Le Sablier

 
En ce jour de tenue funèbre et de deuil, nous sommes réunis, ici, pour honorer nos  F\ disparus.

Ce soir, nos travaux ont commencé à minuit, notre temple est tendu de noir et il se trouve dans la pénombre, propice à la réflexion, un peu comme dans le Cabinet Réflexion quand, profanes, nous y avons été enfermés. Dans celui-ci se trouvaient divers symboles dont une tête de mort semblable a celle que l’on peut voir sur les tabliers de certain F\ F\ du sel, du mercure et un sablier. C’est ce dernier outil qui m’inspire davantage, aujourd’hui, face à cet évènement incontournable, au delà du chagrin que m’inspire la disparition de nos frères, découlant inexorablement de ce cadeau de vie que nous avons reçu à la naissance. Le sablier est, par essence, un appareil servant à mesurer le temps. Il est composé de deux récipients reliés par un conduit qui sert à l’écoulement du sable présent dans les compartiments dans un temps donné. Le temps est une composante essentielle de la vie, les deux sont intimement liés. Il est souvent utilisé au cours des jeux de société, invitant ainsi à la patience, à l’effort contenu dans le temps imparti, à la maîtrise de soi et à la gestion rationnelle du temps.

Le sablier, pour fonctionner, doit être debout, le sable partant du haut pour couler vers le bas. Le sable fin qui symbolise la vie corporelle, nous enseigne que celle-ci n’est que poussière face à l’immensité de l’univers. Son écoulement progressif, grain par grain, révèle que le temps s’égrène irréversiblement et induit à terme, un arrêt du mouvement, annonciateur de mort. A cela, il faut ajouter que l’écoulement du sable, du haut vers le bas, est induit par la loi naturelle de la pesanteur qui sous tend, nos lourdeurs profanes, nos vices, nos défauts, nos erreurs, etc. Ces lourdeurs profanes empêchent, semble-t-il, toute élévation et nous entraînent inexorablement vers le bas, donc vers notre mort spirituelle. Il nous appartient alors, d’inverser le mouvement vers une élévation spirituelle qui demande un gros effort, que la main secourable de celui qui retourne le sablier offre. L’aspect translucide de l’outil permet une visibilité sur l’avancement de l’écoulement et permet au F\ M\ de saisir la préciosité du temps et de le mettre à profit pour son perfectionnement moral, intellectuel, matériel, dans un but d’élévation céleste. L’écoulement du sable, comme nous l’avons vu, nous rappelle en permanence une réalité essentielle : la durée limitée de notre existence terrestre. Nous pouvons ainsi faire une analogie à la vie et au temps qui passe. Ce qui interpelle alors, ce sont ces deux récipients, reliés par un fin couloir de séparation, deux espaces semblables, de même valeur, de même teneur. Peut on en déduire, mes F\, qu’au delà de ce petit sillon, un nouvel espace existe ?

En effet, si nous faisons cet effort d’imagination de pouvoir nous positionner dans l’un ou l’autre des deux composants du sablier, que verrions nous, à part ce petit conduit au delà duquel rien ne semble pouvoir se passer ? Et pourtant, au delà de l’étroitesse de ce conduit, un nouvel espace s’élargit, en tous points semblable au premier… Quelle signification en déduire, mes F\, sachant que nous pouvons retourner encore le sablier pour qu’un nouveau cycle commence, et cela indéfiniment, comme si l’espace temps du monde visible préfigurait celui du monde invisible encore, mais bien réel ?

Le sablier peut symboliser toute chose ayant un début et une fin, avec ceci en plus, que la fin peut devenir le début encore une fois et ainsi de suite, autant de fois que l’on retourne le sablier, donc, une fin qui n’en n’a que l’air et qui coule vers un autre début inlassablement. Ce conduit central entre les deux compartiments semblables en tous points pourrait symboliser ce qui sépare le ciel de la terre, la spiritualité de la matérialité, le monde visible de l’invisible, les ténèbres de la lumière et qui serait garant, aussi, d’un tout symbolisant l’initié.

En effet, l’interpénétration des deux mondes ne peut se faire que par une porte étroite, réservée aux seuls initiés, détenteurs des clés. Le sablier nous enseigne donc, à l’instar du pavé mosaïque, que la Loi du binaire ou de la dualité régit le monde et que, seuls, les véritables initiés peuvent s’en élever et assurer l’équilibre des contraires afin que cette dualité soit ramenée à l’unité.

Le goulot étroit par lequel le sable s’écoule représente une contraction de l’unité pour l’obtention des deux compartiments semblables. Cette contraction peut représenter la difficulté, la douleur et la dispersion du sable au delà du goulot traduit un mouvement, une libération, donc, la vie ! Si l’on prend pour exemple nos travaux en L qui débutent à midi et finissent à minuit, ce sablier peut aussi symboliser la durée d’une tenue. A chaque retournement commence une nouvelle tenue avec de nouveaux travaux et ainsi tant qu’il y aura des F\.

Le sablier est par excellence le symbole du temps qui passe, il nous met en garde contre nos propres pesanteurs qui induisent à terme, notre mort spirituelle. Il nous commande donc de nous alléger et de nous dépouiller de nos aspérités, en naissant de nouveau par l’initiation et les mystères qu’elle confère en vue d’une véritable ascension vers les hauteurs célestes. Il nous renseigne sur les cycles immuables que sont la naissance et la mort, contraste d’obscurité et de lumière et sur notre rapport au temps. Outre sa signification symbolique de transformation spirituelle, le sablier nous offre une lueur d’espoir, pour qu’au delà des difficultés et de la souffrance, il puisse exister un autre espace, une autre chance, encore et toujours, tout au long de notre vivant pour travailler sa pierre vers le céleste et même après ce qui semble être la fin vers un éternel recommencement.

Le dernier grain de sable tombe dans le vase du bas et le sablier indique maintenant minuit.

J’ai dit, V\ M\