Obédience : NC Site : Lurker R.A.M.  04/02/2008


Notes sur l'Alphabet maçonnique

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Cher visiteur, après avoir emprunté les lignes  de mes compagnons  de  l'Association des Amis Provençaux de Renaissance Traditionnelle ( APRT ), chez qui j'ai publié il y a peu un article portant sur les signatures maçonniques lequel nécessite encore quelques recherches en cours, je vous propose ici celui de Caroline P. dans lequel notre soeur aborde la question des Alphabet Maçonniques en s'appuyant sur l'article d'Edmond Mazet, publié par Renaissance Traditionnelle n°25, Tome VII, de janvier 1976.
Bien entendu, il n'est pas question ici de reproduire l'article  original, mais simplement la conférence  donnée à l'APRT. Ceux d'entre vous qui souhaiteraient y avoir accès pourront suivre le lien vers le site de la revue et les contacter directement, ou passer par l'APRT.
Bien évidément  la publication ici de ce travail, s'effectue avec l'entier accord des intéressés, le site de l'APRT propose d'ailleurs un lien vers cette page, la raison de ce partage est dûe, avnt tout à la difficluté de placer les figures et illustrations qui vont avec le texte car le serveur du blog APRT n'accepte qu'une seule image par article et vous pourrez constater que ce n'est pas le cas ici... ce qui semble logique eu égard au sujet. Le côté amusant de la chose est que j'avais confié "les signatures" à l'APRT sachant que C.P. donnerait ce texte et qu'il me semblait intéressant d'avoir deux approches d'étude graphiques à la suite... la technique en a décidé autrement et chacun se retrouve sur le blog de l'autre...

Néanmoins, les commentaires et autres interventions seront envoyés à l'auteur...


Digressions sur l'alphabet maçonnique à partir de l'article d'
Edmond Mazet - "Notes sur l'Alphabet maçonnique"
Renaissance Traditionnelle

n° 25, Tome VII, janvier 1976

L'article d’Edmon Mazet est articulé en 5 points :

1. le premier point présente les principes et l'origine de l'alphabet maçonnique à partir du « catéchisme des francs-maçons » attribué à Louis Travenol , écrit en 1744 (1ère édition de cet ouvrage).

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- Une parenthèse amusante sur ce petit ouvrage in-12 dont le titre exact est : « Catéchisme des francs-maçons, dédié au beau sexe. » édité à « Jérusalem, et Limoge », P. Mortier, 5440, depuis le déluge ( 1740 ). Publié sous le pseudonyme de Léonard Gabanon l’ouvrage a connu quelques succès et a été ré-édité une première fois sous le titre « La désolation des entrepreneurs modernes du Temple de Jérusalem, ou le nouveau Catéchisme des francs-maçons, dédié au beau sexe », en 1744 ( c’est peut être de cette édition dont il est question ici ). Une troisième édition plus tardive, en 1748, portait, cette fois, le titre de « Nouveau Catéchisme des francs-maçons, dédié au beau sexe ». On remarquera surtout l’intérêt de l’auteur sur le « beau sexe ». Néanmoins, on peut se demander jusqu’où va la crédibilité à accorder à cette divulgation provenant d’un auteur plus connu pour ses ouvrages sur la musique et l’Opéra et dont la réaction la plus connue fut celle intitulée « Lettre critique de M. le Chevalier *** à l’auteur du Catéchisme des francs-maçons, avec un brevet de calotte accordé en faveur de tous les zélés membre de leur société » publié à Tyr par Marcel Louveteau, rue de l’Echelle, à l’Etoile Flamboyante avec privilège du Roi Hiram. Les noms, les trois points du Chevalier et les lieux ne manqueront pas d’interpeller. Cela ne vient néanmoins pas en contradiction avec la mention faite dans l’ouvrage sur l’alphabet maçonnique.

Ce « catéchisme », est cité par Edmond Mazet comme étant la plus ancienne mention connue de ce type d’alphabet en maçonnerie ce qui cependant n'apparaît pas comme certain. En effet, d’autres sources précisent que la plus ancienne divulgation est celle du « Sceau Rompu » publié en 1745, de même on remarquera que les Statuts « Schaw », depuis le XVIème siècle, portaient déjà mention de chiffres et de marques. Edmond Mazet souligne néanmoins que l’édition du « catéchisme » de 1744 ne contient aucune mention d’alphabet maçonnique alors que l’édition postérieure du même ouvrage, publié en 1783, postérieure au « sceau rompu » y fait référence. Seule une consultation des manuscrits en cause permettrait de départager les différentes positions.

