GLDF Loge : J. T. Desaguliers - Orient de Boulogne 02/03/2006


Comment la méthode Maçonnique mise en œuvre par le R\E\A\A\ permet-elle l’éveil progressif de la conscience à l’intérieur du Temple ?

On sait finalement peu de choses sur la F\M\ avant d’intégrer cet Ordre traditionnel.
La découverte des éléments qui la composent s’effectue progressivement et avec plus ou moins de bonheur, je veux dire entre satisfaction voire enchantement et quelques désillusions toujours possibles, mais jamais de façon neutre.

De grade en grade, d’une étape à l’autre, d’un ressenti à l’autre, se construisent pensée et manière d’être car je crois en une concrète conséquence de la démarche spirituelle.

Je retiens que par la démarche Maç\ on accède à une méthode qui se comprend comme :
- un exercice spirituel,
- une manière particulière de vivre,
- une réalisation de soi

Et tout cela au moyen de valeurs qui fondent la méthode Maç\, pour le bien de tous.
Lesquelles - valeurs - nous sont connues bien avant notre entrée en F\M\ et que nous utilisons quotidiennement, sans y penser, comme la plupart des individus qui peuplent cette planète toutes cultures et religions confondues. En effet, de nombreux principes Maç\ :

- sont permanents (de siècle en siècle)
- ils n’appartiennent pas à un peuple ou à une civilisation
- sont conformes à la morale et ils sont universels comme elle.

Ainsi, tentons-nous de pratiquer la justice que toutes les nations enseignent et tentons-nous de rejeter tous les mensonges que les peuples se reprochent, les uns aux autres. Les F\M\ différent d’eux dans tous les domaines où ils se combattent et sont d’accord avec eux dans tous les principes qui les réconcilient.
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Seulement voilà, il semble que notre mémoire soit oublieuse ou simplement sélective. Nous avons besoin de rappels et de recadrages mais aussi d’encouragements. Dans le cas très improbable où notre comportement naturel souffrirait de quelques carences ou que notre éducation accuserait quelques lacunes, le R\E\A\A\ peut améliorer les choses. Je retiens les étapes suivantes :

- intériorisation (Cabinet de réflexion)
- affirmation par Serments
- transmission et ascèse Maç\
- construction

Intériorisation

Le voyage commence dans le Cabinet de réflexion par « l’épreuve de la terre » qui préfigure ce qui constitue les divers Degrés Maç\. Mais nous ne pouvons le savoir à ce moment-là.
Nous sommes tout encombré par notre « moi » lorsque nous nous installons dans cet endroit clos éclairé par une bougie. Cette étincelle d’espoir chassera les ténèbres de notre conscience à laquelle nous ne pouvons échapper même dans la solitude et l’isolement.
Cela les mystiques le savent bien, eux qui ont rencontré leurs démons dans les lieux les plus retirés.
Déjà, nous devons nous séparer d’éléments parasites en les laissant mourir ou mieux en les tuant nous-même symboliquement. Nous pouvons aussi nous identifier à ce Cabinet tout entier qui somnole quelque part en nous et dont l’emplacement nous échappe.

Peut être le crâne nous rappelle-t-il que la matérialité persiste toujours et que nous devons la reconnaître, la nommer, c.à.d. l’identifier et l’étêter comme il est nécessaire d’anéantir tout mental incapable de se transcender.
A l’avenir, nous ne pourrons étouffer nos peurs, faire taire nos envies et nos jalousies ni même broyer nos ambitions. Il nous faut vivre avec nos défauts car on ne s’en débarrasse pas. Mais reconnus et contenus ils participent à notre construction.

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Affirmation par Serments

Du Cabinet de réflexion on entre dans le Temple.
En ce qui me concerne, je me suis vite senti en état d’urgence morale en écoutant les paroles du V\M\ au tout début de la cérémonie d’initiation. Il était question de « bonne foi », de « liberté et de bonnes mœurs » mais aussi de « traîtrise » possible et de « cœur déchiré », le tout dans un contexte « d’aveuglement, d’ignorance et de superstition ». Je n’étais encore moins sûr de rien.

Nous en sommes venus rapidement à un serment dont la solennité m’a marqué durablement. Les obligations contractées sur les Trois Grandes Lumières de la F\M\, seront renouvelées de grade en grade mais aussi lors de la cérémonie d’installation des Officiers de la Loge. L’engagement d’honneur définitif sera énoncé en pleine lumière, après l’accomplissement des épreuves.
Compte tenu de mon vécu religieux (chrétien) avant de franchir la Porte basse du Temple, les serments ont résonné de façon particulière dans mon esprit et je m’attarde maintenant sur ce moment fort de l’initiation.

