient dans leur longueur, montrant ainsi la possibilité d’ouverture par le milieu.

Il prit alors congé de l’inconnu de 1745 et s’en fut en 1830, consulter le Tuileur de Vuillaume. Mais, il commit d’entrer sans frapper ce qui lui valut pour se faire reconnaître douze bonnes minutes de questions avant de pouvoir poser la sienne. Mais, ce Tuileur était un esthète, et il lui dit :
« Tu construiras une fenêtre au milieu du mur d’Orient, une seconde au milieu du mur du midi, et la troisième sur le mur d’occident, tout de suite à droite en rentrant. »
Néo vit sur le plan du Tuileur une seule porte placée à l’occident, à la différence du Hollandais. Mais le Tuileur continuait :
« Tu leur donneras une forme gothique, et les grillageras finement de centaines de petits losanges. »

Néo admira rapidement ces trois petits chefs-d’œuvre, tous dessinés dans le même sens, c’est-à-dire l’ogive gothique tournée vers le haut du dessin. Puis, il prit congé de cette période gothico- romantique en imaginant une seule porte à sa maison et des arcs gothiques à ses fenêtres... L’idée d’un fin grillage était certes moins austère que les barreaux du Hollandais, mais tout cela laissait Néo encore bien indécis ! Il voulut rentrer chez lui afin de consulter sa Bible, dans laquelle, il lui semblait bien qu’une réponse devait s’y trouvée cachée. Mais ses pensées l’avaient pris de court car le temps d’un petit bon d’un siècle, en 1930, juste devant la porte d’un ami dont sa mémoire venait de lui donner l’adresse.

Cette fois, il frappa avant d’enter. Et quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il se trouva dans un noir total. Hasardant un pas, il se prit le pied dans quelque chose qui tomba avec un grand bruit. Néo battit rapidement le briquet et la lueur de sa flamme lui indiquât qu’il venait de renverser une épée, vraisemblablement appuyée sur une chaise, et qui maintenant gisait à ses pieds. Après l’avoir délicatement remise en place, il jeta un regard autour de lui. Des chaises étaient bien rangées... Tout le mobilier semblait en ordre... Quelle curieuse maison, pensa Néo. En voilà une sans fenêtre à présent !

Puis, il distingua sur sa droite, une lueur venant du plafond. Ses yeux s’étant maintenant habitués à la semi-obscurité, il vit se détacher l’escalier en colimaçon qui y menait. Et quelle ne fut pas sa joie lorsqu’il trouva son ami à l’étage moyen de la maison.
- Ce vieux Néo s’écria se dernier !
- Ce vieil Oswald répondit Néo, mais quelle drôle d’idée cette absence de fenêtre en bas!
- Néo, nous sommes Frères, alors laisse moi t’expliquer.

L’initiation se conférait primitivement dans des grottes naturelles, puis dans des cryptes taillées dans les flancs de la montagne. C’est en souvenir de ces sanctuaires que la Loge n’est éclairée par aucune fenêtre. J’ai également voulu rappeler ainsi que l’univers n’est visible que du dedans, puisqu’il n’y a pas à supposer d’aspect extérieur au Tout qui remplit l’immensité sans limite. Un éclairage artificiel s’impose ainsi en loge : Il est fournit par un minimum de cinq lumières placées prés des cinq officiers.
- J’entends bien dit Néo, et c’est une très belle histoire que tu viens de me raconter ! Mais, dis-moi Oswald, pourquoi ici, à ton étage moyen, les as-tu rétablies ?
- Néo, par combien de fenêtres l’étage moyen est-il éclairé ?

