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Les Piliers

Voila  bientôt deux ans que j’ai reçue la lumière et progressivement, j’ai commencé à m’imprégner des différents symboles qui me sont accessibles.

Le silence de l’apprenti, les grades et  les décors, sont pour la jeune maçonne un monde étrange, parfois imperméable dans lequel il est besoin de s’immerger.

Les symboles sont partout en maçonnerie, à commencer par le ternaire (triangle ou pyramide) image symbolique par excellence de tout ce qui est maçonnerie.

Le nombre trois,  le plus utilisé de tous les nombres maçonniques est représenté par une multitude de symboles: les trois voyages de l’initié, les trois pas, les trois grandes lumières, le triangle, les trois grades de la maçonnerie bleue …etc.

Avec toute la naïveté de mes trois ans, j’aurai aimé travailler sur le nombre trois.
J’entrevois aujourd’hui l’étendue de la tâche et plus modestement, je vais essayer de vous faire partager ce que les trois piliers m’ont inspiré.

Le pilier (du latin  pilarium), élément qui sert à soutenir quelque partie d’un édifice, en assurant sa stabilité.
Il convient tout d’abord de bien différencier piliers et colonnes dans le temple.
Les deux colonnes que nous appelons J et B se dressent sur le parvis du temple et en marquent l’entrée.
Les piliers, quant à eux, sont à l’intérieur du temple et contribuent à sa stabilité.
Ayant eu, de part mes études aux Beaux arts, une formation artistique, je me suis attardé, en premier lieu, sur leur apparence  et  leur histoire.
Je vais de façon succincte vous les présenter :

Les Grecs ne reconnaissaient que trois ordre architecturaux :
   -          l’ordre dorique
   -          l’ordre ionique
   -         et l’ordre corinthien.
Les romains en ont ajoutés deux:

   -          l’ordre toscan
   -          et l’ordre composite.
Suivant Vitruve, les architectes ayant remarqué que le pied de l’homme était la sixième partie de la hauteur du corps, ils utilisèrent cette proportion dans leurs colonnes. Quelle que fut la grosseur d’une colonne à son pied, ils lui donnèrent une hauteur sextuple. C’est ainsi que la colonne dorique prit les proportions du corps de l’homme. Sa hauteur  égale de six à huit  fois son diamètre de base est cannelée. Son chapiteau se compose de moulures, filets ou quart de rond et présente une section rectangulaire.

Plus tard, voulant élever un Temple à Diane, ils instaurèrent un nouvel ordre : ils lui donnèrent quelque chose de la grâce de la femme et portèrent la hauteur des colonnes à neuf diamètres, afin que celle ci  paraissent plus sveltes. Ils y ajoutèrent des bases avec des enroulements pour imiter des chaussures et ils placèrent des volutes au chapiteau pour représenter les boucles de la chevelure. Enfin des cannelures, creusées le long du fut, imitèrent les plis d’une robe.
L’ordre Corinthien  imite la grâce  de la jeune fille : il en a les proportions délicates. Cette colonne  a généralement dix diamètres de haut, et son chapiteau est une corbeille de feuilles d’acanthe.

