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Un Ciseau, un Maillet et ... un Cheval !


Etrange association me direz-vous ! Sauf si l’on est maréchal ferrant !
Et pourtant, c’est grâce à ces trois éléments que j’ai réussi à comprendre, à mettre des mots sur un ressenti et à vivre un rituel à ma manière.

Si vous me posiez aujourd’hui la question : Qui es-tu ? Quels sont tes qualités et tes défauts ? Qu’espères-tu changer de ta personnalité en entrant en Franc Maçonnerie ?
Vous n’auriez guère de réponses à ces questions à part « Je ne sais pas », car après avoir utilisé mon ciseau et mon maillet, je me présente aujourd’hui devant vous comme une pierre brute, à peine dégrossie, est ce que j’ai enlevé pendant ma taille, c’est tout ce que je croyais être !
J’ai enlevé ma carapace, celle que la vie a façonnée, petit à petit au gré de mon éducation, de ma culture, des mésaventures des peines et des douleurs, et me voici à ignorer si je suis gentille, forte ou lâche ; Tout ce que je peux dire c’est que je ne sais rien de moi et que tout est à apprendre !

Comment en suis-je arrivée là ? Et pourquoi cette découverte stupéfiante ne me déprime pas mais bien au contraire m’emplit de sérénité est d’espérance ?

Venez avec moi, je vous emmène dans un endroit magique !

La cavalière habillée d’un  pantalon  noir et de bottes, comme une robe de cérémonie, arrive devant le cheval,colosse d’au moins 500 kilos, dont la peau frissonne et qui la regarde.
Sur ces deux jambes flageolantes, elle se demande quelle force l’attire tant vers ce monstre mythologique et sacré, alors qu’elle sent une peur viscérale la tenailler au ventre à l’idée de s’en approcher.
Quel est cet appel, cette petite voix tout au fond d’elle, qui lui intime l’ordre d’aller au-delà de ce qu’elle croit être ? Est-ce ce fameux devoir de vaincre ses passions, ses peurs, soumettre sa volonté et progresser dans la voie initiatique ?

Les yeux fermés, comme par un bandeau, elle prend son ciseau et son maillet, bien décidé à répondre à l’appel, à élaguer les croyances et les peurs qui défigurent la vérité, sa vérité ! Elle taille dans tout ce que la vie à fait d’elle, elle éclate les craintes, elle frappe l’éducation et les idées reçues, elle coupe les trahisons, les mensonges et les fausses vérités, elle se met à nu, ne gardant que ce qu’elle fût le jour de sa naissance, c'est-à-dire un corps, une âme. Ce dont elle est certaine, c’est qu’il y a quelque chose au-delà, et que ce chemin primordial est le bon. Cette femme terrorisée par les chevaux ce n’est pas elle, c’est une conviction !

Elle pose donc ces outils, rouvre les yeux, le cheval né de la mer, comme Astarté, s’est approché, il étend sa tête, sent, souffle, gonfle ses naseaux, il attend un signe de reconnaissance, a-t-elle les bons mots de passe ?

De la forêt, tout près, (ou peut être dans leur tête), monte une musique d’un autre temps.

Le rituel peut commencer : La cavalière a fermé la porte de la carrière, elle vérifie que tous les autres chevaux sont bien a l’extérieur du rectangle sablé ; Le manège est à couvert ! Elle caresse sa monture, la brosse, lui parle, chaque mot étant pesé, chaque geste ayant un sens, ils vont tous deux passer de la récréation au travail.
Elle le selle, le bride et l’enfourche, calmement, concentrée, le silence est apaisant, elle va apprendre à ne plus penser, c’est une partie, et non la moindre, de l’art de penser ; Le ciseau a taillé ses résolutions, le maillet va les mettre à exécution : elle est quelqu’un d’autre et tout se passe ici et maintenant.

Il est midi, le soleil est au zénith, le couple se met en mouvement. Le cheval est très calme, il dégage une force palpable alors que la cavalière est emplie d’un calme inexplicable, ils vont essayer de trouver la légèreté et la beauté.

