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Les Triangles

Les Carnets de l'architecte Villard de Honnecourt, qui travaillait au milieu du XIIIe siècle, contiennent une série d'ébauches de figures humaines ou animales inscrites dans des suites de triangles. Ils sont accompagnés de commentaires sur l'art du trait « ainsi que l'art de géométrie l'enseigne ». La Géométrie de Boèce (480-525), une des sources principales de la codification des arts libéraux au Moyen Âge, appuie sur le triangle, première figure fermée toute construction faite à partir d'un point originel incréé. Cette réflexion savante, qui continue les pratiques compagnonniques du cordeau, s'enracine elle-même dans de très anciennes spéculations théologiques. La Sékina (présence divine) des Juifs, l'endroit que Dieu habite, put prendre très vite la forme triangulaire d'une tente (en grec skènè) comme celle que Moise fit dresser, selon le livre de l'Exode, sur l'ordre de Dieu. La Trinité chrétienne s'accommode fort bien de cette symbolique que l'on retrouve à l'Orient de la Loge, derrière le vénérable maître au grade d'apprenti, sous la forme d'un triangle équilatéral portant un œil en son centre ou le Tétragramme, les quatre lettres composant en hébreu le nom divin. L'étoile à cinq branches ou pentagramme mesure d'homme, figure au tableau du grade de compagnon. Formée de trois triangles recroisés, elle porte en son centre la lettre G qui signifie « Dieu » ou « géométrie ».

Les représentations géométriques des 33 degrés de l'écossisme se sont faites fréquemment à partir d'un premier triangle central, la pointe en bas et formant les autres figures jusqu'au cercle divin. Le 260 du Rite est Écossais Trinitaire ou Prince de Mercy (L'ordre des Trinitaires avait été créé afin de racheter les chevaliers chrétiens tombés aux mains des infidèles) et on le retrouve au 140 de Memphis (1816). Au 40, le décor comprend un triangle dans un cercle et le secret du grade dans un triangle enfermé dans trois cercles (rituel du XVllle siècle); au 8°, c'est le cercle qui est à l'intérieur d'un triangle et l'instruction rituelle porte sur cette figure. Le 13° du Royal Arch fait découvrir au récipiendaire le delta lumineux (la lettre grecque en majuscule est un triangle équilatéral) sur lequel Enoch « grava le nom mystérieux du Grand Architecte de l'Univers ». Le 18º Rose Croix présente enfin dans son décor les 3 triangles associés à 3 cercles et 3 croix.

Les instruments du métier que sont le compas et l'équerre se prêtent également à la stylisation triangulaire. Portés en bijou, en sautoir, ils désignent des Grades ou des fonctions comme vénérable maître ou surveillant. Quant à la spéculation sur les degrés des angles, elle renvoie à la symbolique des nombres et aux réflexions « pythagoriciennes ».

Au XIXe siècle et au début du XXe, les auteurs maçonniques s'efforcent d'intégrer le symbole du triangle dans une vision comparatiste, insistant sur l'universalité du symbole, depuis les triades de la Trimourti hindoue à l'Égypte et à la Perse Jules Boucher écrit ainsi dans La Symbolique maçonnique: «On pourrait multiplier les exemples de trinités dans la plupart des religions. » Les manuels, comme celui de Ragon (L'Orthodoxie maçonnique. 1853), donnent aux 3 points du triangle le sens de la devise « Liberté, Égalité, Fraternité », ou prétendent qu'ils représentent les règnes de la nature. Dans l'interprétation hermétique donnée par Wirth (1931), les éléments sont figurés par diverses formes de triangles parce qu'ils sont des modes de passage et des intermédiaires entre la matière première universelle représentée par le cercle et le monde fixe solidifié.

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