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Anarchie et Economie de l’Inconscient

1. INTRODUCTION.
Figurez-vous, VM et vous tous mes SS et mes FF en vos grades et qualités, qu'un jour matin, il y a à peu près un an, je me suis réveillé la tête remplie d'un événement de mon passé, événement que j'avais complètement oublié.
Ni anodin ni très important, il venait de remonter à la surface de ma conscience, comme une bulle d'air longtemps emprisonnée sous une pierre au fond d'un étang.

Ainsi donc, mon cerveau détient des informations pratiquement à mon insu. Un moteur indépendant fonctionne en moi, en dehors de ma conscience et de mon état de veille.

Si je pousse le raisonnement un tout petit peu plus loin, je puis imaginer facilement qu'un autre moi-même agit et construit les fondements d'une attitude ou d'un comportement qui seront les miens sans que je n'intervienne.
J'ai évidemment pensé assez vite à la mémoire et à ses méandres, mais cette approche ne m'a pas satisfait puisqu'il s'agissait d'une circonstance liée à une forme de rêve ou en tout cas à un état de pré éveil.
C'est ainsi que j'en suis arrivé à l'inconscient en tant que porte ou composante du psychisme de l'homme et au rabotage de cette planche.

Dans un premier temps, je vous expliquerai le titre de la planche et vous brosserai très rapidement l'origine de la découverte de l'inconscient à l'époque moderne.
Je vous parlerai ensuite de ce que la science nous dit de l'inconscient ce qui me permettra de reprendre les notions historiques relatives à l'inconscient que j'étendrai aux aspects sociologiques
Après cela, je vous propose d'aborder la question de la véritable guerre et des divergences entre philosophes et tenants de l'existence de l'inconscient.
Il sera sans doute temps alors de conclure et de vous laisser digérer ¾ d'heure d'audition de ma douce voix mélodieuse.

Mais avant tout, je souhaite prendre deux précautions qui me semblent capitales.

Pour une question de clarté et de concision, je tiens à coller au plus près du concept d'inconscient.
Le point de départ historique de l'évocation et de toutes les polémiques relatives à l'inconscient se cristallise autour de cette personne emblématique qu'est le docteur Sigmund FREUD.
Très rapidement, tant l'individu lui-même, son origine ethnique et son appartenance à la culture germanique, que ses théories ont été critiquées, voire remises en question ou contestées sur le fond.
J'ai délibérément choisi de ne pas comparer les théories de M. FREUD avec celles de ses élèves ou de ses détracteurs sur le plan de la psychanalyse. Cela m'aurait mené trop loin par rapport au sujet proprement dit.
Je parlerai de M. FREUD lui-même, et je vous dirai pourquoi je le fais, mais j'éviterai d'évoquer le complexe d'Œdipe et cette fameuse théorie relative au meurtre du père et de la mère parce que ces sujets sont galvaudés et qu'ils ne touchent pas nécessairement à l'essentiel de mon propos.

Beaucoup parmi nous savent que l'approche de l'inconscient se fait souvent par l'étude des troubles du comportement, névroses et autres psychoses dont l'origine se trouve selon les freudiens dans l'inconscient même.
Pour la même raison, les différentes maladies mentales ne sont pas abordées ici non plus ou alors de façon très superficielle.

Deuxièmement, vous me trouverez sans doute très présomptueux de parler d'anarchie et d'économie de l'inconscient.
En effet, je n'ai rien d'un anarchiste.
Même si la facette quelque peu romantique de la « Bande à Bonnot » a alimenté mes exaltations de jeunesse, il y a déjà bien longtemps, j'ai appris depuis à préférer les vieilles pétoires rouillées à celles qui fonctionnent.
Je ne suis pas non plus un spécialiste de l'économie, loin sans faut, même si, pour moi, certains types d'économie représentent plus un gage de liberté et de progrès pour l'homme que d'autres.

Et enfin, l'inconscient porte selon moi beaucoup trop l'odeur de maints psychologues que je rencontre dans mon métier, qui professent de grandes théories avec une dose d'irresponsabilité telle que je suis tout ébahi quand je rencontre une exception.

Pour être rigoureuse, mon approche devrait être la plus spécialisée possible, la plus scientifique possible, or, je ne peux prétendre à rien de tout cela.

Il faut pourtant une ouverture et la voici : personne, scientifiques, philosophes et psychanalystes réunis  je les distingue les uns des autres puisqu'ils s'opposent souvent -, n'a jamais pu fournir la moindre preuve de l'existence de la conscience et donc de l'inconscient.
Partant, personne n'a jamais pu démontrer que conscience et inconscient n'existaient pas.

Dès lors, la construction intellectuelle me paraît envisageable, ce qui ne m'empêche pas de m'excuser par avance auprès des spécialistes et des puristes pour avoir osé m'aventurer dans un domaine ô combien réservé, sur un territoire où le médecin de famille, la marchande de produits de beauté, le braconnier et le maître nageur ont des avantages évidents sur moi.

2. Développement du titre.
Au sens large, l'anarchie se dit du désordre résultant de la carence ou de l'absence d'autorité.
En politique, l'anarchisme tend à supprimer l'Etat, avec un « E » majuscule, à éliminer de la société tout pouvoir disposant d'un droit de contrainte sur l'individu.

L'économie est un art, celui de gérer correctement et d'administrer les biens d'un particulier ou d'un Etat.

Quant à l'inconscient, il est symptomatique de voir ce terme qualifier quelqu'un qui agit avec peu ou pas de réflexion
Au sens psychologique, l'inconscient est ce qui, dans le psychisme, échappe totalement à la conscience même quand le sujet cherche à le percevoir et à y appliquer son attention.

