Obédience : NC Loge : NC 23/06/2010

Planche Philosophique

Biographie

Michel Eyquem de Montaigne est né le 28 février 1533 au château de Montaigne, en Périgord. Son père, Pierre Eyquem, issu d'une lignée de négociants bordelais ayant accédé à la noblesse, a combattu en Italie, et sa mère Antoinette de Louppes issue de marrane espagnole (pour mémoire Le marranisme est un terme utilisé à partir du XVe siècle en référence aux Juifs de la péninsule Ibérique convertis de force au catholicisme, et qui continuaient à pratiquer le judaïsme en secret). Elle se convertit au protestantisme, tandis que le père de Michel, Pierre, reste catholique.

Les enfants, Michel et sa sœur choisiront librement leur religion, et de ce modèle de tolérance Montaigne apprendra très tôt l'ouverture d'esprit. Michel reçoit une éducation poussée : d'abord à Montaigne, où son père fait venir des précepteurs qui lui enseignent le latin. A six ans, il entre au collège de Guyenne, haut lieu de l'humanisme bordelais, où il apprendra le français, le grec, la rhétorique et le théâtre.

Il part ensuite étudier la philosophie à Bordeaux, et le droit, à Toulouse. En 1554, Montaigne devient conseiller à la cour des Aides à Périgueux, puis en 1557, au parlement de Bordeaux.

Il y rencontre l'ami pour toujours, Etienne de La Boétie, en 1558, de trois ans son aîné, qui lui enseigne les principes fondamentaux du stoïcisme, ne pas craindre la mort et rester ferme devant elle. Leur relation est fondée sur une complémentarité exemplaire. La Boétie est selon Montaigne, sa moitié, celui qui le comprend, qui anticipe ses propos, celui avec lequel il peut se confier, lui, qui est surtout un solitaire, celui avec lequel il peut apprendre et échanger... Dans le chapitre, peut-être le plus beau, intitulé « De l'amitié » (livre I, chapitre 28). Il écrit sa célèbre formule, en hommage à celui qu'il considèrera pour toujours, comme son alter ego : « Parce que c'était lui, parce que c'était moi » et la mort de cet ami, à 33 ans,en août 1563, le marque à tout jamais.

Hélas pour Montaigne, en mars 1562 commencent les guerres de religion. Avec ses pairs, il jure fidélité à la religion catholique, au Parlement de Paris, donc au roi, Il accompagne le jeune Charles IX à Rouen ou leurs seront présentés 3 indiens d'Amérique, qui ont été ramenés par des colonisateurs. Cet épisode sera relaté dans le chapitre « Des cannibales » (Livre I, chapitre 31), et donnera lieu à une réflexion sur les mœurs françaises concernant la politique.

Entre deux missions du Parlement, Montaigne épouse en 1565, Françoise de la Chassaigne, fille d'un conseiller du Parlement. Ils auront 6 filles, dont une seule - Léonor de Montaigne - survivra. En 1568, c'est au tour de son père de mourir. Montaigne hérite des terres familiales.

Le 28 février 1571, Montaigne choisit de se retirer de la vie publique et de se consacrer à l'étude et à la réflexion. Il s'installe dans une tour de son château, y fait aménager au dernier étage, sa « librairie », sa bibliothèque, qui contient pas moins de mille volumes.

Malgré son désir de solitude, Montaigne est rattrapé par la vie publique. En 1571, il devient chevalier de Saint Michel. En août 1572, a lieu le massacre de la Saint Barthélémy à Paris, les guerres de religion sont à leur paroxysme.

En 1577, la cinquième guerre de religion éclate. Il sera d’une fidélité sans faille à la famille royale.

En 1578 se déclare la maladie héritée de son père : la gravelle, ou maladie de la pierre, qui le fait souffrir horriblement. Il décide de partir en voyage afin de profiter des eaux réputées curatives de divers pays d’Europe. Il séjourne à Venise, Ferrare, Bologne, Florence, Baden et Plombières.

