Obédience : NC Loge : NC 04/2010


La règle à travers les voyages du Compagnon

Les définitions classiques de la règle ne correspondent pas forcement avec le sens de notre travail en loge et surtout avec ce que la règle devra représenter pour tout un chacun. Le chemin proposé en maçonnerie est un voyage à travers notre être qui va permettre à l’initié, grâce à un rituel et à des outils symboliques, de construire son propre édifice afin d’espérer arriver un jour à se connaitre, s’accepter, s’améliorer, et en conséquence arriver à rayonner vers l’extérieur.

Qu’est ce que la règle pour nous ? Cet outil sert à tracer et mesurer.

Tracer :

Elle est l’outil indispensable à la réalisation de tous les plans avant chaque construction. Nous devrons en effet faire appel à elle a tout moment pour tracer les lignes droites qui composeront le schéma du temple et on pourra l’associer à d’autre outil, comme le compas, pour arriver à avoir un plan cohérent avec la construction désirée. Elle va aussi être à même, tout au long des différentes étapes de la construction, de vérifier si l’œuvre est conforme au plan et ce sera elle, entre autre, qui à la fin de la construction validera sa conformité, l’exécution parfaite du travail. Elle n’admettra aucune erreur, car sa mesure est juste et parfaite.

Mesurer :

Mesurer, c’est déterminer, évaluer ce que l’on veut par rapport à une unité définie. Nous avons besoin de mesurer les choses pour nous rendre compte par rapport à un but donné si ce qui a été fait correspond au plan initial. Cela nous permettra aussi de savoir ou l’on se situe à un moment donné et de rectifier si la mesure est incorrecte. C’est aussi cette mesure qui nous donnera la proportion parfaite à notre édifice. Sans la mesure, rien de tout ce que nous pourrions construire ne tiendrait debout et ne serait beau. C’est cela que nous appelons la « juste mesure », celle qui nous préserve de ne pas aller du trop petit au trop grand, de rester en harmonie et de ne surtout pas tomber dans la démesure. C’est aussi pour cela que nous pouvons dire que non seulement elle nous permet de mesurer mais aussi de limiter.

L’apprenti possède un formidable symbole, le pavé mosaïque, qui va lui permettre de commencer à voir que le monde dans lequel il se trouve est composé d’une infinité de contraires, de dualités. Cela va lui montrer que le chemin de sa construction devra passer par l’identification de ses dualités, de leur connaissance et que finalement il devra trouver l’équilibre afin de trouver ou se situe le joint. Ceci représente le travail d’une vie et ne s’achève jamais. Mais comment savoir si ce que l’on fait nous amène sur cette ligne de jointure ? Toute cette période d’apprentissage, nous enseigne que nous devons commencer à parfaire cette pierre brute que nous sommes, afin de la rendre propre à s’insérer dans notre construction. Il faudra enlever, gommer, polir toutes les aspérités. Pour continuer ce travail, d’autres outils nous sont nécessaires et c’est lorsque nous passons au grade de compagnon, que nous pourrons, munis de ces nouveaux outils, continuer ce travail.

Le compagnon va passer de la perpendiculaire au niveau, de la ligne droite à la surface. On verra que les 3 pas de l’apprenti se situent sur une ligne droite, sans écarts, privé de parole et dédié à l’apprentissage. Au 2nd degré on nous montre que le premier pas du compagnon se fait vers la droite pour ensuite revenir sur la ligne. Que veut-on nous montrer ? Le compagnon peut s’écarter du chemin tracé de manière à voyager pour parfaire ses connaissances et ensuite revenir sur le chemin, chargé d’expériences et paré pour la suite.

On passe de la ligne à la surface, et par définition, la surface peut nous amener loin, voire nous perdre à jamais.