Néo regarda autour de lui et commença à faire le décompte.
- Par trois fenêtres, une grande romane s’ouvrant à l’Orient, et deux petites, toujours romanes, s’ouvrant au midi.
- Mais non, Néo, tu sais bien que ce n’est pas la bonne réponse.
- Oswald, tu triches, ce que j’ai sous les yeux, chez toi, correspond précisément à ce que je viens de dire.
- Bien sûr... Peut-être... Mais, Néo, nous sommes des spéculatifs, et si mes fenêtres ne sont pas à la bonne place, l’essentiel, c’est d’y voir clair... Après tout, ça n’est qu’un catéchisme interprétatif... Mais laisse-moi poursuivre. Saurais-tu me dire pourquoi il n’y en pas au septentrion.
- C’est justement la question que je me suis posée, car tu es le troisième que je visite qui n’en mette pas à cet endroit. Alors, je me souviens du bon sens paysan qui fait que leur maison tourne toujours le dos au nord, car il y fait trop froid. Ils n’y mettent jamais de fenêtre eux non plus ! Et s’il y fait trop froid, c’est parce que le soleil ne vient jamais réchauffer ces murs. Pour moi Oswald, pas de soleil signifie pas de chaleur et pas de lumière, donc, pas de fenêtre.
-Mon cher Néo, ton interprétation, quoique profane, semble logique. Je te donnerai la mienne tout à l’heure. Pour le moment, pourrais tu me dire à quoi servent ces trois fenêtres ?
- A éclairer les ouvriers quand ils viennent au travail, pendant qu’ils s’y livrent et lorsqu’ils le quittent.
- Bien, et où se tiennent les gens de l’étage du milieu ?
- Devant tes deux ridicules petites fenêtres romanes.
- Et pourquoi s’il te plaît ?
- La réponse donnée est la suivante ; parce qu’ils sont assez avancés en initiation pour supporter le plein éclat du jour.
- Tu n’as pas l’impression, Oswald, que ces gens assis à cet endroit lui tourneraient le dos au plein éclat du jour ? Un compagnon me rapportait même qu’à midi l’ombre portée de sa tête et de son buste lui cachait le travail. Le matin, c’était pareil, il est droitier ! Il n’y avait guère que le soir qu’il pouvait espérer être éclairé directement. Mais à cette heure, le jour décline rapidement. Conclusion : il y voyait peu et pas longtemps. A mon humble avis, Oswald, à midi, ce sont les apprentis qui sont éclairés. Ils sont complètement aveuglés. Mais, le second surveillant est là, bien en face d’eux pour les guider.
- Néo, enchaîna Oswald, c’est un point de vue tout à fait personnel. Je t’opposerai que l’apprenti se tient au septentrion qui représente une région où la lumière est constante et sans variations trop brusques, car du fait qu’il ne possède que des connaissances élémentaires de la F. M., il n’est pas encore en état de supporter l’intensité d’une trop grande lumière. Vois-tu, Néo, je raisonne par lieux, je donne une place dans le temple aux quatre points cardinaux, et, en fonction des limites de cette aire, j’y attribue la valeur représentative d’un des quatre points cardinaux par rapport à la course du soleil. Ainsi, le nord n’est jamais éclairé, c’est donc un lieu qui convient aux apprentis. Mais toi, Néo, tu raisonnes par rapport à l’angle d’incidence d’un rayon lumineux.
- Mais, Oswald, je ne fais que défendre le point de vue de Jules.
-De qui ?
- Ah, c’est vrai ! excuse-moi Oswald, tu ne peux pas connaître. Jules c’est un petit jeune qui a beaucoup d’avenir chez nous.
- Néo, écoute ce que je vais te dire. Pour moi, l’étage moyen de ma maison est en communication extérieure grâce à trois fenêtres. La première illumine des rayons du soleil levant qui dissipe les ténèbres. Cette lumière combative correspond à la raison juvénile s’attaquant aux vieilles erreurs et aux préjugés tenaces. C’est une logique dissolvante, destructrice de tout ce qui n’est pas solidement fondé.

Par la fenêtre du midi, entre la pleine lumière du jour celle qui réduisant l’ombre portée à son minimum, montre les choses telles qu’elles sont dans leur réalité brutale. C’est l’observation rigoureuse et positive des faits scientifiquement déterminés.
Les feux du soleil couchant se reflètent enfin dans la fenêtre d’Occident. De riches couleurs manifestent alors ce qui mérite de survivre du passé. La raison en effet, ne se contente pas de repousser l’erreur et de constater la réalité objective, elle sait aussi rendre justice aux penseurs disparus, en dégageant des anciennes traditions ce qu’elles renferment de vrai.
- Ah, fit Néo d’étonnement, c’est une très belle histoire. Mais, si j’ai bien compris, on ne doit pas faire de bon Francs Maçons dans l’hémisphère sud.
- Comment cela Néo ?
- Justement, je te propose d’y réfléchir. Mais, je dois partir maintenant, car j’ai promis à Edouard d’être à l’heure. Et, d’un bon, Néo sauta d’une des deux petites fenêtres, car son ami Oswald lui, les voit très mal grillagées. Très vite, il frappa à la porte d’Edouard car il n’avait pas besoin de changer d’époque.

