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La Colonne Brisée

J’ai désiré vous parler aujourd’hui d’un sujet dont on n’entend que peu parler dans nos travaux, tellement peu que dans le rituel du premier grade, il n’y est fait allusion que deux fois : lors de l’initiation et dans le catéchisme. Et pourtant ce symbole, vous l’avez tous sous les yeux à chaque tenue : tellement sous les yeux que vous ne le voyez même plus. Il s’agit de la colonne brisée, symbole de l’apprenti au Rite Ecossais Rectifié : ADHUC STAT.

Mon propos ne sera pas d’asséner des vérités péremptoires dont la seule vertu est d’ennuyer tout le monde par leur inutilité. Bien au contraire, je vous livre le fruit de certains rapprochements que j’ai pu faire, à tort ou à raison, selon mon ressenti, mon vécu maçonnique et profane, enfin mon évolution dans la spiritualité au fil de mes réflexions et de mes lectures. Alors bien sûr, je vais paraître étonné de certaines choses que j’ai mis longtemps à découvrir et qui vous ont sauté au visage, et peut être aussi me fourvoierai je dans quelque rapprochement hasardeux, tiré de la belle et o combien éphémère flamme de la pipe à lycopodes du second surveillant catarrhal que je fus.

Ainsi donc nous voici dans le monde du symbole. Pour commencer, j’ai souhaité parler de la colonne brisée, bien plus que d’ADHUC STAT, car la colonne brisée est un symbole qui peut être appréhendé par quiconque aura reçu une initiation, même ne sachant ni lire ni écrire ; car « ADHUC STAT » en soi n’est rien d’autre qu’une devise latine ; soit un signifiant, donc du langage évolué ; le symbole n’en est pas. ADHUC STAT écrit par terre et isolé ne signifie plus rien, alors qu’une colonne brisée laisse vagabonder la pensée, fut elle simplement dessinée au sol.

Si vous le voulez bien, « débarrassons » nous donc de la traduction latine : « Il ou elle tient encore debout ». La racine ST de STAT se retrouve dans Stabilité Stationnaire Statue et j’en passe, dans to stay (rester), to stand (être debout), stehen (en allemand) Stat en russe. On fera référence à ce passage à plusieurs reprises, le rituel ou le catéchisme n’en donnant jamais la traduction littérale et l’instruction morale l’ignorant.

La colonne brisée nous est livrée comme le symbole de l’apprenti au Rite Ecossais Rectifié par le rituel : « le tableau d’apprenti est une colonne brisée et tronquée avec cette inscription ADHUC STAT ». Dans le catéchisme on lit : « quel est le symbole du grade d’apprenti ? » vous connaissez tous la réponse ! « Que signifie cet emblème et sa devise ? » la réponse est : « que l’homme est dégradé, mais qu’il lui reste des moyens suffisants pour revenir dans son état originel et que le maçon doit apprendre à les employer ».

N’oublions pas que nous sommes au Rite Ecossais Rectifié et qu’à ce rite, tout est donné au premier grade. La première chose qui saute aux yeux est déjà la notion de verticalité de la partie inférieure et d’horizontalité de la partie supérieure de la colonne. Pour la partie verticale, elle fait appel au fil à plomb du deuxième surveillant, aux épées des frères de l’orient par rapport à celles des frères sur les colonnes, ce qui est en haut étant comme ce qui est en bas. Cela fait aussi appel à la recherche de la lumière qui est en haut, et que l’on devrait retrouver au fond de nous mêmes, ce qui est en bas. Notons au passage que toute flamme naturelle, lorsqu’elle n’est pas soumise à un vent est toujours verticale. Quand je dis naturelle, j’exclue les gaz de briquet et divers lance flammes : signifiant ainsi la lumière des bougies, d’une allumette, d’un feu, d’une pipe à lycopodes, bien que là, la flamme soit poussée par le souffle du deuxième surveillant, sortant donc du cadre que je définis comme naturel. Cette lumière là n’est pas reçue par le récipiendaire mais « insufflée » imposée, et donnée.

La partie chue au sol est la partie haute qui se retrouve donc en bas, la logique est retrouvée : « qui s’élève sera abaissé ». Et à ce moment là apparaît la notion de destruction, de décapitation qui incite à la reconstruction partant de la base et du point de départ sur un piétement solide. N ‘est ce pas dans le livre saint sur lequel nous prêtons notre engagement, qu’il est écrit dans l’ancienne loi que le Roi SALOMON, fils de DAVID avait fait venir des ouvriers, un architecte, des bois de cèdres du LIBAN, car imputrescibles, des tailleurs de Pierres etc., afin de bâtir un temple ? Lequel temple d’ailleurs fut détruit par NABUCHODONOSOR, puis reconstruit par ZOROBABEL ET ESDRAS ; cette colonne brisée pourrait alors symboliser le passage destruction - reconstruction ainsi décrit dans la bible.

N’est ce pas ce qui se passe dans la chambre de préparation lorsque « nous nous soumettons à la mort alors que la vie était souillée et la mort a réparé la vie ? ». Je crois aussi que le livre saint parle de quelqu’un qui a accepté de mourir pour sauver le monde et dont la mort a réparé la vie : quelle forte allégorie !

Cette notion de destruction reconstruction : A La Gloire Du Grand Architecte De L’Univers se retrouve partout depuis la chambre de préparation ; lorsque vous acceptez de poser sur votre cœur la pointe de l’épée du 2nd S, lorsque vous consentez que votre sang soit répandu et qu’après le Vénérable Maître dit : « N’oubliez jamais l’importance de l’emblème que vous venez de nous retracer » ; encore lorsqu’au cours de votre évolution et au deuxième grade on vous laisse apprécier par vous même ce que vous avez fait de vous même, n’y a t’il pas lieu de détruire pour reconstruire ?