Le serment est une affirmation particulière ou une promesse solennelle faite en invoquant un être ou un objet sacré, une valeur morale reconnue, comme gage de sa bonne foi. Prononcé en public dans toutes les sociétés humaines, à travers les âges et civilisations, il atteste de la sincérité et de la fidélité de celui qui l’émet à l’encontre de celui ou de ceux qui le reçoivent.

Au cours des siècles passés, tout penseur hors dogme catholique ou seulement à la marge, encourait la torture suivie de mort. Au plus haut niveau, l’exercice de la royauté se confondait avec le pouvoir religieux. Pour préserver leur propre sécurité ainsi que celle de leurs Frères, les F\M\ ne pouvaient se permettre le moindre faux-pas d’où l’aspect terrible des serments qui devaient frapper les imaginations.
Auraient-ils pu ces Frères concevoir un serment sans références religieuses ? Nous savons que non puisque la religion s’immisçait dans tous les esprits. Surtout par ses aspects terrifiants et l’on redoutait par-dessus tout la damnation éternelle.
Le récipiendaire encoure la peine « d’avoir la langue arrachée et la gorge coupée » ce qui correspond au verset des Proverbes (10 : 31 - version Segond) : « La bouche du juste produit la sagesse, mais la langue perverse sera retranchée ».
Mais aussi, pour certains autres, dans Deutéronome 28 : 26 : « Ton cadavre sera la pâture de tous les oiseaux du ciel et des bêtes de la terre ; et il n’y aura personne pour les troubler ».
Fort heureusement ces pratiques ont été abolies. Faut-il pour autant réformer les écrits bibliques et, par extension, les serments Maç\ ?

Il me semble que dans l’initiation traditionnelle de nos jours, les Serments et Pénalités doivent garder un rôle majeur. La translation symbolique s’impose d’elle-même. Puisque l’on passe du monde barbare à la civilisation, il faut pouvoir se livrer à une lecture symbolique des contenus les plus expressifs de ces pénalités qu’il convient d’explorer et de comprendre pour en garder l’esprit dans nos rituels modernes.
J’ai évoqué le risque de châtiment par damnation éternelle (après une mort physique terrifiante), dont se sont heureusement affranchis les esprits forts. Bien que cette peine ne soit plus infligée il demeure un risque symbolique et donc un glissement vers une mort spirituelle qui sera le châtiment de celui qui viole un serment.
Cette mort spirituelle témoigne d’une altération fondamentale du sens des valeurs qui conduit à une souffrance morale si l’on est conscient de son erreur.
Pour échapper à cette douleur il est malheureusement possible de pervertir son jugement pour maintenir artificiellement son estime de soi.

Dans les deux cas le progrès spirituel est bloqué ; c’est une pénalité intérieure qui s’installe en soi, suprême punition empêchant de poursuivre sa quête spirituelle. Le sens ultime du secret, c’est ce dépassement de l’existence et de la pensée dans l’unité au sein du divin pour les uns, du progrès de l’humanité pour les autres, de l’expérience intime pour tout le monde. Nul besoin de bourreau : soi-même suffit à infliger la pénalité.
Toutefois, les altérations spirituelles internes se manifestent aussi extérieurement par un comportement ou des propos inadaptés à certaines situations.

Conscient de tout cela, l’initiable se place dans les meilleures conditions pour ne pas commettre d’erreurs.
Le serment témoigne de notre engagement solennel et sacré obligeant à une discipline particulière pour se réaliser spirituellement. D’ailleurs, l’ensemble des pratiques tendant au perfectionnement moral et au progrès spirituel de l’individu, est appelé ascèse.
Le signe pénal de chacun des trois premiers degrés est un rappel permanent que les pénalités sont là pour faciliter la révolution intérieure. Le signe de reconnaissance se déplace vers les étages inférieurs de l’individu et il y a correspondance entre localisation physique et centres subtils de l’être humain.
C’est une descente vers les « bas-fonds » avant de remonter vers une conscience épanouie. Il est nécessaire de purifier le réceptacle en recevant l’influence spirituelle, pour spiritualiser le corps et l’être entier, en les ramenant à leur principe situé symboliquement en haut.

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Transmission et Ascèse Maç\

Une des difficultés est de savoir ou de pouvoir durer.

