Obédience : NC Loge : NC 10/04/2013

Les 3 piliers : sagesse, force et beauté

A la gloire du Grand Architecte de tous les mondes. Pour vous présenter mon travail sur les 3 piliers, il me semble important de parler de la position de ces piliers, ensuite de voir comment ils sont allumés et éteins en loge, et ensuit d’essayer d’entrevoir leur symbolique pour concevoir ce qu’ils représentent.

Les 3 piliers, sagesse, force et beauté sont placés au centre du temple maçonnique autour du pavé mosaïque. Ce pavé mosaïque placé au sol est constitué de 108 carrés noirs et blancs de 10 cm de côté en proportion et de 9X12 cases. Le côté le plus long est dans l’axe du temple : Orient vers Occident. La tranche du pavé est de couleur rouge. Le premier pilier, la sagesse est positionné à l’orient près du plateau du vénérable, Le second pilier, la force se trouve à l’occident près du plateau du premier surveillant, et le troisième pilier, la beauté est placé également à l’occident, mais près du plateau du second surveillant. Chaque pilier prend sa place dans chaque angle du pavé mosaïque. Leur placement autour du pavé mosaïque doit être précis.

Ce placement tourne autour du même symbole : Le nombre 3. Le nombre 3 est le nombre de la création. C’est un des nombres mystérieux : 3-5-7. Le 3, nombre de la création est aussi le nombre de l’apprenti. L’apprenti à 3 ans, il fait 3 pas pour entrer en loge. Avant l’initiation, lors du testament philosophique, il doit répondre à 3 questions lorsqu’il se trouve dans le cabinet de réflexion.

Lors de l’initiation, il fait 3 voyages :

- le voyage de l'eau
- le voyage de l'air
- le voyage du feu

L’apprenti maçon travaille également avec 3 outils (ciseau, maillet, levier). Le 3, c’est aussi est le symbole de la conjonction du ciel et de la terre. Le 1 symbolise le ciel et le 2 symbolise la terre. Ces nombres réunis forme le 3.

Ce nombre 3 représente également le triangle équilatéral symbole de la divinité, de l’harmonie, de la proportion divine. Cette présence divine c’est ce qui s’opère entre le 1 et le 2.

Les 3 piliers sont placés en forme de triangle rectangle autour du pavé mosaïque. Ce triangle équilatéral représente l’équerre. Il est intéressant de constater qu’il n’y a pas de 4ème pilier visible alors que le pavé mosaïque possède 4 angles. Ce pilier existe t’il ? Il est en tout cas invisible pour les yeux des mortels.

Chaque pilier doit avoir pour moi, une orientation précise en loge. La pointe du socle des 3 piliers doit être dirigé vers l’occident. La base du triangle des colonnettes vers le V\ M\ et la pointe vers l’occident. Il me semble que cette orientation permet à la lumière de la création de prendre un chemin précis et de traverser l’ensemble du temple maçonnique, lors de la cérémonie d’illumination de la Loge. Cette lumière doit guider les travaux des maçons en loge. La Lumière qui illumine les travaux de la loge commence son voyage de l’orient pour traverser la loge et inspirer chaque maçon jusqu’l’occident, en passant également par le midi et le nord.

Chaque pilier a une forme spécifique, une architecture proportionnelle liée à l’œuvre de la nature selon Vitruve, Architecte romain qui vécu au 1er siècle avant JC dans son traité De Architectura. Il explique également dans ce traité qu’une structure doit avoir 3 qualités que sont firmitas (force), utilitas (sagesse) et venustas (beauté). Ces qualités ont pris leur inspiration de la nature. Il explique également dans le Livre IV qu’il existe 3 ordres architecturaux : « Parmi les trois ordres qui offrent le plus de délicatesse dans leurs parties, à cause de la proportion de leurs modules, j'ai fait connaître l'ordre ionique avec ses caractères. Je vais, dans le livre suivant (livre IV), parler des qualités et des règles des ordres dorique et corinthien, et en faire voir les différences et les particularités ».

