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La Règle et la Corde à Nœuds

Deux Outils de mesure pour l’Initié

Tout d’abord, prêtons attention à ce mot d’Outil ; le Petit Robert donne la définition suivante : du latin Ustensilia. - Objet fabriqué qui sert à agir sur la matière, à faire un travail -.

En effet, la Maçonnerie spéculative a emprunté aux Compagnons maçons opératifs toute la panoplie d’outils de travail de la construction ; ils portent encore aujourd’hui les mêmes noms et chacun d’entre eux a une fonction et une utilisation précises, qui ne peuvent être modifiées ou confondues, sous peine de le rendre inefficace, voir même dangereux.
Un ouvrier quelconque les reconnaîtrait facilement sur nos Tapis de Loge.

Parmi tous ces outils, constamment sous nos yeux, il y en a un pour lequel une certaine confusion ou ambiguïté s’est installée, au fil des siècles :
C’est une corde entrecoupée de nœuds (appelés lacs d’amour) se terminant par deux huppes aux extrémités.

C’est la « Houppe Dentelée », improprement dite « Corde à Nœuds » qui, dans une interprétation beaucoup plus récente et teintée de romantisme, symbolise la Chaîne d’Union fraternelle reliant tous les Maçons de la terre. Or, la Houppe dentelée n’a rien à voir avec la Corde à Nœuds, aussi bien sur un plan symbolique que matériel et fonctionnel.

Le véritable outil de travail est la « Corde d’arpenteur » ou « Corde à 12 nœuds ».
Son usage était connu depuis l’antiquité ; elle forme un triangle particulier avec les cotés partagés selon la proportion 3 – 4 – 5. C’est avec cette corde qu’on implantait un édifice sur le terrain, et les Egyptiens s’en servaient déjà pour tracer des angles droits (angles de 90°).

Cet angle se révèle particulièrement intéressant car il est lié de manière intrinsèque à la Perpendiculaire. La géométrie Euclidienne, à laquelle font référence les mathématiques, dit dans le 1er théorème d’Euclide que : « sur une droite, par un point donné, on peut tracer un nombre infini de droites, mais une seule sera perpendiculaire ». La droite perpendiculaire revêt donc un caractère d’unicité.
 
Cette notion de perpendicularité implique, vous vous en doutez, des explications et analogies multiples et variées : sur le plan concret de la construction elle sert à édifier des murs droits, stables et solides, pouvant supporter des poussées et des poids considérables.
Sur un plan symbolique et métaphorique elle renvoie à l’idée de verticalité et droiture, réflexion incontournable pour tout humain et Maçons qui se respecte.

Voyons un peu ! L’Homme est en pleine possession de tous ses moyens quand il est debout ; ils se trouve en équilibre stable quand il est, physiquement, à sa verticale (essayez, tout en gardant rigide l’axe de votre corps, de prendre une position inclinée par rapport au sol : vous verrez que cette position est intenable et entraîne inévitablement la chute!).

De même, dans le processus de construction symbolique à laquelle nous sommes appelés, en tant qu’initiés, ce sont les mêmes règles qui sont utilisés, les mêmes lois qui agissent. Elles sont issues de l’expérimentation ; elles sont vérifiables et reproductibles à l’infini, car elles ont un caractère d’universalité ; elles sont donc « objectives » et non issues d’une interprétation personnelle et subjective des choses.
Dans  la construction de notre vie, de notre pensée, la notion de perpendicularité nous permettra de mettre d’aplomb nos idées, comme on met d’aplomb les ouvrages de charpente ou de maçonnerie, afin que notre construction soit stable et équilibrée.
Cette perpendiculaire unique nous rappelle que la Vérité est une, alors que nous ne percevons que des vérités qui en sont les multiples manifestations.

Il s’agît là d’un absolu philosophique. Cette ligne parfaitement droite et verticale reste un idéal, une direction donnée, une ligne de conduite ; mais dans la vie il n’existe pas de choix aussi tranchés, aussi nets et définitifs. Cela reviendrait à suivre des dogmes et à confondre l’esprit et la lettre.