Le vieil Edouard le reçu sans le regarder.
- Entre Néo, je sais pourquoi tu viens. Tiens, prends mon plan. Comme tu peux le voir, mes trois baies grillagées sont rectangulaires, et représentent pour moi les trois portes du temple de Salomon. Toutes les portent et les fenêtres sont rectangulaires dans le temple de Salomon.
- Tu veux dire le temple de Jérusalem construit par Salomon.
- C’est ça, dans le temple de Salomon... Le grillage soustrait à la vue des profanes le travail des ouvriers.
- Un instant Edouard, quelle taille donnes tu, à un profane de l’époque de Salomon ? car le premier Livre des Rois, donne au temple de Jérusalem une hauteur de plus de quinze mètres/ Et tout autour du temple, Salomon avait fait construire trois étages de galerie dont la hauteur totale faisait environ sept mètres cinquante. De plus, ce pourtour avait un toit, parcourant lui aussi le temple, et d’une largeur de trois mètres cinquante. Un profane devait donc mesurer sept mètres cinquante et avoir un cou de trois mètres cinquante pour pouvoir espérer apercevoir le travail des ouvriers. Cela évidemment, après avoir enjambé les trois rangées de pierres surmontées de plaques de bois qui encerclaient le temple.
- Tu as certainement raison, Néo, mais, écoute ce que je vais te dire. Pour la F.M. la Loge est au centre de la terre, à l’intersection des quatre points cardinaux, et son optique et son regard sont différents.
- Mais, Edouard, la Loge est à la surface de la terre. Dans le mémento, quand on te demande : quelle est la forme de la loge ? Tu réponds: Un carré long. Quel est le sens de sa longueur De l’orient à l’Occident. De sa largeur : Du septentrion au Midi. De la hauteur ? Du nadir au Zénith. Alors, si tu mets ta Loge au centre de la terre, qu’est le Nadir. Elle ne peut être entre le Nadir et le Zénith, c’est une Loge plate qui n’a pas de hauteur, et si tu en fais un point de ta Loge, ce qui par définition est sans volume, où places-tu tes baies grillagées.
- Tu as certainement raison, Néo, mais écoute ce que je vais te dire. Le F. M. doit savoir voir la lumière qui brille dans les ténèbres si son intelligence est assez aiguisée pour lui suggérer. Et du centre de la terre qu’aperçoit-on qui ne se voit pas de sa surface ? Sa curiosité éveillée, il cherchera à la satisfaire, et il la satisfera dans les limites qui lui assignera l’entendu de ses aptitudes spirituelles et ses facultés de logique.

Durant cette explication toute verticale, Néo se demandait de plus en plus à quoi pouvait servir les baies du vieil Edouard vu que sa Lumière semblait venir de l’intérieur !
Au niveau moyen de cette maison, les grillages avaient mystérieusement disparus... Néo allait en faire autant, lorsque la voix d’Edouard le surprit.
- J’ai entendu tout à l’heure ce que tu as dit à Oswald pour l’hémisphère sud, mais, réponds-moi. Si tu vas un jour sur la Lune et que tu veuilles construire ta maison, dans quel sens les mettras-tu tes fenêtres ? Néo resta interloqué, puis il lança.
- Certainement sur la face cachée.

A peine Néo fut-il rentré chez lui, qu’il reçut un appel télépathique de Jean Pierre Bayard qui lui parla de son symbolisme traditionnel en ces termes.
- Ces trois fenêtres diffusent les trois aspects de la lumière intelligible, Création, conservation, destruction.

Dans les symbolismes celtiques, le trident, ce signe de reconnaissance entre les druides émet trois rais lumineux, trois rayons convergeant sans point de rencontre, trois colonnes de lumière qui s’apparentent au nom sacré IOV, comparable au IOD des hébreux, au IAO des gnostiques ou au AUM védique. Cette lumière spirituelle diffusée par les trois fenêtres nous fait pressentir l’unité transcendante.
D’autant plus transcendante pensait Néo que ces trois rais lumineux ne s’aperçoivent jamais ensemble ! Que ces rayons ont besoin de l’espace pour se mouvoir, et apparaissent ponctuellement dans le temps avec une force et une couleur différentes à chacune des stations solaires.

Tant et si bien, qu’on ne peut clouer au mur de l’Orient un rayon du matin ; attendre que le soleil passe au Zénith, clouer un second rayon au mur du midi ; en faire autant le soir sur le mur d’occident, et pouvoir contempler, comparer et méditer sur les trois en même temps… Cette pensé le fit sourire, et Néo se dit qu’il fallait donc avoir la patience d’attendre, et que peut-être, les trois rais émanant du Delta lumineux dont on voit bien qu’ils sont issus d’un même point sans jamais le rejoindre, symbolisent aussi et en particulier les trois stations solaires permises dans le temple par l’intermédiaire des trois fenêtres.