Les 3 colonnettes représentent les 3 ordres architecturaux de colonnes. L'ordre dorique est le plus ancien (seconde moitié du XIème siècle avant J\ C\) Les colonnes doriques se caractérisent notamment par leur chapiteau à échine plate. Le pilier force est une colonne de style dorique dont la hauteur représente 8 fois le diamètre du fût de la colonne (selon notre rituel). Cette colonne offre les proportions du corps de l’homme. Vitruve l’explique comme ceci « Après l'expulsion des Cariens et des Lélèges, ces treize villes appelèrent le pays Ionie, en l'honneur d'Ion, leur chef, et se mirent à bâtir des temples aux dieux immortels dans les lieux qu'ils avaient consacrés. Le premier qu'elles construisirent fut dédié à Apollon Panionius. On le bâtit dans le genre de ceux qu'on avait vus en Achaïe, et ce genre, fut appelé dorique, parce que les villes des Doriens leur en avaient présenté de pareils. Lorsqu'il fut question d'élever les colonnes de ce temple, comme on ne savait pas bien quelles proportions il fallait leur donner, on chercha les moyens de les rendre assez solides pour qu'elles pussent supporter le fardeau de l'édifice, sans rien perdre de la beauté du coup d'oeil. Pour cela on eut recours à la longueur du pied de l'homme qui fut comparée à la hauteur de son corps. C'est sur cette proportion que fut formée la colonne ; la mesure du diamètre qu'on donna au bas du fût, on la répéta six fois pour en faire la hauteur, y compris le chapiteau. Ainsi commença à paraître, dans les édifices, la colonne dorique offrant la proportion, la force et la beauté du corps de l'homme ».

L'ordre ionique (appelé également colonne ionique) se caractérise notamment par son chapiteau à volutes, par son fût (expliqué ci-dessus) orné de 24 cannelures (sillon ou strie causé dans un matériau) et par sa base moulurée. Le pilier sagesse est une colonne de style ionique qui normalement dans le temple maçonnique doit avoir une hauteur de 9 fois le diamètre du fût de la colonne. Cette Colonnette ressemble à la forme d’un lotus et doit être coiffé d’un chapiteau orné de 2 volutes. Cette colonne représente la femme, sa délicatesse, ses ornements, sa grâce. Vitruve l’explique en disant « Plus tard ils élevèrent un temple à Diane, et, cherchant pour les colonnes quelque nouvel agrément, ils leur donnèrent, d'après la même méthode, toute la délicatesse du corps de la femme. Ils prirent d'abord la huitième partie de leur hauteur pour en faire le diamètre, afin qu'elles s'élevassent avec plus de grâce. On les plaça sur des bases en forme de spirale, qui figuraient la chaussure ; le chapiteau fut orné de volutes qui représentaient la chevelure dont les boucles tombent en ondoyant à droite et à gauche ; des cymaises et des festons, semblables à des cheveux ajustés avec art, vinrent parer le front des colonnes, et du haut de leur tige jusqu'au bas descendirent des cannelures, à l'imitation des plis que l'on voit aux robes des dames. Ainsi furent inventés ces deux genres de colonnes : l'un emprunta au corps de l'homme sa noblesse et sa simplicité, l'autre à celui de la femme, sa délicatesse, ses ornements, sa grâce ».