2. Le deuxième point présente différentes formes d'alphabets maçonniques qualifiées de « variantes » avec notamment l'apparition de la Croix de Saint André pour le cryptage de certaines lettres.

3. Les troisième, quatrième et cinquième parties sont quant à elles axées sur les cas plus particulier de l'utilisation des alphabets maçonniques dans les grades de maîtres ( par la présentation du cartouche se trouvant sur le tableau de loge de ce grade ) et de Maître Maçon de Marque ( en illustrant son propos avec un jeton de présence où les lettres maçonniques sont qualifiées de « chiffres » reprenant ainsi l’ancienne appellation de l’alphabet maçonnique ainsi que celle utilisée dans l’ « Arche Royale » Américain.

Au 3ème degré, le cartouche qui se trouve intégré au tableau de loge présente la particularité d’inverser les lettres et les chiffres, comme le montre l’illustration suivante. En fait, il ne s’agit pas de l’inversion du cartouche mais bien de l’inversion, en miroir, de la clef de codage initiale des lettres comme le montre ce tableau

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Cypher Inscriptions on Harris-type Third Degree Boards. [p.202, AQC vol. lxxv, 1962]. Cf.: Edward Somerset,
Cité dans « Some thoughts on the history of The Tracing Boards”, Presented at the Vancouver Grand Masonic Day, October 16, 1999 by Bro. Mark S. Dwor, Centennial-King George Lodge No. 171. Site internet de la “Grand Lodge of British Columbia and Yukon”)


En ce qui concerne l’usage de l’alphabet maçonnique par les Maîtres Maçons de Marque, l’illustration qui en est donnée dans l’article ne s’appuie pas sur le Tableau de Loge dans lequel ne figure pas d’inscription chiffrée mais la clef du chiffre, au dessus de la porte, de chaque coté de la pierre de faîte.

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L’illustration de cet alphabet, reprise par Edmond Mazet repose sur l’inscription portée sur les jetons de Marque tel que ceux reproduits ici pour l’exemple :

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Les jetons de Marque étant dépendant de la Loge et de la Province qui les utilise, il est assez difficile d’en trouver de semblables et c’est la raison pour laquelle il est aussi assez compliqué d’entrer ici dans une analyse des choix scripturaux porté sur ces jetons. Néanmoins, on peut dire que les inscriptions portées sur quelques pièces, au delà des initiales habituelles et systématiques, HTWSSTKS, sont chiffrées et se rapportent  à :

- JOPPA
- Keb Raioth
et, le plus souvent : MARK WELL qui signifie « Marque Bien »

En conclusion, l'auteur présente ses opinions plus personnelles sur l’origine et l'existence des différents systèmes d'alphabets maçonniques.

Plutôt que de reprendre les différents points de l'article, je vous propose quelques éléments sur les alphabets maçonniques.

La forme première, la plus ancienne mentionnée, d'alphabet maçonnique repose sur l'utilisation d'un carré de 9 cases tel que celui utilisé pour réaliser des carrés magiques à la différence que celui-ci ne présente aucun encadrement extérieur.     

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Le carré magique consiste une égale quantité de colonnes et de lignes que l’on appelle « ordre » et contenant des nombres répartis dans les différentes cases de manière à ce que la somme des chiffres de chaque ligne soit égale à la somme des chiffres de chaque colonne et de chaque diagonale. Ainsi, le carré de 3x3 conduit au chiffre 15.

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Le principe soutenant le carré magique a pu aussi être utilisée avec des lettres latines, voir par exemple le carré SATOR (Sator, Arepo, Tenet, Opera, Rotas ...)

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ou bien avec des lettres hébraïques de 1 à 9 grâce à leur double signification de lettres et de chiffres.

Ces carrés magiques ont été utilisés par les érudits chinois et arabes, puis, au Moyen âge, et pendant la Renaissance par les cabalistes juifs et les hermétistes chrétiens.

La référence à des décompositions géométriques de figures en vue de constituer des grilles de codages de lettres, ancêtres de la cryptographie, apparaît assez ancienne. Certains restent d’usage comme celui dit des « Templiers » ou, selon Maurice Guingamp , « Alchimique ». Il est formé à partir du dessin d’une croix de Malte inscrite dans un octogone. Son usage permet à la fois de coder l’alphabet, mais il offre aussi une transcription possible des lettres en chiffres. C’est sur la base de cette construction élémentaire que sont construites certaines marques de bâtisseurs et certains sceaux aux alentours du 13ème siècle.