Reprenons si vous le voulez bien ces différents concepts en essayant de les développer.

A propos de l'ANARCHISME, c'est un certain Max STIRNER et surtout Pierre-Joseph PROUDHON qui à la moitié du 19ème siècle lancèrent par leurs écrits l'anarchisme ou courant libertaire.
Le drapeau noir de l'action politique anarchiste soutint les formules telles que « Dieu, c'est le mal » et « la propriété, c'est le vol », affirmations avec lesquelles, si elles n'étaient pas aussi outrancières,  je suis assez d'accord.
L'anarchiste veut la victoire rapide des travailleurs sur le capital : pour cela, il refuse violemment les élections, car « Voter, c'est abdiquer », et il développe une opposition constante au système parlementaire et à ceux qui y participent.
A l'époque, le rôle de cette minorité anarchiste consiste à éveiller les masses par l'action directe et la provocation, parfois par le terrorisme (RAVACHOL) ou l'action politique (Louise MICHEL) puis à laisser ces masses prendre en main leur destin, dans leur spontanéité, par la grève illimitée et l'autogestion.
L'idéologie libertaire, antiautoritaire et antibureaucratique, se retrouve assez naturellement comme l'expression d'une révolte violente lors de l'apparition de nouveaux courants politiques et sociaux, prolétariens de la fin du 19ème et du début du 20ème siècle, étudiants et ouvriers du printemps 68 aux USA et en Europe.

A propos de l'ECONOMIE, il faut bien dire que ce sujet n'est guère abordé en M, sauf dans ses aspects sociaux et c'est bien de cela qu'il s'agit.
A l'époque actuelle, les concepts de croissance et d'équilibre sont au centre des préoccupations économiques en plus des divergences qui opposent les successeurs de M. KEYNES (1886-1946) favorables à l'intervention de l'Etat et ses opposants.
L'économie en tant que science représente une nécessité pour toute société, car celle-ci ne peut exister et se perpétuer qu'en produisant, en distribuant, en échangeant, en consommant des biens dont la caractéristique principale est qu'ils ne sont pas inépuisables et en accroissant les ressources disponibles.
Il s'agit donc d'une administration des biens rares au nombre desquels se trouve le temps !
L'économie joint l'organisation à la bonne utilisation ; l'idée de la gestion d'un ensemble fini affleure donc bel et bien.
J'ajoute, au sujet de l'économie, et cela me paraît important, que sa valeur et son utilité peuvent se mesurer en fonction de son impact dans le plan général d'une tâche ou d'une œuvre.
Nous voyons donc que l'économie se rend utile aussi bien dans un champ matériel que dans un champ mental.

A propos de l'inconscient, pour rester bref dans un premier temps, je citerai M. FREUD
lui-même : « Tant chez les êtres normaux que chez les malades, on observe souvent des actes psychiques qui, pour être compris, présupposent d'autres actes dont le conscient cependant ne sait rien témoigner » in Métapsychologie.
M. FREUD juge que la notion d'inconscient est indispensable si la psychologie veut restituer au comportement sa cohérence et sa signification.
Portée sur le terrain scientifique, envisagée par les philosophes comme une remise en cause, notamment par les cartésiens qui souscrivent sans condition à la séparation entre spirituel et matériel, l'étude de l'inconscient, que je développerai bien sûr dans un moment, n'a cessé de préoccuper l'être humain à divers titres.

C'est au XIXe siècle que l'étude de l'hystérie amène la neuropsychiatrie à postuler l'existence d'un inconscient. Pierre Janet (1859-1947) définit la notion d'automatisme psychologique, alors que Jean Martin Charcot (1825-1893), en plongeant ses malades dans une transe hypnotique, leur transmet des consignes auxquelles ils obéissent, mais dont ils ne gardent pas le souvenir une fois réveillés.
Sous l'influence de M. CHARCOT, Sigmund Freud (1856-1939), séduit dans un premier temps par l'hypnose, élabore sa théorie de l'inconscient.
Outre les phénomènes d'hystérie dont il détermine que l'origine est sexuelle, il étudie les rêves en tant que production à thèmes de l'inconscient, rêves dans lesquels transparaissent des désirs refoulés. FREUD observe aussi que les lapsus ou les actes manqués témoignent de l'intrusion de l'inconscient dans les comportements anodins de la vie quotidienne.
Progressivement M. FREUD va concevoir l'inconscient comme un champ de bataille dont les énergies sont d'ordre sexuel.
La thérapeutique analytique qu'il emploie vise à résoudre les conflits générateurs potentiels de névroses.
Par la cure analytique, les pulsions inconscientes deviennent conscientes ; ce qui permet au sujet de s'en libérer.
Jacques Lacan (1901-1981) s'est à son tour penché sur l'inconscient à la lumière des découvertes de la linguistique.
M. LACAN estime que l'inconscient « parle », qu'il exprime le discours de l'« Autre » qui vit en nous de manière autonome.
Quant à Carl Gustav Jung (1875-1961), il croit en l'existence d'un « inconscient collectif » s'exprimant à travers les images symboliques communes, quoique avec des variantes, à toute l'humanité.

Anarchie, économie et inconscient ont en commun une époque, celle de leur « naissance » et le début de la nôtre.
Ces trois concepts se sont en effet fortement développés à partir du milieu du siècle dernier, agitant les penseurs de tout acabit, y compris moi-même, comme vous l'avez compris.