L'ordre corinthien est caractérisé par une décoration essentiellement constituée de feuilles d'acanthe. La symbolique de la feuille d'acanthe, très utilisée dans les décorations antiques et médiévales, orne chapiteaux, chars funéraires, vêtements de grands hommes, parce que les architectes, les défunts, les héros ont triomphés des difficultés de leur tâche. Le pilier beauté, c’est une colonne de forme corinthienne qui représente en hauteur 10 fois le diamètre du fût. Cette colonne corinthienne qui représente la beauté est l’association des 2 autres. Vitruve dans le livre IV l’explique comme suit « La troisième, qu'on nomme corinthienne, représente toute la grâce d'une jeune fille, à laquelle un âge plus tendre donne des formes plus déliées, et dont la parure vient encore augmenter la beauté. Voici l'anecdote que l'on raconte au sujet de l'invention du chapiteau de cette colonne. Une jeune fille de Corinthe, arrivée à l'âge nubile, fut atteinte d'une maladie qui l'emporta ; après sa mort, de petits vases qu'elle avait aimés pendant sa vie, furent recueillis par sa nourrice, arrangés dans une corbeille, et déposés sur sa tombe, et pour qu'ils se conservassent plus longtemps au grand air, elle les recouvrit d'une tuile. Cette corbeille avait été par hasard placée sur une racine d'acanthe. Pressée par le poids qui pesait en plein sur elle, cette racine d'acanthe poussa vers le printemps des tiges et des feuilles. Ces tiges grandirent tout autour de la corbeille, puis rencontrant aux angles de la tuile une résistance qui les comprimait, elles furent forcées à leur extrémité de se recourber en forme de rouleau. Le sculpteur Callimaque, …passant auprès de ce tombeau, aperçut ce panier et les feuilles qui l'entouraient d'une manière si gracieuse. Charmé de cette forme nouvelle, il l'adopta pour les colonnes qu'il éleva à Corinthe. Ce fut d'après ce modèle qu'il établit et régla les proportions de l'ordre corinthien ».

Ces 3 piliers sont couronnés par une seule lumière en loge. Donc lorsqu’elles sont allumées, elles sont nombre de 3. Il est dit également que les 3 lumières de la loge sont : le V\ M\, le 1 er surveillant et le 2nd surveillant. Les trois colonnes forment une équerre subtile qui s’ajoute aux deux autres : celle posée sur le compas et celle sur le bijou du V\ M\. Il me semble que ces 3 lumières ne peuvent exister l’une sans l’autre, comme une loge ne peut exister sans Le Triangle d'Autorité ou de Commandement formé par le Vénérable et les deux surveillants qui veillent au bon déroulement de la Tenue et à la distribution de la Parole.

Comment sont allumés ces piliers et l’ensemble des lumières de la loge ?

Le Vénérable maître commence par allumer les 3 lumières qui se situent sur son plateau, en commençant par celle du centre. Cette lumière centrale représente la sagesse. Ensuite le V\ M\ allume celle se situant à sa droite. Elle représente la force, pour enfin finir par celle se tenant à sa gauche : la beauté. Puis le V\ M\ descend de l’Orient précédé du maître de cérémonie pour allumer le premier pilier : La Sagesse.

V\ M\: « mes sœurs et frères, les fondations de notre temple sont posées, ce lieu est saint et notre œuvre séculaire peut reprendre son cours… »

Le V\ M\ parle au Seigneur de Vérité et dit : « Reçois en cet instant, nos hommages, éclaire nos travaux, et dissipe les ténèbres qui voilent Ta vérité, afin que se révèlent à nous les plans parfaits de Ta sagesse éternelle gouvernant tous les mondes ».

Les 2 surveillants placés chacun sur leur plateau disent : 1er surveillant : « Toi qui as dit : je suis la source des existences et de tous les êtres, je suis hier et je connais demain… Salut à toi ! »

Cette incantation du premier surveillant évoque le principe de création : source des existences et de tous les êtres.

2nd surveillant : « Toi qui as dit : je suis l’éternité, le monde, le temps, le devenir…j’ai pour essence le bien, le beau, le bon, le véridique… » Salut à toi ! » Cette incantation du second surveillant évoque le principe de l’unité, du tout.