Nous sommes loin de l'image de l'homme reclus dans sa tour. Montaigne illustre ainsi l'esprit de son œuvre, en perpétuel mouvement.

Lors de son périple, Montaigne écrit un Journal en français et en italien, qui sera retrouvé par hasard au 2 siècles plus tard. Il y raconte notamment son séjour à Rome ou Il assistera à un supplice (un homme est pendu puis découpé) ce qui lui fera écrire : « Tout ce qui est au-delà de la mort simple me semble pure cruauté ».

C'est pendant ce voyage qu'il est élu maire de Bordeaux, en août 1581.

En 1580 paraît la première édition des Essais. Montaigne regagne son château. Il joue alors un rôle de diplomate dans les guerres de religion en étant l'intermédiaire entre le roi Henri III et Henri de Navarre, chef du parti protestant. En 1585, la peste éclate à Bordeaux et force Montaigne à fuir ses terres. Pendant cette période il continuera sans cesse à réviser et augmenter les Essais.

En janvier 1588 est publiée la cinquième édition composée à présent de 3 livres (le Livre III contient 13 chapitres, de loin les plus connus).

Les événements s'enchaînent à Paris quand, en mai 1588, Montaigne assiste à l'éviction d'Henri III de la capitale, il y rencontre une jeune fille, qui est, grande admiratrice de son œuvre. Il s'agit de Marie de Gournay, qui deviendra sa fille par alliance.

Entre 1589 et 1592, la situation politique de la France bascule : Les Guise (Ligueurs) sont assassinés et Henri de Navarre se converti au catholicisme pour devenir roi de France. Le 13 septembre 1592, Montaigne s'éteint dans son château. Melle de Gournay se charge de rassembler l'ensemble des feuillets des Essais, et prépare une édition posthume. Scrupuleusement elle éditera des quantités d'ajouts, ratures, et autres remaniements. Elle paraît en 1595.Un autre exemplaire, appelé celui de Bordeaux, porte les ultimes annotations de Montaigne.

Son oeuvre

En 1569, il publie la traduction française de la Théologie naturelle du philosophe et théologien espagnol-catalan Raymond Sebon, qu'il dédie à son père.

C'est par des preuves tirées de la raison naturelle que Sebonde,fait la distinction entre le livre de la nature et le livre révélé. Montaigne le défendit, comme on le verra dans « l’Apologie de Raymond Sebonde » (chap 12 livre 2 ), contre ceux qui blâmaient les hardiesses de l'auteur.

Entre 1571 et 1572 commence la rédaction des Essais., premier ouvrage de ce genre. on trouve dans cette œuvre d'apparence disparate, de nombreuses considérations sur la politique, l'histoire, la religion ; tout, pour Montaigne, est matière à réflexion.

Les Essais sont le résumé des lectures de Montaigne et le tableau de ses idées. Ce ne sont pas des mémoires ; Montaigne nous donne, au lieu de l’histoire de sa vie, celle de ses opinions. Les Essais sont un recueil d’articles où l’auteur parle de tout sans méthode, des épisodes de l’histoire ancienne, de l’ambition, de la peur, de l’amitié, des événements contemporains, de la découverte de l’Amérique, de l’intelligence des animaux, des accidents qui lui son arrivés, de ses goûts particuliers.

Il s'y prend lui-même comme objet d'étude, son projet est de lever les masques, de dépasser les artifices pour se découvrir lui-même : « Je veux qu'on m'y voie en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans contention et artifice : car c'est moi que je peins ». Dans l'avant-propos, il se hâte de déclarer, qu'à vrai dire, il n'écrit que sur lui-même (« je suis moy-mesme la matière de mon livre »).

Dans un premier temps il s'agit principalement de réflexions tirées de ses lectures de Sénèque, Plutarque, Platon, Virgile, entre autres. Puis ses idées personnelles vont s'imposer et les citations serviront d'exemples ou de tremplin à sa réflexion.

En cela, Montaigne est bien un humaniste, il revisite les textes des Anciens, se les approprie pour mieux en extraire ses propres jugements.

