Obédience : NC Loge : NC 06/02/2012

Le sacré et le rationnel

L’homme est le seul être qui sait qui va mourir et qui pense l’éternité ainsi s’exprimait notre F Bruno Etienne. Lorsque l'homme primitif commence par établir des liens avec son environnement, il prend conscience de son existence. La fragilité de son existence comparée à la prééminence de ces rapports avec la nature impose à sa raison la place centrale qu'il occupe dans l'univers. Ce n’est pas si aisé de répondre à une simple question : « qu’est-ce qu’un être humain ? ». Il me semble en effet que depuis la nuit du temps l’Homme vit avec cette éternelle question « qui suis-je ? ». Cette recherche trébuche sur nos ignorances ; notre certitude d’exister s’affronte à nos lacunes sur le sens de notre existence. C’est cette incomplétude qui guide l’Homme vers la transcendance donc vers une recherche du Sacré.

On appelle parfois sacré ce qui semble avoir une valeur absolue, qui mérite pour cela un respect inconditionnel. Le sacré en ce sens large, c’est ce qui ne peut être profané et ne le doit pas et qui mérite pour cela qu’on se sacrifie pour lui. Le sentiment du sacre se matérialise quelque part, dans quelque chose ou en quelqu’un, mort ou vif. Pour Roger CAILLOIS « le sacré désigne ce à quoi chacun voue le meilleur de lui-même ; ce que chacun tient pour valeur suprême, ce qu’il vénère ; ce à quoi il sacrifierait au besoin de sa vie ». Ceci nous fait penser au Maître Hiram qui a préféré la mort plutôt que de révéler le mot sacré. En paraphrasant Régis DEBRAY le sacré a pour but de raccrocher l’atome à la molécule et l’éphémère au durable…pour la prolongation de soi via l’affiliation à un « nous » qui nous précède et nous survivra. Même si le sacré est identifié dans un lieu bien délimité, il a besoin du groupe humain pour lui donner son intensité et le rendre vivant. Un temple fut-il maçonnique ne revêt un caractère sacré que par le lien fraternelle que les FF\ tissent et c’est ce lien qui fait le lieu et non l’inverse.

Si l’on rencontre le sacré partout où s’est formé une communauté c’est en vertu d’actes humains et non l’émanation d’un être il est le produit d’un faire. Le sacré ne tombe pas du ciel, ni ne nous préexiste. Il ne faut pas ériger le sacré en une réalité en soi et par soi, en amont de la nôtre. Le besoin du sacré est fortement ancré en nous c’est un moyen pour vivre le réel mais il ne doit pas être la fin.

René Girard a essayé de montrer que le sacré dans une société était le substitut ou l'incarnation de la violence fondatrice de tout groupe humain. Ce serait un procédé permettant de cantonner et de maîtriser la violence dans le groupe humain, par la médiation d'un bouc émissaire. Cette hypothèse rend bien compte de certains aspects du sacré, en particulier de son ambiguïté fondamentale : la violence, dangereuse dans le groupe, peut être bénéfique si elle est déplacée à l'extérieur ; le recours intempestif à la violence peut entraîner la destruction du groupe.

Le sens du sacré peut en effet être vécu comme un appel, une quête du sens profond des choses, une rencontre avec le mystère du monde. La découverte d'une réalité absolue qui transcende ce monde ci et le rend réel.

Pour Mircea Eliade, il voit dans le sacré le réel par excellence, la réalité ultime des choses. Cette réalité, explique-t-il, est une force primordiale qui se manifeste dans des hiérophanies. La hiérophanie est l’acte de manifestation du sacré, c’est-à-dire la médiation entre l’homme et le transcendant, l’aspiration vers la lumière que tout homme porte en lui. Cette quête ne doit pas nous priver de notre rationalité, que d’une formule limpide Hegel a explicité : ce qui est rationnel est réel ; ce qui est réel est rationnel. Le sacré comme toute autre chose est rationnel. Chaque situation a sa raison d’être, obéit à sa propre loi. La folie est aussi rationnelle que la santé mentale. Que la raison ne soit pas tout, que le réel soit voilé, ceci est pleinement rationnel. Que nous n’ayons pas accès à l’Absolu c’est une chose aisée mais cette incomplétude est moteur de notre démarche et nullement la défaite de la raison.

La raison c’est une faculté de discernement, d’observation et de réflexion ce n’est certainement pas cette raison classique qui a enfanté la pensée positive, c’est la maitrise des irréductibles contradictions et des dilemmes de notre nature hypercomplexe. Le nouvel esprit scientifique nous met sur la voie notamment celui du pluralisme d’un rationalisme ouvert.

Ainsi je finirai par ce quatrain des Roubayat d'AL KHAYAM :

« Si tu es à la recherche de la demeure de l'âme, tu es une âme.
Si tu es en quête d'un morceau de pain, tu es du pain.
Si tu peux saisir le secret de cette subtilité, tu comprendras :
Chaque chose que tu cherches, c'est celle que tu es ! »

Z\ B\


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