Obédience : NC Loge : Lumière de St Jean - Orient de Montpellier 01/2015

 

Symbolisme du rite ecossais ancien et accepte

C’est un bien vaste sujet où de nombreuses pistes convergent. Qu’il s’agisse de Cabbale, d’Hermétisme, d’Alchimie. Tout cela se retrouve notre RITE. Mais j’ai fait le choix, pour cet exposé de faire référence à l’Alchimie ou ART ROYAL, car c’est ce à quoi, le candidat se trouve confronté dans ses premiers pas dans notre Rite, dans le cabinet de Réflexion.

Procédant intensivement par exégèse et herméneutique, sans nous en rendre compte, nous appliquons au domaine de l’irrationnel l’analyse, le raisonnement, la logique, en les poussant il est vrai, souvent, à l’extrême de leurs possibilités. Il est vrai aussi que le cadre d’un travail collectif en loge ou en instruction ne permet pas autre chose.

Toutefois, la symbolique du REAA nous laisse la perspective d’un travail personnel et individuel. C’est un travail introspectif, de réflexion intérieure, que l’on doit faire avec soi-même. Il doit nous inciter à un effort qui permettra à notre intuition de nous révéler un sens nouveau et juste sur ce qui était l’objet de notre réflexion ou de notre première interrogation. Nous sentons alors l’effet produit sur nous-même, sur notre état général, mental, psychique et même parfois physique, de cet échange, de cette communication, de cette communion, qui vient non pas de l’extérieur, comme émanant d’une conversation ou de la lecture d’un livre, mais bien de l’intérieur, du centre de nous-même, comme si cette connaissance s’était toujours trouvée là, sans qu’on le sache soi-même.

L’Art Alchimique n’est accessible qu’aux enfants, aux esprits simples. Il nous faut être prêt, comme Franc-Maçon, à mettre de côté pour un temps nos convictions personnelles et l’accumulation des certitudes que les sciences d’aujourd’hui nous imposent dans tous les domaines. Il se trouve simplement que le cœur de l’homme obéit à d’autres lois et que la raison ne permet pas d’en rendre compte. Le REAA cherche à produire en nous un éveil à un nouveau plan de conscience.

Pour ne pas tourner indéfiniment dans une cage étroite qui pourrait nous apparaître comme les limites du monde, nous devons avoir l’intuition d’une porte que nous devons trouver, puis ouvrir avec la clef que nous portons en nous-même. Alors s’ouvriraient peut-être les perspectives de l’univers infini et celles d’une vie nouvelle.

L’Art Alchimique procède de l’observation de la nature telle qu’elle tombe sous nos sens et l’alchimiste n’apporte AUCUNE interprétation logique à ses observations. Il se contente simplement d’utiliser ses observations comme un moyen mnémotechnique pour se souvenir des différentes étapes d’un processus mystérieux qui se déroule en lui-même de la même manière qu’il semble se dérouler en apparence dans la nature. L’alchimiste rêve en permanence et dans le rêve, tout devient possible !

Les Anciens considéraient que l’or, par son caractère inaltérable représentait le stade ultime de l’évolution de la vie minérale. Ainsi, parler d’or philosophal, était-ce parler du stade ultime de la connaissance et de la sagesse. Cette inaltérabilité, cette éternité reportée à la condition de l’homme était aussi la promesse d’une régénérescence ou plutôt d’une nouvelle naissance, une palingénésie au triple effet, santé dans tous les sens, celle du corps, de l’âme, immortalité par l’éveil de l’Esprit.

Ainsi, Raymond Lulle parle-t-il de l’eau de Vie, de l’élixir de longue vie, Basile Valentin de la pierre philosophale à la découverte de laquelle nous invite l’acronyme V\I\T\R\I\O\L\. Epeler les sept lettres de VITRIOL met en évidence la phrase bien connue :

« Visite l’intérieur de la terre et en rectifiant tu trouveras la pierre cachée ». Il faudrait alors rajouter les deux dernières lettres qui donnent les mots de conclusion :

VERAM MEDICINAM (vraie médecine).

Ceci nous ramène à cette notion de santé dont je parlais à l’instant car la santé est la manifestation en l’homme de l’Harmonie et de l’équilibre entre tous ses éléments constitutifs.

Dans l’Alchimie, le symbole figuratif du VITRIOL est justement une clef. Le tableau de loge est un plan, celui de la loge bien-sûr, mais surtout celui conduisant à un trésor. Ce tableau, ce rectangle, est construit sur les proportions du nombre d’or comme symbole de la perpétuation, de la Vie et de l’Harmonie. Il représente ainsi le monde VIVANT au sens le plus profond et élevé que l’on puisse être capable de donner à ce mot. C’est, en fait, une représentation du COSMOS dans lequel s’inscrit le destin des hommes.

La porte fermée est mystérieuse. C’est l’obstacle à franchir. Que cache-t-elle ? La clef pour l’ouvrir a été présentée au candidat dans le cabinet de réflexion. C’est VITRIOL (dont je rappelle ce que j’ai dit plus haut, à savoir que son symbole était une clef). Il permet de séparer le blanc du noir, le subtil de l’épais, il permet l’ouverture de la porte.