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Cette première étude nous amène à deux conclusions ; d’une part, il apparaît que l’usage des alphabets maçonnique puisse être étudié comme une sorte de référence aux bâtisseurs, comme celle des « anciens devoirs ». Dans ce cas, utiliser des formes graphiques proches des marques relèverait d’une possible revendication d’origine « opérative ». La systématisation de ce type d’alphabets et de marques dans les grades d’ « Homme de Marque » et de « Maître Maçon de Marque » ne contre dit pas cette option. D’autre part, il semble que la construction d'un code de lettres grâce à un carré de 3x3 ne soit pas propre à la maçonnerie mais s'inscrive dans une démarche plus globale d'élaboration des modes de cryptages et des communications. Ainsi, Cornélius Agrippa dans son ouvrage intitulé « La philosophie Occulte » de 1530 présente deux systèmes de cryptage :

 l'agrégation de lettres d'un mot entre elles de manière à former un symbole

 le système de tableau à 9 cases, ce qui constituerait la plus ancienne mention de ce système .

Ce fut cependant Giovanni Baptista della Porta de Naples qui donna ses lettres de noblesse à la codification des lettres avec une répartition particulière de lettres dans des cases à la même époque qu’Agrippa. Son système est une forme de cryptage qui sera couramment utilisée dans les relations diplomatiques à partir de cette époque.

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Au sein de chaque groupe, chaque première lettre reprend la forme du fragment de tableau décomposé puis les secondes sont signalées par un point ajouté dans les angles et les trois autres par deux points. La répartition entre les lettres pouvait varier selon le système de codage initial.


Maintenant que nous avons replacé un cadre global, revenons à notre alphabet maçonnique et en particulier à celles mises en avant dans l'article de Renaissance Traditionnelle.

Les alphabets maçonniques y sont décrits comme des systèmes permettant de communiquer sans mots, en utilisant des outils maçonniques, par exemple avec une équerre, deux règles de 24 pouces et un maillet pour les points  ou avec deux équerres et un maillet . C’est ainsi que le figure la version de l’alphabet contenue dans le « Sceau rompu » de 1745 :

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Grâce au système de ponctuation, simple et double, les 22 lettres sont réparties et 4 sont absentes  j, k, v, w. Ceci indique que ce type d'alphabet s’adaptait au latin et, par voie de conséquences, au français écrit du 17ème et 18ème siècle avec les équivalences « u » pour « v » et « i » pour « j ».

La répartition des lettres peut apparaître arbitraire, mais une analyse approfondie montre que ce n'est pas le cas. Ainsi, en reliant les lettres entre elles, différentes figurent géométriques apparaissent.

Soit les lettres sont reliées dans l'ordre alphabétique ( abc, def, ghi, lmn, opq, ....), alors apparaissent des triangles isocèles, rectangle, rectangle et isocèle , une ligne droite, un point au centre de la grille ( source : article du « cahier d’histoire maçonnique », n°41 )

Soit les lettres sont reliées, toujours dans l'ordre alphabétique, mais en utilisant la ponctuation, ce qui donne ( abe, fcd, gil ...). Cela conduit à faire apparaitre d'autres figurent géométriques : triangles rectangles, carré, mais pas de points ou de lignes. 3088-1-C

Ainsi, on peut constater que le système à double ponctuation présenté dans le sceau rompu privilégie les triangles rectangles et plus particulièrement isocèles.

L'autre modèle de cryptage est celui qui utilise la croix de Saint André.  

L'apparition de cette structure en « croix de Saint-André » dans les alphabets maçonniques apparaît dans l' « anti-maçon » de 1748. Le Rev. N.B. Cryer, dans son ouvrage « L’Arche et l’Arc-en-ciel », cite, à ce sujet, la mention inscrite par Laurence Dermott ( 1720-1791 ), qui fut secrétaire de la Grande Loge des « Ancients », dans un registre du Grand Chapitre de la Sainte Arche Royale, d'un alphabet maçonnique reproduisant non seulement la grille mais aussi la Croix de Saint André.

Les modes de répartition des lettres peuvent être variables, comme l'illustrent les deux alphabets publiés respectivement dans l' « anti-maçon » de 1748 et le « maçon démasqué » de 1751:

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Au 19ème siècle, le Dr Oliver ( cité, lui aussi par N.B. Cryer et présenté sur le site de la « Grand Lodge of British Columbia et and Yukon » ) a identifié 6 formes d'alphabets utilisant à la fois la grille et la croix :

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