Les essais retracent l’évolution de sa pensée : Montaigne se prétend d’abord stoicien puis le scepticisme le gagne mais en même temps il sera grandement influencé par l’humanisme en se persuadant de l’excellence de la nature et toute la sagesse de Montaigne tient dans ce grand principe : la soumission à la nature et la grande utilite de la connaissance de soi même.

La première édition date de 1580, elle contient le livre I de 57 chapitres, et le livre II de 37 chapitres.

Dans le Livre 1 chap 12 Il montre son aversion pour la violence et pour les conflits fratricides entre catholiques et protestants qui avaient commencé à se massacrer conjointement à l'apparition de la Renaissance, décevant l'espoir que les humanistes avaient fondé sur elle. Pour Montaigne, il faut éviter la réduction de la complexité à l'opposition binaire, à l'obligation de choisir son camp, privilégier le retrait sceptique comme réponse au fanatisme.

Dans « de l’amitié » (LIVRE 1 CHAP 28) Montaigne décrit son amitié parfaite avec La Boétie. Une amitié rare, car réciproque au point que les deux âmes se confondent. Montaigne fait donc l’éloge d’une amitié exceptionnelle, à l’inverse de Molière qui après lui fera une critique de l’hypocrisie dans l’amitié.

Dans « des cannibales » (livre 1 CHAP 31) est une comparaison entre le monde européen et le nouveau monde c’est à dire les indiens. Se pose dans ce chapitre la question « qui est le barbare ? »

Ses idées

Montaigne est l'homme d'un seul livre mais quel livre ! Il n'est pas un philosophe mineur mais inaugure la philosophie française, celle qui dit je, celle qui part du sujet. On retrouvera cette manière chez Pascal, Descartes, Alain.

Montaigne étale avec impétuosité ce qu'est penser en prise directe sur le réel et sur l'humain Montaigne est un héritier de l'humanisme, ce mouvement d'idées qui culmina en Europe au XVIème siècle. L'humanisme arrive en France par les terres papales d'Avignon. En effet, Pétrarque et Boccace y vivent. Il existe bien déjà un humanisme français depuis Charlemagne et également présent à l'école de Chartres au XIIème siècle, et qui place au-dessus de toutes les valeurs la personne humaine et la dignité de l'individu. L'humanisme en tant que mouvement visant à renouer avec certaines valeurs de l'Antiquité fait partie intégrante de la Renaissance.

L’humanisme st une vision du monde où tout gravite autour de l’homme comme tout gravitait autour de Dieu dans la vision antérieure en Occident. Ainsi défini, l’humanisme est le produit d’une révolution copernicienne inversée : l’homme, auparavant satellite de Dieu, devient l’astre central.

Dans le troisième livre des Essais, il va, à ce point de vue, plus loin que dans les deux premiers, en s'autorisant de la liberté plus grande que confère l'âge. Cette façon de s'occuper du moi, où l'on suit le cours de ses propres pensées et où l'on se berce dans ses propres états d'âme, est un trait moderne ; il prouve qu’il s'est affranchi des hypothèses traditionnelles et qu'il peut, sans se soucier d'aucune autorité, s'abandonner aux courants de sa propre nature et se laisser guider par eux.

Comme beaucoup d'hommes de son temps (Érasme, Thomas More, Guillaume Budé...), Montaigne constatait un relativisme culturel, reconnaissant que les lois, les morales et les religions des différentes cultures, quoique souvent fort diverses et éloignées, ont toutes quelque fondement. « De ne changer aisément une loi reçue » (LIVRE 1 chap 22), constitue l'un des chapitres les plus incisifs des Essais.

Les humanistes avaient cru retrouver dans le Nouveau Monde le Jardin d'Éden, alors que Montaigne déplore que la conquête de l'Amérique apporte des souffrances à ceux qu'on tente de réduire en esclavage. Il était plus horrifié par la torture que ses semblables infligeaient à des êtres vivants que par le cannibalisme de ces Indiens qu'on appelait sauvages, et il les admirait pour le privilège qu'ils donnaient à leur chef de « marcher le premier à la guerre ».

