GLDF Loge : Lumière des Maures - Orient du Cannet des Maures Date : NC


Debout mes Frères, face à l’Orient


Avant d’aborder le sujet de ma planche, j’ai souhaité apporter quelques mots qui éclaireront peut-être la perception intime que j’ai de la présentation d’une planche en loge.

Pour moi, lire une planche en loge est un honneur, un privilège qu’il devrait être rare de recevoir. Une planche est un outil nouveau, un élévateur de conscience, un levier pour progresser. Si je ne fais pas de planche, si je ne travaille pas au grade où je suis, et ou j’étais, je régresse, je ne puis plus me situer.

Une planche est un travail personnel, une attestation de ses progrès. Ni une leçon, ni un enseignement, ni une transmission de savoir. Elle ne vaut que par celui qui la présente et qui attend de ses frères le témoignage qu’elle leur a permis, à eux aussi, de progresser. Je fais ma planche, d’abord pour moi, et je l’offre en partage à mes frères. Seul mon parcours doit me préoccuper, humblement et sans orgueil. Je ne dois pas désirer briller parce que la parole m’a été donnée, bien au contraire. Seul compte le chemin parcouru, qui témoigne du travail accompli. Et pour moi, ce soir, mon travail a pour titre :

Debout mes Frères, face à l’Orient

Debout ? Se mettre debout, c’est assumer sa nature humaine, car seul l’homme peut se lever et se mouvoir ainsi. Lorsque l’homme se réveille, il se met debout.
 
Debout, c’est l’attitude du courage, de la persévérance, de la volonté. Ne dit-on pas rester debout pour dire : digne, fier, honnête, vertueux, libre !. On doit rester debout dans la tempête, contre vents et marées.

Et le V\M\ nous ordonne:

Debout mes Frères, face à l’orient ! »

Avant de commencer les travaux, il faut que nous soyons tous prêts. Nous sommes tous F\M\, bien sûr. Mais surtout F\M\ prêts à travailler ensemble, travailler de concert. A écouter le la que le premier violon lance à l’orchestre afin que tous soient dans le même ton.

Mes F\, il faut que tous soient prêts, tous prêts à s’insérer dans l’égrégore à venir, égrégore qui nous porte plus haut et nous rend plus forts. L’égrégore pour être unis. Il s’agit de construire le temple, celui où se déroule la tenue, le vôtre, la nôtre.

Combien d’attitudes, de positions différentes ! Les bras collés, croisés ; les jambes jointes ou écartées, les pieds parallèles ou en équerre. Sommes-nous prêts pour entrer dans le temple ? Se faire reconnaître, ce sera aussi prendre la position du F\M\, pieds joints et en équerre, la tête redressée, le bras à l’horizontale, le regard droit. La main sous la gorge. Lorsque les surveillants passent devant moi, je fais le geste qui réveille le F\M \. endormi. Je suis prêt, nous sommes tous prêts à entrer, à essayer de devenir de bons F\M\ en participant à cette tenue, puis à toutes les autres, autant que nous pourrons, comme nous nous y sommes engagés par serment.

Mes FF\, debout, l’action est possible. Si le V\M\ demande que les assistants, pas encore des F\M\ attentifs, que les assistants donc soient debout, ce n’est certes pas un hasard. Que ferions-nous assis, ou même couchés ? Nous sommes maintenant debout face à l’orient pour avancer, rechercher, comme le rituel nous le propose un peu plus avant, rechercher les voies qui nous sont tracées. Ce n’est pas en spectateur qu’il nous sera possible d’aller vers le sacré et d’avancer vers le divin. Être debout, c’est joindre la terre au ciel, les pieds sur terre, la tête plus près des étoiles.

Alors, Mes FF\, mon F\, debout, face à l’orient, la main sous la gorge, nous pensons, pour les oublier, aux métaux laissés à la porte du temple, tous ces tracas et les soucis qui ne doivent pas venir troubler notre marche vers plus de sérénité, plus de conscience, plus de grandeur. Se lever à cet instant, c’est commencer notre travail dans le temple. Ce travail ne peut se faire que si nous sommes réellement attentifs. Nous sommes ou nous nous efforçons maintenant d’être « en nous » au contraire d’ « être hors de soi » ou de « n’être pas nous-même ».

Petit à petit, nous prenons conscience de la nécessité de nous réunir, d’être dedans comme nous souhaitons être dehors, n’être plus plusieurs mais un, de rassembler en nous et dans le temple, ce qui est épars. On ne pourra plus dire, plus tard, de moi, de toi, de nous « cela ne lui ressemble pas » ou « ce n’était pas lui ». Et pourtant…

Le geste est simple : lever la main droite à hauteur de la gorge, le bras à l’horizontale. A l’ordre. Le signe d’ordre, ordre personnel, signe fort, surtout à ce moment là. Il faut maintenir la position fermement car nos passions ne reculent pas si facilement. Nous essayons ainsi d’entrer dans le sacré avec le moins possible de passions. Passions au pluriel !

