Obédience : NC Loge : NP 01/04/2008



L’œuf
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Nous voici revenus à l’équinoxe de printemps. Les oiseaux rêvent de fonder une famille et « concertent » amoureusement pour construire leurs nids ; les bourgeons frétillent et rêvent d’éclore en légères jupettes roses, blanches ou vertes, nos désirs de soleil et de liberté explosent et sortent de leurs coquilles et nous voyons de toute part surgir des kyrielles d’œufs.

Certains de ces « cocon », roses d’espoir, sont couvés sous les plumes de « charmantes gallinacés », tandis que d’autres multicolores, chocolatés, parfumés, alléchants sont couvés par des yeux brillants de gourmandise : ils trônent, enrubannés de soie, dans les vitrines des pâtissiers.
Mais ceux-là, les œufs pas les pâtissiers, ne seront pas gobés, ni fécondés, ni couvés mais ils seront croqués.
Hallucinée par l’ambiance générale et poursuivie dans mon sommeil, par un coq obscur me menaçant insidieusement, en chantant à tue-tête : « vitriol », j’ai dû pondre un nouvel œuf.
Cette fois encore, j’ai fait de gros efforts pour transmuter la matière en or !
Hélas, j’avoue du haut de mon perchoir que je ne suis pas la poule aux œufs d’or et que dans cette basse-cour qu’est la vie, j’ai empilé des tas de coquilles ?
Néanmoins, et comme chaque jour qui nous est donné, je chante que mon œuf est tout neuf !
Car un œuf peut tour à tour se cueillir, se briser, se mirer…
Ca peut se cuire au plat, se brouiller, se tremper de mouillettes, c’est dur, c’est clair, c’est mollet, c’est gros ou bien discret…
C’est parfois en neige et parfois mimosa…
Dans les mains d’un farceur, ça devient projectile et c’est alors dégoulinant, bavant et d’un jaune magnifique !
Si, comme disent les reb’oeux, quelqu’un vous traite et vous dit : « Quel œuf, voire même tronche d’oeuf ! », vous répondez (cocorico) : « Vas te faire cuire un œuf ! ».
Vous risquez alors de rentrer dans un combat de coqs.
Plus modérément si, comme on dit chez les cht’i, vous avez à : « peler un œuf avec quelqu’un ! », vous avez aussi le droit de rentrez dans votre coquille même si vous ne pouvez plus gober ce blanc bec !
Certes on peut dire que souvent, nous marchons sur des œufs, mais c’est la vie, et puis comme dirait l’autre, on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs.
Quoique… dans certaines situations, et comme le démontra brillamment Christophe Colomb, on a le droit de trancher un problème insoluble en décalottant un œuf, sans avoir à se déculotter devant son adversaire.
Voilà pourquoi, il ne faut jamais mettre tous vos oeufs dans le même panier : alors évitez de clicker sur internet quant on vous répète à tout bout de champ : ajoutez à votre panier !
Nous devons pourtant : « osez rêver grandiose » et ne pas étouffer une idée dans l’œuf !
Nonobstant, je vous déconseille de voler un œuf car pour cela, il faut avoir une étable : on dit en effet que plus tard vous volerez un bœuf, et suivez mon regard, ne suivez pas … le bœuf !
Prenez plutôt la bonne pente et sur vos deux skis soyez syle, échappez-vous par le bas, faites l’œuf !
Puis revenez à Grenoble pour  élevez votre esprit au dessus des racailles et avec « bravitude », montez dans l’œuf pour voir tout cela de haut, à la Bastille !
A ce stade de notre réflexion grâce à la preuve par n’œuf, vous risquez d’avoir la tête pleine comme … un, non comme une citrouille ! Car notre énigme demeure : est-ce la poule qui fait l’œuf ou l’œuf qui fait la poule ?
Après cette couvaison introductrice, vous souhaiteriez y voir plus clair : ne restez pas dans votre coquille, frappez trois coups et l’on vous ouvrira, trois coups et l’on vous répondra ! Utilisez comme le poussin un bec plein de force et vigueur que l’on appelle le bec diamant.
Bien, me direz-vous mais en dehors de ces fantaisies langagières, gastronomiques ou poétiques, quid du symbolisme ? Mes chers petites cailles, nous y voilà !
La plupart des civilisations voient dans l’œuf un symbole des origines du monde.
Les Celtes, les Grecs, les Hindous, les Japonais, les Indiens et bien d’autres se rejoignent autour de cette forme magnifique, curieusement inscrite entre deux pentagones : l’œuf.
Les Egyptiens adoraient « l’œuf lumineux que l’oie céleste pond et couve à l’Orient » : ils prétendaient que le soleil comme la terre sont nés du germe mystérieux entouré par cet « œuf-mère ».
Dans toutes les cultures, « l’œuf primordial » pondu par des êtres étranges : dragons, dinosaures, oiseaux, géants, serpents, donna naissance tantôt au cosmos tantôt à la vie, tantôt au premier homme, tantôt au Verbe.
L’œuf cosmique contient tous les êtres dans leur unité, mais aussi dans leur multiplicité : serait-ce les prémisses d’une fraternité primordiale !
Parmi tous les récits que j’ai lu, j ‘ai choisi de vous lire ce court extrait des textes fondateurs de l’Inde, Les Upanisad :
« Au commencement, il y avait le non-être. Il devint l’être. Il grandit et se changea en œuf. Il reposa toute une année, puis il se fendit. Deux fragments de coquille apparurent : l’un était d’argent, l’autre d’or. Celui d’argent : voilà la terre ; celui d’or, voilà le ciel. Ce qui était les membranes internes, voilà les nuages et les brumes : ce qui était les veines, voilà les rivières ; ce qui était l’eau d la vessie, voilà l’océan. »

