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Fiat Lux

3154-4-1

Du Passage des Ténèbres à la Lumière

Lorsqu’il m’a été demandé d’effectuer un Travail sur les Ténèbres et la Lumière, je dois bien vous avouer, mes Frères, que j’ai été quelque peu décontenancé. En effet je m’attendais à une étude de symboles plus tangibles, tels que nos outils. Mais qu’à cela ne tienne, le Travail d’un Franc-maçon ne souffre pas de porter des œillères, freins à l’ouverture de son Esprit. J’ai donc tenté d’aborder cette planche de façon technique, fidèle à l’herméneutique chère à quelques Frères.

Cet angle d’attaque ne me satisfaisait pas et était loin de produire l’effet recherché dans ma réflexion. J’ai alors remis l’ouvrage sur le métier en m’attachant cette fois à répondre à deux questions simples : Que représentent les Ténèbres et la Lumière pour moi au travers de ma vie
Maçonnique ? Comment, si cela est possible, puis-je concilier les Deux ?

J’en suis arrivé à la conclusion que cette planche ne pouvait qu’être subjective. En effet mes Ténèbres ne sont pas vos Ténèbres mes Frères, de même que ma Lumière, même si elle se fond dans cet Egrégore qui illumine nos Travaux, demeurera mienne. C’est donc de façon « intimiste » que je tenterai de vous livrer le fruit de mes réflexions.

Question : Pourquoi vous êtes-vous fait recevoir Franc-maçon ?
Réponse : Parce que j’étais dans les Ténèbres et que je désirais recevoir la Lumière.

Les Ténèbres ; cet endroit obscur des origines du Monde, d’où, Profanes que nous étions, nous sommes tous issus. De ce ventre Maternel où le nouveau né à venir, alors aveugle, ne peut percevoir aucune lumière. Puis le miracle de la vie fait son œuvre et enfin l’Homme se dresse en plein jour, sûr de son fait, …jusqu’à ce qu’il se rende compte, après une réflexion moins superficielle, à quel point il est un errant dans le néant de ses certitudes et de ses faux semblant. Il se met alors à douter et devient un Cherchant. Commence alors pour lui une descente au plus profond de son être, siège des noirceurs de son âme et de toutes les laideurs qui y sont dissimulées.

Ces Ténèbres, lieu intime où nos Passions donnent libre cour à leurs fantaisies, nous absorbent au point qu’il nous est impossible de percevoir la « lueur » d’espoir que nous avons en chacun de nous.

Il est tellement facile de se perdre sur ces sentiers menant à la suffisance, l’autosatisfaction, et autres « qualités » à la mode dans notre monde actuel. Quelle facilité, oui ! Mais quelle solitude…

Cependant il n’est pas ici question de descente aux Enfers, nos démons devant rester où ils demeurent sans possibilité d’en sortir, de remonter à la surface ; auquel cas nous tomberions dans la folie.

Non, il s’agit bien d’une introspection profonde nous permettant de reconnaître nos défauts pour ce qu’ils sont, loin de toute complaisance. Ce Travail sur soi est nécessaire afin de réaliser notre « Grand Œuvre », cette quête infinie de notre « Pierre » compensant nos laideurs par nos beautés.

Nous commençons cette quête dans le caveau symbolique qu’est le cabinet de réflexion le jour de notre Initiation. V.I.T.R.I.O.L. nous trace le chemin vers ces profondeurs intimes tout en nous donnant l’espoir de trouver notre « Pierre Angulaire », base à la construction de notre Temple intérieur. La bougie, alors présente, ne peut représenter la Lumière recherchée car nous ne l’avons pas encore reçue. Cependant, elle symbolise l’espoir qui est nécessaire à notre évolution, Espoir moteur de notre quête. Enfin, au terme d’un Rituel ancestral, on nous accueille dans La
Lumière.

Il serait alors illusoire de croire, que notre Lumière intérieure nous est révélée. Celui qui croit avoir atteint cet état de grâce, n’a alors absolument pas compris la quête qu’il a commencée et encore moins celle qui l’attend.