Nous sommes ici pour apprendre, pour aller au devant de nous-mêmes et comprendre notre nature. Nous ne sommes pas ici pour préparer une action, mais toutes les actions ; pas pour apprendre un mouvement mais connaître le mouvement ; pas pour un être mais l’Être. Nous ne sommes pas là pour être mais pour devenir. Pas là pour devenir Dieu ou des dieux mais pour savoir enfin comment il est advenu en nous car nous ne sommes pas des libertins irréligieux.

Lorsque nous somme entrés dans le temple, nos esprits étaient encore très occupés, voire encombrés des intérêts profanes. Et pour peu que nous soyons distraits, quelques bavardages subsistent encore et souvent parmi ceux qui croient tout savoir du rituel et désireraient le subir ad minimum. Alors le V.·. M.·. nous transmet cet ordre solennel ponctué d’un coup de maillet

« debout ! »

Nous nous levons tous, le silence entre en nous et dans le temple. C’est le premier mouvement homogène d’un groupe hétérogène.

Le coup de maillet va propulser les 2 surveillants au centre de la loge, autour du pavé mosaïque, comme pour signifier que l’action commence ; qu’il faut maintenant avancer. Lorsque les assistants sont debout face à l’orient, ce sont les surveillants qui vont, par leur cheminement, signifier chacun leur rôle auprès des apprentis, apprentis que nous sommes tous.

Les FF\ présents sur les colonnes sont, et le tuilage est là pour cela, des F\M\. Il ne s’agit donc pas de se faire littéralement reconnaître par les surveillants. Il s’agit bien sûr de se reconnaître soi-même, d’être conscient qu’il faut maintenant entrer dans le sacré, que le rituel nous y invite. A ce moment de l’ouverture de la loge, les FF\ présents sur les colonnes sont en route vers le sacré, ils ne sont pas encore dans le temple, dans leur temple. Ce temple que nous construisons individuellement mais ensembles. Solidaires et individuels, nous sommes les pierres à tailler et polir pour créer une construction harmonieuse.

Lorsque le postulant que nous étions a frappé à la porte du temple, il a demandé qu’on lui fasse confiance. Il a demandé la lumière car un voile très épais lui couvrait les yeux. La maçonnerie n’a pas fait d’un homme ordinaire un F\M\. Elle a simplement estimé que cet homme pouvait devenir par son travail et son courage, un véritable F\M\. Ceux ici présents ne sont peut-être pas des sages, mais ils œuvrent dans cette direction et il est important pour cela de se faire reconnaître à sa place d’apprenti

Mes FF\, il n’y a donc aucune ambiguïté : un maçon n’est pas celui qui appartient à une loge et paie ses capitations – même si cela est indispensable - mais celui qui se conduit et agit en F\M\, celui qui agit en frère dedans et hors du temple. Il trouve sa voie, celle qui lui est tracée et vers laquelle il tente de se diriger, avec l’aide de la loge et du V\M\ qui lui dit :

« face à l’orient. »

Car c’est lorsque nous nous sommes orientés pour marcher vers la lumière en tous temps et en tous lieux que nous sommes devenus F.·.M.·.

En se tournant face à l’orient, le F\M\ doit se poser cette question : suis-je vraiment ce que je devrais être, suis-je un frère pour mes frères, un frère pour tous ? Ais-je bien respecté mes serments ? Tous mes serments ?

Le V\M\ frappe un coup de maillet avant de dire « debout mes frères » pour nous dire « réveillez-vous, soyez attentifs, c’est le moment d’agir, de vous concentrer, de réaliser votre maçonnerie ».

Le rituel nous appelle à une activité sacrée, révélatrice de la nature de l’homme. Cette connaissance a cheminé d’homme en homme, de siècle en siècle, comme elle chemine à l’intérieur de notre temple, à l’extérieur et à l’intérieur de chacun d’entre nous. Pas à pas, le rituel nous conduit au devoir de connaissance. La liberté est inconditionnelle de la connaissance.

Aussi, dans sa rigueur, le rituel nous apporte cette liberté de penser, de s’élever, de comprendre. L’ordre dans le désordre. Ordo ab chao. Le cosmos s’invite à notre tenue, parmi nous, avec nous, à travers le rituel.

Au contraire du langage qui mue, évolue et se transforme, le rituel reste immuable et nous permet de nous adapter. (adopter, une seule lettre différente, à méditer).

