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Les Rois de l’Epiphanie

Le terme epiphanie, du grec « epiphaneia », littéralement « apparition », se traduit également par « manifestation ».

Employé en tant que vocable, pour décrire la visite solennelle d'un roi dans une ville, ce mot exprime tout événement exceptionnel, donnant lieu à des illuminations, mais aussi à des fêtes et des réjouissances.

Dans la tradition chrétienne, la fête de l'Epiphanie célèbre, selon cette même dénomination, celui qui se manifeste dans sa gloire, celui qui selon Luc (1-68) vient visiter son peuple.

Fixée aux environs du 11ème siècle au 6 janvier, cette date fut à l'origine instituée en Orient pour marquer une double célébration, celle de la Nativité et celle de l'Epiphanie.

Cette solennité des orientaux, supplantait à une date identique l'intégralité des rites, associés chez les égyptiens à la crue du Nil, temps ou l'on puisait avec faste et splendeur l'eau du fleuve bienfaiteur.

Elle intégrait également la grande fête païenne du soleil, qui chez les romains marquait avec grandeur et exaltation le solstice d'hiver, instant transcendant du « Sol invictus » ou la lumière triomphait des ténèbres.

L'Orient chrétien, en reprenant à son compte l'ensemble de ces thèmes symboliques, christianisera le 6 janvier par la célébration de l'Epiphanie, à la fois fête du premier jour de l'an nouveau, mais également commémoration du baptême du Christ, et évocation du miracle de l'eau changée en vin aux Noces de Cana.

Initialement, l'Occident adopte la date orientale de Noël, mais à partir du 4ème siècle, il optera pour le 25 décembre.

Cette datation, instituée à Rome en 336, devint officielle sous la papauté de Libère en 354.

Dans l'Eglise Orthodoxe, le 6 janvier demeurera l'un des temps forts du calendrier liturgique en associant à cette date la bénédiction des eaux et le baptême, signe de renaissance.

Par contre, l'Eglise Latine, en fixant plus particulièrement son attention sur les Mages, fruit de l'évolution de sa tendance populaire, s'attachera principalement à l'aspect second de l'Epiphanie, au détriment de la réalité initiale de cette fête. Le 6 janvier deviendra seulement la fête des rois.

Et s'il était encore besoin d'en rajouter, les dernières reformes de la liturgie romaine ont récemment reporté d'une manière très profane, la fête de l'Epiphanie au dimanche place entre le 2 et le 8 janvier, occultant par la même toute l'importance symbolique des 12 jours se situant du 25 décembre au 6 janvier.

Douze, nombre symbole essentiel, sur lequel d'ailleurs je ne m'étendrai pas, mais que je livre cependant à votre réflexion.

J'exprimerai par contre, mon réel désappointement en constatant que le dimanche de la galette des rois, dans son aspect prosaïquement commercial, s'est banalement substitué à la transcendance profonde du mystère de l'Epiphanie.

Il n'en demeure pas moins que le récit de la Manifestation de Jésus Christ aux Rois Mages venus l'adorer traduit ésotériquement pour le chercheur de vérité l'Epiphanie de Dieu, c'est-à-dire :
· La manifestation glorieuse du Verbe,
· La Lumière en son commencement,
· L'Universalité en sa finalité.

Au-delà de tout dogme, cette trilogie de principes dévoile et révèle l'Epiphanie comme l'alpha et l'oméga de toute réintégration à l'Unité.

Les Rois Mages en Galilée en scellèrent le Secret.

Leur histoire est un savant et subtil mélange de faits réels et légendaires.
Dans la Bible, on ne retrouve en tout et pour tout que seize phrases y faisant allusion et seul Matthieu (2-1-12) narre leur venue dans la grotte de la Nativité en la ville Bethléem.

Ce sont les apocryphes, textes postérieurs de 1 siècle aux évangiles, plus prolixes sur le sujet, qui apportent le plus d'information et de renseignements sur la singulière aventure de ces rois de l'Epiphanie.

Figure emblématique de nombreux contes, coutumes et folklores, les Rois Mages, ces exotiques voyageurs, ne furent pas admis cependant sans peine dans le légendaire chrétien.

Au 9ème siècle, ils sont relégués dans les fosses de l'oubli, assimilés à des charlatans s'adonnant à la sorcellerie, et leur présence dans la crèche relève alors d'un acte sacrilège.

Quelques siècles plus tard, à la fin du Moyen Age, ils seront voués à la malédiction par un nombre non négligeable de théologiens, au motif que leur fête donnait lieu à des libations voire à des débauches, peu en accord avec la célébration de l'Epiphanie.

Mais anathèmes et condamnations restèrent néanmoins sans effet, car les Rois Mages demeurèrent toujours porteurs de ce merveilleux, dont l'imagination populaire nourrit le sentiment religieux.