Mais Néo pressentait que le delta lumineux ferait l’objet d’un autre voyage. Aussi décida-t-il de remonte à une des sources, et il tendit le bras vers la Bible de Crampo. Il trouva la description de la construction du temple de Jérusalem. Dans le premier livre des Rois au chapitre VI, le verset IV indiquait :
« Le roi fit au temple des fenêtres à grilles fixes. »
Et c’était tout. Malheur ! Des fenêtres, et le pluriel qui commence à deux. Alors deux, trois six cent soixante six. Pour sûr, Jules l’avait bien prévenu. Le livre des Rois ne donne aucune précision. Néo chercha dans les chroniques : personne ne parlait des fenêtres. Il se souvint alors qu’il avait une autre Bible datant de 1956, traduite par les moines de Maredsous d’après les textes originaux. Au même chapitre du premier livre des rois, Néo lut le verset IV :
« Le Roi fit au temple des fenêtres aux grilles de bois ».

Mais voilà une autre traduction qui changeait tout ! Même Jules s’était trompé dans son interprétation. Notamment lorsqu’il lui avait dit :
« Les fenêtres sont grillagées non pas pour interdire aux profanes de regarder dans le temple, mais simplement pour en défendre l’accès. »
Pauvre Jules ! Même toi, tu t’es trompé ! Défendre un accès avec des grilles de bois !! Il suffirait de mettre le feu et d’attendre tranquillement. Sans compter que, toi aussi tu as oublié la palissade qui encerclait le temple, et qui elle, semblait bien avoir un rôle de défense. Quel besoin avez vous de donner une fausse paternité à ce symbole.

Dans la troisième traduction de la Bible Néo put lire l’explication suivante :
« Le mot rare « shequphim » provient de la racine SH-Q-PH signifiant regarder d’en haut. Le mot suivant ATUMIM signifiant proprement « bouchés » s’applique aux fenêtres munies de grillages, tels les moucharabieh des maisons arabes. » Néo pensa que ce grillage d’époque produit par une culture, une civilisation par rapport à un climat bien précis, était effectivement en bois sculpté de multiples volutes laissant filtrer un peu de lumière, et que la notion que nous avons du grillage en Europe et à notre époque a totalement déformé le sens originel. Que beaucoup ont voulu donner un sens de protection à ce grillage, mais nous avons très bien que ce qui protège la Loge, c’est un être humain, et non pas un morceau de métal. Sur ce chapitre, les conclusions de Néo furent les suivantes :
En l’état actuel de ses connaissances, la logique et le bon sens lui confirmaient qu’il n’était aucunement possible de rattacher ses fenêtres à celle du temple de Jérusalem sous peine de se fourvoyer.

Ainsi, Néo, résolut-il de chercher lui même une forme, un emplacement et un nombre de fenêtres à sa maison.
La première chose qui lui vint à l’esprit fut que ces fenêtres devaient laisser entrer la lumière. Cette lumière qui donne la vie, cette lumière qui produit l’oxygène, cette lumière qui dégage même en hiver des calories récupérées par l’homme pour se chauffer. Cette lumière enfin qui nous simplement nous montre et nous apprend le monde visible de la nature.
 
Et Néo comprit qu’il fallait absolument la laisser entrer dans sa maison, car elle allait lui donner la force et l’énergie nécessaire à son travail. La forme des fenêtres fut sa première préoccupation. Des fenêtres carrées lui semblaient trop massives et trop terrienne pour laisser entrer un corps si céleste. Il rejeta donc le carré. La forme rectangulaire lui proposa d’hésiter entre le rectangle top trapu des proportions 3x4 dont la diagonale est égale à 5 ; formant ainsi deux triangles de Pythagore, et qu’il rejeta. Le rectangle double carré lui parut trop étroit, et il le rejeta également. Et, c’est enfin le rectangle à la proportion dorée qui flatta son œil et pour lequel il se décida.