Regarde mon F.·., écoute et regarde ce rituel, il est Toi, il est la vie, il est ton temple,
Observes et retiens-le. Il t’aide à te construire, il t’aide à te comprendre, il t’aide à vivre,
Comprends-le, toujours mieux, toujours plus, toujours différent comme toi tu changes. Sans jamais le dépasser, il sera ton guide. Pour cela, tu dois le vivre, le ressentir, le faire tien. Il est et sera comme ton sang, indispensable à la vie.

Le rituel est un dialogue qui ouvre la voie vers la connaissance, un dialogue muet comme un livre réécrit à chaque instant. Le rituel maçonnique apporte à l’A.·. des moments justes qui lui ouvrent des portes nouvelles vers la découverte de son Être et vers la Connaissance. Nous comprenons ainsi le lien qui existe entre le corps physique et le corps spirituel. Le rituel nous aide à créer le lien entre notre corps et notre esprit.

Le vieil homme ne meurt pas, il s’efface au fur et à mesure que grandit l’être spirituel. C’est parce que le F\M\ s’implique dans l’action du rituel qu’il se reconnaît comme maçon à part entière. Le surveillant peut alors informer le V\M\ que tous les assistants ont rassemblé ce qui était épars, qu’ils se sont réunis, et qu’ils sont maintenant à leur place et à leur office.

… et, fort justement, après avoir fait face à l’orient puis vécu le rituel d’ouverture, le V\M\ nous dit « et que nos regards se tournent vers la lumière ». Regard des yeux, symbole du regard du cœur et de l’esprit. Voir la lumière ne saurait se résumer à fixer des yeux une quelconque ampoule même longue durée. Vivons la comme un symbole, traversons ses messages pour aller toujours plus haut, plus loin, en connaissance et en amour.

L’orient est la source de la lumière. Debout face à l’orient, c’est regarder vers la lumière, vers le Delta rayonnant, le delta lumineux. C’est évidemment tourner le dos à l’occident.

L'Occident correspond à l'automne, à la nuée, à l'eau dormante, au marais, à l’ombre naissante.
Selon une légende bouddhiste, le bouddha Amitabha siège à l'ouest et il accueille l’âme des défunts, à l'ouest, après leur mort. Beaucoup de cérémonies se déroulent à ces dates, fin de l'hiver, fin de l'été, vers le 18 mars et vers le 20 septembre, quand le soleil se couche le plus à l'ouest.
Orient-Occident : c'est la dualité de la vie et de la mort, de la contemplation et de l'action. Toutes les religions expriment une croyance envers l’orient et l’occident, source de vie et chemin vers la mort. Certains lieux de cultes s’ouvrent à l’orient, d’autres à l’occident, idéalisation possible de la croyance ou non à une vie éternelle, à une renaissance des corps ou de l’âme. Les rosaces de nos cathédrales s’illuminent au soleil couchant. Les pharaons se couchaient à l’occident, leur mort, pour se lever à l’orient, la vie.

Il y a d'autres raisons à cette dualité, mais la première est que le soleil se lève à l'est et se couche à l'ouest. Les voyages en Orient sont des quêtes de la lumière. Dans le Soufisme, l'Occident est relatif au corps et l'Orient à l'âme universelle ; l'Occident à l'exotérisme, à la littéralité, l'Orient à l'ésotérisme, à la science spirituelle; l'Occident à la matière, l'Orient à la forme.

Mes FF.·., rien ne peut exister sans son contraire dans le monde profane. Nous devons exister avec cette réalité et, dans le monde sacré, la dépasser, aller au-delà des apparences, du vécu, pour, à l’aide de notre démarche maçonnique, entrer dans les voies qui nous sont tracées. Elles ne sont ni blanches, ni noires, elles n’appartiennent pas à ce monde de rationalité profane.

Toute chose existe avec son opposé et ne peut exister qu’avec lui, et l’homme n’échappe pas à cette fatalité. Il se trouve qu’il possède à la fois le bon et son contraire, que trop souvent le mal l’emporte, que le bien ne saurait rester seul, et qu’ainsi l’homme se trouve condamné à rechercher l’équilibre au-delà du mal. Le bien et le mal, contraires nécessaires l’un à l’autre, présents en loge en blanc et noir. Je dis l’homme, être humain homme ou femme. Car il ne faut pas opposer les sexes mais au contraire les vivre comme complémentaires, unis et différents, capables de créer un monde où les différences ne sont que richesse.

Si l'Orient est souvent opposé à l'occident comme la spiritualité au matérialisme, la sagesse à l'agitation, la vie contemplative à la vie active, la métaphysique à la psychologie — ou à la logique — c'est en raison de tendances profondes très réelles, mais nullement exclusives.

