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Le sablier - Conscience de l’espace temps

A la gloire du Grand Architecte de l’Univers, Vénérable Maître et vous tous mes frères en vos grades et qualités, j’ai choisi le sujet de mon morceau d’architecture sans savoir que celui-ci serait une augmentation de salaire, mon choix s’est porté sur le sablier car il représente pour moi cette conscience de l’espace-temps.

De plus, le sablier symboliquement représente un objet d’apparence translucide qui enseigne que l’espace-temps du monde invisible préfigure l’espace-temps du monde visible. Mais la notion première qui a déterminé mon choix est cet isthme, passage qui relie les deux parties interchangeables, inversées mais égales et qui nous démontre que nous sommes éléments d’un tout, microcosme dans le macrocosme. De fait, évolution mais aussi involution sont possibles.

L’élaboration de ce travail m’a demandé des efforts de lecture, d’appropriation des choses, et des mots, oligo-éléments de ma nourriture spirituelle…

Ce travail s’articulera autour des aspects suivants :

  1. Signification et définition du sablier avec ses trois composantes.
  2. Notion de l’espace temps.
  3. Espace temps maçonnique.

Conscient, d’être restreint dans l’approche de cette planche, il m’apparait d’abord important de cerner particulièrement les résonnances qu’induisent ces mots en nous.

Le sablier :

Il aurait vu le jour 1 000 ans avant J. C. ; afin de resituer quelques outils pour mesurer le temps, citons quelques dates :

Environ 3 000 ans avant J. C., invention présumée du gnomon (bâton gradué mesurant l’ombre portée), il était utilisé chez les Sumériens, les Egyptiens…

2 400 à 2 000 ans avant J. C. apparaissent en chine les premières horloges à eau nommées les clepsydres.

Vers 800 ans après J. C apparaissent les 1ers cadrans solaires. Puis au XIIe siècle, l’autre « orloge » (sans H). Enfin au milieu du XIIIe siècle, apparait le sablier d’aujourd’hui sous le nom latin de « sabulum » qui veut dire - le temps mesuré par l’écoulement d’une quantité de sable. Pour terminer mon propos, au XVIe siècle : apparition des premières montres à gousset, et, seulement en 1904, fut créée la première montre à bracelet « la Santos » et, en1960/1970, invention de la montre à quartz.

Le sablier, horloge de verre serait un symbole trinitaire car instrument composé de 3 parties : le support, le contenant et le contenu.

Le support souvent en bois, en cuivre, en laiton…sur celui-ci on peut voir 2 pyramides l’une sur l’autre posées par leurs pointes ou 2 triangles en opposition (compas/équerre).

Le contenant formé par 2 ampoules translucides symétriques en tout point par rapport a son centre serait la traduction de l’opposition du ciel et de la terre, de la spiritualité et de la matérialité, du monde visible au monde invisible, des ténèbres et de la lumière qui peuvent fusionner en un, « un le tout » qui intègre l’infiniment petit et l’infiniment grand ; l’initié étant symbolisé ici par l‘allégorie du conduit étroit.

Les 2 compartiments sont identiques (celui du haut et du bas), cela rappelle l’inscription de la table d’Emeraude : « Ce qui est en haut est comme ce qui en bas, pour le miracle d’une même chose… ».

Le contenu : poussière de marbre mais le plus souvent c’est du sable fin qui s’écoule du haut vers le bas, ressemblant au travail de l’introspection de l’apprenti (connais-toi toi-même) ; cet écoulement me fait penser à une chute et nous ramène à la condition de poussière face à l’immensité de l’univers… Cet écoulement nous entraîne vers la mort d’un cycle pour renaitre avec le renversement et apporter une élévation spirituelle en inversant notre mode d’agir, de penser et d’une certaine manière, s’approprier l’espace temps.

L’écoulement est une verticale dans le sablier qui n’est pas sans rappeler la verticalité du fil à plomb ; n’est-il pas aussi une préfiguration de la marche de la vie, de la naissance au trépas…et comme si la mort induisait une renaissance… Cet écoulement est dépendant de l’isthme sorte de passage, de goulot, d’étranglement…

L’étroitesse du goulot peut évoquer la porte étroite de l’entrée du temple quand l’impétrant doit passer sous la règle à 24 divisions, manière de changer de plan, ou tout simplement d’entrer dans un autre monde…ce passage n’est-il pas le symbole qui figure la difficulté, le besoin de rigueur, de maitrise de soi pour une nouvelle mutation de l’initié ? Par ailleurs l’inéluctable écoulement du sable pourrait signifier la force et la sérénité de la construction de ce temple intérieur qui ne peut s’accomplir que dans un temps donné ; celui de la création de l’œuvre sans impatience.

Pour finir sur la notion du sablier, peut-on faire un parallèle avec le cœur de l’homme ? Le sang entre par un coté et ressort de l’autre, il circule toujours dans le même sens du haut vers le bas, il régénère tous les organes, les muscles…

Le temps d’écoulement du sable semble s’accélérer à mesure que l’on s’approche de la fin, relation faite avec l’homme qui a l’impression que le temps s’accélère avec l’âge… La sensation du temps qui s’écoule est différente d’une personne à l’autre ; une minute d’ennui est plus longue qu’une minute de plaisir c’est peut être là la faille de la représentation unidimensionnelle du temps, découverte en physique cantique.

Notion du temps :

Le mot temps provient du latin « tempus » de la même racine que le grec « temnien » signifiant couper - qui fait référence à une division du flot du temps, il est à noter que temple « templum » dérive de cette racine et en serait la correspondance spatiale (le templum initial est la division de l’espace du ciel ou du sol en secteur pour les augures).