Le V\ M\ se dirige ensuite vers le pilier force. V\ M\ : « Salut à toi, seigneur de l’éternité, dont les noms sont multiples et les formes mystérieuses ! Soutiens ce temple par ta force, connue des seuls enfants de lumières… »

Lors de cette incantation le V\ M\ parle de la force comme d’un soutien pour le temple. Le premier surveillant s’adresse lui à Osiris, qui fût assassiné par son frère Seth et qui devient lors de son passage dans l’au-delà le souverain et seul juge des lois de Maât. Maât qui est la déesse de l’équilibre du monde, de l’équité et de la paix. C’est elle qui pèse l’âme du défunt lors de son passage vers l’au-delà. L’âme doit être légère comme une plume d’autruche pour permettre ce passage sinon elle est dévorée par le monstre Ammit, dévoreur d’âmes.

Le V\ M\ se dirige ensuite vers le dernier pilier la beauté. La beauté allumée dans un troisième temps semble être la résultante des 2 autres. Elle est la résultante du juste équilibre entre la sagesse et la force. Tout part de la sagesse pour ensuite trouver la force et enfin découvrir la beauté.

Le V\ M\ dit : « Toi qui sais rassembler la parole sacrée, la maintenir en son ordre et la communiquer aux initiés, Isis qui les habitue a persister dans les saintes pratiques, dont la fin est d’obtenir la Connaissance de l’être premier et Souverain, accessible à la seule intelligence, les enfants de l’Art Royal saluent ici ta beauté ineffable ».

Le second surveillant s’adresse à Isis, elle représente le principe de création car, elle ressuscita Osiris après avoir retrouvé les parties de son corps démembré et lui créa un phallus en argile pour pouvoir lui donner un fils Horus. Le second surveillant dit d’ailleurs : « Isis, divine mère… », évocateur de ce principe créateur.

Quelle est la fonction des piliers en loge ?

Les colonnes en architecture ont souvent comme fonction de soutenir un édifice. Les piliers peuvent ainsi sembler contribuer à la stabilité de l’édifice, donc du temple maçonnique, comme le dit d’ailleurs le V\ M\ avant l’allumage du pilier sagesse : « les fondations de notre temple sont posées… ». Cependant, chaque pilier est couronné par une flamme ( voire une étoile ?) qui est un élément léger et volatile. Leur position dans le temple délimite le temple sur un carré long, sur une base qui tout de même montre la pérennité par la base, mais cette flamme monte, s’élève. Ces piliers sont positionnés à 3 des angles du pavé mosaïque, là où se situe NAOS. Il semble y avoir un rapport entre une base solide et immuable et cette flamme légère et mutable. Comme si ces piliers faisaient le lien entre la terre et l’univers par une verticale, lien entre la terre et le ciel animé par un feu vital. La flamme au centre du Naos est allumée par l’expert, il allume le feu sacré, la lumière permanente qui éclaire les maçons. Le NAOS, dans les temples égyptiens représente la partie la plus importante des temples. C’est « le saint des saints » …Dans le dictionnaire le Robert : le Naos est un nom d’origine grecque représentant le reliquaire dans lequel se trouvait des statues de Dieu. Il était placé dans le Saint des Saint, au fond du temple. Le Naos par opposition au sanctuaire, n’est pas l’édifice où se rassemblent les fidèles, on n’y célèbre pas de cérémonies. C’est une demeure obscure, secrète, de la statue et l’endroit ou sont entreposé des objets précieux. On le désigne aussi comme « Le Saint des Saints ». Dans notre temple, ces objets précieux sont les 3 joyaux de la loge : le compas, l’équerre et la règle que le V\ M\ place au degré d’apprenti en disant « ici sont les arcanes de la gnose. Que ceux qui ont des oreilles entendent, que leurs yeux voient et que leur âme comprennent ».

