GLNF Loge : François Rabelais 24/01/2009

   

Boaz

Pour répondre au mieux je vais tenter de vous exposer les résultats de mes recherches et méditations.
• Tout d’abord, dans une première partie, les recherches chronologiques issues de la Bible,
• ensuite, essayer d’établir ce que cela peut signifier au Rite Ecossais Ancien et Accepté
• et enfin essayer de vous transmettre ce que ce symbole a eu comme effet sur moi pendant cette année de silence.

La lettre B, portée par la colonne est évidemment l’initiale de son nom, Boaz. B est l’équivalent du Beth, première lettre prononcée de l’alphabet hébreu. Beth signifie « maison », « temple », mais aussi tout ce qui évoque l’intériorité. Beth est aussi la première lettre de la Bible et du prologue de Saint-Jean. Tout
commence par « Bereschit» que l’on traduit généralement par « au commencement ». Ensuite vient la Genèse, récit allégorique de la création du monde à partir du chaos initial. B est donc le premier signe écrit de la Bible, le point de départ en quelque sorte.

Un peu plus loin dans la Bible, le livre de Ruth est presque entièrement consacré au personnage de Boaz et à son histoire.

Boaz, habitant Bethléem, voit arriver une parente, Noémi, accompagnée d’une de ses brus, une Mohabite, du nom de Ruth. Boaz, allant à l’encontre de ce qui est établi, accueille l’étrangère, il lui permet de glaner dans ses champs, la
protège, et finit par l‘épouser. De leur union naît Obed, qui engendra Jessé, qui engendra David, fameux roi, vainqueur des ennemis des Hébreux et père de Salomon, celui‐là même qui construisit le premier temple fixe de la divinité. En continuant à fouiller un peu, on s’aperçoit que Jésus étant de la lignée de David il est conséquemment de celle de Boaz.

Quelques pages plus loin, c’est dans le Livre des Rois que la construction du temple de Salomon nous est contée. Nous apprenons que le bronzier Hiram a placé à l’extérieur du temple, sur le parvis, deux colonnes. Leur disposition dans les écrits est très controversée. Je retiendrais que la colonne de gauche avait le nom de Boaz.

Disséquons maintenant notre rituel pour essayer de comprendre les différents passages dans lesquels nous retrouvons aussi ce morceau de symbole.

Il est dit à l’apprenti, lors de sa première instruction que la colonne B était la représentation de l’une des deux colonnes qui se trouvaient à l’extérieur du temple de Salomon, à gauche. Comme son pendant de droite, elle paraît ne rien supporter. Elle est ornée d’un chapiteau entouré de grenades. Celui-ci est aussi visible dans notre temple maçonnique. Il me semble que cette colonne B, dédiée à l’apprenti, est avant toute chose un poteau indicateur tel un totem d’indiens d’Amérique ou encore une obélisque égyptienne. C’est aussi une perpendiculaire qui s’appuie sur la terre et s’élève vers le ciel. Elle m’invite à me tenir debout, à m’élever. Je repense au VITRIOL du cabinet de réflexion qui me proposait une exploration verticale descendante. La colonne paraît m’inciter maintenant à être debout, à m’élever spirituellement, c’est à dire à une exploration verticale, cette fois-ci, ascendante. Peut-être peut-on trouver ici, selon ses convictions, la représentation du lien créateur‐créature, sachant que certains édifices religieux, dont le temple de Salomon est le modèle, ont pour fonction de permettre aux hommes de rencontrer leur Dieu.

Au même moment, il est donné à l’apprenti la signification de Boaz: En force. Le préfixe Beth indique en ou avec ou dans. Etymologiquement, ce mot signifie en force ou avec force ou encore dans la force. Boaz donne donc une notion de capacité, d’accomplissement et cette force à mettre en place n’est bien évidemment pas une force extérieure brutale, mais plutôt une force intérieure maîtrisée qui correspond à la véritable virilité. Pour finir, il me semble que cette force est à la fois la conviction que je dois avoir avant d’entreprendre, aussi la motivation dont je dois faire preuve pour réaliser et enfin et surtout la force de caractère que je dois avoir pour me battre contre moi, pour prendre conscience de mes dualités et ainsi les surpasser.
Pour résumer ces deux premières parties, que ce soit dans la Bible ou au Rite Ecossais Ancien et Accepté, nous avons vu que Beth est le point de départ, que Boaz est l’ancêtre de Salomon, le constructeur du temple, et qu’il est aussi l’aïeul du Christ... C’est peut-être pourquoi Hiram le bronzier a inscrit son nom sur la colonne de gauche. Cette colonne, point de repère de l’apprenti, qui montre la direction du savoir, de la connaissance et du développement intérieur...

Je voudrais maintenant, en guise d’introduction à ma dernière partie, faire une parenthèse pour rappeler la règle de ponctuation de la langue française qui est dictée par les (et non pas le) points de suspension. Etymologiquement de
« punctum » : point et « suspensio » : interruption, action de tirer vers le haut. D’après Furetière, quand on met plusieurs points après un mot, c’est le signe que le sens est imparfait, qu’il y a quelques lacunes, ou quelque chose à ajouter. D’après Grevisse, « les points de suspension indiquent que l’expression de la pensée reste incomplète pour quelque raison d’ordre affectif; ils marquent aussi une pause destinée à mettre en valeur le caractère de ce que l’on ajoute; ils expriment aussi l’attente et marquent surtout l’appel d’une réponse ».

