GOB Loge : NC Date : NC

Le Sacré
en Franc-Maçonnerie adogmatique


Au convent de 1864 le Grand Orient de France a adopté le texte suivant:

L’initiation maçonnique n’est pas l’accesssion à un corps défini de connaissances cachées concernant la nature ou une réalité surnaturelle, non plus que la disposition des moyens d’action sur la nature basée sur une telle réalité surnaturelle.

Une telle déclaration pose un problème d’une grande importance : qu’est ce donc l’initiation spirituelle à base de symboles? Le Grand Orient de France l’a défini comme suit:

L’initiation maçonnique est un processus de prise de conscience de soi – même, permettant d’accéder à une pensée véritablement libre. Elle est la base du perfectionnement moral et de la libération de la pensée qui aboutit à l’objectivité du jugement rendue possible par la libre confrontation des idées.

Ordre initiatique, certes, mais initiation à quoi, s’il n’y a pas un corps de vérités transmissibles considérées comme sacrées?

Au Grand Orient de France le symbolisme s’apparente bien plus à une méthode, à une discipline du travail maçonnique permettant le déroulement harmonieux des tenues. J’ai bien pu constater à l’occasion de voyages en France que les cérémonies d’ouverture et de fermeture des travaux sont pratiquement inexistantes, tout au moins dans les ateliers que j’ai visité.

On pourrait appeler cette maçonnerie: sécularisée, héritière de la tendance majoritaire de la France des Lumières, ordre de société, évacuant le fait religieux sans hostilité à son égard, et réduisant le symbolisme. 

C’est là la limitation pratique de la maçonnerie à son caractère associatif après l’élimination de toute référence déiste ou spiritualiste.

L’inconvénient majeur de cette élimination peut être, à la limite, la disparition de tout caractère initiatique, remplacé par des considérations morales, philosophiques, voire politiques, évidement sujettes à se périmer très vite.

Le problème de la franc-maçonnerie adogmatique en France est celui de la spiritualité. La mot spiritualité a fait partie longtemps exclusivement du vocabulaire religieux, c’est pourquoi cette définition a été jetée ensemble avec le religieux.

Mais le mot spiritualité désigne également ce qui relève de la pensée et de l’esprit.

Dans la franc – maçonnerie moderne et adogmatique la spiritualité doit prendre le relais du religieux. Notre franc – maçonnerie adogmatique perdrera son catactère initiatique lorsqu’elle décidera d’abandonner ce qui à mes yeux est le fonds même de la franc – maçonnerie.

La Franc – Maçonnerie est certainement la plus connue des sociétés initiatiques. Toutefois, elle demeure souvent incomprise ou méconnue par les francs – maçons eux – mêmes. Lorsque nous regardons le contenu de l’enseigement et sa méthode, l’édifice peut paraître vide.

La Franc – Maçonnerie serait – elle devenue incapable de transmettre une véritable méthode de travail sur soi? Ne serait-elle plus aujourd’hui qu’un forum privé dans lequel on glose sur la connaissance et la rectification de l’être, sans jamais oser la mettre en application?
 
Mais les loges sont libres et quelle loge pourraît être plus libre que la nôtre qui a quitté tout d’abord une obédience qui voulait imposer  un dogme et ensuite une autre en raison d’un manque de fraternité et à cause de  la non - observation de règles essentielles de la franc – maçonnerie.

L’article premier du règlement de ma respectable Loge constate que L’Espérance est un atelier maçonnique traditionnel.

Ceci veut dire que nous respectons la tradition maçonnique. Mais, c’est quoi la tradition maçonnique ?

C’est la transmission dans le temps de la  «Connaissance »  intuitive, universelle et intemporelle, indépendante des savoirs et des cultures, qui est évoquée dans les livres fondamentaux et les rites, par des mythes, des légendes et des symboles, parce qu’elle est inexprimable par les mots. 