Cet un espace sacré (c’est sûrement pour cela qu’on ne doit pas le fouler, c’est à dire marcher dessus) qui est activé par l’allumage des piliers pour relier les différents plans, relier la terre au ciel. La flamme monte vers le ciel via une spirale ascendante (axis mundi). Il est possible de relier cette flamme montante dans cet axe à un symbole inverse : le sablier. Nous le trouvons dans le cabinet de réflexion. Le sable du sablier descend et nous oblige à une introspection, un retour vers la terre. Nous ne devons pas oublier les principes hermétiques, malgré cette apparente présence de contraires : « Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, ce qui est en bas est comme ce qui est en haut » Le Kybalion. Par le feu vital nous relions l’ensemble des plans hauts et bas et permettons au sacré de se relier à la terre en ouvrant une porte vers d’autres plans.

Regardons maintenant de plus près ce que représente chacun des piliers.

La sagesse :

Le V\ M\ commence par allumer la sagesse car elle représente la source des connaissances, la philosophie, l’esprit, l’âme. La philosophie, pour Platon est l’amour de la connaissance, une pratique purement intellectuelle pour nourrir l’âme. Par ailleurs, elle est une tension vers un savoir ou une sagesse que l'on ne possède pas, mais vers laquelle l’on tend.

Socrate, lors de son procès rapporté dans l’Apologie de Socrate affirme être ami de la sagesse, et non pas être sage. C'est ce qui l'amène à trouver dans sa condamnation à mort une chance ultime de séparation de son corps, qu’il considère proprement humain, et de ce qu’il considère proprement intellectuelle, cette âme pouvant alors peut-être contempler le savoir après la mort.

Du grec antique Sophia qui signifia l’habileté nécessaire à l’exercice d’un art, d’une maîtrise technique. La sagesse dans ce cadre représente plus une notion lié à l’artisanat, mais cette notion a évoluée et signifie la capacité à entendre le logos, le verbe afin d’y conformer sa conduite et de parler selon la vérité.

VERITE qui nous lie d’ailleurs. Le V\ M\ dit « Frère, Sœur premier surveillant, qu’y a t-il entre vous et moi pour nous unir en ce lieu ? » « P\ S\ : V\ M\ c’est une Vérité ».

Mais accéder à la sagesse divine n’est pas chose simple, est-ce même possible ? Socrate et Platon disaient que l’homme ne peut pas participer à la sagesse du monde divin car sa sagesse sera toujours limitée.

Platon disait : « Devenir sage crée une parenté avec la divinité ». La sagesse existe de toute éternité et c’est à cette sagesse que le Grand Architecte de L’Univers s’unit pour créer car sans cette sagesse, la création ne serait-elle pas vide de sens ?

Il y a derrière cette sagesse une notion d’humilité. Est-il possible d’accéder à la sagesse sans être humble. Roger Bacon (alchimiste anglais du 13ème siècle) parle de cette humilité en disant « Plus un homme est sage, plus il est humblement disposé à recevoir l’enseignement d’un autre. Le sage ne dédaigne pas la simplicité de celui qui l’enseigne, mais il montre de l’humilité envers les paysans, les vieilles femmes et les enfants, car les simples et les ignorants connaissent tant de choses qui échappent aux savants…j’ai appris de vérités plus importantes de la bouche d’humbles gens que de tous les fameux docteurs. Qu’aucun homme par suite, ne se vante de sa sagesse ».

Voici également un passage du livre de la sagesse attribué à Salomon : « La sagesse se laisse voir aisément par ceux qui l’aiment et trouver par ceux qui la cherchent. Elle devance ceux qui la désirent, en se faisant connaître la première. Quiconque part tôt vers elle ne se fatiguera pas : il la trouvera à sa porte. Se passionner pour elle c’est la perfection du discernement. Au commencement de la sagesse, c’est le désir d’être instruit par elle, vouloir être instruit, c’est l’aimer, l’aimer c’est garder ses lois, observer ses lois, c’est être assuré de l’incorruptibilité, et l’incorruptibilité rend proche de Dieu. Ainsi le désir de la sagesse élève jusqu’à la royauté ». Pour rappel dans notre rituel, le V\ M\ dit « Que ceux qui ont des oreilles entendent, que leurs yeux voient, et que leur âme comprennent ».