Se remémorer le travail de la dernière séance, comme une planche tracée, afin de travailler dans la continuité ;
Et maintenant, au loin, une cornemuse écossaise, l’entendez-vous aussi ?

Quelques tours de carrière au pas, puis au trot pour s’échauffer et tracer la piste, comme un tapis de loge, retour au calme quelques minutes, la cavalière sent brûler quelque peu les muscles de ses jambes, quant au cheval il devient actif, décidé, il a envie de donner le meilleur de lui. Sa crinière noire longue et soyeuse, sur sa robe de couleur  baie or au soleil, comme un habit de lumière, virevolte au rythme de ses pas, en cadence, au galop, 1.2.3…   1.2.3…   1.2.3… 9 coups de maillet !
Ils sont entrés dans un autre espace temps, ils ne forment plus qu’un.

La cavalière a trouvé sa position et monte son dos dans la rectitude, comme tirer par un fil a plomb, elle sent la chaleur que dégage sa monture, l’énergie circule librement dans son corps, elle suit le rythme du cheval qui ne la sent même plus tellement elle s’est faite légère.

Elle tourne à peine le regard et la masse en dessous d’elle change de direction, la danse commence, il devient ses jambes, elle est sa tête ! Ils forment une chaîne d’union : Sensation de liberté, rapport d’égalité, ils sont unis en fraternité !

Le cheval repasse au pas, en rythme, son encolure en col de cygne, l’écume aux lèvres par la décontraction des mâchoires sur son mors ; Il représente le passage entre les mondes, il est le miroir de sa partenaire.
La cavalière ne sent plus ses jambes douloureuses, elle les a collé au corps du cheval…fondues intimement en lui, chaque pensée est exécutée sans autre demande que celle donné par l’esprit, enfin Centaure !
Et les voilà tous deux traversant le rectangle sacré dans la longueur, au trot, presque à l’arrêt, les membres de l’équidé se soulevant hauts, deux par deux, une danse à deux temps égaux ; On dirait qu’ils volent, qu’ils planent devenant Pégase sur l’eau, en ascension vers le sacré !
Ils sont enfin libres, envahis d’un sentiment de paix et de sérénité car elle a lâcher prise, acceptant ce qui se joue en elle !
C’est leur quête du Graal ! L’égrégore est atteint !

Les flans du cheval ruissèlent d’étincelles, d’étoiles, et d’écumes blanches ; Ils arrivent au centre, au cœur du rectangle, piaffent sur place, le doux passage, toujours en rythme.
Alors, la cavalière recule imperceptiblement la jambe droite et dans une rectitude parfaite, ils avancent en déplacements latéraux à gauche, les jambes du cheval se croisent sous la masse pour rejoindre, en diagonal, le coin d’en face ...Ils sont fiers, ils sont beaux, légers comme le vent ...
Ils sont en phase avec le grand courant cosmique universel qui les anime, bien loin des frissonnements et des peurs du départ !

La musique diminue, puis s’efface. Il se fait tard, presque minuit,  et puisqu’il est l’heure, les deux complices, contents et satisfaits, font finir tranquillement au pas, dans la détente, gardant en eux cette lumière éternelle.

Ils s’arrêtent au milieu de la carrière, la cavalière lâche les rênes et tout doucement se laisse glisser sur le côté, retouche terre après avoir touché le ciel, et vient coller sa joue contre celle de son ami ! Ils se regardent, tendrement, elle l’embrasse et le caresse, il se colle à elle.
Victor Hugo a dit dans un poème sur le cheval : « il a le soufre dans ses naseaux et l’âme du monde dans ses yeux ! »

Alors, elle lui parle :

« Mon beau cheval, mon ami, permets moi de faire devant toi une révérence pour te remercier d’avoir partagé avec moi ta nature essentielle, Maître Cheval ou Dieu ayant pris la forme d’un équidé, tu es mon guide et après avoir utilisé mon ciseau et mon maillet… Je ne sais toujours pas qui je suis, mais ici et maintenant, je suis »

La cavalière panse et soigne son ami, puis le ramène au pré vert...
Et elle repart en paix…en quête de lumière !

J’ai dit

Laurence MAI\

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