Parenthèse fermée, je me souviens aussi du mot de l’orateur lors de mon initiation, je cite: « médite les enseignements de ton nouveau rituel, tu trouveras des questions à de nouvelles réponses, et en te donnant la première lettre, tu réfléchiras déjà à la suivante... »

Si j’essaie de trouver un liant à tout cela, je parlerai alors de la méthode maçonnique que l’on me propose. Ce sera donc l’objet de ma troisième et dernière partie.

Revenons au sujet.

Nous avons vu que B... intègre deux notions: B, le point de départ et les points de suspension qui appellent une réponse! L’association de ces deux signe, n’est‐elle pas en elle seule une formule maçonnique ? Ne serais‐ce pas une formule magique synthétisant la méthode que je dois mettre en place pour arriver à devenir un autre ?
Pour reprendre une partie de notre tuilage, il est dit: « Je ne sais ni lire, ni écrire, je ne sais qu’épeler! Donnez‐moi la première lettre et je vous donnerai la suivante ».

Je ne sais qu’épeler, je me l’avoue. Epeler c’est commencer à lire, c’est balbutier... Ne serait-ce point alors les premiers jalons intelligibles de
l’acquisition du langage ? Et même si maintenant, après une année de silence, je commence à construire peu à peu des phrases, « donnez‐moi la première lettre et je vous donnerai la suivante » n’est‐elle pas une forme de maïeutique qui m’invite à me mettre sur ma voie ? Je remarque aussi ici qu’il faut être deux pour prononcer le mot sacré « BOAZ ». Connaître ce mot, c’est avoir une connaissance, et c’est bien ce que je recherche en tentant de le déchiffrer! Le mot sacré « BOAZ » peut jouer ici le rôle de mot de passe. En effet, est sacré ce qui est « séparé », ce qui appartient à un autre domaine, par opposition à « profane », qui signifie étymologiquement, ce qui est devant le temple, à l’extérieur. Et c’est tout particulièrement à cet endroit qu’est placée la colonne B. Elle a donc bien ce double rôle, d’à la fois marquer la séparation profane/sacré, ainsi que de montrer la direction à suivre pour s’élever spirituellement. Pour finir sur ce point, à la fermeture des travaux, il y a un autre passage devant la colonne B, lorsque l’on cherche à retourner dans le monde profane: « frère second surveillant, où les apprentis reçoivent‐ils leur salaire ? A la colonne B, Vénérable Maître! »

En conclusion, il me semble important de revenir au Beth de Bereschit. Pour un hébraïsant, la première lettre de chaque mot porte l’énergie du mot. Retrouver le B sur la colonne à l’ombre de laquelle les apprentis travaillent, c’est à mon avis placer ceux‐ci sous l’égide de ce commencement, de cette genèse. Venant du chaos extérieur, nous commençons à séparer actif/passif, lumière/ténèbres, sec/humide... puis nous nommons et nous identifions. Cette méthode utilisée par la genèse pour organiser le chaos est celle que j’essaie d’utiliser pour organiser mon propre intérieur, pour tenter d’aboutir à un homme nouveau tel que la franc‐maçonnerie m’a appelé à devenir.

Dans la Bible cette œuvre se termine par la réconciliation de la matière et de l’esprit sous la forme de la descente sur terre de la Jérusalem céleste. Peut‐être qu’un jour, réussirai‐je aussi la réunification de mon être de la même façon ? Mais pour cela il me reste encore beaucoup de travail... Et plus j’avance vers la lumière, plus je me rends compte que le chemin est long!

Voilà le destin qui peut nous être proposé, à nous apprentis, qui travaillons sous l’égide de BOAZ, par le jeu de transformations successives.

Alors que nous allons bientôt passer à table et porter des santés, une autre interprétation de B... pourrait être « Buvons » ! Ou encore, à l’heure ou après savoir épeler, je commence à prononcer, et avant d’accéder au savoir et d’arriver à construire des phrase, je voudrais citer le grand François, dans l’oracle de la dive bouteille: « Buvez, buvez la science, buvez la vérité, buvez l’amour, buvez et vivez joyeux ».

Vénérable Maître et Vous Tous Mes Frères, j’ai dit.

E\ P\d\F\

Bibliographie:
La Bible – Traduction de Louis SEGOND et de Lemaistre de SACI Les deux colonnes et la porte du temple ‐ François FIGEAC
Le chantier de maitre Hiram – Yann DRUET
Symboles de la science sacrée – René GUENON
Traité de la ponctuation française – Jacques DRILLON
Le Bon Usage (grammaire française) ‐ Maurice GREVISSE
Les deux grandes colonnes de la Franc‐Maçonnerie – René DESAGULIERS Dictionnaire des symboles maçonniques – Jean FERRÉ
ABC de l’alchimie – Carole SEDILLOT
La première lettre, l’apprenti au REAA – Jean‐Claude MONDET La symbolique au grade d’apprenti – Raoul BERTEAUX Entretien sur l’apprentissage maçonnique – Marcel SPAETH Pythagore, un dieu parmi les hommes – Ouvrage collectif
Rabelais Franc‐Maçon, essai sur la philosophie de Pantagruel – Paul NAUDON La symbolique maçonnique du troisième millénaire – Irène MAINGUY Pythagore, l’initié de Samos – Jean‐Claude FRERE
Le Bahir, livre de la Clarté – traduit de l’hébreu par Joseph GOTTFARSTEIN

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