[L'émergence d'idées qui semblent aller dans la même direction, même si elles suscitent débats et conflits, conduit à des découvertes et à une remise en question des principes soutenus dans le passé.
Notre époque et notre façon de voir semblent souligner que :
« Partout et toujours il y a eu des gens pratiques absorbés dans les faits…; partout et toujours il y a eu des hommes de tempérament philosophique absorbés dans les principes généraux. C'est l'union d'un intérêt passionné pour les petits détails avec une égale passion pour la généralisation abstraite qui constitue la nouveauté de notre société actuelle » Whitehead, p. 379 in « Les Somnambules » d'A. KOESTLER.] ???

Par ailleurs, je vais essayer de vous montrer comment l'inconscient, s'il existe, se remplit d'une myriade de choses  je ne sais même pas si je peux les qualifier d'informations- myriade de choses dont l'articulation ne semble exister en aucune manière, répondant à une seule propriété, celle de se relier au monde vivant mais en tout cas, ne répondant à aucune autorité.

Ce paquet anarchique, tellement secret, ne s'offre au comportement que bribe par bribe de façon aussi opaque que le tableau d'apprenti pour un profane, avec une incroyable mais heureuse et subtile économie de moyens, enrichissant la conscience, pour le mieux comme pour le pire, quand celle-ci tout à coup s'appauvrit et succombe au désarroi.

3. L'INCONSCIENT, APPROCHE SCIENTIFIQUE.
Albert EINSTEIN (1879-1955) vient d'être déclaré personnalité du siècle par le magazine américain TIME.
Craignant que sa sépulture ne devienne un sujet de curiosité, ses exécuteurs testamentaires répandirent secrètement ses cendres. Cependant, un médecin pathologiste avait auparavant retiré le cerveau de la dépouille.
Ce n'est que récemment que des chercheurs canadiens établirent que M. EINSTEIN possédait un lobe pariétal inférieur d'une dimension inhabituelle, plus grande que la moyenne, et des connexions plus courtes entre les lobes frontal et temporal.
Il faut préciser que le lobe pariétal inférieur est le centre de la réflexion mathématique et de l'imagerie spatiale !

Restons aux USA pour souligner que la décennie écoulée était placée sous le signe de l'exploration du cerveau.

Les chercheurs ont notamment découvert que, contrairement à une croyance vieille de 100 ans au moins, le cerveau (zone du néocortex) adulte des mammifères supérieurs, en ce compris, probablement, le cerveau de l'être humain, est capable de fabriquer de nouveaux neurones.

Les expériences sur le cerveau de l'homme sont bien sûr limitées par la question éthique de la recherche sur un être humain, mais il a pu être démontré, à partir de la formation du cerveau chez le fœtus, que les cellules souches effectuent une migration pour ériger les différentes couches du cortex selon un processus identique à celui du chimpanzé.

Cette véritable preuve par le macaque est une de celles qui ont sans doute conduit des scientifiques de haut niveau, neurobiologistes et spécialistes des sciences cognitives,  à affirmer que le problème de l'âme et du corps serait bientôt résolu.

Le cerveau étant un produit de l'évolution, la théorie développée par les chercheurs pose la question de savoir quel est l'avantage sélectif que le cerveau procure.
Un premier avantage consiste à permettre la représentation des différentes parties du corps pour rétroagir avec elles.
Les découvertes relatives à la spécialisation des zones du cerveau et des neurones progressent très rapidement.
C'est ainsi qu'il a pu être déterminé que le cortex de l'homme contient aussi des zones spécialisées dans des fonctions qui lui sont propres, comme celles de traduire la gamme des représentations mentales primaires par des mots, ce qu'on appelle le langage.
Dès lors, pourquoi la conscience de soi ne serait-elle pas une forme de représentation rendue possible par les niveaux successifs de représentation ?
L'avantage sélectif d'un être conscient de lui-même, capable dans le même temps de se projeter dans le temps et dans l'espace paraît évident.
D'ici 2050, il est à peu près certain, toujours selon les scientifiques, que les progrès de la biologie auront épuisé définitivement la séparation traditionnelle entre la conscience et le corps.
Notons entre parenthèses que certains savants continuent à donner à la conscience le nom d'âme.
Le philosophe cognitiviste Daniel DENNETT en est arrivé à dire récemment que « La conscience n'est qu'un phénomène physique de plus, au même titre que le magnétisme ou la photosynthèse ».
Nous pourrions donc désormais considérer que la façon dont la matière vivante génère la conscience de soi est un problème scientifique (Antonio DAMASIO) et que les expériences et les méthodes d'exploration cérébrales finiront par livrer la clé du plus vieux des problèmes philosophiques.

Pour quitter un mode quelque peu ironique, je pense qu'il faut se poser la question de savoir si conscience et inconscient sont envisageables sous un angle scientifique et si oui, de quelle façon.

La naissance de la science moderne, vers la fin du 16ème et tout au long du 17ème siècle inaugure une ère nouvelle.
Si au début de cette période la connaissance continue à s'appuyer sur l'observation et la réduction (?), par la suite, les progrès ont été réalisés essentiellement grâce à l'expérimentation et à la mesure.
Peu à peu, l'existence d'écoles différentes et parallèles, respectant chacune ses doctrines et ses traditions propres qui, souvent, s'opposent entre elles, évolue vers une institution scientifique apte à englober tout le domaine du savoir et à l'unifier : il existe une science, dont les différentes branches sont constituées des sciences particulières.

La médecine devient une branche de la science, la psychiatrie une branche de la médecine et la psychothérapie une application de la psychiatrie reposant sur des découvertes scientifiques.

Le médecin et le psychiatre entrent dans les habits du technicien et du spécialiste.

Ainsi, la science ne va plus reconnaître la validité de schémas et de traitements extrascientifiques ; la médecine « officielle » exercera un mépris à l'égard de toute médecine primitive et populaire alors que cette dernière inclut les vestiges de la médecine primitive et les premiers balbutiements de la médecine « scientifique ».