C ‘est ainsi que de nombreuses légendes racontent comment du premier œuf naquirent bientôt d’autres œufs donnant naissance aux poissons, aux oiseaux, aux mammifères, aux papillons, aux végétaux, à tous nos congénères…
Que l’œuf soit zygote, monozygote, poli zygote, gamète mâle, ou gamète femelle, ovule, cocon, chrysalide, spore, noyau, grain ou graine, il semble bien que tout ce qui est vivant naît d’un œuf ?
C’est donc cette forme bien connue par tous qui transmet à chaque espèce son programme et la mémoire de son évolution ; elle recueille la naissance et la renaissance ; elle est le creuset des métamorphoses de la vie ; dans le mystère de sa  pénombre, cette forme reçoit, crée, constitue, l’être nouveau avant qu’il ne vienne à la lumière.

C’est aussi dans l’athanor, fourneau des alchimistes, souvent comparé à l’œuf cosmique que naît le germe de la vie spirituelle et que la matière se transmute pour se changer en or et devenir « pierre philosophale »

Avec l’équinoxe de printemps nous fêtons le rétablissement d’un équilibre parfait entre le jour et la nuit, du juste milieu entre l’ombre et la lumière, de l’interface entre la vie et le mort. Après un long hiver, l’espoir reverdi, il brille dans toute la nature et la vie bourgeonnante, bourdonnante sort de son œuf, elle perce les graines, elle fend le bitume, elle chante au creux des nids.
L’œuf se charge alors de forces nouvelles : celles de l’espérance, de l’éternel retour, de l’immortalité.
Transmission, transmutation, lieu des origines, naissance et renaissance, alpha et oméga… On comprend mieux la symbolique universelle que les hommes prêtent à l’œuf en cette période vernale.

Bien sûr, comme dans d’autres domaines, la chrétienté à repris à son compte les mythes anciens et l’œuf  fut naturellement associé aux fêtes de Pâques, symbole de résurrection. Il faut ajouter qu’au IV éme siècle, le jeûne  du Carême interdisait de manger des œufs. Il s’amoncelaient donc en grande quantité dans les maisons et pour s’en débarrasser on prit l’habitude de les donner aux enfants. Ils allaient donc en bandes, comme cela se pratique encore dans certains villages, et ils les recueillaient dans de grandes corbeilles. Enfin le samedi de Pâques on en faisait une grande omelette ou une grande galette appelée roulée.

Nos œufs de Pâques ou « pâquerets », ceux que l’on décore ou ceux qui tombent mystérieusement dans les jardins printaniers, sont nés de la rencontre entre la vie, le sens de la vie et l’imaginaire des hommes. Ils maintiennent des coutumes aux origines très lointaines et universelles, dont je n’ai effleuré qu’une infime partie. Il faut absolument transmettre ces histoires aux enfants.

Quant à notre œuf à nous, mes FF\ et mes SS\, c’est d’abord me semble-t-il, le cabinet de réflexion : nous y couvons dans la pénombre et la petite flamme germe de notre espérance,  en retenant notre souffle, près d’un coq vigilant. Elle attend patiemment le moment ou elle sera fécondée, grandire et se découvrira dans une plus grande lumière qui lui permettra de mûrir ses fruits ! Comme l’habitant de l’œuf, il nous faut d’abord œuvrer dans l’ombre et dans la solitude, attendre, frapper, briser notre coquille et sortir pour renaître à la lumière du Temple. Mais attention, l’histoire n’est pas finie, car je considére le Temple comme un nouvel œuf, un œuf primordial à son tour !
Ainsi, parcourant nos saisons intérieures, nous continuons d’œuf à l’autre, de muer, d’abandonner la gangue de nos vieilles enveloppes, de transmettre le germe, avec l’espoir de faire éclore en nous et autour de nous l’homme nouveau.
Si nos coquilles restent fragiles et éphémères, leurs formes sont juste et parfaites ; mais nous devons êtres patients, car il nous faut, sans désespérance, traverser l’hiver et savoir attendre le jour dans un silence actif : c’est alors que la transformation s’opère.

Voilà pourquoi je crois que si les solstices et les deux St Jean sont importants, il ne faut jamais oublier le temps des équinoxes : ni celui des œufs et du printemps, ni celui de l’automne et du blé, dédié à Cérès, déesse des moissons.
Avec le produit des équinoxes : les œufs et le blé on peut faire de délicieuses galettes !

Mais en attendant, je vous souhaite un bel œuf à croquer tout de suite.

M\ J\

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