C’est le potentiel initiatique uniquement transmissible par la pratique en commun des Traditions initiatiques, animiste, taoïste, tchan, zen, soufi, maçonnique… etc.

Malgré la diversité des traditions spirituelles, l’essentiel demeure immuable et universel : 
L’homme déchu spirituellement, désorienté, se met en quête de son propre centre intérieur qui coïncide avec le centre du monde. C’est le voyage vers l’orient d’où jaillit la lumière qui éclaire le cœur et anime la vie sur terre.

La Franc – Maconnerie est une société initiatique authentique car elle transmet une initiation véritable et elle véhicule par ses rituels et ses symboles les enseignements des Ecoles antiques de Mystères. Ainsi elle transmet la Tradition.

La Tradition contient un ensemble de moyens consacrés qui facilitent la prise de conscience de principes immanents qui sont d’ordre universel.

Elle cherche à transmettre des approches de la connaissance de l’univers, une compréhension de l’essence même des choses.

De nos jours ce concept, tout comme celui de l’initiation, reste vivant, mais complètement dénaturé et en dehors de son contexte universel. 

L’initiation, par le truchement des rites, éveille aux mystères du cosmos, à son rythme, à ses règles, à prendre conscience de soi – même. L’initation est le point de départ qui permet à tout cherchant de pouvoir développer ses possibilites latentes, d’éveiller son entendement, son esprit. Ce travail individuel nécessite l’effort et de la persévérance.

La Franc – Maçonnerie n’admet aucune limite à la recherche de la vérité. Cette recherche n’est pas limitée au seul univers maçonnique, l’ensemble de l’univers est ouvert au cherchant.

Le travail en loge, c'est-à-dire, la transmission de la tradition et de la spiritualité de la Franc-Maçonnerie, est ésotérique, c'est-à-dire : une connaissance transmise par tradition orale uniquement à des adeptes qualifiés, ce qui entraîne  le secret à l’égard de toute autre personne.

Le mot « ésotérisme » s’applique au contenu du message et il implique que tout ce qui est transmis constitue un unique corps de doctrine identique dans tous les temps et dans tous les pays.

L’ésotérisme permet de comprendre la vérité intérieure qu’expriment toutes les voies traditionnelles. L’ésotérisme est au – delà de toutes les formes dogmatiques, c’est pour le cherchant une démarche d’ouverture vers l’universalité, une recherche de connaissance de soi.

L’ésotérisme de toutes les traditions comprend, outre une doctrine métaphysique et cosmologique, toute une hiérarchie de sciences traditionnelles, dont certaines fournissent les supports et les moyens techniques de la réalisation spirituelle.

En Franc-Maçonnerie la tradition c’est les mythes et les legendes ainsi que les Anciens Devoirs, le support est le symbolisme et la technique est le rituel. Les symboles permettent ainsi de rendre concrètes sensibles, perceptibles, des vérités importantes pour la connaissance de soi-même et le chemin initiatique. Le rituel, par la répétition des gestes, met le cherchant dans une disposition de réceptivité qui est de nature à faciliter la progression sur la voie.

Beaucoup de maçons comme de Martinez de Pasquallis ou Louis de Saint Martin, au Siècle des Lumières, ou plus près de nous Oswald Wirth et René Guénon, ont pensé que le travail maçonnique était l’outil qui permettait aux frères de transcender l’homme, de le hisser au niveau de Dieu, de se mettre en relation directe avec lui, voire de le ramener à l’état de l’Adam antérieur à la Chute.

Il s’agit là d’une vision romantique d’un autre âge.
      
Mais s’il n’y a pas de divinité dans l’ésotérisme, alors c’est quoi cette lumière, cette illumination pour l’obtention de laquelle le rituel invite les franc – maçons à travailler la Pierre brute ?

Le rituel d’initiation de ma respectable Loge L’Espérance indique: Cette lumière est la lumière de la Raison.