« Le guérisseur joue son rôle comme l'homme le plus irrationnel, selon un modèle parfaitement irrationnel, tandis que le médecin moderne rationalise même l'irrationnel ». (ACKERKNECHT HDI p.81)

Si d'une part nous sommes d'accord de définir la conscience comme le champ de la perception ou comme la totalité de la vie psychique à un moment donné, il nous reste d'autre moins facile d'envisager l'origine biologique de la conscience et de l'inconscient.

Une des approches conduisant à l'existence d'un inconscient passe par l'indication que les fonctions psychologiques se relient à certaines fonctions du cerveau.

La preuve en est sans doute une première fois donnée par l'utilisation de drogues et de médicaments, ce qui tendrait à prouver que le cerveau fonctionne sur une base de réactions chimiques et de lois biologiques et physiques ?

C'est principalement l'étude de troubles comme l'épilepsie et l'étude des réactions psychiques dues à l'absorption de drogues ou de médicaments comme je viens de le dire qui indique l'existence d'une fonction chimique ou biologique du système psychique.
Les expériences d'excitation électrique ou chimique produisent par exemple des phénomènes de réminiscence ou de reviviscence.

Aux portes scientifiques de l'inconscient, nous trouvons, outre l'étude des phénomènes de mémorisation, la neurobiologie et la pensée naturaliste qui se penchent sur les problèmes conjoints de la conscience, de la vie instinctive,  affective et émotionnelle, de la mémoire et de l'automatisme.
Les grandes lignes de la recherche en neurobiologie touchent à :
L'étude physiologique des structures ou des systèmes fonctionnels : le tronc cérébral, le lobe limbique (?).
La microbiologie des neurones.
L'étude électrophysiologique du conditionnement.
La neurocybernétique par l'expérimentation sur les animaux au moyen d'électrodes implantées dans le cerveau.

Des interactions sont démontrées entre système cortical et réticulé (?) et fonctionnement psychologique.

Deux possibilités s'ouvrent donc :
1. chaque fait psychologique a un sens humain ;
2. il s'agit d'un phénomène biologique neuronal ou d'une accumulation de substances chimiques.

Ainsi, la genèse de la conscience et de l'inconscient se fonde-t-elle sur une base organique…et par conséquent scientifiquement mesurable.

4. L'INCONSCIENT.
Cette partie centrale de la planche nous conduit dans un long couloir, celui du temps général et du temps particulier.

Général par l'évocation d'une aventure, celle de la préoccupation de l'homme pour le psychisme.
Particulier parce que la tranche inconsciente de ce psychisme, si elle existe, doit bien finir par se construire à un moment donné dans la personnalité de l'individu.

Il importera ensuite d'approfondir les notions propres à l'inconscient et d'enchaîner avec le dernier chapitre d'aspect philosophique avant de conclure.

Laissons donc l'approche philosophique pour plus tard, et attachons-nous à ce que nous connaissons de l'histoire des préoccupations de l'homme à propos de son psychisme et qui nous vient des travaux des ethnologues.

Les tentatives pour relier l'esprit et le corps nous reportent à la nuit des temps notamment par le biais de l'approche thérapeutique.

La psychothérapie primitive au moyen de drogues, d'onguents, de massages, de régime et d'hypnose, le traitement par les transes, les possessions somnambuliques et lucides, le festival des rêves du peuple iroquois destiné à l'assouvissement des frustrations, les guérisons à caractère cérémoniel dans les temples d'Asklepios en Grèce témoignent d'une panoplie de l'irrationnel que les ancêtres de l'homme moderne ont utilisée sans restriction pour traiter les troubles du comportement dont l'origine est attribuée au psychisme.

Les premiers royaumes et les premiers empires en Asie systématisent les corps de connaissances, souvent sous la forme de collèges de prêtres.
Si la médecine profane se révèle plus efficace pour les maladies organiques, les cures dans les temples prennent en charge les troubles affectifs et mentaux.
Par la médecine sacerdotale, au moyen d'une préparation mentale du malade comme celle que nous retrouvons dans le yoga et le bouddhisme, le prêtre devient le rival du médecin.

Dans le monde gréco-romain, l'adhésion à une philosophie ne se résume pas à l'acceptation d'une doctrine.
Les pythagoriciens, platoniciens, stoïciens et épicuriens sont des sectes et des écoles qui imposent à la fois une méthode philosophique et un mode de vie.
Ce sont les psychothérapies philosophiques qui inspirent les méthodes de thérapie individuelles, mais la somme des connaissances en psychologie se retrouve dans la pratique thérapeutique sous la tutelle des religieux sous forme de prières, vœux, pèlerinages et confessions.
Bien plus tard, les protestants aboliront la confession, mais ils instituent la cure d'âme : certains ministres sont reconnus aptes à  recevoir des confidences, sous le sceau du secret absolu.
Le ministre protestant se révèle être un véritable thérapeute, car il ne se contente pas de recevoir des confidences, il cherche une solution d'une façon fort équivalente à celle de la psychothérapie moderne en mettant le doigt sur la notion de secret pathogène, tel le sentiment amoureux qui ne peut se déclarer et est donc contrarié ou bien des souvenirs traumatisants et refoulés amenant à un état de culpabilité névrotique.