Mais, l’austérité des quatre angles droits ne le satisfaisait pas. La domination de la matière par l’esprit est une bonne chose, mais encore une fois ce coté céleste de la lumière une association cercle carré évoquant le couple ciel et terre. Néo compris que ce rectangle surmonté d’un arc de cercle pour les fenêtres de sa maison symboliserait une aspiration à un monde ou à un niveau de vie supérieur. Il se souvint que cette association de forme était devenu l’image classique de l’arc de triomphe réservé au passage du héros victorieux. Dans l’ordre intellectuel, le héros est le génie qui a percé une énigme : et dans l’ordre spirituel, le héros est le saint qui a triomphé des tendances inférieures de sa nature. En volume, l’association hémisphère cube, lui faisait penser au saint sépulcre de Jérusalem qui tentait de rappeler la grande voûte de l’univers que l’homme, du reste, symbolise par sa boite crânienne.

Toutes ces formes défilaient dans l’esprit de Néo, et son choix le procurait joie et satisfaction. ses fenêtres auraient la forme d’un rectangle doré surmonté d’un demi-cercle. Et maintenant, il savait pourquoi. Après tout se disait-il autant que le jour n’entre pas chez moi n’importe comment, cela valait la peine de la réflexion. Puis, il n’y pensa plus. Quant à l’emplacement, il décida d’avoir du soleil toute la journée afin de méditer sur les trois couleurs principales de l’astre. Néo pensa que les cathédrales avaient des vitraux de couleurs différentes suivants l’orientation des murs. Il savait que le portail de la Vierge est toujours à gauche, au septentrion, l’obscure, le féminin, le passif. De ce côté, les couleurs des vitaux sont effectivement plus sombres. En opposition au portail de droite, au Midi, celui des deux Jean le Baptiste et l’Evangéliste qui sont davantage éclairés. Au centre, à l’Orient, le Christ. Sont ainsi en présence, le masculin, le féminin et l’esprit. Et Néo retrouvait une fois de plus ce nombre TROIS. Il savait qu’il allait construire trois fenêtres à sa maison. Surtout que la numérologie lui avait enseigné que le nombre Un représentait le masculin, le deux le féminin. L’addition de l’un à l’autre donnant la vie, revenant ainsi à l’impair par le nombre trois. Mais cela aussi était dans son mémento.

Il eut alors une pensée curieuse. Il se dit, il y a un Vénérable, le masculin, et deux surveillants qui s’occupent comme des mères des enfants que sont les apprentis et les compagnons. Et ces trois personnages donnent la vie à la Loge lors de l’ouverture des travaux, et il ont chacun leur fenêtre. Au fil de ses méditations, Néo découvrit les vraies couleurs des trois stations solaires.
La couleur du soleil levant était l’or.
La couleur violente du soleil au midi était blanche
La couleur du soleil couchant était rouge.

Et il comprit immédiatement l’analogie avec l’alchimie. En effet, l’alliage du mercure et du souffre pour fabriquer la Pierre Philosophale était bien connu. Et Néo établit la correspondance entre les trois couleurs des stations solaires et l’alchimie comme suit :
La mercure représente le féminin, le souffre le masculin, et le résultat que chacun doit chercher et tenter de trouver, c’est cet or philosophale, à savoir : l’Amour. Car l’éternelle recherche de l’alchimie ne fut autre que la tentative de découverte de l’amour par l’alliance du masculin et du féminin.

Néo se souvint alors que le blanc était la couleur alchimique du mercure ; le rouge la couleur alchimique du souffre, et l’or la couleur alchimique de la pierre philosophale ; et il ne put s’empêcher de les comparer à celles des trois stations solaires. Presque tout concordait.

Le mur du midi donnait la couleur blanche, le mercure, par le second surveillant, nombre DEUX, le féminin, aux apprentis qui sont aussi sous le féminin de la colonne B.

Le mur d’occident donnait la lumière rouge, le soufre, par le premier surveillant, le nombre UN, le masculin aux compagnon qui sont eux sous le masculin, celui de la colonne J, rouge elle aussi.

Ensuite, le soleil se couchait. Alors l’obscurité de la nuit permettait au souffre et au mercure de cheminer ensemble. Tout qu’allait durer cette nuit permettrait à l’apprenti devenu compagnon de voyager, afin qu’il puisse équilibrer en lui même l’horizontale et la verticale. Cette nuit, par son obscurité était une forme de la mort, et par la durée de son écoulement, un nouveau temps de gestation.

En final, le matin, Dame nature affichait le résultat à l’Orient, lorsque le soleil se levait dans la fugitive rareté de la première coulée de son premier rayon, une coulée d’or! Et la dernière correspondance entre cette fenêtre du matin et l’alchimie était établie.
Mieux encore, pour que puisse naître cet amour, cette première coulée d’or était engendrée par cette première lueur du jour qui se produit à l’horizon, à savoir : l’aube. Du latin alba et qui signifie blanche. Là encore le féminin, le mercure.

