Obédience : NC

Loge : Le Rameau d’Or

15/04/2009


Le vide ou la vacuité de l'intérieur

Il y a quelque temps j’ai éprouvé le besoin de faire le point. Le vide en moi. Pour moi. Descendre à l’intérieur de moi-même pour, qu’à l’image d’un pendule qui bouge au-dessus d’un point, je puisse regarder et attendre le moment où il s’arrêterait, où je m’arrêterais. Lentement, lentement, lentement… Là çà y est ! Nous sommes dans notre monde, à l’image de la verticale qui tombe de la dernière étoile de la Petite Ourse, nous indiquant notre centre. Nous avons obéi à l’ordre qui nous a accueillis dans le cab\ de réflexion : Visite l’Intérieur de la Terre et en Rectifiant tu trouveras la Pierre Cachée, véritable médecine. Nous nous sommes recentrés.

Dans notre société de consommation, où nos vies sont faites d’actions comptées, rythmées et mesurées par le stress, il est bon de s’arrêter en chemin, de se dire qu’au bout du compte, nous n’avons au fond qu’une certitude et qu’en attendant qu’elle se réalise, il nous faut vivre le mieux possible. En se rechargeant, en se ménageant des moments pour cela.

Qu’ai-je fait pour ce recentrage ? Fut-il difficile, ai-je travaillé longtemps à faire ce point. Ce vide ? Non. Justement pas. Ou plutôt si. Alors me direz-vous ? Oui ou non ?

Et bien pour le non, répondrais que le Vide ne résulte pas d’un effort. Bien au contraire, il est le résultat d’une volonté de s’extraire de toute activité, de toute agitation. Ce vide que je vous décris et que chacun d’entre nous a pu expérimenter s’accompagne d’un sentiment de plénitude, soit que plein et vide s’alternent, soit qu’ils coexistent, et c’est lorsque le pendule dont je parlais plus haut s’est enfin arrêté que l’on peut espérer trouver, éprouver le sentiment de plénitude, de Paix profonde que sciemment ou inconsciemment nous cherchons tous.

Cette Paix profonde est la même que celle que nous éprouvons lorsqu’au cours d’une balade nous nous taisons pour ne plus faire qu’Un avec la nature. Cette quiétude, favorable au dépouillement de l’esprit pourrait devenir folie s’y on s’y attardait trop.

La sagesse populaire en disant que la nature a horreur du vide évoque inconsciemment le besoin de repos, de plénitude. Notre corps recherche la vacuité constamment. C’est en vacance qu’il peut recharger ses batteries. Et nous ne pouvons nous reposer et nous remettre en forme que si nous en ressentons le besoin. Que lorsqu’en a « plein le dos ». Nous nous rendons compte là que comme beaucoup de choses la notion de vide ou de plénitude est relative.

Pour le oui, et la longueur du temps qu’il faut pour rencontrer son Vide, je dirais que les philosophies orientales sont fondées sur cette notion de Vacuité. Mais qu’il faut être maître de sa méditation, l’avoir choisie pour ressentir la vacuité. Cela n’a rien à voir avec le repli sur soi qui engendre l’inaction. C’est exactement le contraire. Se Vider, c’est Agir de sa propre volonté pour que notre esprit atteigne le but qu’il s’est fixé. Lorsque je me livre à cet exercice, le but que je recherche est la Paix. Non pas la trêve qui suit une guerre, la Pax Romana, mais la sérénité.

Pour moi, le sentiment de vacuité s’apparente à celui de l’attente, de l’espérance de la réception de la grâce, de la Paix de l’âme. Car la quête d’une paix toujours nouvelle n’est pas la stagnation, état que dénonceraient les Bouddhistes du Grand Véhicule. Pour eux, est adepte du Vide celui qui y demeure conscient. Ils dénombrent d’ailleurs 18 sortes de vides.

Au commencement disent les Ecritures, la terre était informe et vide. Tohu Bohu en hébreu. Et de là partent toutes les exégèses sur la création du monde d’après certaines religions. Cela dans les philosophies zen, bouddhistes et dans celle plus proche du souffle créateur de la Bible. Chez nous, en maçonnerie et plus particulièrement au Droit Humain, la devise de notre Ordre est « Ordo ab Chao ». L’ordre à partir du chaos. Les deux notions sont très proches et évoquent toutes deux la vacuité.