S'il est capital d'évoquer M. FREUD, c'est parce que son œuvre, celle d'un médecin neuropsychiatre juif originaire de Vienne en Autriche, intéresse la totalité du champ des sciences psychologiques et sociales.
Son œuvre aura des ramifications à ce point étendues jusqu'à notre époque qu'il n'est pas facile de prendre la distance nécessaire à son évaluation.
Certains, utilisant une comparaison un peu forcée, n'hésitent pas à déclarer que FREUD est pour les sciences de l'homme ce que COPERNIC fut pour l'astronomie.
M. FREUD apporte trois grandes contributions : une théorie, une méthode et une organisation psychanalytique.
Partant de travaux sur la neurobiologie, M. FREUD élabore ses premières approches psychanalytiques de la névrose.
« Etudes sur l'hystérie », « Science des rêves », « Essais sur la théorie de la sexualité », « Essais de psychanalyse », constituent quelques-unes des contributions de ce médecin que beaucoup trouveront scandaleux.

Avec « Totem et tabou », « Avenir d'une illusion » et « Malaise dans la civilisation », M. FREUD vise à l'analyse de la civilisation et étend sa réflexion à la sociologie, à l'histoire de la culture, de l'art et de la littérature et à la religion.
Pour lui, qui estime la religion dangereuse et la philosophie superflue, le sentiment religieux est une névrose universelle, un narcotique entravant le libre exercice de la pensée, une illusion de la croyance infantile en la toute puissance de cette pensée (?) ; il qualifie l'obsession de religion individuelle.
Sa thérapeutique  axée d'abord sur l'hypnose, ensuite sur la méthode de l'association libre  a pour objectif d'obliger le malade à voir ce qu'il refuse et à renoncer à son « inconscience ».
Comme leurs patients et à l'instar de M. FREUD, tous les futurs psychanalystes s'auto-analysent en ayant recours à la technique du transfert, véritable clé de la cure psychanalytique : l'analyste prête son appareil psychique au patient ou analysant et instaure un courant de pensée débouchant sur la formulation de ce qu'il est en train de vivre au moyen de mots.

Technique du transfert, associations spontanées, analyse des résistances : là résident l'originalité et l'invention par M. FREUD d'une nouvelle approche de l'inconscient.

L'école qu'il fonde est en quelque sorte comparable aux écoles philosophiques de l'antiquité gréco-latine.

Aujourd'hui seuls quelques points des théories psychanalytiques de Sigmund FREUD sont encore considérés comme scientifiquement exacts, mais plusieurs formes de psychothérapies en découlent et la psychiatrie comme la philosophie en sont sorties bouleversées.

Contestée, la psychanalyse initiée par M. FREUD, a cependant été perpétuée de manière plus ou moins conforme par Jacques LACAN et autres Françoise DOLTO ; elle semble pouvoir encore progresser en tirant profit des avancées de la neurobiologie et de la génétique.

Il est temps à présent de chercher quelques indications sur la façon dont l'inconscient pourrait se construire, selon une théorie parmi d'autres bien sûr, mais qui, pour beaucoup d'entre nous, n'est pas vraiment inconnue. (PIAGET)

Chez l'homme, la période située entre la naissance et l'acquisition du langage s'accompagne d'une évolution mentale unique, difficile pour le sujet lui-même à se remémorer puisqu'elle n'est accompagnée par aucune parole.
Cette période à propos de la quelle nous sommes frappés d'amnésie constituerait la préhistoire de notre personnalité.
A ce moment en effet, le bébé ne dispose d'aucun mot pour témoigner de ses sentiments et du progrès de son intelligence.
Pourtant, il va explorer avec succès, par sensorialité, mouvements, essais et erreurs l'espace qui l'entoure.
Aux réflexes de plus en plus compliqués, comme celui de  la succion, va suivre l'organisation des perceptions, avec le développement de  son appareil visuel, et celui de l'intelligence pratique et sensorielle. 
Cette intelligence est pratique parce qu'à la place des mots, elle fonctionne sur base de perceptions et de mouvements de mieux en mieux organisés.
Ces mouvements, le bébé d'un peu moins d'un an les fait varier pour en quelque sorte en étudier les résultats : s'il lance des objets, c'est pour en évaluer la trajectoire et la chute.
Imaginez un peu son amusement, disons sadique, quand il se rend compte que sa mère ou son père, hurlant et gesticulant, réagit au moindre gobelet, de préférence rempli de liquide chaud et sucré, propulsé de savante façon en direction de la télévision allumée.

Le résultat de ces entreprises, de ce développement intellectuel, c'est une transformation de la représentation des choses au point de retourner la position originelle du sujet par rapport à elles.

En effet, au point de départ de l'évolution, il n'existe aucune différenciation entre le moi et l'environnement.
Impressions et perceptions ne sont pas encore attachées à une conscience ressentie comme isolée de l'extérieur. L'opposition ne va se réaliser que peu à peu.
Si à l'origine, le Moi est au centre d'une réalité, c'est parce qu'il est inconscient de lui-même.
La conscience débute donc par un égocentrisme intégral et inconscient tandis que les progrès de l'intelligence conduisent à la construction d'un monde relativement objectif, où le corps propre apparaît distinct des autres.

A ce corps reconnu comme sien correspond une vie intérieure qui y élit domicile, car vie intellectuelle et vie affective vont de pair.
Disons que l'esprit se divise en deux chambres distinctes : celle de la pensée et celle des sentiments dont l'harmonie ne peut se réaliser que par la conduite et si possible, la conduite équilibrée.
Les sentiments liés à l'activité vont se différencier avec les progrès de la pensée et un choix va s'opérer, de manière affective, celui de l'objet en la personne de la mère ou personnage nourricier.