En faisant face à l’orient, l’assistant candidat F\M\, regarde le soleil et la lune, les deux opposés et complémentaires. Le soleil positif et agissant, la lune intuitive et féminine. Il tourne son regard vers le delta rayonnant, se positionne ainsi en recherche, en questions sur le monde et l’univers comme envers lui-même. Il se positionne ainsi face à son devenir et sa fin certaine. L’homme ne peut fuir sa destinée, il sait qu’il aura une fin et cette fin l’interroge. Debout, face à l’orient mes frères ! Vous ferez face, quoi que vous espériez, et devrez affronter l’insupportable.

Le Delta devrait fournir au Maçon les moyens de remporter cette victoire sur lui-même. Encore lui faudra-t-il avancer dans le dédale des interprétations multiples auxquelles se prête ce symbole avec une extrême prudence, un discernement sûr, une logique impitoyable. Le concret se marie ici à l'abstrait... La moindre défaillance et nous nous égarons dans cet inconnu que nous frôlons à chaque instant de notre vie. Cet inconnu dont le mystère nous tente, mais dans lequel il ne nous est pas possible de nous aventurer sans nous exposer à perdre le contrôle de nous-mêmes et à prendre de décevants mirages pour la révélation de la Vérité ou tout simplement d’une vérité. Comme le papillon se brûle à la lampe qui l’attire.

Traditionnellement, le Delta sacré est un symbole composé se présentant sous la forme d'un triangle au centre duquel apparaît un œil. Cette figure irradie des rayons comparables à ceux du soleil, qui s'étendent jusqu'au cercle de nuages qui entoure l'emblème de sa couronne. Le delta rayonnant m’interpelle comme le symbole de la F\M\, symbole de son universalité et qui, pour répondre à son rôle, ne doit pas ressembler un aréopage d’exégètes ou un symposium d’intellectuels et encore moins une rencontre de joyeux copains.

Le voile qui me couvrait les yeux commence à s’estomper, tout comme celui qui couvrait votre regard. Nous pouvons mieux nous apercevoir que le symbolisme du temple n’est pas éloigné du monde profane, et qu’ainsi il sert à mettre en lumière l’activité humaine, à précipiter notre faculté de discernement de la nature humaine. Activité et nature humaines telles que nous les vivons. Le delta lumineux nous apparaît à cet instant comme le symbole d’un monde nouveau auquel nous voulons adhérer, ici et maintenant.

Nous sommes alors dans le présent, et donc dans l’éternité que n’entame jamais le temps qui passe. Seul le présent est éternel, le passé n’est plus et le futur n’est pas, pas encore. Vivons ici et maintenant notre éternité humaine. Lorsque nous vivons une seconde d’intense émotion, un moment de bonheur ou d’extase extraordinaires, nous vivons cet instant comme éternel. Vivre ce moment sous la voute étoilée, c’est contempler l’infini de l’univers en un instant, c’est vivre en soi l’éternité au présent.

Le Second surveillant : V\M\, tous les assistants de la colonne du septentrion sont A\ F\M\ à leur place et à leur office,

Le Premier surveillant : V\M\, tous les assistants qui décorent les colonnes du septentrion et du midi sont A\ F\M\ à leur place et à leur office.

Le V\M\ : il en est de même à l’orient.

Nous sommes maintenant prêts car nous sommes entrés dans notre temple, chacun dans son rôle, officiers, maîtres, compagnons et apprentis, tous frères unis dans le même espoir, la même attention.

Un F\ ne peut être que debout pour agir et faire face.

J’arrive bientôt au terme de cette planche. C’est ma première planche de maître, avec les défauts qui vont avec. Elle ne manque ni de sincérité, ni de volonté, ni de travail. Je souhaite qu’elle vous fasse partager mon amour pour vous et pour ma loge, qu’elle vous ait fait part des doutes qui sont toujours les miens. Qu’importent les buts atteints et les étapes franchies. Seul compte, maintenant, le chemin à parcourir. Loin des désirs profanes, je veux devenir F\ M\, être ce que je suis et poursuivre mon chemin. J’espère de mes Frères l’attention de l’Amour. Parler d’amour n’est pas chose aisée pour qui s’en défie depuis si longtemps. Alors, je fais le maximum pour y parvenir mais surtout, ayons les gestes plutôt que les intentions.

Mais aussi, vous souvenez-vous, V\M\, de cette tenue d’installation à Bandol au début du mois d’octobre ? Beaucoup d’émotion et une harmonie ressentie par tous. Le V\M\ nous a dit comme vous ce soir « debout mes FF\, face à l’orient » alors que lui, assis dans sa chaise roulante eut été bien incapable de se lever. Mais nous avons tous ressenti combien debout il est, toujours, et F\ de toute de son âme.

V\M\, Mes FF\, je le sais, au moins ce soir, tous les assistants qui décorent les colonnes du midi et du septentrion, de même que ceux qui siègent à l’orient, sont apprentis F\M\, à leur place et à leur office, debout et face à l’orient.

Et l’Orient est Éternel,

VM, j’ai dit

P
\ M\

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