Le premier outil que l’on propose au futur compagnon est la règle. Il la porte lorsqu’il demande l’entrée du temple pour la cérémonie de passage. Nous ne comprendrons que plus tard la signification de cet outil. Il est évident pour moi que nous ne pourrons pas entreprendre nos voyages de compagnon si nous ne sommes pas munis d’une protection contre les périls existants et surtout contre nous même. La règle est là pour nous éviter de nous égarer sur la route. Cette règle que nous portons à l’entrée du temple, sur l’épaule gauche tenue par la main gauche, côté cœur, est le symbole de la rectitude, mais aussi c’est cette règle qui va nous donner la possibilité de tracer cette ligne infinie, qui nous montrera la voie à suivre le restant de notre vie. Est ce la ce que l’on appelle notre chemin maçonnique ?

Lors du premier voyage, on nous enlève la règle pour nous remettre le maillet et le ciseau. Je suis toujours un apprenti et ce sont là mes outils qui doivent me rappeler qui je suis et d’où je viens. Ces outils je les utilise depuis que j’ai reçu la lumière. Je me sers du maillet de la volonté pour diriger le ciseau qui façonne. La taille de ma pierre est vitale pour qu’elle soit achevée et puisse s’imbriquer parfaitement dans la construction de mon temple vivant. Ne suis-je pas le constructeur et la matière ?

Le compagnon, pour parfaire la pierre, devra obligatoirement passer à l’étape suivante : la mise pratique de la découverte du monde.

Ce premier voyage me montre qui je suis et devant la colonne Beauté on nous présente un cartouche avec les 5 sens. Notre travail de compagnon sera donc orienté vers l’éveil de ces sens de manière à avoir une meilleure acuité pour arriver à mieux se connaître. Ils sont là pour nourrir notre intérieur avec ce qui vient de l’extérieur. Ce sont les guides qui permettront de forger notre jugement et notre discernement. Existe-t-il d’autres sens ? On parle souvent d’un 6eme sens et le mot que nous lui associons est l’intuition, qui n’est pas un mélange des sens existants, mais quelque chose de plus profond. Elle pourrait se comparer à un lien particulier avec je ne sais quoi. Elle ne s’explique pas. Elle se ressent et reste propre à chacun.

Pour effectuer le 2ème voyage, on me remit la règle et le compas. Nul architecte n’entreprendra un travail sans en être muni. La règle va tracer cette ligne infinie qui guidera notre chemin tout au long de la vie et le compas définira un espace limité sur la ligne droite plus ou moins grand selon son degré d’ouverture.

Le rituel nous dit « Vous savez qu’il s’agit ici de la construction d’un temple digne de la majesté du GADLU : Ce temple, c’est l’homme ».

Pour pouvoir espérer bâtir notre propre édifice, nous devons pouvoir utiliser ce que nous avons appris, ce que nous sommes ; faire en sorte de mesurer nos actions, nos actes, notre façon d’être, de manière à être une personne « droite et juste », comme nous le rappelle le rituel. Le compas va nous permettre de circonscrire l’espace dans lequel se situe la ligne, de garder sagesse, prudence et discernement. Il nous permettra d’effectuer cette construction en toute harmonie, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur.

Dans ce voyage, le cartouche propose les 5 ordres architecturaux. Ces 3 principaux ordres architecturaux sont le dorique, le ionique et le corinthien qui sont représentés en loge par les 3 colonnes appelées Sagesse, Force et Beauté représentant à leur tour le V\ M\, 1er S et du 2nd S. Ce ternaire devra, depuis notre initiation et jusqu’à la fin, se développer en nous progressivement car sans lui aucune construction ne saurait être complète. Il nous faut acquérir la sagesse à travers la connaissance pour arriver à maitriser la juste mesure. La force, vertu indispensable, nous permettra de trouver le courage, la volonté de faire. Et finalement la beauté qui fera rayonner notre morale, notre esprit. Ces 3 qualités majeures ne peuvent exister l’une sans l’autre.