Mais, un mot encore quant au tableau lui-même. Ce tableau, noir au début, représente la surface de l’eau mercurielle ou hermétique dont il est la couleur. Lorsque l’expert interviendra pour y inscrire des signes et des formes, il deviendra lui-même Hermès, messager des dieux, héraut d’armes annonçant la destinée de l’adepte. Mais aussi, il exprimera la chute de l’état volatil et insaisissable du vif argent, chute de l’état subtil à la densité et la matière faisant ainsi passer l’entité maintenant endormie, de l’infini au temps. Mercure devient Saturne. Le vif-argent insaisissable est devenu plomb, la lumière est devenue obscurité, la mémoire oubli. La conscience intérieure ne reconnaît plus sa vraie nature.

Ouvrir la porte, en franchir le seuil, c’est prendre conscience du passage vers un autre monde, c’est entreprendre le long chemin du retour. Ouvrir la porte est une geste essentiel lié à la « signifiance » du nouvel espace où il faut pénétrer.

Puis, c’est en parcourant le labyrinthe de l’échiquier que, peu à peu, la mémoire reviendra et que la lumière recommencera à poindre dans une aurore nouvelle que le candidat pourra apercevoir par les trois fenêtres grillagées qui représentent le mercure, le soufre et le sel qu’il avait pu déjà remarquer dans le cabinet de réflexion, le mercure, le soufre et le sel qui dans leurs multiples combinaisons viennent habiter, animer et ranimer le monde de la manifestation fait de terre, air, eau et feu.

Je préfère maintenant citer un auteur alchimiste à travers les propos duquel chacun reconnaîtra peut-être ce qu’est en vérité le cabinet dit « de réflexion » et son décor :

« Saturne, masque lugubre que l’on croirait coulé dans le plomb, métal dédié à ce dieu, silhouette voutée par la fatalité de la condition humaine dont il incarne la phase finale, étend son ombre sur toute une imagerie de claustration volontaire ou forcée, (l’ermite dans sa cellule, le prisonnier dans sa geôle lui appartiennent) (1), comme il étend son ombre sur ces paysages de gel (l’hiver est son royaume), ce gel qui a figé le vif-argent (symbole de l’âme) pour lui donner cette apparence de plomb inerte et terne, (quand l’âme devient prisonnière du corps) comme il étend son ombre sur les ossements blanchis des sépulcres. Enfin, sa couleur, ce noir qui est plutôt absence de couleur, où s’aimantent toutes les terreurs des ténèbres est, comme l’écrit Gilbert Durand, « cette nuit noire qui est la substance même du temps ». L’ombre de Saturne emplit la caverne ».

Tous nos degrés sont constitués d’hermétisme et d’alchimie. L’Art Alchimique décrit des états de l’être aux différentes étapes de sa régénérescence. Il n’y a pas de différences entre les personnages de la mythologie souvent repris symboliquement pour décrire des étapes du Grand OUEVRE. Ainsi, Saturne, Mercure, Apollon sont une seule et même personne. Ils illustrent trois étapes, trois états de la palingénésie qui va sortir l’initié de la condition dans laquelle le soumet l’entropie, ce fatum cyclique qui veut que tout ce qui naît doit vieillir et mourir. L’initié va rompre ce cycle et entreprendre une démarche de régénération. Le cabinet de réflexion est le lieu du début de cette entreprise. C’est une prise de conscience et l’éveil du Désir d’entreprendre le voyage d’un retour dont l’achèvement se situe au centre de soi-même. L’initiation représente la première de ces étapes. Il n’y a pas de différence entre le minerai de fer et l’or philosophal, ou l’eau vivante ou l’élixir de longue vie, là encore ce sont différentes étapes d’une même chose.

Le centre, le foyer où convergent toutes ces perspectives et d’où elles émanent ensuite transformées, c’est l’homme, rien que lui. Mais comment et dans quelles conditions parvenir à cet état d’EVEIL et d’épanouissement intérieur ?

Qu’est-ce qui pourrait justifier à la fin de nos travaux que la joie puisse être dans nos cœurs comme nous l’affirmons ? D'ailleurs, ne s'agit-il que de nous ? « Que la paix règne sur la terre ! », « Que l'amour règne parmi les hommes ! », C'est ainsi, l'humanité toute entière qui est invitée à cette consécration de la paix et de l'amour et l'on peut penser qu'il en va de même pour la joie.

Quant à nous, cette formule existe-t-elle pour nous inviter à être satisfait du travail que nous aurions accompli correctement, par notre zèle, notre constance, notre maîtrise des rituels ? Implicitement, cela suppose la perspective de poursuivre une tâche aussi bien faite ! Nous ne saurions nous contenter d'une compréhension aussi immédiate. Il convient que nous nous interrogions sur la nature profonde des travaux que nous accomplissons chaque fois que nous nous rencontrons et qui nous mettent dans l'État d'être en joie.

