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La Corde à Noeuds

Tout maçon un jour ou l’autre, sur base de sa sensibilité personnelle, pose son regard et sa curiosité intellectuelle sur un symbole figurant dans le temple.

Pour ma part, la corde à nœuds a attiré mon attention dès mon initiation et m’a entraîné rapidement à la réflexion et, en particulier, à de nombreuses interprétations et analogies.

D’un point de vue historique, la corde à nœuds était un des outils primordiaux des maçons opératifs; elle servait à calculer, à tracer des longueurs et des angles de valeur définie, en particulier les angles droits. Les cordes, possédant douze nœuds, permettaient de définir un angle droit en formant un triangle, dit le triangle rectangle de Pythagore.

Toute construction devant être implantée sur un terrain, avant d’être commencée, devait y être tracée et le cordeau (autre appellation de la corde à nœuds) y jouait un grand rôle.

L’importance de cette démarche devient particulièrement grande pour un temple. Déjà dans l’Egypte ancienne, cette opération était exécutée par les tendeurs de cordeau et accompagnée de rites. La corde à noeuds du maçon opératif relève donc de la même nécessité du symbole puisqu’il possède la même fonction de délimitation d’une aire dans la perspective de l’édification d’une construction sacrée, même immatérielle.

En franc-maçonnerie spéculative, la corde fait le tour du temple, en partant de la colonne J, passant par le septentrion, l'orient, le midi, pour revenir sur la colonne sud et fermer le temple en encadrant la porte. Elle est placée en limite de la voûte étoilée. C'est le lien entre le ciel et la terre, entre le Zénith et le Nadir.
 
C'est l'enceinte du temple. Elle le protège du monde profane. C'est l'enveloppe, le placenta, la coquille de l'oeuf qui va permettre la concentration de l'énergie, et d'obtenir la pleine puissance de l'égrégore, matérialisation intellectuelle de la chaîne d’union cordiale et fraternelle unissant tous les francs-maçons.

La présence sur la corde de douze nœuds est également très symbolique.

L’association des douze nœuds aux douze signes du zodiaque, qui délimitent l’enveloppe de l’univers, nous rappelle quant à elle que le temple maçonnique, construit suivant un modèle cosmique, est une représentation de l’univers.
Il n’est pas sans incidence profonde que la corde à douze nœuds, dans sa représentation de la ceinture zodiacale soit placée autour de la voûte étoilée, elle relie ainsi dans l’espace sacré du temple le Nadir au Zénith, le terrestre au cosmos, le spatial au sacré. Le mouvement des astres reflète notre propre itinéraire humain à l’infini.

La corde à nœuds symbolise également la journée du Franc-maçon, journée organisée comme le dit le F\ Second Surveillant à l’ouverture des travaux entre travail et récréation, les douze nœuds décomptant les douze heures du temps sacré du travail, de midi à minuit.

Les parties infinies de la corde se trouvent d’une part au pied de la colonne J, colonne qui nous a été attribuée au début de notre parcours d’apprenti, d’autre part au pied de la colonne B, colonne qui marque la fin de ce même parcours et le début d’un chemin différent.

Les deux bras infinis qui se trouvent aux pieds de ces colonnes nous rattachent alors à tous nos frères et sœurs qui nous suivront (ceux qui ne sont pas encore à la colonne J) et à ceux qui nous ont précédés (ceux qui sont au-delà de la colonne B).

La corde à nœuds part de la terre, passe par le ciel, et retourne à la terre, me faisant penser à la formule « tu viens de la poussière et tu retourneras à la poussière ». Par ailleurs, les deux branches infinies marquent clairement un avant et un après la partie finie de la corde, faisant penser aux deux fameuses questions, « d’où venons-nous, ou allons-nous ? ».

Le noeud symbolise aussi dans plusieurs mythologies l’ambivalence, la contrainte, la complication, la complexité.

La corde nous fait immanquablement penser aux bateaux, à leurs cordages et aux voyages. Parallélisme frappant avec les voyages initiatiques que nous parcourons aux différentes étapes de notre vie maçonnique.

Pour le funambule que nous sommes tous sur le fil de la vie, le nœud est un obstacle que nous devons franchir pour avancer. Mais il nous rappelle aussi que, sans effort, sans difficulté à résoudre, on ne progresse pas, on n’avance pas.