Il serait prétentieux de donner une définition de la sagesse, où de croire pouvoir en donner une, cela me semble même impossible car c’est un principe complexe, et surtout universel qui va au delà de notre nature humaine. En revanche notre travail de maçon n’est-il pas de tendre vers celle-ci, de travailler pour nous améliorer et ainsi améliorer l’univers. Le travail de l’apprenti est de tailler sa pierre brute grâce à ses outils, le ciseau et le maillet pour ensuite pouvoir faire partie de cet édifice qu’est le temple…une fois sa pierre taillée et participer ainsi à la sagesse divine. Même si le maçon est lié dans le temple par la vérité, le travail du maçon est de chercher cette vérité par la connaissance, la sagesse et dans une unité en travaillant avec les autres maçons dans le temple, espace sacralisé lors de l’allumage des piliers, l’ouverture des portes qui nous relient au divin.

La force :

Je vous rappelle que la force est une colonne dorique crée selon les proportions de l’homme donc sur un principe masculin selon Vitruve. En revanche, dans le tarot marseillais, la force, 11ème lame du tarot représente un principe féminin. Cette femme, grâce à une volonté forte et qui semble bien construite domine la situation. Elle réussit à dominer la force brute, masculine représentée par une bête mi-chien, mi-lion. Dominer cette force brute pour canaliser ses énergies et transformer ses énergies en force positive. Cette femme est habillée d’une cape rouge et d’une robe bleue. Le rouge représente la force et la vitalité qui recouvre partiellement la robe bleue. Le bleu est le symbole de l’intelligence et de l’esprit, donc de la sagesse, qui représente la colonne ionique donc le principe féminin. Cette force maîtrisée existe par le premier principe : La sagesse. Cette femme est aussi couverte par un chapeau bleu. Ce chapeau peut faire penser à la prédominance de l’esprit sur la matière. La femme domine l’animal, mais elle semble le canaliser sans l’écraser. De la même façon nous devons canaliser notre surplus d’énergie, la canaliser pour en tirer notre potentiel. Le personnage est de face et sa tête tournée vers la droite comme si la femme sortait d’une sorte de réflexion lui donnant la force d’agir. « La sagesse conçoit, la force exécute… »

Ceci montre bien que la force ne peut fonctionner sans la sagesse. Qu’il faut un principe féminin pour équilibrer le principe masculin et vice et versa.

Dans l’ancienne Egypte, le « HEKA » qui signifie la force magique et le « KA » qui représente le dynamisme intrinsèque à chaque parcelle de vie sont 2 principes représentatifs de cette force.

Le HEKA est la puissance qui découle directement de l’énergie lumineuse et qui permet de lutter contre le cours naturel des événements et de modifier le cours du destin.

Le KA est la force qui nourrit, lié à la qualité des êtres et des choses et doit être lui-même nourrit en retour. Dans ce principe du KA il y a une notion d’échange, de cycle, mais il ne faut pas oublier que la force peut-être aussi un principe destructeur si elle n’est pas canalisée correctement. Le grand œuvre est de tendre vers le rouge en lien les 3 principes : sagesse, force et beauté et d’être dans le principe créateur grâce à l’alliance des 3 piliers : c’est la tri-unité. La création du tout par le ternaire, le 3 nombre de la création.

Cette force peut donc être destructrice, mais comme rien n’est inutile dans la création, le principe destructeur peut être nécessaire en ce sens qu’il permet de renouveler ce qui semblait promis à la mort. N’est-ce pas d’ailleurs la théorie du chaos de James Gleick : La théorie du chaos met ainsi en évidence la présence d'une auto-organisation au sein de la matière. Lorsqu'on s'éloigne de l'équilibre, on découvre de nouvelles situations, parfois plus organisées qu'à l'équilibre initial.