Le Larousse donne une belle définition de la joie :

« Mouvement vif et agréable, que l'âme ressent dans la possession d'un bien réel ou imaginaire ». Ainsi, je dirais que ce mouvement vif et agréable de l'âme, est le sentiment ou la prise de conscience d'un état particulier dans lequel le rite contribue à nous faire entrer. Toutefois, la possession de ce bien réel ou imaginaire qui a pour fondement une certaine prise de conscience nous appelle à la vigilance quant à notre interprétation, notre perception objective d'un état subjectif auquel nous serions parvenus par l'effet de notre participation à un rite. Notre démarche initiatique fait appel à des archétypes, à des fondamentaux de l'humanité intemporels, à des forces capables de vaincre l'entropie, des forces qui nous reconstruisent à chaque rencontre par un processus de retournement vers le CENTRE. Ainsi, cette démarche initiatique nous ramène à des fonctions traditionnelles que les goûts individuels, les inclinations naturelles, les opinions politiques et sociales, ne permettent ni d'expliquer ni de comprendre.

Ces notions et ces significations profondes propres à nous mettre « en joie », participent à l'intelligence des choses sacrées. Et nous sommes en joie parce que l'âme reconnaît et trouve sa nourriture dans l'authenticité de notre démarche. Je cite à ce sujet un auteur qui explique cela fort bien :

Dans notre Rite, il serait vain de participer à une cérémonie dans un déroulement et un cérémonial parfaits sans être capable un instant, d'en comprendre le sens profond. Nous pourrions avoir le sentiment d'une belle cérémonie, mais qui ne serait qu'un corps creux, si les dimensions cosmologiques, métaphysiques nous échappent.

Notre Rite met la joie dans les coeurs parce que, à travers ce que nous vivons et partageons dans nos tenues, nous sommes appelés, collectivement, et chacun solitairement également, à exercer une fonction qui puise dans nos potentialités spirituelles.

Notre rite, et d'une façon générale les rites sont censés apporter à chacun l'environnement qui convient à son épanouissement spirituel. C'est le rôle de toute société traditionnelle authentique.

Par le Rite, la joie est dans les cœurs, parce que nous avons partagé quelque chose dans cet espace-temps sacré qu'est la loge entre le début et la fin de notre rituel. Mircea Iliade a écrit : « l'homme prend connaissance du sacré parce que celui-ci se manifeste, se montre, comme quelque chose de tout à fait différent du profane ». Pour traduire cette manifestation du sacré Mircea parle de hiérophanie : quelque chose de sacré se montre à nous. Notre attitude, nos gestes, en un mot notre rite, nous permettent d’exprimer en conscience notre capacité à percevoir la présence du sacré quand il se manifeste. Ainsi, vécu dans son authenticité, le rite correctement accompli parce qu'il est parfaitement compris, provoque ce mouvement vif et agréable, de l'âme, car elle ressent la possession authentique d'un bien qui est la révélation du sacré. Car la joie, est bien un sentiment religieux avant toute chose. C'est pourquoi il est fait référence à la satisfaction de l’âme. La joie est censée apporter un sentiment de plénitude durable, alors que le plaisir ne concerne que le corps et ne touche donc que quelques aspects de la conscience. « Que la joie soit dans les cœurs », n'est pas une notion au caractère passif. Bergson disait que : « toute joie est création, toute création est joyeuse ». Dans son éthique, Spinoza disait : « la joie est un affect dans lequel l'esprit passe à une perfection plus grande ». Enfin il est également dit que : « la joie, dans son sens le plus élevé est « acte pur », elle est créatrice ». Il est précisé encore « les joies de l'inattendu sont plus pures que les joies du désir, car elles ont la spontanéité et l'embrasement de l'instant ». Peut-on dissocier « la joie dans les coeurs » de : « la paix qui doit régner sur la terre » de : « l'amour parmi les hommes » ?

Peut-on oublier les autres, et ne se consacrer qu'à sa joie intime et personnelle ? Intuitivement la réponse est non ! Il n'est pas possible de s'isoler de la communauté humaine pour vivre reployé sur soi-même. Ces trois exhortations de clôture sont une invitation à l'action à une participation active. Cette participation consiste pour nous à ne pas être franc-maçon seulement entre frères et dans la sécurité et le confort de nos ateliers, mais chaque fois que par notre attitude notre comportement, nous portons témoignage d'alternatives nouvelles.

Nous contribuerons ainsi à faire que :

« la joie soit dans les cœurs »

Enfin l'expérience de la joie est un sentiment de rayonnement dans lequel le sens des limitations s'efface. Et si l'on confère à la notion de vertu de la citation suivante la définition qui est celle de notre rituel, nous donnons à la joie une dimension supplémentaire qui est comme un achèvement.

« L'homme qui croit en VERTU, est l'homme qui se développe dans la joie. Si bien que la vertu la plus élevée, coïncide avec la joie la plus parfaite, la BÉATITUDE ».

La joie suprême est fusion avec la NATURE, le COSMOS, l'INFINI. C'est bien l'objet de notre quête initiatique, c’est bien l’objet de notre Rite et de tout son symbolisme.

J’ai dit V\ M\

A\ K\


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