Et puis, cette destruction pour mieux reconstruire ne peut elle pas être rapprochée d’une mort pour mieux renaître voire ressusciter et ainsi nous laisser entrevoir des choses meilleures ? Cette colonne brisée se retrouve dans le monde profane sur certaines tombes. Il ne s’agit pas forcément de maçons, cela peut être des enfants pris trop tôt, selon notre jugement altéré bien sûr, par la mort. Ce symbole serait emprunté par le Rite Ecossais Rectifié à la Stricte Observance Templière, fondée par le baron HUND en 1740. (Ce qui est largement postérieur à la maçonnerie). Pour la Stricte Observance Templière, cette colonne rappellerait l’Ordre des Templiers détruit par Philippe le Bel au début du XIVème siècle et dont le Grand Maître Jacques de MOLAY fut brûlé vif. Bien sûr le convent des Gaules de 1778 avait renoncé à la filiation templière pour la maçonnerie rectifiée, d’autant plus que cette dernière existait bien avant.

En allant chercher encore plus loin on va trouver : « Dieu a créé l’homme à son image, mais comment peut on la reconnaître s’il la défigure lui même ? cela nous mène en particulier à la dégradation de l’homme dont on sait qu’il est vicieux et corrompu, et que c’est par sa faute que l’homme a perdu la lumière et se trouve donc dégradé ».

Depuis quand ? La lecture des écritures nous laisse remonter  jusqu’à Adam qui fut formé selon des proportions parfaites à l’image de Dieu, et qui par le péché d’orgueil, bien aidé par Eve, le Serpent et la pomme  vit son esprit tomber dans la matière : je cite : « ce qui corrige les orgueilleux, c’est la chute ». L’orgueil étant l’hypertrophie paroxystique  et cancéreuse du moi. Oui l’orgueil est le cancer du moi qui se développe de façon tellement anarchique que la chirurgie (entendez la coupure qu’est la mort) n’arrive pas toujours à le guérir. Le cancer du moi, c’est le rejet de tout ce qui n’est pas soi, y compris l’être éternel et infini qui est la bonté la justice et la vérité même, et qui par sa parole toute puissante et invincible a donné l’être à tout ce qui existe. Et c’est ainsi qu’au fur et à mesure que la matière tend vers son état coagulé, l’esprit s’y trouve enfermé, l’image de Dieu défigurée et méconnaissable. La chute d’Adam allait être suivie d’une nouvelle humanité, condamnée aussitôt par le meurtre d’ABEL de la race des élus, par CAIN de la race des réprouvés, lequel CAIN se cacha du regard du Divin, de l’œil qui voit tout, comme ADAM et EVE, le chiffre deux était confirmé : Le bien, et ce bien relatif que l’on appelle le mal. La dualité prenait sa forme actuelle, les enfants de CAIN étaient condamnés à la putréfaction : « l’homme est vicieux et corrompu » ; et ceux d’ABEL n’avaient pas pu exister.

Donc seuls les justes d’entre les justes, les élus, les justes et parfaits pourraient suivre SETH, le troisième fils d’ADAM et sauveur de l’humanité, via une transmutation spirituelle, vers le retour à la materia prima. Seth est la voie divine, la vérité, la vie. Les religions lui ont toutes donné un nom ; les chrétiens l’ont appelé Christ. Mais Seth n’est pas à l’image de Dieu, ADAM le fut. Seth est fait selon la ressemblance et non pas l’image, car fait sur le modèle de l’ADAM corporel de matière. Ce qui sépare Seth et Dieu, c’est la chair, le sang et la matière d’ADAM. Mais par la grâce et la divinité, Seth possède en lui l’incréé – créateur, ce qui lui permettra de quitter la matière, soit le retour à l’unité.

Seth eut un fils HENOCH, la vocalisation du divin apparut alors, et le nom fut. Sa prononciation fut révélée aux initiés, comme étant le chemin vers la réintégration. Le fait de prononcer le nom appelle la Paix, par le verbe : « Au commencement était le verbe ». (Premier chapitre de Jean). Le retour vers le commencement ou la réintégration, l’abandon de la matière en suivant le fils de l’homme.

Si l’on suit le fils de l’homme, le seul chemin vers la réintégration, ADHUC STAT n’est plus. L’homme n’a plus à reconnaître l’image il est redevenu le reflet reconnaissable du divin. Le catéchisme nous laisse donc bien présumer des choses meilleures : « L’homme est vicieux et corrompu mais il lui reste des moyens suffisants pour revenir à son état originel ». Ce sont là autant d’armes dont on nous dote, comprenez « armement » au sens chevaleresque du terme : je cite : « vous voyez là les épées des frères tirées pour votre défense et celle de la religion » afin de nous rapprocher de cette sainte religion chrétienne dont il est interdit de parler en maçonnerie mais que nous devons défendre en tant que maçons rectifiés comme le précise notre rituel des le premier grade lors de l’initiation.

Alors mes frères, travaillons les vertus, abandonnons le vice et les métaux (pensez donc à TUBAL CAIN) et quand le temple aura été réédifié, qu’ADHUC STAT  ne sera plus, les ouvriers auront besoin de repos, il sera bien tard dans le jour et qui se sera abaissé aura été élevé.

J’ai souhaité faire et présenter ce travail, mes bien aimés frères, alors que mon corps a été blessé, ma tête est tombée par terre, mes enfants sont loin de moi, mais je tiens toujours debout, et comme il est écrit dans la chambre de préparation : dans cette retraite j’ai appris à apprécier le travail qu’il me reste à faire pour qu’ADHUC STAT ne soit plus.

J’ai terminé V\ M\


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