GLDF Loge : NC 15/10/2003

Les Bijoux mobiles et immobiles

Les bijoux de la loge  tels qu'ils sont évoqués dans les instructions maçonniques n'ont rien de précieux dans leur apparence, leur intérêt est spéculatif.

Dans les Anciens Devoirs, on trouve pratiquement toujours une série de questions et réponses ayant trait aux bijoux. Selon les manuscrits, on trouve quelques variantes, mais c'est pratiquement toujours le même schéma (régulateur du maçon, 1801)

Q.‑ Avez‑vous des bijoux dans votre loge ?
R.‑ Oui, très V\ M\
Q.‑ En quel nombre ?
R.‑ Au nombre de six, savoir trois mobiles et trois immobiles.
Q.‑ Quels sont les bijoux mobiles ?

R.‑ L'équerre que porte le Très V\ M\ , le niveau que porte le Premier Surveillant et la perpendiculaire ou ligne d'aplomb que porte le Second Surveillant.,
Q.‑ Quels sont les bijoux immobiles ?
R.‑ La planche à tracer, la pierre cubique à pointe et la pierre brute.

En tant que bijoux ils appellent un certain nombre de commentaires.

D'abord sous le nom même de bijoux. On retrouve là un problème identique à celui du mot anglais porch qui a été souvent traduit par portique au lieu de porche, l'anglais ne possédant qu'un seul mot pour désigner ces deux membres d'architecture. En anglais les rituels disent jewel, ce mot pouvant signifier aussi bien bijou que joyau. Or, un bijou est avant tout un objet en matière précieuse, servant à la parure alors que le nom de joyau serait plutôt attribué à une pierre précieuse, un objet de grande valeur. . . ce qui est assez bien le cas ici ; mais dès les premières divulgations c'est bijou qui a été utilisé... et le terme est resté.

L'ancienneté de ces bijoux dans les loges est en tout cas attestée, puisqu'on les retrouve mentionnés autant dans les plus vieux manuscrits (Edimbourg, 1696 ; Chetwode Crawley, 1700) que dans les premières divulgations (Iasonry Dissected de Samuel Prichard, 1730).

Quand on examine les principaux manuscrits des Old Charges, il ne semble pas que les trois Bijoux, (Equerre, Niveau et Perpendiculaire) avaient un rôle bien défini à l'origine dans les loges. Ce n'est qu'à partir du début du XVIIIè siècle, c'est‑à‑dire au moment où les Maçons spéculatifs s'organisent que, dans les catéchismes, les trois outils prennent leur place emblématique.

LES BIJOUX MOBILES

L'équerre.

C'est l'outil attribué au V\ M\ , munie d'un petit carré de métal accroché à l'intérieur de l'angle droit, sur lequel est tracé le schéma de démonstration de la 47e proposition d'Euclide, elle devient le Bijou du Passé Grand Maître de la Loge.

L'équerre portée par le V\ M\ est dérivée du Triangle Rectangle dit de Pythagore (triangle Sacré) dont les côtés ont les proportions 3‑4‑5 et qui possède de nombreuses propriétés symboliques.

L'équerre est par définition l'instrument qui permet le tracé de toutes les lignes de façon parfaite : elle est à la fois règle, niveau et perpendiculaire, puisqu'un fil à plomb partant de l'extrémité d'une branche permet la mesure de la verticale sur la branche où tombe ce fil, et de l'horizontale sur l'autre branche.

C'est cette triple fonction qui en fait le Bijou du V\ M\, capable à lui seul de vérifier le travail des principaux Officiers de la loge

Le niveau

C'est un instrument fort ancien, comme en témoigne celui trouvé dans une tombe datée de la première moitié du règne de Ramsès II. Progressivement c'est le niveau en « A », l'archi pendule, qui s'impose, léger et pouvant servir également d'équerre... et de perpendiculaire, l'angle de tête étant un angle droit. Sur la barre horizontale un trait, la « ligne de foi », indique à quel endroit passe le fil du peson quand le niveau est sur une surface horizontale.

Si l'interprétation qu'on en donne généralement en loge en fait l'emblème d'égalité des Frères, il faut se rappeler que primitivement, de nombreux tombaux paléochrétiens sont là pour le confirmer, c'était avant tout le symbole de l'égalité devant la mort qu'il représentait.

La perpendiculaire.

La même tombe égyptienne, outre le niveau mentionné ci‑dessus, a livré un perpendiculaire, en très bon état, attestant ainsi son ancienneté..

« Le » ou « la » perpendiculaire ?

Dans le jargon de chantier, on dit souvent, pour « fil à plomb », « le plomb » La question n'est pas tranchée.

En revanche, il semble qu'on puisse faire un choix entre le fil à plomb et la perpendiculaire. En effet, cette dernière sert au maçon, pour vérifier la bonne position de la pierre au moment de la pose. Cela se fait d'ailleurs en présentant la tranche de l'instrument contre le mur et non pas le dos, comme on le croit parfois.

A l'échelle d'une pierre, le fil à plomb ne peut donner d'aussi bons résultats. C'est à l'échelle d'un mur qu'il faut l'employer, ce qui peut le faire attribuer plus à l'architecte qu'au maçon. La présence d'un fil à plomb partant du plafond au centre de la loge, dans certains ateliers du Rite Ecossais Ancien Accepté va tout à fait dans ce sens.

