GODF Loge : NC Date : NC


Le maillet

Planche de paléosymbolisme intitulée : " Un grand détour autour du Maillet "

Il était une fois il y a trois millions d’années un homme qui aurait pu s’appeler Gérard, Georges, Pierre ou Daniel mais que nous nommerons, par souci de discrétion homo habilis. Depuis quelque temps une langueur persistante tourmentait notre homme. Dans ce monde incompréhensible, hostile et froid ; un sentiment d’inutilité et d’impuissance l’envahissait peu à peu. Un ennui morbide s’installait. En quelque sorte le prototype du déprimé contemporain.

Chercher sa maigre pitance, manger, dormir voilà ce qu’était sa vie. " Quelle piètre existence que celle de l’homme dont la seule préoccupation est celle de survivre ". Les journées étaient courtes en ses temps reculés et après s’être nourri de quelques baies sauvages, seul met à sa disposition, il s’en retournait vers sa caverne.

A peine arrivé que déjà le sommeil gagnait notre homme. A l’aube, un rayon de lumière vint éclairer et réchauffer son visage. Comme tous les matins lorsque le phénomène se reproduisait; il se félicitait d’avoir si bien choisi l’orientation de sa grotte. A ses pied, un bout de bois à la forme étrange reposait au milieux de quelques pierres. Effilé à une extrémité, renflé à l’autre il attira immédiatement son regard. D’un geste instinctif il ramassa le bâton et se mit à frapper distraitement les pierres ici et là, quelques une se brisèrent, d’autres résistèrent.

Dans le silence de sa grotte il se prit à songer; ou plutôt, à réfléchir. Cet objet curieux devint tout à coup le catalyseur d’un processus inconnu.

Jusqu’à présent sa pensée était de type manichéenne, binaire. Le fruit insipide s’opposant au fruit goûteux, le blanc s’opposant au noir, la lune au soleil. Aucune nuance. Sa pensée était totalement liée à l’affect, au ressenti, inféodée à la perception du monde qui l’entourait, Une intelligente certes, mais dont le rôle essentiel était de s’adapter aux concepts et aux gestes immédiatement nécessaires. L’imagination dominait la pensée. Une imagination nourrie d’irréel et de surnaturel.

Mais déjà, terrifié par les forces nuisibles de la nature : vents, orages, tremblements de terre, cyclones, maladie, mort, l’esprit humain se posait des questions. D’ou venons-nous ?, qui sommes-nous ’?, ou allons-nous ?, l’imagination participait et participe encore à la recherche des réponses. Ces réponses procédaient d’une imagination purement mythique : dieux, monstres, forces maléfiques surnaturelles, humeurs néfastes. Notre ami primitif, un peu comme les enfants avait jusqu’à là une mentalité liée à l’action, indifférente à la spéculation.

Insidieusement, l’intrusion dans sa vie de ce vulgaire bâton brisant quelques pierres; élargissait le champ de sa conscience mais cela il l’ignorait encore.

Dans les jours et semaines qui suivirent, notre homo habilis examina longuement l’outil. Le manipula, échafauda des hypothèses quant à son utilisation possible, expérimentant et jugeant du résultat. Tranquillement et sans s’en douter il développa un faculté nouvelle. Je veux parler de la raison. Comprendre, connaître, juger n’est-ce pas là, la définition même de la raison. L’homme venait de rompre avec le déterminisme qui régissait sa vie jusqu’à là. Son dessein en tant qu’individu était la survie et la pérennité du patrimoine héréditaire de l’espèce. Désormais la porte s’ouvrait et la voie de la connaissance et du progrès étaient devant lui. La direction était indiquée mais le chemin restait à faire.

L’imagination est naturelle à l’humain, il n’en est rien de la raison. Celle-ci n’est pas innée et ne se développe que s’il existe volonté et travail. Voici notre homme pourvu de deux éléments indispensable à la pensée humaine : imagination et raison. Toutefois, II manque un sommet à notre triangle. C’est donc la symbiose de ces deux facultés qui donnera naissance à ce que l’on pourrait appeler l’imagination créatrice.

Celle-ci est d’évidence reconnue dans l’œuvre de l’artiste mais nous la retrouvons chez nos frères maçons opératifs comme chez l’inventeur ou le scientifique. Si elle nous gratifie de l’aboutissement d’une recherche, elle est aussi la projection de l’image du caractère de l’auteur, de son psychisme, de son état d’esprit.

Et s’il fallait que je symbolise et il le faut cette imagination créatrice je choisirait le symbole de l’apprenti au travail, maillet et ciseau à la main. L’apprenti imagine l’état définitif de la pierre dans sa forme et ses proportions, analysant sa surface et déterminant ou devront se porter ses efforts pour la tailler du mieux qu’il pourra. Le ciseau sculpte et révèle sur la pierre le résultat de notre réflexion, met en évidence qualités et défauts de notre travail. Il est le juge implacable de nos errements et de nos fautes. Le maillet agit véhicule la pensée transformant l’idée en détermination.

Il Imprime la force et l’énergie nécessaire pour effacer les aspérités grossières de la pierre brute. Le maillet coordonne pensée et action, confronte nos ambitions et le résultat de celles-ci. Il est le catalyseur d’un alchimie mystérieuse, unissant deux éléments en apparence opposés : imagination et raison pour en former un troisième : une imagination passée au crible de la raison. Tout cela, aboutissant à une pensée cohérente, ordonnée, productrice.

Mais gardons la tête froide et rappelons nous ce qu’écrivait MONTAIGNE : " dangers de l’imagination, vanité de la raison, facultés qui ne permettent à l’homme de trouver ni la justice ni la vérité " . Notre travail de maçon est dévolu à la recherche de la vérité, à l’acquisition et à la transmission de la connaissance. Cette pierre taillée, première étape de notre recherche n’a de valeur que si sa forme et ses proportions lui permettent de prendre sa place dans l’édification de notre temple. Comme telle, elle ne doit pas être la conséquence de la transmission de la vérité et de la connaissance ce qui nous conduirait inexorablement au dogmatisme mais celle de la transmission des outils permettant d’acquérir l’une et l’autre.

En conclusion, je souhaiterais porter à votre connaissance la citation de NIETZCHE qui a inspiré cette planche : " Et ce que vous avez appelé monde, il faut que vous commenciez par le créer : votre raison, votre imagination, votre volonté, votre amour doivent devenir ce monde. "

Ainsi parlait Zarathoustra, 1883-1885

Et pour conclure la conclusion je voudrais remercier notre homo habilis inventeur de la massue pour trois raisons, la première car grâce à cette invention nous sommes passés du régime végétarien au régime omnivore, la deuxième parce qu’il m’a permis d’introduire cette planche et la troisième enfin car il permet à notre vénérable maître en chaire, au premier et deuxième surveillant d’officier sereinement.

J’ai Dit

D\ G\


3125-5 L'EDIFICE  -  contact@ledifice.net \