Pour les mystiques, le vide serait l’état nécessaire à la réception de la grâce. Quelle que soit notre religion, lequel d’entre nous ne s’est pas recueilli dans une église lors d’une cérémonie ou n’as pas lors d’une balade dans la nature ressenti une énergie monter en lui, comme un vide-communion ? Quel est celui qui ne s’est pas abandonné à cet état heureux où rien n’est, sauf peut-être la Transcendance ? Lorsque nous atteignons cet état de grâce, nos actes découlent de notre pensée, il y a unité entre le corps et l’esprit.

Le vide c’est aussi l’aboutissement de la traversée du désert, de notre désert, notre solitude. Le désert intérieur, pour Marie Madeleine DAVY, c’est une remise en question, une purification active. Ce travail de préparation et de purification peut durer des années, voire une vie entière. Sans lui, on ne peut prétendre être un sage. Cette sagesse, cette profondeur, l’homme ne peut l’acquérir que par le détachement. Le renoncement, le dés-espoir. La suppression des désirs, ne plus espérer quoi que ce soit n’est pas une attitude négative bien au contraire, elle permet de recevoir, sans risque de regrets et comme un bonus, toute chose qui voudra bien se présenter à nous.

Un de ces moments pourrait être la traversée de notre désert intérieur comme l’indique M\ M\ Davy qui définit le désert comme une immense vacuité où l’homme en cherchant Dieu, se trouve. Ses cris ne trouvent aucun écho, il est seul : « Si nous ne voulons pas mourir de soif sur cette terre, il nous faut donc être source ». Le voyage intérieur est donc le plus important de tous.

Il n’est d’initiation véritable que vécue intérieurement, au plus profond de nous. C’est à cette condition que l’on peut espérer qu’elle se réalise au dehors.

Les Chinois ont fait très tôt l’expérience de l’utilité de Vide. Lao Tseu disait par exemple :« Bien que trente rayons convergent au moyeu, c’est le vide médian qui fait marcher le char ou bien encore l’argile est employée à façonner des vases, mais c’est du vide interne que dépend leur usage ». Lao Tseu dans La Voie et la Vertu aux éditions du Seuil.

Le sage qui connaît le Tao entend le Verbe muet du Principe. Pour lui, le silence est Harmonie. Maître Eckhart disait quant à lui : La porte peut s’ouvrir ou se fermer, le gond restera immobile.

La plénitude ressemble étrangement à cette pierre cachée que nous recherchons depuis l’apprentissage. C’est la présence de l’Absolu qui ré-sonne dans notre per-sonne. Sentir le grand Rien, le grand Tout et éprouver la Plénitude c’est la même chose.

L’homme qui est descendu au fond de lui-même et qui y a décelé la Présence de cette pierre cachée devient différent. « Un homme vivant dans sa dimension de profondeur est foncièrement humble ». M\ M\ DAVY

Pour Philippe Cornu, La vacuité ne vide pas les choses de leur contenu, elle est leur véritable nature (Dictionnaire encyclopédique du bouddhisme, 2001, Seuil). C’est le contraire du nihilisme.

Attention donc, le Vide n’est pas le néant. Il n’est pas le rien au sens occidental. Le Vide serait plutôt la capacité de recueillir le Tout. Il est manifestation des possibles alors que le rien occidental serait plutôt la non manifestation, la nullité. Pour Annick de Souzenelle, l’être accompli est un TROU, un abîme sans fond qui peut recevoir la Tradition, Dieu ou l’Unique et qui sait les faire rayonner à travers son être. L’homme accompli ne peut être que Bon.

Voilà j’arrive aux termes de ces 5mn mais je reconnais que le sujet aurait mérité plus et que l’immensité de la réflexion qu’il entraîne ne peut se résumer.

Pour moi donc le Vide est l’expérience de l’Introspection qui nous est préconisée dès le début de notre chemin initiatique. La vacuité est la plénitude. La Paix. Je terminerai en citant Platonhttp://www.ledifice.net/3147-1.html :

« - Quelle est pour un homme la meilleure chose qu'il puisse demander aux dieux...?

- Qu'il puisse être toujours en paix avec lui-même » (dialogue entre Homère et Hésiode).

J’ai dit.

C\ B\

Bibliographie :
Le Vide chez HERMES.
Le désert intérieur M\ Madeleine DAVY.
René Guénon : Doctrines Hindoues.

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