Dès le 14ème  siècle, « l'adoration des Mages » était devenue l'une des scènes les plus représentatives de la tradition chrétienne.

L'iconographie médiévale, mais aussi un grand nombre d'ouvres picturales, en portent le plus sur témoignage.
Les clercs d'église eux-mêmes, sans doute inspirés par les conteurs populaires, nous ont légué de multiples récits relatant leur histoire, prouvant par la même le vif intérêt suscité par les trois rois.

Selon la version chrétienne officielle, les Mages, avertis de la naissance de Jésus par une grande étoile, furent des lors guides jusqu'a Bethléem.

Ils portaient en offrande des dons précieux : de l'encens, de l'or et de la myrrhe.

L'évangile ne fixe pas le nombre des Mages, mais la tradition avec Origène admet depuis le début de l'ère chrétienne qu'ils étaient trois. Quasiment à la même époque Tertullien en fera des rois conformément à la prophétie d'Isaïe (60-3) : « les nations vont marcher vers ta Lumière et les Rois vers la clarté de ton lever. »  

Dans leur traduction, les noms de Melchior, Balthazar et Gaspard sont d'origine orientale.

Ces dénominations sont citées pour la première fois dans les Evangiles de l'enfance, texte rédigé au 9ème siècle d'après un original syriaque daté de 590.

Mais d'ou viennent-ils et qui sont-ils ?

L'interrogation ne peut avoir pour réponse que l'écho parcellaire de multiples légendes, intégrant en résonance toute la richesse de la puissance symbolique.

Ces Mages, d'ou viennent-ils ?
D'Orient, indication pour le moins bien vague, puisque précisément à l'est du Jourdain ne s'étend que le vaste désert d'Arabie.
« Ex oriente lux », dans sa formulation semble plutôt indiquer ici, dans sa symbolique première, le siège de la Lumière incréée.
Le levant, ce lieu où la lumière originelle commence à paraître, le levant, cet espace sacre d'ou émerge le point central de la spiritualité.
« Contemplez le Delta qui brille au dessus de l'Autel ».
A l'Orient, mes soeurs.
Et n'est-ce pas dans le rayonnement de ce ternaire que se source toute démarche initiatique ?
Ne se positionne-t-elle pas également dans le nombre 3 ?
Celui du nombre des Mages, dont le mot lui-même, dans sa sémantique Maga en persan, et Mag en hébreu, signifie « Don » au sens de « Révélation ».

Le bandeau doit tomber afin que l'initiation se confère à celle qui s'est offerte à l'ouverture de la porte de la cour.

Sous le couvert de la voûte étoilée, la voie à suivre va se préciser, même si les trois premiers pas se doivent d'être, dans un premier temps hésitants, et à même la terre.

Ces Mages, qui sont-ils ?
Prêtres Rois de la religion mazdéenne dont au 7ème siècle avant Jésus Christ, Zoroastre fut en Perse l'initiateur.
Le prophète prédisait la venue du sauveur du monde.

Son texte fondateur annonçait que :

« A la fin des temps, au moment de la dissolution qui les termine, un enfant sera conçu et formé avec tous ses membres dans le sein d'une vierge, sans qu'un homme l'ait approché.
On verra une étoile brillante au milieu du ciel, sa lumière l'emportera sur celle du soleil.
Quand se lèvera l'astre dont j'ai parlé, que des courriers soient envoyés par tous, charges de présents pour l'adorer et lui faire offrande. »

A la prophétie de Zoroastre s'associe une légende plus archaïque.

Adam, chassé du paradis, avait trouvé refuge dans une caverne creusée au flanc du Mont Victoriel, aux confins de l'Iran et de l'Afghanistan aujourd'hui.

Il aurait, en ce lieu privilégié, caché les seuls trésors sauvegardes après sa chute : de l'encens, de l'or et de la myrrhe.

C'est sur cette montagne que les Mages, hommes très versés en astrologie, scrutaient de saison en saison dans l'espace céleste, la manifestation de l'Astre prévue par le prophète.

Lorsque apparut l'Etoile, ces maîtres initiés firent aussitôt prévenir les Rois qui régnaient sur l'Orient.
Ils étaient trois, se partageant les terres d'un Orient qui n'obéit pas exactement à la rigueur géographique de notre temps.
Le premier, Melchior, étendait sa domination sur la Nubie et l'Arabie.
Le second, Balthazar, régnait sur l'antique royaume de Saba.
Le troisième, Gaspard, dominait les terres du pourtour de la Perse.

Telle est apparemment transmise par la légende, la souveraineté de ces trois Rois qui vont, chacun de leur côté, se mettre en route, pour marcher ensemble vers la Palestine, à la rencontre de l'unité symbolisée par l'enfant Roi.