Ce principe est applicable lors de l’initiation maçonnique lorsque le V\ M\ fait boire au profane la boisson d’oubli. Cette boisson a pour fonction de créer le chaos, Le V\ M\ dit d’ailleurs « ce breuvage a pour but de vous dépersonnaliser. Quelques semaines après son ingestion, inoffensive quant à la santé physique, votre personnalité passée se dissoudra lentement. Insensiblement avec les jours, vous deviendrez un autre être. Lentement mais sûrement, l’égrégore qui anime et conduit notre antique société vous pénètrera, substituera sa volonté à la vôtre et, au prochain anniversaire de votre réception, il ne restera plus rien de l’homme ou de la femme, que vous êtes actuellement. Vous ne serez plus alors, selon l’antique et très occulte formule que pareil au cadavre que la main du laveur des morts tourne et retourne à son gréer ».

N’est ce pas là le début du chaos pour détruire et ensuite reconstruire sur un nouvel équilibre…n’est-ce pas le travail du maçon ? Apprendre à mourir pour renaître ? Le Trépat du profane pour passer au trois pas de l’apprenti. Trois pas que d’ailleurs l’apprenti fait entre les colonnes force et beauté. Comme il lit ses planches entre les colonnes… N’est-ce pas là une suite d’épreuves avant de retrouver le verbe, la parole. Comme vous le savez, les maîtres eux lisent leurs planches sur le plateau d’orateur.

Ce cycle de destruction permet la reconstruction et permet ensuite une meilleure maîtrise de la force dans un équilibre plus sain.

Face à ce principe de force, sur le même axe, nous pouvons mettre le principe de faiblesse. Accepter ses faiblesses, n’est-ce pas là notre plus grande force ? J’ai discuté il y a quelques jours avec ma sœur biologique Chrystelle, qui est aussi maçon, j’ai échangé avec elle sur ce principe de force qui pour moi est particulièrement complexe à appréhender. Nous avons reparlé de mon initiation et elle m’a dit que je lui paraissais être la parfaite élève lors des différentes épreuves, droite comme un I, donnant des réponses justes. Je lui semblais imperturbable, forte, sauf que j’ai reçu la lumière… Je me suis retournée et je l’ai vu et là je me suis tout simplement écroulée…le mur qui semblait si solide c’est tout simplement effondré… J’ai accepté ce jour-là de montrer mes faiblesses, de me mettre à nu. N’est-ce pas ici cette destruction bénéfique pour que je puisse maintenant faire mon travail de maçon et reconstruire ma personnalité grâce à la force, mais une force tranquille et contrôlée par les 2 autres principes la sagesse et la beauté ? La Force est nourrit par la sagesse, la connaissance pour ensuite accéder à la beauté, l’harmonie. La force, n’est-ce pas cette acceptation de ses faiblesses ? N’est-ce pas cette capacité à se remettre en question pour accéder à une force maîtrisée qui permette d’agir ? Cette force nourrit tous les maçons qui participent aux tenues, et les guide sur le chemin lumineux de la connaissance. Cette force que nous devons apprendre à reconnaître, à canaliser et à formuler.

La beauté :

Ce troisième principe, exprime le mariage de la sagesse et de la force dans un juste rapport. Ce principe de beauté fait pénétrer dans un monde intangible et universel. Elle fait découvrir le monde de la connaissance. Elle permet d’avoir une vision du monde nouvelle.

Dans notre temple, tout est beauté, harmonie. Avant la tenue, le lieu est purifié rituellement avant l’entrée des frères pour que l’être humain qui peut être considéré comme un élément perturbateur laisse ses métaux à la porte du temple. De plus, tout au long de la tenue, il existe l’harmonie entre les frères et sœurs, bien que chacun soit des maçons qui pris individuellement ont leurs imperfections.

