GLNF Loge : Les Forges d'Hiram  11/01/1999


Les quatre convives

C’est arrivé une nuit d’hiver, au chaud, à l’abri du temps. Il n’y avait qu’un seul couvert à l’unique table de cette auberge. Et pourtant ce soir là, quatre convives étaient là, quatre hommes ont dîné ensemble.
Il y avait, assis sur l’un des sièges l’homme que j’ai voulu être, dans sa gloire et sa belle apparence.
A ses côtés était l’homme qui passe pour être moi et que les autres semblent connaître.
Sur un autre tabouret était l’homme que je crois être.
Et enfin présent à cette table était l’homme que je suis en réalité.
Et bien qu’ayant fait halte sous un même toit, dîné à la même table, goûté les mêmes mets, ces quatre hommes ne se sont pas reconnus, ils n’ont échangé aucun signe de reconnaissance, aucun n’a nommé l’autre « son frère ».

Et puis vint la Lumière, la première, celle de l’initiation et les quatre convives de cette soirée firent bombance, apportant comme en Espagne, et s’en régalant, le complément de l’autre.

Mais qui étaient ces quatre convives, et pourquoi ne se sont-ils pas reconnus ?

Il y a d’abord l’homme que j’ai voulu être
Somme des regrets et espoirs déçus, mais dont le maître mot reste Espérance.
Ne serait-il pas cet homme, le produit de l’expérience primaire et du conditionnement familial, social, professionnel etc... ? Et comme le dit Eric BERNE, mélange de parent, enfant et adulte dont les proportions changeront ensuite tout au long de la vie dans le vase alchimique dont la forme idéale reste encore à trouver.
Mais cet homme là, espérance de réalisation, m’apparaît comme le Maître futur qui grandira dans l’Apprenti que je suis.
Peut-être faut il y voir le symbole du levier qui me permettra de découvrir, agir et révéler !
Force intérieure que d’autres appellent motivation, mais raisonnée, guidée, et canalisée, tant il est vrai qu’un levier mal utilisé peut être le pire des outils.
Mais ou se trouve le point d’appui ?

Vient l’homme que je crois être
Avec sa capacité d’analyse, son expérience, son savoir, sa prudence aussi !
Cet homme là qui « n’est pas », ou pas encore et qui existe seulement, tout accaparé qu’il est par sa vie de tous les jours.
Cet homme là, dont le besoin de reconnaissance est immense, lutte farouchement pour atteindre des buts dont il voit mal la finalité.
Mais qui est-il, cet homme ? Si ce n’est le ciseau du discernement à la recherche de la meilleure voie.
Voici en effet, que la pierre brute perd petit à petit de ses aspérités et la boue qui l’entoure, car associé au maillet, dont nous parlerons plus loin, le ciseau va permettre à l’homme que je crois être de tracer son chemin vers la Lumière avec fermeté et précision.

Et bien sur, il y a l’homme que les autres voient
Différent de sa propre perception, regard des autres que je suis et qui m’accompagnent.
Cet homme ne serait il pas le reflet multiple d’un prisme aux yeux de ceux qui m’ont reconnu et accepté ?
Je ne suis plus seul à présent, car d’autres portant le même tablier ont envahi la carrière à l’ouverture des travaux ;
Et chacun avec ses outils va partager l’expérience et le savoir faire de tous, soif de connaître, tolérance, et acceptation des autres.
Mais qui est il donc, cet homme qui paraît et que les autres voient ?
Quelle enveloppe va t’il enfin revêtir ?
Et que dire de l’influence des autres, profanes et Frères en Maçonnerie ?
Et qui suis-je enfin pour mes Frères, si ce n’est celui que l’on reconnaît comme tel ?

Et enfin le quatrième convive
L’homme que je suis et ne connais pas, mais que je rencontre pourtant à chaque moment fort de la vie sans jamais bien le reconnaître.
Cet homme tel le maillet, symbole de la volonté qui transforme la matière et renforce l’Apprenti dans sa détermination à se perfectionner apparaît enfin à la Lumière.
Mais le travail est il achevé pour autant ?
On pourrait en effet se poser la question, pourquoi quatre convives ? et non pas 2, 3, 5 ou 7 par exemple ?

Et si ces quatre convives représentaient les quatre côtés égaux du carré qui font face aux quatre orients du monde ?

Nous savons que le carré, expression du 4 est la première figure rationnellement habitable par l’homme (le triangle par exemple étant la demeure du principe car il n’est pas conçu pour l’homme).

Le carré évoque la stabilité tout en ayant la capacité de se métamorphoser (cube, tétraèdre, carré long etc...). Il est aussi la manifestation symbolique de l’accomplissement du TOUT ; comme pour le · (point), l’axe zénith-nadir passe par son centre.
Et selon les propos que l’on prête à Pythagore : « Le nombre 4 est la divinité même, source de la nature, 4 possède en soi tous les nombres, comme le cube contient toutes les formes. ».
Plus tard dans nos études, nous aborderons la caractéristique la plus importante du carré représentée par sa diagonale porteuse de la racine de la dualité et qui par son multiple nous ramènera au 1 dont le 4 révèle la puissance de création en regroupant les éléments de celle-ci (la puissance de création).

Et voici que nos 4 convives se retrouvent, chaque instant qui passe les rapproche pour demain n’être qu’un seul.

Viendra alors le temps de l’ultime initiation, lorsque ma pierre dégagée de sa gangue originelle prendra enfin sa place avec les autres déjà assemblées sur le chantier du Temple Divin.

« Qu’importe alors ce qui est advenu avant ou après ? Maintenant avec moi-même je vais commencer et finir ! »

Postface : Je voudrais, si vous le voulez vous lire ce vieux conte chinois :

« Un vieux Chinois, avant de mourir, fit un voeu. Il désirait voir l’enfer et le paradis. Comme sa vie s’était déroulée dans l’honnêteté, son voeu fut exaucé.
On le conduisit d’abord en enfer. Il y vit des tables couvertes de nourritures délicieuses, mais les convives paraissaient affamés et furieux. Assis à deux mètres des tables, ils devaient utiliser de très longues baguettes et ne parvenaient à faire pénétrer aucune nourriture dans leurs bouches. D’où leur souffrance et leur colère.
Ensuite on transporta le vieil homme au paradis et il y vit exactement le même spectacle. Oui, raconta-t-il à son retour. Les mêmes tables, la même nourriture, les mêmes baguettes. Mais tous les convives semblaient heureux et rassasiés.

  • Pourquoi ? lui demanda quelqu’un.
  • Parce qu’ils se nourrissaient les uns les autres. » 

J’ai dit V\M\

P\ M\

SOURCES BIBLIOGRAPHIQUES :

  • P.D. JAMES « Une certaine justice » FAYARD
  • Daniel LIGOU « Dictionnaire de la F\ M\ » PUF
  • Robert AMBELACH « Symbolique des outils » EDIMAF
  • Andréa AROMATICO « Alchimie, le grand secret » GALLIMARD
  • Robert BEGEY « La quadrature du cercle et ses métamorphoses » DU ROCHER
  • Jean-Claude CARRIERE « Le cercle des menteurs » PLON
  • GLNF « Instruction de l’Apprenti »

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