Le 3ème voyage nous fait découvrir un nouvel outil associé à la règle : Le levier. Cet outil symbole de la force permettait aux compagnons de déplacer des blocs de pierre d’un poids supérieur à ce que leur force leur autorisait. C’est un des outils les plus dangereux à utiliser car il contribue à démultiplier la force de l’homme et son usage ne peut se faire à la légère car les risques sont grands. Le levier doit absolument être maitrisé et dirigé par la règle qui lui permettra d’adapter la force qu’il produira. Le levier nous aidera à déplacer et superposer les pierres taillées afin de commencer à élever notre édifice. Mais à quoi bon, si nous ne trouvons pas ce qui lui permettra de fonctionner: le point d’appui. Sur quoi faire reposer le levier pour soulever les pierres ? J’y répondrais après. Promis !

C’est à ce stade de mes voyages que l’on nous montra les 7 arts libéraux représentants la connaissance de l’homme. Nous ne pourrons entreprendre la construction de notre temple sans connaissance. Ces 7 arts se décomposent en 2 parties, le Trivium et le Quadrivium.

Le trivium permettra au compagnon de maitriser la parole et la logique, sans lesquels il ne pourra prétendre accéder à l’élégance, à l’intérêt et la cohérence du discours. Le Quadrivium, étude des sciences et de la nature, éléments nécessaires pour avancer vers le chemin de la connaissance. À mon sens, c’est surtout la compréhension du savoir qui nous permettra de situer le point d’appui du levier.

Lors du 4ème voyage on nous remit de nouveau la règle, mais cette fois ci accompagnée de l’équerre. Comment vérifier que le travail accompli est conforme ? C’est l’équerre, outil composé de 2 règles, l’une verticale, l’autre horizontale formant un angle parfait dont la mesure est sans appel. Elle va nous permettre de vérifier si l’ouvrage est juste et parfait.

Tous ces voyages passé à voir, entendre, ressentir, apprendre doivent forcement nous amener à déboucher sur autre chose, prêt à continuer avec force et volonté à nous construire. C’est maintenant qu’il nous faut verifier si l’horizontalité de notre personne forme un angle parfait avec la verticalité de notre esprit. C’est cette équerre qui nous le dira. Tout nous rappelle dans la loge, dans nos gestes, que nous devons constamment être à l’équerre, être un homme droit.

Depuis le début de nos voyages on nous guide sur la voie de la connaissance. Et ce que nous voyons nous fait dire que nous ne sommes pas seul et que nous faisons parti d’un tout, que peut être notre recherche intérieure ne pourra se faire que si l’on prend conscience de la part divine qui est en nous. Si je lève les yeux vers le ciel dans la nuit obscure je peux voir le ciel illuminé par des milliers d’étoiles. C’est lors de ce moment là que je me sens petit mais aussi partie intégrante d’un tout, de l’univers, symbolisé par les 2 sphères, l’une terrestre et l’autre céleste. Je cite « Tout ce qui est en bas est le reflet de tout ce qui est en haut, et inversement ».

Après avoir vu d’où l’on venait et ce que nous devons faire en tant que compagnon, ce dernier voyage nous est proposé sans aucun outil ou symbole : les mains libres ! Nous n’avons plus la règle entre nos mains. Si j’en reviens à notre rituel ce dernier voyage doit nous permettre de réfléchir sur toutes les connaissances que nous avons acquises lors de ces voyages. Nous devons être en mesure de mettre en œuvre notre plan de conduite, de vie afin de continuer notre parcours. Il est venu le temps, nous dit on, de rendre ce que nos frères nous ont transmis en le transmettant à ceux qui viennent et ainsi perpétrer l’initiation maçonnique. Nous sommes libre d’aller et venir, d’entreprendre, et nous n’avons plus besoin de la règle car la règle est devenue partie intégrante de notre être, nous l’avons assimilée.

Nous ne pouvons parler de ce dernier voyage sans une réflexion sur le sens de celui-ci. Pourquoi les mains libres ? Ne nous dit on pas que nous avons acquis le maniement des outils pour parfaire l’homme que nous sommes et à ce moment précis de notre parcours initiatique, cet homme aura la possibilité de se diriger vers un élément essentiel : l’Esprit ! La Verticale.

J’ai dit.

C\ A\


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