Dans le langage courant, le  terme pilier est employé pour désigner des principes essentiels : Liberté, Egalité, Fraternité sont  les trois piliers de la République.
On peut dire que Sagesse, Force et Beauté, noms donnés aux  piliers dans la loge sont les trois piliers de la maçonnerie.
Chacun correspond à l’un des trois principaux officiers de la loge :
SAGESSE à la vénérable maîtresse.
FORCE  à la  première surveillante.
BEAUTE à la  seconde surveillante.
Ils sont placés en équerre aux angles d’un carré long dont le rapport des cotés est :
Soit deux et il est dit argenté,
Soit le nombre d’or et il est dit doré.
Il peut paraître étrange que le quatrième pilier soit manquant, car notre logique profane voudrait qu’il y en ai quatre! On peut  alors imaginer que ce quatrième pilier invisible soit l’initié ou encore la spiritualité.
En instruction  d’apprentie, on  nous enseigne que chaque maçonne doit construire  par elle-même l’édifice de ses propres convictions, autrement dit de son temple intérieur.
Or tout temple s’élève en prenant appui sur des piliers.
Si l’un cède, tout l’édifice s’effondre.
Chaque pilier peut être considéré comme un lien entre le ciel et la terre.
Dans la tradition de l’Egypte ancienne, un grand pilier sépare le ciel de la terre : il s’agit du dieu Chou.
Axe essentiel de nature lumineuse, le pilier est donc en rapport avec l’apparition de la lumière créatrice, ainsi qu’avec la naissance des formes et leur animation.
Les trois piliers portent chacun une bougie appelée étoile ou petite lumière et qui est allumée rituellement à l’ouverture de la tenue. Elles symbolisent les trois grandes lumières : sagesse force et beauté qui soutiennent le temple
On peut les assimiler au Soleil, à la Lune et à la Vénérable Maîtresse ou encore à la Vénérable Maîtresse et aux deux surveillantes.
A l’intérieur de l’espace délimité par ces trois piliers, on remarque un damier formé de carrés noirs et blancs: le Pavé mosaïque, lequel, étant un espace sacré, a une valeur de sanctuaire. La circulation se fait tout autour sans que l’on puisse y marcher.
Les piliers de la loge sont vus comme les piliers de la société.
Ils sont les symboles de l’identité de la maçonne.
« Car à l’éternel sont les piliers de la terre et c’est sur eux qu’il a pose le monde » dit la Bible (SAMUEL 2.8). Ils se réfèrent à la fondation de la société par le créateur.
Lors du rituel, la vénérable maîtresse allume le pilier SAGESSE en disant :
« Que la sagesse préside à la construction de notre édifice. »
Pendant ce temps, l’experte est montée à l’orient, afin que celui-ci ne reste pas inoccupé, puis les deux  surveillantes donnent la flamme aux deux autres piliers avec des flambeaux qu’elles sont venues allumer à l’étoile de l’orient.
« Que la force la soutienne »dit la première surveillante  
« Que la beauté l’orne » rajoute la seconde.
On pourrait l’interpréter comme :
Vaincs tes passions, travailles sur toi-même et tu créeras un monde meilleur.
                                                  
Les trois piliers ont un horizon philosophique :

LA SAGESSE, la Sophia est celle de l’esprit libre de tous préjugés.
C’est la réflexion avant l’action.
C’est la mesure des avantages et des inconvénients de l’action et c’est la prise de décision en connaissance de cause.
Elle est la base de l’inlassable recherche de la vérité qui nous porte au perfectionnement de notre pensée et de notre action.
C’est la connaissance de soi qui permet à la maçonne de travailler utilement. Avant de savoir ce que nous allons entreprendre, il  importe de savoir ce que nous sommes et ce dont nous sommes capables. Socrate disait : « L’homme ne peut que participer à la sagesse du monde mais sa propre sagesse sera toujours limitée. »
Mais à elle seule la sagesse ne suffit pas. Elle préside aux travaux que la force permet d’accomplir.

LA FORCE est celle requise face à l’adversité du monde afin de travailler autant que faire se peut à l’amélioration matérielle et morale de l’humanité.
C’est la détermination dans l’action, l’absence d’hésitation, la capacité d’assumer la décision jusqu’à son terme, le respect de la parole et de l’engagement.
C’est cette force qui balayera les obstacles et triomphera des difficultés.
Il ne suffit pas de connaître ses défauts et ses faiblesses, il faut tenter de les éliminer. La 11eme lame des tarots nous montre la force sous l’apparence d’une femme d’apparence royale maîtrisant un lion. N’oublions pas que la force peut être mortelle si elle n’est pas tempérée. Dans la tradition chrétienne, l’ange Gabriel terrassant le dragon, est une incarnation de la force créatrice triomphant des éléments néfastes.