La Franc – Maçonnerie a pris sont enseignement à de nombreuses sources. Une des ces sources c’est la philosophie grecque.

Le terme LOGOS, auquel est rattaché le concept de la raison, signifie à la fois le fait de savoir compter et la faculté de connaître. D’où l’idée d’un calcul logique organisateur et ordonnateur de la diversité du monde en visant à comprendre ce qui est.

Ainsi que discours philosophique sur la raison est inséparable du discours sur l’Etre. Chez les présocratiques, cette démarche vise à établir, grâce à la raison, ce qui est le même pour tous, le fondement de la pensée et de l’Etre.

Chez Platon, la raison est une pensée juste qui s’oppose à la connaissance fragmentaire et surtout à une connaissance immédiate donnée par les sens . La connaissance rationnelle nous fait dépasser le stade des apparences et atteindre les idées.

Les idées sont le modèle général de chaque chose concrète ou de chaque chose abstraite, qui est dans l’esprit de tout homme avant sa naissance et qui lui permet de concevoir la réalité.

Au sein de la raison nous trouvons deux types de connaissance, la raison intuitive qui perçoit immédiatement les essences et la raison discursive qui s’apparente à la démonstration mathématique.

Les essences sont constitutives de l’Etre dans ce qu’il a d’immuable et d’éternel.

La lumière de la raison est donc à la fois l’invitation de s’instruire intellectuellement et de rechercher la lumière initiatique à l’intérieur de soi-même.

La lumière initiatique que le néophyte vient chercher en loge se trouve dans son coeur. La seule condition pour l’appréhender est son travail incessant afin qu’elle se révèle à sa raison et rende clairvoyante sa pensée avec la compréhension et la coordination des enseignements qu’il aura dégagé au travers de son interprêtation des rituels et des symboles.

On ne devient réellement maçon, qu’à partir du moment où notre esprit s’est ouvert à l’intelligence des mystères de la Franc – Maçonnerie.

Ici tout est symbole!
Ceci est tellement vrai d’autant plus que notre symbolisme est romantique et poétique à souhait.

Un temple représente le lieu de jonction entre le ciel et la terre. Il reproduit la création du monde et se trouve donc lié à la cosmogonie c.a.d. au système de formation de l’univers. Il devient la porte d’un autre monde. Résumé du macrocosme, le temple est aussi l’image du microcosme, car il est à la fois le Monde et l’Homme, l’homme qui construit son temple intérieur.

Notre catéchisme définit le temple ainsi :
C’est un carré long dont les dimensions vont de l’orient à l’occident, du midi au septentrion et du zénith au nadir.

Symboliquement ce temple n’a pas de toit, pas de murs murs et il est couvert par la voûte étoilée. Le temple maçonnique, pendant la tenue, est l’image de l’univers, c’est ainsi que la franc-maçonnerie est universelle.

Une fois que la porte du temple est fermée et l’ouverture des travaux faite, l’atelier se trouve dans un lieu sacré, affirme Roger Richard dans son dictionnaire symbolique. La nature du sacré dans le temple n’est pas expliquée. On peut cependant conclure qu’un temple devient un espace sacré pendant le temps symbolique de midi à minuit. En dehors de ce temps il peut être un local quelconque, banal, voire moche et poussiéreux. 

Les rites maçonniques sont des rites solaires. C’est donc normal de prendre comme mesure celle du mouvement quotidien du soleil. Midi est l’heure où le mouvement apparent du soleil semble être suspendu.

Et c’est surtout le moment ou l’ombre du corps est minimal, c’est donc le temps de l’illumination totale.

Midi est un temps intemporel dans lequel se trouvent la création du monde qui est permanente et inachevée, ainsi que le passé et le présent. Pendant la durée de la tenue, l’écoulement du temps est arrêté et le soleil reste immobile, de sorte que les travaux sont illuminés au maximum pendant toute la tenue.