Lorsque l'enfant va commencer à se comporter de moins en moins de façon instinctuelle  il s'agit ici de l'instinct à caractère biologique - il ne réagit plus à des stimuli grossiers ou internes comme la faim et la soif.
Plutôt, il commence à réagir aux formes : il fait la différence entre une forme privilégiée et les autres et ce, de façon constante et particulière.
Alors qu'auparavant le personnage nourricier est le signe avant-coureur du plaisir, ce personnage lui-même va devenir seule source de plaisir, la nourriture passant au second plan.
A partir de là toute l'activité motrice et perceptive s'oriente vers la recherche d'objets de compromis, signes annonciateurs de satisfaction.
Ces signes prennent donc énormément d'importance,  acquièrent une valeur nouvelle et différente et fondent le départ d'un symbolisme que le langage concrétisera.
Le langage est à ce moment un moyen de négociation d'autant plus économique qu'il permet à l'enfant d'entrer radicalement dans le système de référence de l'adulte.
Autrement dit, du jour où personnes et objets prennent un nom qui garantit leur permanence, je crois que nous pouvons considérer que le langage sort l'enfant d'une forme de peur, car un sujet n'a plus besoin d'être présent pour exister.

Comment cela est-il prouvé ?
Eh bien nous savons qu'en l'absence de personnage nourricier dans la prime enfance, l'activité perceptive motrice de l'enfant régresse, les acquis fins disparaissent, les seuils de perception s'élèvent, autrement dit, l'enfant perd son corps en même temps qu'il perd l'objet.

Ainsi donc, les pulsions à caractère biologique cèdent la place aux pulsions psychologiques et donc à des facteurs déterminant progressivement l'organisation de l'inconscient, c'est-à-dire le refoulement, hors de la connaissance du sujet, d'un élément énergétique qui a de moins en moins sa place dans le système de référence de l'adulte.

Mais si pulsions et traces, disons, terrifiantes sortent du champ de la conscience, elles restent agissantes et poussent à leur tour l'enfant à prendre des précautions, à procéder à des aménagements et à des refoulements.

Les tenants de la théorie freudienne distinguent donc le Ca ou inconscient, le Moi, qui est, pour simplifier, l'expression de la conscience, et le Surmoi qui arbitre, filtre les pulsions décrites plus haut, mais également les pulsions contradictoires de vie et de mort.

Je pense qu'il est important de noter combien la défense contre une agression relève d'un effet dynamique, combien la crainte d'une frustration provoque un effet économique car l'activité des instincts à caractère strictement biologique se déplace vers des réactions déclenchées par la perception de formes n'ayant pas ou plus d'utilité biologique immédiate.

Nous sommes ici en plein dans une théorie énergétique qui pose que si le stimulus est une énergie, la réponse est une décharge d'énergie.

L'organisme étant un système fermé, chaque stimulation constitue un accroissement d'énergie (loi d'inertie) dont le système a tendance à se défaire, mais, dites-vous bien cependant qu'il n'est généralement pas possible, socialement parlant, de décharger directement l'énergie vers l'extérieur.

C'est le moment pour moi d'en tirer une deuxième notion d'économie de l'inconscient qui se défait d'une charge, s'en désinvestit, pour réaliser un investissement dans le conscient.

A l'inverse, toujours de façon très indépendante, il n'y aurait pas de transformation de l'énergie consciente en énergie inconsciente. Cette énergie investit plutôt des représentations ou les désinvestit.
Dès lors, dans quel sens l'inconscient agit-il ?
Est-il envisageable dans ses phénomènes comme un subconscient ou une périphérie de la conscience ?
Est-ce une force de cohésion s'opposant à la prise de conscience ou bien est-ce une force tendant constamment à faire émerger ses rejetons à la conscience et qui ne serait contenue que grâce à la vigilance d'une censure ?

Et d'abord, peut-on réellement parler d'énergie ou de force ?
Pulsions, besoins, instincts et tendances affectent l'existence en échappant apparemment à son auto détermination.
Les fondements de nos motivations et des pulsions, les motivations et les pulsions elles-mêmes ne peuvent se réduire à des pulsions vitales, car il semble qu'il y ait chez l'homme plus de désirs que de besoins ou d'instincts.
Ce sont ces désirs surtout qui font de l'inconscient un système pulsionnel doué de force motrice.

Si d'un côté, l'inconscient dispose d'un pouvoir d'organisation de l'expérience et de la connaissance, c'est dans l'inconscient que travaillent pensées affectives et non rationnelles, douées d'une forme d'intuition qui oriente ou prépare les activités du niveau conscient.

HALTE ! STOP !

VM, je vous propose une synthèse, car je sens votre cerveau entrer en ébullition.
Pour cette synthèse, abordons les choses de manière logique.

Jusqu'à présent, je n'ai fait qu'évoquer l'inconscient, mais ne serait-il pas intéressant de reprendre l'opération en sens inverse, en commençant par définir la conscience ?

Disons, si vous le voulez bien, que la conscience,  c'est le champ de la perception, c'est la totalité de la vie psychique à un moment donné.
J'ai indiqué auparavant combien il est difficile à l'heure actuelle d'envisager l'origine biologique de l'inconscient ou de la conscience.
J'ai aussi souligné le problème éternel posé par les relations entre physis et psyché, interrogation qui constitue une énigme indéchiffrable, car il n'est pas de réflexion ou d'attitude sur l'être, le monde et la connaissance qui puisse éluder la question du corps en relation avec la vie psychique.
Si l'inconscient est souvent nié, c'est parce que nous ne savons pas où le mettre ou bien qu'il est trop profondément enfoui à un endroit où nous n'allons pas parce que nous n'aimons pas aller.
C'est comme si l'inconscient devait vivre caché, incarcéré, condamné à ne paraître et à ne se manifester que dans les faiblesses et les tolérances du discours et du comportement, comme un hiéroglyphe à décrypter.