Jules BOUCHER écrit: « ...le niveau indique l'Horizontale, mais il est muni lui‑même de la Verticale : la Perpendiculaire. Le Niveau est donc un instrument plus complet que la seule Perpendiculaire et c'est pourquoi il est l'insigne du premier Surveillant ...La Perpendiculaire donne la direction du centre de la Terre et le Niveau donne la ligne droite en Equerre à un point donné avec la Perpendiculaire. La Perpendiculaire est le symbole de la profondeur de la Connaissance et de sa rectitude; elle prévient toute déviation oblique. Le niveau montre que la Connaissance doit être rapporté au « plan terrestre », le seul qui puisse intéresser directement l'être humain. C'est en partant d'assises stables et bien établies que le Maçon peut et doit travailler en vue de son élévation spirituelle »

Depuis que Jules BOUCHER a rédigé « La symbolique maçonnique », des études nombreuses ont été consacrées à la symbolique des rêves, des mythes, des légendes autant qu'aux croyances et aux idées religieuses, si bien que le Franc-maçon d'aujourd'hui peut reconsidérer tout le patrimoine symbolique de l'Ordre. On peut se rendre compte de l'évolution des idées en se référent au « Dictionnaires des symboles » publié en 1969 ; voici ce qu'on y lit à propos de la perpendiculaire et du niveau : » Le niveau est constitué par une équerre juste au sommet de laquelle est suspendu un fil à plomb : si son but essentiel est de déterminer l'horizontale, il n'en donne pas moins, en même temps, la verticale...le passage de la perpendiculaire au niveau. . . exprime. . . la réalisation de cet épanouissement, à partir de la connaissance de l'activité céleste, de l'obtention de l'influence qu'elle manifeste . ...Le fil à plomb plus souvent désigné par le mot perpendiculaire est un élément important du symbolisme maçonnique. Il est figuré suspendu au sommet d'un arceau et touchant le sol, ce qui est une représentation évidente de l'axe cosmique, de la direction de l'Activité céleste„

BIJOUX IMMOBILES

Les trois Bijoux immobiles de la loge sont la Planche à tracer pour les maîtres, pour tracer leurs plans et dessins, la Pierre Cubique à pointe pour les compagnons, pour aiguiser leurs outils, la Pierre Brute, pour les apprentis pour apprendre à travailler.

La Planche à tracer.

La planche à tracer est présentée sur le tableau de loge sous la forme d'un rectangle sur lequel figurent les deux grilles d'un alphabet maçonnique.

L'expression planche à tracer fait penser à la table à dessin où l'on trace les épures pour la construction d'un bâtiment. Mais il s'agit là d'une conception moderne qui suppose l'usage généralisé du papier, condition qui n'était pas réalisée à l'époque des Francs‑maçons opératifs.

La pierre cubique.

La pierre cubique est le symbole des soins que se donne l'homme vertueux pour effacer les traces que le vice a faites sur lui et corriger les passions auxquelles, nous sommes tous en butte.

La pierre cubique à pointe, oeuvrée par l'homme est un signe de l'accompli.

La pierre brute.

La pierre brute est l'image de l'homme grossier et sauvage que l'étude approfondie de lui-­même peut seule polir et rendre parfait.

La pierre brute est un signe de l'inaccompli.

Que ce soit par un crayonnage, un tapis peint ...ou des objets réels, l'assemblage de « Meubles » de « Lumières », de « Bijoux mobiles et immobiles » présenté agit, c'est certain, comme un aide mémoire permettant de restituer instantanément et avec fidélité les nombreuses leçons que constitue l'enseignement maçonnique.

Aujourd'hui ma perception de la loge me rend l'instant de mon initiation particulièrement précieux.Si le chemin de chacun reste solitaire, si notre démarche est intime, il reste qu'ils ne peuvent s'accomplir qu'au sein de la dynamique de la loge, dans cette fraternité qui la caractérise. La force de cette dynamique s'accomplit par le rituel de chaque tenue, par le niveau d'exigence de ce rituel et l'exemplarité des frères qui l'accomplissent. Ce rituel, je le ressens comme la résultante, la combinaison, la fusion des hommes, ‑frère parmi ses frères, la chaleur fraternelle de la chaîne d'union, et la fusion des hommes et des symboles, ‑les bijoux mobiles‑.

Après un parcours caractérisé par l'obligation du silence, les symboles m'apparaissent comme des repères, des supports de pensées : ainsi les signes des Francs-maçons, l'Equerre interprétée comme la droiture, la Pierre Brute, le moi à perfectionner...

Au cours du rituel symbolique, le caractère répétitif, comme les signes, me donne le sentiment que je m'approprie réellement ces symboles, d'une appropriation consciente et réfléchie.

De cette appropriation, de cette réflexion, de cette fusion avec le symbole naît le désir de se réaliser, de se perfectionner.

De cette rigueur, de cet apprentissage un sentiment de liberté réelle se fait jour. La porte du Temple fermée, dans le monde profane, il demeure en moi fortement ancré, la richesse de cette réflexion, et je pense parfois son expression dans certaine circonstance.

Certes le chemin de chacun est solitaire, certes notre démarche est intime. Mais qu'en serait‑il sans la dynamique du rituel symbolique, sans la fraternité qui la caractérise.

Le langage symbolique libère la pensée des idées reçues. Encore faut‑il une réelle connaissance des symboles et une certaine pratique. La participation aux tenues et l'apprentissage prennent ainsi tous leur sens.

J'ai dit V\ M\.

Bibliographie
Dictionnaire Thématique Illustré de la F\ M\ /Ed du Rocher
La Symbolique du Grade d'Apprenti/Bertaux
Rituel du Premier degré

3129-2 L'EDIFICE  -  contact@ledifice.net \