Ensuite vient l’aurore, cette première lumière qui annonce le lever du soleil, prévient par sa couleur jaune dorée l’arrivée du produit des voyages de la nuit, de cette synthèse juste et parfaite, cette première coulée d’amour. Et cette coulée peut seule engendrer le cycle :
Midi, blanc, mercure féminin, second surveillant.
Soir, rouge, souffre, masculin, premier surveillant.
Matin, or, l’or, esprit, Vénérable Maître.
Mais qui des deux avait commencé ? Néo eut l’amusante idée de l’œuf et de la poule. Et, sans pour autant pouvoir la résoudre, il se plut à imaginer que l’œuf contenait lui aussi les couleurs blanches et jaune...mais de là à penser que la poule était un produit d’amour...

Cependant, il restait à Néo un dernier point à éclaircir. Et, son esprit curieux l’ayant souvent porté à réfléchir sur les voies de l’invisible, il se souvint de la réflexion faite par Edouard E. :
« Si tu vas un jour sur la lune » et il lui avait répondu qu’il construirait sa maison sur la face cachée. Il travailla alors sur cette idée, et il se dit :
Par rapport aux colonnes, l’absence de fenêtres au nord correspond à la colonne B qui signifie « Dans la force ». Le B est féminin, mais de quel féminin s’agit-il. S’agit-il de la femme, ou plutôt d’une partie de la femme. De la mère, ce ventre qui enfante dans la douleur, soit, mais surtout dans la force. Alors Néo imagina qu’il existait au Nord sous la colonne B une quatrième fenêtre, invisible, celle ci, qui ne s’ouvrirait pas à l’extérieur sur la lumière, mais qui renfermant le noir, l’obscure, l’eau, ne serait là que pour laisser l’enfant.
Et ce serait pour cette raison que l’apprenti ne peut pas parler. Ce droit de parole n’était en rien une interdiction, comme il l’avait souvent entendu dire, mais une chose beaucoup plus subtile, l’apprenti ne sait pas parler, ne sait même pas s’exprimer puisqu’il est encore dans le ventre de la mère en pleine gestation.

Un jour viendra, où, dans la force B, il déchirera une fenêtre dans le mur du nord pour le laisser passer.
Alors la lumière blanche du midi l’attend comme pour lui rappeler que dans l’air, le troisième élément, dont il vient de faire connaissance par sa première respiration, il existe aussi un féminin aérien.
Mais, immédiatement, ses frère lui feront tourner le dos au midi pour le protéger de l’aveuglement, car maintenant qu’il est établi, qu’il est né, qu’il existe, il est assis sous J et commence à babiller.

Ainsi il ne pourra jamais oublier son origine par la présence éternelle de la colonne B, il reverra plus cette quatrième fenêtre d’où il procède et qui s’est refermée derrière lui, toute cette grossesse qui le rendait invisible au monde.
Néo pensa donc que sa réelle naissance sera achevée lorsqu’il sera dépendant de la colonne J. Alors, pendant tout ce temps de gestation, il était en train de se faire, de se fabriquer, d’où la notion de verticalité.
Verticalité effectivement représentée par sa propre translation du haut vers le bas lorsqu’à sa naissance il descendra du ventre de sa mère vers cette fenêtre qu’est le vagin de sa mère. Et, c’est seulement après avoir été achevé verticalement qu’il pourra poser un regard latéral, horizontal à trois cent soixante degrés sur ses autres frères désormais rendus visibles.

Et Néo pressentait déjà cette nouvelle aventure de sa vie allait lui procurer joie et découverte.
Il compris que son initiation n’avait été que sa conception, forme première de la naissance, où tous les principes lui avaient été transmis à son insu. Il n’était sûr que d’une chose :
Tout était en lui, et il se savait rien. Il avait toutes les têtes de chapitres de sa vie, il attendait de pouvoir les écrire.

Mais pour l’instant, il était encore invisible aux yeux de ses frères, il se tenait caché derrière cette quatrième fenêtre, toute aussi invisible, les yeux clos, dans la blancheur de son mercure qui le condamnait à ne regarder qu’en lui même.
Et c’est ainsi que Néo, après avoir fait tous ces voyages, se dit qu’il ne manquerait certes pas d’en refaire d’autres, si, d’ores et déjà une autre énigme posée par la construction de sa maison devait être éclaircie.

J’ai dit


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