Je pense qu'il est plus honnête de dire que conscient et inconscient ont des relations conflictuelles parce que l'inconscient ne se conforme pas à la légalité de l'être conscient et qu'il fait l'objet d'une dure répression.
L'inconscient est contraire aux objectifs du Moi, qui le refoule parce qu'il s'oppose aux impératifs de la raison théorique et pratique, en somme, parce qu'il entre en guerre contre la juridiction du Moi.
Pour la conscience, l'inconscient est illégal.

Chemin faisant, en répudiant l'inconscient, nous le consacrons.

5. LA QUERELLE AVEC LA PHILOSOPHIE.
J'ai affirmé plus haut que l'influence des théories de M. FREUD a été énorme.

Parmi nous, je suppose que peu de personnes hésitent à parler d'inconscient et pourtant, …

Lorsqu'il y a à peu près 100 ans, l'inconscient « naquit », ce fut dans les affres d'une remise en question fort importune de la philosophie établie.

J'irai droit au fait en vous demandant de suivre une petite démonstration.

Premièrement, notons qu'en matière de raisonnement philosophique, un concept n'existe que s'il a un sens et une réalité.

L'inconscient, pour se définir, doit être inconnu de la conscience.
Hors de la conscience, il n'y a pas de connaissance.
Et hors de la connaissance, l'être s'évanouit, il devient non-être, il n'existe pas !

Donc, VM, l'inconscient n'existe pas.

Remontons brièvement à DESCARTES avec qui la philosophie se voit assigner un modèle qui est encore le sien aujourd'hui : philosopher, c'est retourner à soi et s'y découvrir comme origine.
Le cartésien dit que le « je » qui pense est une évidence nécessaire, une évidence de droit (apodicticité).
A cette époque, la science naissante renforce cette certitude : l'être humain pense, il est le point et le sujet auquel tout se rapporte.

Or, en émettant le postulat de l'existence de l'inconscient, système relativement autonome au sein du sujet, système induisant que le sujet éprouve du désir, système qui affirme que « ça » pense et que « ça » parle, avec ses contenus propres, son énergie et ses lois de fonctionnement, la psychanalyse entre dans le champ de la philosophie.
Autrement dit, la découverte de l'inconscient abolit la place du sujet et provoque un séisme philosophique.

M. SARTRE affirme quant à lui que l'inconscient procède de la conscience, qu'il n'est que le produit d'un refus du sujet, mais tout en niant l'inconscient, M. SARTRE ne semble pas remettre en question les acquis de la psychanalyse et son utilité.

J'ajoute que la querelle est insignifiante et témoigne sans doute de l'amour des hommes pour les choses établies et leur frilosité à se remettre en question.

M. FREUD est un scientifique et il dit lui-même que la psychanalyse, et donc l'inconscient, n'est qu'une hypothèse de travail.

Je pourrais évidemment m'étendre aux aspects sociologiques qui expliquent à la fois l'émergence de la psychanalyse à la fin du 19ème siècle et son influence sur le nôtre, mais je préfère laisser cela de côté pour cette fois.

Disons brièvement que MM. FREUD (1856-1939), MARX (1818-1883) et NIETZSCHE (1844-1900) personnifient une révolution et qu'ils donnent à penser à la philosophie moderne, du moins, dans le monde occidental et cartésien.

Disons tout aussi brièvement, mais en insistant, que si philosophes, scientifiques et psychanalystes veulent s'anéantir mutuellement, ils basculent dans l'idéologie.

Le bouddhisme envisagé sous son aspect philosophique de sagesse, d'enseignement et d'école de vie, postule si pas l'existence de l'inconscient, du moins l'existence d'une conscience de base, mais il diverge de la psychanalyse.
Rappelons que pour M. FREUD, il existe des pulsions et des souvenirs refoulés qui exercent une influence sur le comportement sans que nous puissions nous en rendre maître.
La seule manière de les dévoiler et de parvenir à les dissiper passe par la psychanalyse.
Pour M. FREUD, le regard intérieur et l'exercice spirituel sont dans l'incapacité de franchir la frontière du refoulement qui a enfoui les forces psychiques dans notre inconscient.
La cure psychanalytique prouve à suffisance la réalité de cet inconscient inaccessible à l'introspection personnelle et classique.

Sans vouloir polémiquer, le pratiquant de la méditation considère le psychanalyste comme un amateur.
Celui-ci ne passe en effet pas des mois et des années à l'observation contemplative de l'esprit et il n'accorde pas une importance suffisante à la dissolution de ces strates du mental ou tendances accumulées.
Pour le bouddhiste, toutes les pensées d'attraction et de répulsion naissent des conditionnements antérieurs ; le travail sur l'esprit consiste donc à retourner à la racine de ces tendances, à en examiner la nature et à les vaporiser.

Reste une question, que nous aimons beaucoup, celle du déterminisme.

Ceux qui nient l'inconscient ne remettent pas nécessairement en question, nous l'avons vu, les bienfaits de la psychanalyse, ceux qui considèrent l'inconscient comme une force intérieure et autonome et, par exemple, les bouddhistes, nous démontrent à suffisance que la part inconsciente de notre psychisme nous influence.

Si nous admettons l'existence de l'inconscient, nous ne pouvons nier la multitude des ses composantes et la diversité de ce qui le constitue, que cela vienne de notre petite enfance, de notre environnement social et culturel et des traumatismes ou des souvenirs qui les accompagnent.

Notre comportement ne semble donc pas être si libre que cela ; le pas vers la notion de destinée, sujette et soumise à des énergies aussi peu ignorées de nous qu'impossibles à maîtriser apparaît donc bien comme facile à faire.