La tripartition géographique ne pourrait-elle pas ici symboliser les trois plans de l'homme :

CORPUS - ANIMUS - SPIRITUS ?

Ces trois degrés de connaissance que la Franc Maçonnerie suggère par les trois grades d'Apprenti, Compagnon et Maître.

N'est-ce pas le but de toute initiation, et plus particulièrement celui de l'initiation maçonnique, d'atteindre au plein éveil par la prise de conscience progressive de ces trois états ?

Il ne s'agit pas, bien entendu, de parties juxtaposées et indépendantes les unes des autres, car l'homme est un tout dans lequel ces trois composantes s'interpénètrent.
Mais il est du destin de l'Etre, et plus particulièrement du devoir de l’initié, d’observer, d'analyser et de rassembler en lui ce qui apparemment est épars.

Dans le Cabinet de Réflexion, n'est-ce pas à la lumière d'une seule étoile que toutes, nous avons découvert les prémices de notre cheminement initiatique ?

Continuons à nous laisser conduire par la clarté de cette lumière, qui dans l'intériorité de la terre, « materia prima » de notre pierre brute, nous guidera avec vigilance et persévérance tout au long de nos marchés  successives.

Dans l'avancée sur cette voie royale, la quête spirituelle des Rois de l'Epiphanie est une aventure aux  jalons hautement symboliques.
Le Moyen Age, dans la représentativité de ces mages, en a eu, au-delà du pittoresque populaire, profondément conscience.
Le Trois décrit l'homme dans les trois ages de sa vie.
Melchior a la longue barbe est le vieillard a cheveux blancs.
Balthazar dans la plénitude de sa maturité porte barbe noire.
Gaspard, l'adolescent imberbe débute son périple terrestre.

Par les trois couleurs différentes de leur peau, ils incarnent également les trois branches de l'humanité, issue des fils de Noé : Japhet - Sem - Cham.

En eux, réside manifestement l'universalité de l'espèce humaine toute entière.

Le message ésotérique qu'ils transmettent est tout aussi évident.

Chacun, en étant tout d'abord revêtu d'un long manteau, indiqué clairement par le port de ce vêtement symbolique leur quête de la sagesse.

De plus, la teinte dominante de leurs habits, noir pour le premier, blanc pour le second, et rouge pour le troisième, traduit la succession des trois couleurs principales de la transmutation alchimique dans le travail du Grand Ouvre.

En arrivant à Bethléem, au lieu de la naissance, dans le sein de la crèche, ils parviennent jusqu'au cour de la matière, au point central ou se cache le petit Roi, que les adeptes d'Hermès appellent « Regulus », l'or de la pierre philosophale.

Se prosternant, en signe d'hommage et d'adoration, ils offrent les présents, messages éloquents de ce qu'ils voient en cet enfant :
· La myrrhe, métaphore du sacrifice.
· L'or, emblème de la royauté.
· L'encens, symbole du sacerdoce.

Guillaume Apollinaire, dans son ouvre poétique, sublimera cet instant magique en écrivant pour l'homme banal que nous sommes : « Nous ne portons pas pour beaux présents la myrrhe, l'or et l'encens mais le sel, le soufre et le mercure. »

L'apprentie que je suis se doit d'emprunter, dans le silence de ses pas, le chemin de ce VITRIOL.

Sur ce sentier souvent fleuri d'erreurs, gardons en mémoire le récit du vénitien Marco Polo relatant dans un de ses carnets de voyage une légende transmise par un lointain pays d'Orient.
Elle raconte que l'enfant, après avoir reçu les trois offrandes donna aux trois Rois une boite close.
Regagnant leur contrée d'origine, les Mages l'ouvrirent.
Elle contenait une pierre.

Sur cette voie du retour, au milieu du chemin, (le « nel mezzo del camine » de Dante), une pierre brute, la mienne, la vôtre.

Et s'il m'était donné, en ce début d'année, de formuler un voeu, je nous souhaiterais en ce 6 janvier, que cette pierre se taille, afin de devenir le caillou blanc de l'Apocalypse (2-17) donné à celui qui vaincra.

Sur ce caillou blanc s'inscrit un nouveau nom que nul ne connaît sinon celui qui le reçoit.

Nous sommes le seul et unique ennemi de nous-mêmes. Vaincre, c'est nous vaincre, en acceptant de vivre à ce qui nous fait mourir.

Dans ce « De Profundis » se retrouve et s'inscrit le nom de celui qui « Est ».

Melchior, Balthazar, Gaspard, 2 000 ans nous séparent, mais votre légende, dans toute la magnificence de son Epiphanie, emplit mon coeur d'espérance, celui d'une Franc Maçonne que ses soeurs reconnaissent pour telle.

Vénérables Maîtresses, et,
Vous toutes Mes Soeurs,

J'ai dit.

N\ d\ B\


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