La notion de temps est corolaire de la notion de mouvement car il suppose la variation. Premier repère du temps, l’alternance du jour et de la nuit, passage de la lumière aux ténèbres et vice versa, des saisons, des astres en mouvement.

Le temps se mesure par le mouvement dans l’espace, seul l’homme le divise, le compte, le catégorise en unités…

Le temps semblerait être un intervalle du mouvement à partir duquel se mesurent la vitesse et la lenteur, conception soutenue par les pythagoriciens. Dans notre société occidentale la maitrise et la possession de l’espace semblent donner une puissance supérieure à celle du temps qui n’est pas matière et qui est de fait insaisissable.

Espace temps :

Je propose une seule approche de l’espace-temps et pour l’illustrer la définition de Fabre d’OLIVET :

« Le temps, dont nous avons la notion intellectuelle est une mesure de vie. L’espace dont nous avons la perception sensorielle est une mesure de matière… Donnez un autre mouvement à la vie, vous changez le temps, modifier le mouvement de la matière vous changez l’espace… ».

L’espace-temps sont des réalités inséparables parce que l’espace est généré par le mouvement perpétuel de ses repères, mouvement soumis au temps… A l’image du chemin initiatique, comme un labyrinthe où la notion de temps ne serait vécue qu’à l’intérieur de soi-même, balisée par les rituels, les tenues mais aussi par le travail effectué quotidiennement par l’apprenti que je suis…

Espace-temps maçonnique :

Lors des travaux en loge, les horaires sont invariables et symboliques qu’elle que soit l’heure réelle : le midi et le minuit sacrent notre espace et notre temps.

Les travaux sont aussi toujours délimités dans un espace compris entre l’Orient, l’Occident, le Septentrion et le Midi mais aussi le Nadir et le Zénith. Donc disparition du temps et de l’espace du moins dans le sens où nous l’entendons communément. La circumambulation (circulation) en loge serait d’origine cosmique, on marche vers la lune, vers le soleil, vers la lumière. Ces heures et cet espace conventionnels traduisent une relativisation du temps et de l’espace, une certaine intemporalité mais sûrement aussi un certain caractère universel de la Franc-maçonnerie.

Le maître ouvre les travaux à midi, on dit que le soleil est au zénith, le moment où l’homme est sans ombre, ce qui pourrait signifier qu’il peut entrer dans la perfection et l’harmonie. Le maître ferme les travaux à minuit, synonyme de renaissance, moment propice pour poursuivre le travail engagé dans la loge à l’extérieur… Même s’il n’est pas statique ce temps serait-il analogue à celui mentionné dans la bible par Josué 10-13 : « Et le soleil s’arrêta et la lune se tint immobile… ». La caractéristique de ce temps semble à la fois immuable et dynamique, créatrice puisque c’est là (espace et temps définis et renouvelés).

Rappelons cette précision apportée par René GUENON dans « Mélanges » chapitre VII : « …Celui qui ne peut sortir de la succession temporelle est incapable de la moindre conception d’ordre métaphysique. Nous devons effectivement nous situer dans un « temps sacré » puisque le temps profane, tout comme l’espace d’ailleurs, n’est jamais qu’une des conditions de l’existence corporelle, d’un mode particulier d’un état spécifique de l’être… ».

Confirmant l’idée que, pour notre société contemporaine le temps action prévaut sur le temps espace car l’espace est réduit à l’appropriation, la confiscation, la possession… Du coup, le temps est raccourci, accéléré de façon artificielle par la mesure d’un modèle sur l’autre, il n’y a plus de juste mesure de l’espace multiple, on veut être acteur toujours plus rapidement si bien que l’on courcircuite les notions d’espace…on peut dire que l’on a perdu une certaine préhension de cette notion, une certaine plénitude…

Pour l’Homme, les notions de temps et d’espace ne sont-elles pas brouillées ? Qu’il cherche continuellement à les vaincre et pour ce faire, utilise en permanence des moyens strictement artificiels et matériels, n’est-ce pas là l’aveu d’une incompréhension, d’un leurre et d’un échec ?

Pour terminer, je vous propose un peu de poésie avec un passage du poème « Le lac » de LAMARTINE évoquant l’apparente impuissance de l’homme face à la fuite du temps :

« Ô temps ! Suspend ton envol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours,
Laissez-nous savourez les rapides délices
Des plus beaux de nos jours. (…)

Mais je demande en vain quelques moments encore
Le temps m’échappe et fuit
Je dis à cette nuit : Sois plus lente, et l’aurore
Va dissiper la nuit.

Aimez donc, aimez donc ! De l’heure fugitive,
Hâtons nous, jouissons !
Il coule, et nous passons ! »

Entre passé et futur, n’est-ce pas là l’expression d’une urgence de vie : celle de la conscience de l’espace (le moi) au temps présent ? Le dernier grain de sable tombe dans le vase du bas, et le sable indique « Minuit ».

Vénérable Maître et vous tous mes frères.

J’ai dit…

D\ B\

Bibliographie :
Mélanges de René GUENON.
La poussière du monde de Jacques LACARIERE.
Les symboles maçonniques d’Anna MONFORT.
Le Lac de LAMARTINE.
Le sens du sacré sous la direction de Nathalie CALME.
Quelques planches du site « EDIFICE ».
Et plusieurs articles des numéros de Points de Vue Initiatiques.

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