Certes, l’idéal serait de pouvoir  marcher en équilibre parfait, tel un funambule,  sur le fil du rasoir qui se dessine entre les cases noires et blanches du Pavé Mosaïque, mais…difficile d’avancer sans poser un pied à coté, tantôt sur le blanc, tantôt sur le noir. Et puis…même la corde du funambule a une certaine épaisseur !!!

Tout cela pour dire que la Vie est faite d’avancements, d’arrêts, parfois de pas en arrière…et puis ça repart ; aucun être ni aucune chose n’est égale à une autre ; on trouve des similitudes, des analogies. En somme la Vie est faite de rythmes (on parle bien de rythme de vie !?), de rapports qu’on établit entre les êtres et les choses, d’harmonie.
Ne serait-ce pas, justement, cette Harmonie la quête permanente de l’ Initié ?

Mais, d’abord, d’où vient cette idée d’harmonie ?

La définition même du mot harmonie nous en délivre la clés :    (Petit Robert)
Relations existant entre les diverses parties d’un tout et qui font que ces parties concourent à un même effet d’ensemble – ou encore – Ensemble des rapports entre les parties.

Donc, la nature et la qualité des rapports que nous établirons entre les différentes parties (personnes, objets, espaces physiques ou situations) donnera, ou non, un ensemble harmonieux, composé d’éléments différents, mais participant tous à une finalité collective.
Le seul moyen d’établir des rapports entre les choses est la géométrie et notre corde à 12 nœuds en est un exemple : par une construction géométrique elle permet de construire le rectangle d’or ; c’est-à-dire un rectangle construit sur la mesure d’un carré, plus le Nombre d’Or de ce même carré.

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On appelle Nombre d’Or ou Section Dorée, un rapport particulier et constant, tel que, sur une droite partagée un deux parties inégales, la plus petite partie est à la plus grande, comme la plus grande est au tout.
C’est ce qu’on appelle, en géométrie classique, partager  une ligne droite en moyenne et extrême raison.

Ce rapport existe dans la nature et donne lieu à des proportions que nous ressentons, intuitivement et spontanément, comme belles et harmonieuses ; pourtant elles naissent d’éléments inégaux et différents.

Maintenant, toute construction, réelle ou symbolique, doit être définie par des dimensions précises, c'est-à-dire elle doit être mesurée ; et pour mesurer nous avons besoin de la Règle.
Le mot mesure, du latin mensura, indique l’action de déterminer la valeur de certaines grandeurs par comparaison avec une grandeur constante de même espèce, prise comme terme de référence.

Or, les unités de mesure sont arbitraires et variables dans les temps et l’espace ( voir la coudée, le pouce, le pied, le mètre, la lieue, le mille, etc. ), c'est-à-dire qu’elles sont choisies en fonction de l’usage que nous en faisons et du résultat que nous voulons obtenir.
Alors, comment choisir la ‘juste mesure’ ?

Quand on nous demande, en tant qu’Apprenti Maçon, quelles sont les dimensions du Temple (aussi bien le Temple matériel dans lequel se déroulent les Travaux que le Temple intérieur que nos devons édifier) on répondra : « il va de l’Orient à l’Occident, du Midi au Septentrion et du Zénith au Nadir ».
Et là, nous sommes bien avancés…
Pourquoi ne m’a-t-on pas donné les côtes ?
Combien doivent mesurer mes murs extérieurs ? Quelle hauteur ? Et combien d’étages ??? Pourtant on m’a donné des outils précis à utiliser !!!

Cela veut dire, peut-être,  qu’on doit trouver tous seuls ; qu’il n’y a pas  de valeurs fixes, utilisables partout et à l’infini, car cela reviendrait à établir un dogme et une pensée unique, totalement contraires à tout principe initiatique.