Les noeuds symbolisent les enchevêtrements de la fatalité, et peuvent représenter des moments de confusion, mais parfois un retour sur soi-même ou une pause est nécessaire pour repartir d'un bon pied.

Si nous regardons la corde a noeuds au niveau des noeuds, on s'aperçoit d'ailleurs d'une certaine confusion ; la corde au niveau d'un nœud : tourne, s'arrête, repart en arrière, et finalement revient dans la « bonne » direction, mais au final que de corde parcourue pour si peu avancer, alors que dans la partie sans noeud, beaucoup moins remarquable, on utilise finalement peu de corde pour avancer beaucoup plus.

Dans une perspective plus positive, remarquons que les nœuds de la corde sont impossibles à défaire parce que les deux branches sont infinies. Nous sommes tous héritiers du travail des frères qui nous ont précédé, et du résultat de leur effort. C’est bien grâce aux travaux et à l’aide de nos frères, passés et présents, que nous pouvons mener plus facilement notre propre travail individuel vers le progrès de l’humanité, en attendant de nous fondre à notre tour dans la partie infinie de la corde.

Mais dans l’appellation courante de ce symbole, quelque chose me gêne. Le mot « nœud » à pour moi, une forte connotation négative. Bien sûr, le nœud unit, rassemble, entoure, protège ; Mais il symbolise aussi dans le langage profane les problèmes, les ennuis, les soucis. Ne dit-on pas « un sac de nœuds » ? « Le nœud du problème » ?

Je préfère donc néanmoins vous parler des « lacs d’amour », vision plus positive des choses.

Leur mouvement circulaire, sans commencement ni fin, symbolise le temps, infini lui aussi, et donc dans notre temple le temps sacralisé à l’ouverture des travaux dans lesquels notre ouvrage, toujours inachevé, est à perfectionner à l’infini, notre pierre brute à polir en permanence.
Des nœuds peu serrés, une sorte de huit couché, symbole mathématique de l'infini, et, traduit en maçonnerie, celui de l'universalité. C'est les bras croisés ou la poignée de main des francs-maçons qui, liés les uns aux autres, forment la chaîne d'union.

Chaque frère est un maillon de cette chaîne, membre individuel d'un ensemble fraternel que l'égrégore nous fait ressentir physiquement. C'est la concrétisation de la solidarité humaine, nous rappelant ainsi que nous sommes liés les uns aux autres par les voies de la franc-maçonnerie. Pour l’anecdote, « L’union fait la force » est la devise de la Belgique dont le 1er roi était franc-maçon.

Enfin la figure du huit rappelle la roue de Lao-Tseu, symbole de la complémentarité du yin et du yang depuis longtemps et plus récemment de la dualité onde/particule de la mécanique quantique.
Quant aux houppes dentelées qui se situent au deux extrémités de la corde, elles représentent un enchevêtrement de racines, nous rappelant ainsi notre origine et notre devenir, la Terre.

Elles sont composées de tous les fils, non encore torsadés, qui vont former la corde circulant autour de la Voûte. C’est donc la multitude de la matière brute, sans ordonnancement, que l’on trouve à l’occident, orientation symbolique du monde profane, les ténèbres opposées à la marche progressive vers la lumière de l’orient.

Ces houppes symbolisent la matière en attente, l’ouverture vers le monde profane d’où vont venir les nouveaux initiés, ces fils qui, une fois torsadés, vont rejoindre à travers leur travail les lacs d’amour dans la chaîne de la houppe dentelée, qui vont ainsi passer des ténèbres à la lumière, du matériel au spirituel.

En conclusion, je dirai que la corde aux lacs d’amour rapproche les coeurs, les corps et symbolise l'universalité maçonnique. C'est donc pour moi, l'image de l'union fraternelle qui lie par une chaîne indissoluble tous les maçons du globe sans distinction.

Son entrelacement symbolise également le secret qui doit entourer nos mystères; à la fin des travaux, elle rapproche les coeurs et ranime dans les consciences les sentiments de solidarité qui nous unissent et nous défend contre les chaînes de haine tendues dans l'invisible contre les maçons par les adversaires de leur quête.

J’ai dit, Vénérable Maître.


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