Nous sommes reçus dans un lieu éclairé nous permettant de marcher vers notre Vérité en toute sécurité parmi nos Frères. En dehors de ce lieu consacré cette tâche pourrait s’avérer périlleuse car l’égarement nous guette à chaque pas dans le monde Profane. La Lumière nous trace ainsi la route, sans ombre, dans sa rigueur crue.

Lors de l’Initiation, la réception de la Lumière est vécue et inspirée d’une Parabole du Christ, « je te laisse ta Lumière, je te donne ma Lumière ». Nelson MANDELA a dit très justement « En faisant scintiller notre Lumière, nous offrons aux autres la possibilité d’en faire autant ». Il nous appartient alors de nous mettre en quête de cette petite étincelle. De la transformer en un phare guidant les bateaux ivres que nous sommes, sur un chemin menant vers le salut. Heureusement cette recherche ne se fait pas sans aide, le Vénérable Maitre assis à l’Orient, lieu où le Soleil se lève, éclaire nos Travaux et nous transmet par sa chaleur, toute la Fraternité que l’assemblée des Frères génère. Il devient ainsi le catalyseur de cette sagesse nécessaire à notre progression.

Les symboles nous rappelant cette dualité ne manquent pas dans le Temple, le plus évident étant le Pavé mosaïque bien entendu. Est-il utile ici de mettre en relation les alternances de noir et de blanc avec le sujet de cette planche ? Et pourtant, la Lumière et les Ténèbres y cohabitent sans que l'une ou l'autre ne domine.

Cette coexistence est le reflet de la lutte ancestrale entre le bien et le mal. Cependant peut-on, et doit-on choisir un camp ? Est-il souhaitable que nous plongions dans les Ténèbres de Lucifer ou, à contrario monter en pleine Lumière divine ?

Dieu a fait l'homme à son image, mais a également montré sa capacité à le punir pour ses fautes et ce dès le pécher originel, nous montrant ainsi son côté sombre.

Quant à Lucifer, lui, son nom signifie « porteur de Lumière » ; du latin Lux : Lumière et fero : porter. Il est présent dans les mythologies romaines et grecques et est assimilé à l'étoile du matin, c'est à dire Venus. Il est le dieu de la connaissance et de la Lumière. Par la suite, dans le Livre d’Hénoch, il sera confondu avec Satan, cet archange déchu et maitre des Ténèbres.

Cette dualité serait-elle donc présente au plus haut…, comme au plus sombre ? Toute la difficulté n'est-elle donc pas de marcher sur cette frontière, si ténue, entre le Bien et le Mal ?

Le Fil à Plomb, tel une flèche descendant de la voute céleste, symbolise ce but recherché. Il pointe sur le centre du Pavé Mosaïque, cet endroit où toutes les choses sont disposées de part et d'autre de façon égale. Cet endroit où nous serons capables d'accepter notre propre zone d'ombre, uniquement grâce à la présence de notre Lumière.

Le fléau de cette balance, à l'équilibre somme toute précaire, se nommerait alors Sagesse, cette Vertu caractérisant l'harmonie de Soi avec les autres, son propre corps mais également ses Passions.

LAO TSEU disait « connaître les autres, c'est sagesse. Se connaître soi-même, c'est Sagesse supérieure ».

Soi-même, n'est-ce pas la Pierre Brute symbolisant le chaos de notre être ? Cette Pierre taillée à l'aide du maillet qui, de part son utilisation du haut vers le bas, établit ainsi un trait d'union avec cette même Lumière divine. Le ciseau enfin qui canalise cette volonté pure vers notre Moi intérieur.

Cette verticalité omniprésente nous invite à plonger au plus profond, tout en sachant que nous ne sommes pas seuls.

Le Rituel nous fournit un fil d’Ariane dans cette descente. Le Prologue de Saint Jean nous trace le chemin vers notre rédemption et donc notre Lumière. « Et la Lumière brille dans les Ténèbres et les ténèbres ne l’ont point reçue ».

La Lumière ne peut être ternie par les Ténèbres et demeurera notre guide vers ce mieux vivre, en harmonie et en paix.