Il montre son aversion pour la violence et pour les conflits fratricides entre catholiques et protestants qui avaient commencé à se massacrer à l’époque du début de la Renaissance, décevant l'espoir que les humanistes avaient fondé sur elle.

Montaigne est aussi considéré comme une figure du scepticisme. (Le scepticisme est une école de l'antiquité fondée par Pyrrhon d'Elis.) I a lu Sénèque et Plutarque, Lucrèce et la plupart des auteurs anciens.

Le mot vient du grec skeptikos, « qui observe » - sans se prononcer. (Le sceptique ne dit jamais que quelque chose « est » ou « n'est pas »). La raison semble impuissante à connaître et ceci malgré l'orgueil humain.

Certes, le scepticisme remonte à l'Antiquité et les sciences humaines n'apparaissent qu'au xixe siècle. Mais si le scepticisme antique reconnaissait notre incapacité à connaître les choses telles qu'elles sont et s'abstenait en conséquence de tout jugement, c'était uniquement parce que, selon ses propres exigences, la raison ne pouvait choisir entre différentes représentations.

Premier grand sceptique de la pensée moderne, Montaigne refusera le dogmatisme tant en religion, en philosophie qu'en science. Il témoigne en cela de la crise profonde de la pensée occidentale qui aboutira un siècle plus tard à la révolution cartésienne.

Montaigne doute et ne prétend jamais proposer de vérité assurée mais seulement un témoignage subjectif. Le scepticisme développé par des auteurs comme Montaigne, Bayle et Hume est ce qui, entre autres choses, a rendu possible, la naissance des sciences humaines.

Montaigne rejette l'idée d'une science universelle indubitable : « Que sais-je? » se demande-t-il. La raison humaine n'est pas à la hauteur de ses prétentions. Elle est incapable de produire une vérité. S'il croit en Dieu, il se refuse à toute spéculation sur sa nature et, parce que le moi se manifeste dans ses contradictions et ses variations, il pense qu'il doit être dépouillé des croyances et des préjugés qui l'entravent.

C'est aussi au nom du scepticisme que Montaigne défend la tolérance et dénonce l'absurdité des guerres de religions.

Ainsi il apparaît que selon Montaigne, La liberté de penser ne se pose pas en modèle, elle offre seulement aux hommes la possibilité de faire émerger en lui cette liberté, le pouvoir de penser et de s'assumer jusqu'à la liberté ultime : Très bien développé dans « Que philosopher c'est apprendre à mourir. (Livre I, chap 20) »

Conclusion

Croyant connaître Montaigne, l’ayant même inscrit dans une case : sceptique et humaniste à la fois, je suis arrivé a cette conclusion, mes a-priori et souvenirs m’avaient cachés la véritable nature du philosophe qu’est Montaigne, mais qui s’est imposée à moi.

Sa modernité

Montaigne, ne s'est à aucun moment démodé pendant les quatre siècles qui nous séparent de sa mort. Il a été constamment lu, puisqu'il possède une « originalité authentique ». Il est le premier grand champion moderne de la tolérance. Il condamne la violence, aussi bien dans les guerres de Religion françaises, où il donne tort aux deux camps, que dans la conquête du Nouveau Monde ; Il est aussi le précurseur de notre conception de l'Etat de droit : « Montaigne est dans l'Histoire, le premier écrivain qui se libère de toute idée préconçue pour simplement raconter l'homme, le regarder être ». « Je ne peins pas l'être je peins le passage ». Je n'enseigne point, je raconte. « Montaigne s'est découvert en écrivant les Essais, et son livre l'a fait en même temps qu'il faisait son livre », dira Maurice Rat.

Les Essais en nous renseignant sur nous-mêmes et sur la nature humaine, sont un des livres fondamentaux de la pensée française et occidentale. On y retrouve les grands principes : justice, liberté, respect de l'homme, droit au bonheur… Montaigne nous apprend tout simplement à aimer pleinement la vie.

J’ai dit.

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