Ces piliers qui délimitent le NAOS, fondement du temple maçonnique constitue un ordre formé par des frères et soeurs qui tentent de le faire vivre. Cette beauté, cette harmonie dans le temple maçonnique n’est-elle pas constituée de contradictions car le temple est formé d’hommes et femmes imparfaits mais également de la splendeur et de la perfection de l’œuvre accomplie dans le temple. Marie-Madeleine Davy, historienne et philosophe française disait ceci « l’univers est harmonie, puissance architecturale dans laquelle chaque élément occupe une place de choix, la diversité ordonnée concourt à la beauté du tout ». Elle dit ainsi que chaque chose à une place déterminée dans l’univers et que chaque chose crée un tout parfait, c’est le plan d’œuvre.

Ce principe de beauté est un principe en perpétuelle évolution, ce n’est pas un principe statique, c’est la résultante de constantes mutations. Platon disait dans « le Timée » que l’harmonie (la beauté) consiste en des mouvements de même nature que les mouvements de notre âme. Ce monde est en perpétuel mouvement selon le principe de vibration de la philosophie hermétique « rien ne repose, tout remue, tout vibre ». Comment peut-on créer la beauté dans ce perpétuel mouvement ? Par la construction du temple…temple construit lors de chaque tenue par le rituel, par l’ouverture des travaux, par l’allumage des piliers sagesse, force et beauté.

Ce qui crée la véritable beauté, est inspirée par la sagesse et animée par la force. « La sagesse conçoit, la force exécute et la beauté orne ». Tels sont les fondements de l’œuvre, telle est sa dynamique. L’œuvre manifeste l’union d’éléments de nature différente. Elle est belle car ceux qui y ont participé ont cherché à servir plus grand qu’eux, sans vouloir y laisser l’empreinte de leur individualité. De part l’unité, le travail commun des maçons, la beauté existe.

Comment sont éteins ses piliers à la fin du rituel ?
Le V\ M\ avant d’éteindre les lumières dit « Eclaire nos âmes comme tu as éclairé nos travaux, afin que dignes enfin de toi, rendus meilleurs par le feu vivifiant de la vraie maçonnerie, nous puissions entrevoir les plans parfaits de ta sagesse. Et que ces flambeaux, avant de disparaître, déposent en nos cœurs le feu de puissance et de leur Force ».

Lorsqu’il a éteint le pilier sagesse, le V\ M\ dit « Architecte éternel, que ta sagesse soit toujours en nos esprits ». La sagesse conçoit, c’est l’esprit, le travail du maçon ne s’arrête pas à la fin de la tenue. Son travail doit rester en esprit pour être profitable dans le monde profane.

« Que ta force nous soutienne » l’esprit permet de concevoir et la force, indissociable de la sagesse soutien et permet d’agir.

« Que la beauté nous guide » lorsque l’esprit a conçu, que la force nous a permis d’agir, nous obtenons le beau, nous créons.

C’est donc un principe ternaire, le premier ne pouvant exclure les deux autres.

La sagesse sans la Force est une velléité
La force sans la Sagesse est une tyrannie
La sagesse sans la beauté est un repoussoir
La beauté sans la sagesse est un poison
La force sans la beauté est une brutalité
La beauté sans la force est une précarité

Finalement, ces trois piliers représentent les aspirations qu’a chaque maçon : atteindre une sagesse improbable qui permet d’agir grâce à une force domptée et contrôlée pour obtenir la beauté universelle. Aspiration qui ne peut être atteinte que lors du passage vers l’orient éternel… La transmutation de notre état d’humain vers un autre état, pour que nous puissions continuer le chemin. C’est peut-être le moment précis où ce 4ème pilier invisible deviendra enfin visible ? A la fin de chaque tenue, la loge a accompli une partie de ce chemin qui sera porteur de lumière jusqu’à la prochaine tenue. Et nous même, lorsque nous serons à l’orient éternel nous inspirerons les maçons pour les conduire vers le chemin de la lumière sans que sa formulation soit définitive puisque tout est en perpétuel mouvement et que tout change pour la beauté du monde.

J’ai dit venerable maître.

S\ P\


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