Ce verset nous renvoie vers l’Orient lieu d’existence de trois Lumières, celles que l'on découvre en premier lorsque le bandeau nous est enlevé : le Vénérable Maitre, le Soleil et la Lune. La dualité de ces deux astres nous apparait ici de façon évidente, le Soleil symbolisant la vie, la Lune l’obscurité, ils rythment ainsi notre propre vie.

Nous rencontrons des moments de pleine chaleur, d’espoir et d’envie d’aller de l’avant, tout comme, à contrario, nous subissons ces moments de tristesse et de laisser aller. Le Vénérable de la Loge devient alors le moyen de transcender cette dualité en nous faisant prendre conscience de l’essence de ces deux états et d’en tirer l’enseignement qui nous fera avancer sur notre chemin.

Ainsi donc les Ténèbres cachent la laideur, la Lumière montre la beauté. Mais comment, alors que les Ténèbres sont une multitude et nous entourent, la Lumière qui est Une, peut-elle émerger et nous guider ? Peut-être tout simplement parce qu’elle est notre force vive, ce désir d’élever notre âme de la noirceur.

Mais, après tout, les Ténèbres et la Lumière ne sont-elles pas intimement liées ? Si les Ténèbres n’existaient pas nous vivrions dans un monde « lumineux » où toute chose, tout être, seraient parfaits. Un monde aseptisé, lisse. Or la perfection n’existe pas et il est impossible de l’atteindre, nous pouvons tout au plus tenter de nous en approcher.

A contrario, si la Lumière n’existait pas, le chaos régnerait en maitre et l’Espoir n’aurait pas le droit de cité.

Malgré le mal qui ronge ce monde, les exemples de bonnes volontés ne manquent pas. Ces héros ordinaires de la vie font que l’on continue à avancer, à espérer, même lorsque les ténèbres semblent gagner du terrain.

Il m’a été donné de lire une inscription laissée par un soldat allemand dans un bunker pendant la deuxième guerre mondiale : « Humor ist wenn man trotzdem lacht » ; l’humour c’est quand on rit malgré tout. Cet homme, qui était un combattant, qui a pris des vies, avait en lui cette étincelle qui a sûrement redonné l’espoir à ses camarades, même s’il savait que probablement ils ne verraient pas la fin de cette guerre.

N’est-ce pas là une belle combinaison de Ténèbres et de Lumière ? Cette dualité n’est-elle pas assurément l’opposition entre le Bien et le Mal ?

Ces Ténèbres ne reflètent que notre humanité, aussi imparfaite soit-elle. Quant à la lumière, elle n’est que notre volonté de nous améliorer, de faire le bien. Elles sont indissociables de notre Être et méritent d’être pondérées.

Il nous appartient de maintenir cet équilibre précaire où la Lumière se doit d’éloigner nos démons et nos Passions, où notre noirceur imprime ce que nous avons d'humanité sur une utopique perfection.

De ce fait, la quête que nous avons entamée mes Frères, ne peut avoir de fin dans ce monde. Si notre but est de nous améliorer, il ne peut que nous permettre à mieux appréhender notre propre mort, en paix, car avant de demander l’ultime pardon que nous procure l’Ultime Initiation, nous nous sommes pardonnés à nous même. Nous pourrons alors renaitre à l’Orient Éternel en pleine Lumière, nous fondre en elle pour ne plus faire qu'un et rejoindre le Grand Architecte.

Nous recevrons cette illumination qui, d’après Antoine DE SAINT EXUPERY, n’est que la vision soudaine, par l’Esprit, d’une route lentement préparée.

Ainsi cette lutte que nous menons pendant toute notre vie, cette Lumière que nous faisons grandir, ces ténèbres, si singulières et tellement personnelles, que nous repoussons, ce Travail de chaque instant nous mènera Tous au même endroit. Nous communierons dans cette Sagesse Unique et Divine, retournant ainsi à la source de toute chose.

Alors, mes Frères, et pour reprendre le titre de ce Travail :

Fiat lux que la lumière soit.

Pour conclure je citerai un illustre Frère, passé à l’Orient Éternel depuis plusieurs siècles maintenant : Johann Wolfgang Von GOETHE ;

« Et tant que tu n’auras pas compris ce « meurs et deviens », tu ne seras qu’un hôte obscur sur la terre ténébreuse ».

J’ai dit.

F\ L\


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