C'est en concluant que je vous propose d'y répondre.

6. CONCLUSION.
Si je dis que l'inconscient, puisqu'il échappe à la connaissance, est un non être, je ne peux pas le séparer radicalement de l'être, car son existence lui est relative.

Quelque chose existe sans doute dans notre psychisme qui ne se distingue pas à première vue.
Ce quelque chose pour énigmatique qu'il soit reste intimement entrelacé à la conscience.
Cela semble être prouvé par les trous qui apparaissent dans le contexte de l'être conscient : mémoire sélective, processus intellectuels, intuitions, origine des mouvements ou des paroles, impressions, sensations, sentiments…etc.

Je pourrais le nommer « inconscient » ou lui donner n'importe quel autre vocable.

Une série de problèmes subsistent pourtant.

L'inconscient serait constitué de contenus inaccessibles à la conscience, mais alors, quand une représentation inconsciente parvient quand même à la surface, est-ce la même qui subit un changement d'état ou bien s'agit-il d'une seconde inscription ?
L'inconscient est-il un simple négatif, comme un film impressionné, mais pas développé ?

D'autre part, les processus inconscients sont intemporels par rapport aux lois qui organisent la conscience et la chronologie du développement du Moi.
L'inconscient est le foyer de l'irrationalité : les schémas de l'inconscient sont rebelles aux catégories et à la contradiction. Ils préfèrent l'ambiguïté et engraissent leur terreau au moyen d'une constellation d'ambivalences, écartelé entre plaisir et angoisse, présence et absence, objet désiré et interdit, attraction et répulsion, eros et thanatos.
Nous y trouvons des lambeaux de vie passée ou des représentations, mais également un langage qui ne parle pas, monde d'un pur imaginaire que les poètes et les peintres surréalistes touchent peut être au plus près.

Il est subordonné au conscient par sa négativité sans pour cela tomber dans le plus pur néant.

Quant à l'être conscient, il contient, dans le sens où il contient et réprime, l'inconscient ; il contient tous les phénomènes d'une entité psychique qui lui sont attachés comme des propriétés et des attributs induisant une action propre.
Il me semble donc possible d'attribuer à l'être conscient, le Moi, un système de valeurs, de projets et de relations avec l'extérieur constitutifs de son devenir si pas de son destin.
Mais ce Moi n'est pas monolithique, il est une résultante, une émanation laborieuse, et son pouvoir, son emprise sur lui-même, sont perpétuellement compromis par des forces, anarchiques et économiques, qui le tiraillent dans toutes les directions.

L'inconscient fait-il donc de nous des êtres déterminés ?
Les freudiens répondront sans doute « non » puisqu'il ne faut pas négliger le rôle et l'arbitrage du Surmoi.
J'ajoute que le Moi doit bien finir par prendre ses responsabilités face à la réalité de la vie sociale.

En ce qui me concerne, moi que mes S et mes F veulent bien reconnaître comme franc-maçon, je dois bien avouer qu'il est plus difficile de vivre en ayant conscience du rôle joué par l'inconscient.
Reconnaître son existence complique les choses, mais confère au libre exercice de la pensée une dimension supplémentaire, celle d'une découverte et d'une révolution.

En effet, si l'inconscient est une énergie, que l'inconscient M se retrouve dans les symboles, alors les symboles sont une énergie, ce que je tiens pour apparemment vrai.

J'en attrape un premier au vol, d'apparence contradictoire, le pavé mosaïque  : ses cases blanches et noires montrent un manichéisme de bon aloi, un bien et un mal facile à déchiffrer, comme nous le disent les physiciens puisque le blanc et le noir ne vibrent pas de la même manière.
Fort bien.

L'être humain que je suis ne peut s'en satisfaire, car je suis constitué, je viens de le montrer, d'ambiguïtés et cela me soustrait à un savoir, à une vérité pure et simple.

Dès lors, comment arpenter le pavé mosaïque sans toucher soit une dalle blanche, soit une dalle noire, comment matérialiser la fine ligne qui sépare les cases de couleur différente ?

Je vous propose une solution, VM : le VITRIOL, mais certainement pas pour effacer les couleurs.

Chacun d'entre nous s'en est abreuvé avec délectation dans le cabinet de réflexion.
Ce symbole, qui a sans doute été subtilisé par les fondateurs du rituel d'initiation des profanes aux alchimistes et parmi eux, aux enlumineurs, nous commande en quelque sorte d'effectuer un retour sur nous-mêmes.

Constitué des initiales des mots d'une phrase en latin, je le traduirais librement comme ceci :
« Viens à l'Intérieur de la Terre et, en te Rectifiant, tu Inventeras l'Occulte Labeur ».
« Inventer » étant pris dans le sens du nom que l'on donne à celui qui découvre un trésor.

VM, et vous tous mes S et mes F en vos grades et qualités, je souhaite mettre en évidence que si plusieurs révolutions ont eu lieu dans l'histoire de l'homme, révolutions sociales, politiques et technologiques, une révolution reste à entreprendre, à laquelle nous ne pouvons arrêter de songer, c'est celle de l'homme lui-même et par lui-même.

Ce n'est qu'en apprenant à nous décrypter que nous pouvons parvenir à échapper à toute forme de déterminisme.
Autrement dit, le déterminisme ne doit pas s'envisager sur le seul plan spirituel, il doit aussi et surtout s'approcher en termes d'aliénation.

La connaissance en profondeur de soi permet de s'accommoder des ambiguïtés, d'évacuer, après les avoir reconnues, toutes les poussières nocives, mais sans le sentiment de culpabilité des chrétiens.
C'est dans ces conditions que la porte pourrait s'ouvrir.

D\ V\


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