Les théologiens à l’instar des philosophes de l’antiquité distinguaient deux qualités appelées patience et persévérance qu’ils classaient parmi les vertus morales.

La Patience

En premier lieu, la Patience est l’aptitude :

- à SUPPORTER avec courage ou résignation les coups du sort ou les malheurs de l’existence.
- à SUBIR sans trop d’irritation le mauvais caractère, les défauts ou les fantaisies des autres
- à ATTENDRE longtemps une chose ou un évènement sans manifester énervement ou mauvaise humeur. On se souviendra de La Fontaine disait dans l’une de ses fables : « patience et longueur de temps font plus que force ni que rage ».

En second lieu, la Patience est la qualité qui nous fait persister dans un état d’esprit, dans des sentiments ou dans un travail de longue haleine sans se laisser abattre par la lassitude ou le découragement.

La Persévérance

La persévérance est une qualité morale qui consiste à poursuivre une tâche difficile, un projet complexe jusqu’à la fin, une attitude, un comportement, une décision. C’est aussi l’énergie déployée à cet effet ce qui renvoie vers la devise de Guillaume d’Orange « dit Le Taciturne » : « il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer ».

PATIENCE et PERSEVERANCE présentent beaucoup de points communs. Toutes deux :

- ont un rapport étroit avec le temps dans lequel elles s’enracinent.
- sont des vertus modestes, voire humbles, qui attirent rarement la gloire ou la vénération des foules mais qui sont parmi les plus répandues parmi les hommes car elles ne dépendent ni de la naissance, ni de la fortune, de l’instruction ou de la position sociale.

L’une et l’autre sont également les vertus de juste milieu :

- un excès de patience conduit au laxisme, au fatalisme, à la passivité.
- de même un excès de persévérance se traduit par de l’acharnement, un entêtement stérile, une obsession envahissante.

Exaltation et limites de ces vertus :

- certains sentiments très forts comme l’amour, la haine, l’ambition, la cupidité ou la lutte pour l’existence développent considérablement patience et persévérance.

Cependant, c’est indéniablement dans l’amitié et l’amour, sous la forme de compréhension, fidélité, dévouement, que ces vertus atteignent leur niveau le plus élevé, témoignent de ce qu’il y a de meilleur dans l’humanité.

PATIENCE et PERSEVERANCE se manifestent dans un grand nombre d’actions humaines qui s’étalent dans la durée. Pour nous Maçons, deux d’entre-elles revêtent un sens et une résonance particuliers dans le domaine de la transmission du savoir par la construction.

La Maç\ qui, par certains côtés peut être considérée comme une école de savoir-vivre, au sens plein du terme - à défaut de sagesse, ne ressemble en rien à un Centre de formation classique.
Elle n’affirme pas, ne démontre pas, n’enseigne pas … elle éveille !
Tout ce qui est instruction, éducation, formation exige Patience et Persévérance, tant de celui qui enseigne que de celui qui apprend. La transmission du savoir est hautement favorisée par un climat d’affection, voire simplement de sympathie. Quand elle s’effectue dans de telles conditions, elle crée des liens forts entre les parties.

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La construction
 
Comme les grands bâtisseurs, mais sur un plan strictement spirituel, le Maçon travaille avec patience et persévérance à l’édification de son Temple intérieur.

A un premier niveau symbolique, on peut dire que les correspondances du Temple de Jérusalem et du Roi Salomon, sont la Loge Bleue et le V\M\ qui la dirige. De même que le Temple n’était pas un lieu de prières mais de sacrifices, la Loge n’est pas un lieu de méditation mais un lieu de travail. L’on y reçoit même un « salaire ».

A un autre niveau symbolique : le Temple et le Roi Salomon pourraient se confondre avec la personne du Maçon, à la fois décideur, artisan et objet de son propre perfectionnement.

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En conclusion provisoire :

La F\M\ propose un espace transitionnel entre le monde intérieur et le monde extérieur (c’est encore et toujours le monde), c.à.d. entre une réalité inconsciente intérieure et la réalité sociale extérieure.
Nous sommes entrés en religion, c.à.d. que nous nous efforçons de relier homme spirituel et homme physique en prêtant l’oreille à la voix discrète de la conscience qui parle à tous les hommes.
Cette conscience doit tous les réunir et non les diviser. A chacun de la nourrir avec les qualités et les vertus à découvrir ou à re-découvrir.

J’ai dit, V\M\.
Alain BOUCHET – Sec\ Surv\
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