Alors, avant de commencer notre entreprise, quelle qu’elle soit, nous nous mettrons bien à la verticale à l’aide du fil à plomb et là, en possession de toutes nos facultés, nous réfléchirons au contexte dans lequel notre œuvre va se situer : lieu physique, époque, situation, nature des matériaux, caractère et psychologie des personnes impliquées. Ce sont tous ces paramètres particuliers et subjectifs qui nous permettrons de définir la mesure la plus adaptée ; de choisir, en somme, « la juste mesure ».
Par contre, la méthode, le mode opératoire pour utiliser et reproduire cette mesure que nous aurons choisie, sera défini par des rapports géométriques, qui sont la représentation visible de lois générales et universelles, donc objectives.

On s’aperçoit de la sorte que la Règle et la Corde à Nœuds sont deux outils indissociables comme doivent l’être l’esprit et la lettre.
Cela empêchera, du moins je l’espère, de construire le même gratte-ciel au bord de la mer, à 3000 mètres d’altitude et au fin fond du désert parce que on aura décrété qu’il est beau et juste.

Pour le Maçon la Règle signifie la régularité dans l’application des principes maçonniques à la vie courante, tant initiatique que profane.                           

En Maçonnerie on trouve la Règle à 24 divisions.
La Maçonnerie anglaise y voit une référence aux  24 heures, qui doivent toutes être employées à bon escient, mais il est évident qu’elle implique un symbolisme bien plus vaste.
Puisque en Franc-maçonnerie il faut être géomètre, comme le rappelait  Pythagore (« que nul n’entre ici s’il n’est pas géomètre… » ), et que les outils que nous avons sont des outils du tracé géométrique, je pense que cette discipline peut nous révéler la clés de compréhension de cette Règle à 24 divisions.

En effet, le nombre 24 est un nombre symbolique ; c'est-à-dire qu’il représente un polygone de 24 cotés ; or, la géométrie nous apprend qu’un polygone de 24 cotés correspond à l’application du Triangle sur les sommet d’un Octogone ; ce qui donne 3 x 8 = 24.

Que veut dire cela du point de vue symbolique ?
Un Carré est le symbole de l’espace physique, défini par ailleurs, par les 4 points cardinaux ; l’Octogone n’est que la composition de deux Carrés dont un a subi une rotation de 45°.
Mais si un Carré est pivoté par rapport à l’autre, cela veut dire qu’un sommet du premier Carré se trouve entre deux sommets du deuxième ; on retrouve la même chose sur la Rose des Vents (par ex. le point NE indiquant la position intermédiaire entre le Nord et l’Est).

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Par conséquent nous pouvons dire que entre deux aspects de l’espace physique se trouve un aspect psychique ; le psychisme ne pouvant pas être séparé du physique, dans l’être humain, tout comme le spirituel ne peut pas être séparé du matériel.

Donc l’Octogone a cette particularité de signifier la complexité de l’être humain : un espace psycho-physique régi par l’esprit de l’être.

Revenons, donc, à notre Règle à 24 divisions ; lorsque nous voulons détailler l’espace d’un raisonnement appliqué à l’homme physique, nous employons le Dodécagone ou polygone de 12 cotés. (Au passage nous noterons que notre Corde à nœuds, déployée en cercle est divisée en douze parties).
Lorsque nous voulons y rajouter la composante plus impalpable du psychisme et de la sensibilité, nous faisons recours à un deuxième Dodécagone pivoté de 45° par rapport au premier, donc au polygone de 24 cotés.

Or la finalité ultime de la Franc-Maçonnerie est celle de construire l’Être dans toute sa complexité, aussi bien physique que psychique, afin que l’homme puisse s’élever de sa nature animale-physique à celle psychique et enfin pouvoir atteindre celle pneumatique (de l’esprit) : tel est le message caché de la Gnose.

Pour conclure, donc, cette Règle à 24 divisions indique au Maître Maçon accompli, qu’il faudra saisir tous les différents aspects de l’Être avant de pouvoir transmettre quelque chose aux autres ; ça veut dire que nous pourrons entrevoir le chemin de l’homme dans le rapport entre les 24 idées-principes, distribuées géométriquement sur un cercle.

En conclusion, rappelez-vous  que la Corde à Nœuds tracera les lignes directrices de notre Temple tandis que la beauté sera donnée par la juste mesure que nous auront su y appliquer.

M\ C\-T\

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