La notion de BEAUTE selon les anciens est d’origine divine et éternelle.
 C’est la base de toute harmonie future, le signe que demain peut être plus beau qu’aujourd’hui.
C’est l’esthétique de l’action et la fierté du travail bien fait.
C’est l’utilité de l’action dans son environnement.
Lao-Tzeu  écrivait dans  la voie et sa vertu : 
« Ce qui crée la véritable harmonie, celle qui reflète l’harmonie principielle, est inspiré par la sagesse, animée par la force et tout chemine jusqu’à faire retour à la grande harmonie. »

En allumant les trois flambeaux, la vénérable maîtresse et les deux surveillantes illuminent toute la loge d’une triple flamme qui veillera au bon déroulement sacré des travaux. Lorsque la vénérable maîtresse demande d’illuminer les piliers, je ne peux m’empêcher de penser  à l’expression de la Genèse : « que la lumière soit », car à chaque ouverture des travaux en loge, c’est en quelque sorte,  à une création du monde que l’on procède. 

Pour la construction d’un édifice prime l’élaboration du plan : c’est la SAGESSE.
Ensuite vient le travail : c’est la FORCE.
Enfin s’élaborent les finitions : c’est la BEAUTE.

Dans l’instruction au grade d’apprentie, il nous est dit :
La sagesse invente, la force exécute et la beauté orne.
En  loge, les sœurs s’unissent à la lumière collective pour une réalisation personnelle : chacune apporte sa pierre qu’elle a polit afin de l’insérer dans l’édifice commun.
Au nord, dans l’espace des ténèbres, l’apprentie cherche la lumière. Elle va pouvoir en silence, transmuter ses passions en lumières de paix et ses chaînes en  liberté si elle travaille avec persévérance et régularité. Pour ma part, je remarque que de tenue en tenue, les trois grandes lumières et les symboles qui m’entourent m’ouvrent chacun à leur tour, un univers vertigineux de sagesse,  de force et de beauté.

Lors de mes investigations, j’ai découvert une histoire écrite par une de nos soeurs et je vais vous la conter car je trouve que c’est un excellent résumé de mon travail.

Il y a très, très, très longtemps, mais c’est comme si c’était hier, voilà que le GADLU déambule entre les constellations.
Il s’arrête pour observer une minuscule planète grosse comme un point. Penché sur elle, il l’examine…la trouve intéressante, et dépose sur elle la pointe de son compas.
Il réfléchit. Que vais je donner comme premier pilier à ce petit astre pour que la vie tourne bien rond ?
La sagesse, pensa t’il, c’est un solide fondement. C’est çà : « Que ma sagesse soutienne l’esprit des hommes ! »
Aussitôt, la voilà qui fait ses délices et qui joue en sa présence sur le globe de la terre.
Le GADLU l’imagina en telle abondance qu’on en trouve encore aujourd’hui.
Mais que serait la sagesse dépourvue de vigueur ?
Et le GADLU dit « «Je vais l’affirmer avec un deuxième pilier énergique. Voici un solide fondement pour que la vie y tourne bien rond : « Que ma force soutienne les hommes ! »
Et il la déclara en telle abondance qu’on en trouve encore aujourd’hui.
Mais tout compte fait, se dit le GADLU, on n’a jamais vu un tabouret  tenir sur ses deux pieds. Alors il me faut un troisième pilier, celui qui achèvera et ornera le tout pour que la vie y tourne bien rond. « Que serait la sagesse et la force s’il leur manque la beauté ? »
Ainsi il façonna la Beauté, et il l’éparpilla partout pour qu’elle exalte les pensées, les paroles, les gestes.
Il la fit en telle abondance qu’on en trouve encore aujourd’hui.
Fort satisfait, le GADLU recommanda instamment à la sagesse la force et la beauté de ne jamais se séparer (toujours le fameux principe du tabouret).
Le GADLU s’éloigna vers d’autre horizons, considérant qu’il avait bien pensé, bien dit, bien fait et que tout cela était très bien.

En conclusion je pense que notre maçonnerie n’a aucune signification si elle n’est pas intégrée à une manière de vivre.
Aussi dans le monde profane, les termes Sagesse, Force et Beauté doivent prendre toute leur signification, sinon, nous perdons notre temps sur les colonnes.

J’ai dit Vénérable Maîtresse.

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