Dans la mesure où le monde profane est celui des ténèbres il est normal que le retour au monde profane se fasse à minuit, à l’heure de l’ombre absolue. On quitte l’univers pour se retrouver sur terre.

Trois la dirigent, cinq l’éclairent et sept la rendent juste et parfaite. C’est ainsi que le rituel conçoit la loge. Le Vénérable Maître et les deux Surveillants, la dirigent, les Frères Secrétaire et Orateur sont nécessaires pour que la loge soit éclairée. C’est à dire qu’à la Sagesse, la Force et la Beauté il faut ajouter la Mémoire et la Parole pour que la lumière jaillisse.

Cette Lumière est assimilée au Soleil.
L’Orient marque la direction d’où vient la lumière, l’occident marque la région sur laquelle elle s’arrête. L’occident figure le monde visible qui tombe sous les sens. L’Orient, au contraire, représente le monde intelligible qui ne se relève qu’à l’esprit.

A l’Orient se trouvent le Delta, le Soleil et la Lune.

Le Soleil est le symbole du coeur rayonnant sous ses deux aspects, chaleur et lumière. Le Soleil symbolise la connaissance directe, immédiate et intuitive. Il donne l’illumination de la création. Le soleil représente la raison qui éclaire les intelligences.

La lune symbolise la connaissance indirecte, discursive et réfléchie. Comme elle est représentée en forme de croissant en forme ascendante, elle symbolise le néophyte qui entame une vie nouvelle par son initiation.

Le Delta, en forme de triangle, est le ternaire qui symbolise la totalité de la manifestation.

Le Soleil représente l’oeil qui regarde l’avenir. La Lune représente l’oeil qui regarde le passé. L’oeil du Delta symbolise le troisième oeil, celui de la connaissance universelle que les maçons peuvent atteindre en suivant le chemin de l’initiation.

René Guénon a affirme, qu’en tenue, la loge dans sa totalité forme l’homme cosmique. Contrairement à cette affirmation la loge ne correspond pas à l’homme cosmique, mais à la femme cosmique.

Le Soleil et la Lune correspondent aux yeux;
Le Delta correspond à la conscience du moment présent.
Les Surveillants sont les bras qui agissent;
Le Secrétaire est l’oreille et la mémoire;
L’Orateur est la bouche et la parole;
L’Hospitalier est le coeur;
Le Trésorier est la raison;
Les jambes sont formées par les deux colonnes;
Le sexe est la porte du temple.

La Loge représente donc la femme cosmique, la matrice universelle que nous avons pénétré en sortant de la terre lors de notre initiation, qui nous perfectionne et nous fait grandir spirituellement et qui nous fait renaitre à chaque fermeture des travaux.

La Lumière est représentée par le Vénérable Maître, qui a acquis la plénitude de l’enseignement maçonnique et qui siège à l’Orient pour ouvrir la loge et pour éclairer les travaux. La Lumière de l’Orient est la source des Lumières qui illuminent le temple et elle retourne à l’Orient à la clôture des travaux.

La flamme éclaire, elle est fragile et vivante, elle évoque le feu purificateur et protecteur. Elle est le symbole du pouvoir de l’homme, qui a su apprivoiser les forces naturelles. Elle est l’image de la vie intérieure qui fait de chaque homme un sanctuaire de l‘univers. Bougie, cierge et flambeau symbolisent la lumière. Dans toutes les traditions la flamme est un symbole d’illumination, d’amour spirituel et de purification. Ame du feu elle est l’image de l’esprit.

Le Maître des Cérémonies prend le flamme  à l’orient, il la transmet successivement au Vénérable Maître, au Premier Surveillant et aux Deuxième Surveillant qui allument les étoiles sur les trois piliers.

Les trois piliers avec les trois étoiles forment le ternaire tout comme les trois officiers qui dirigent la Loge.

Le ternaire peut représenter: Corps, Ame, Esprit, ainsi le ternaire est l’image de la sublimation spirituelle (Jules Boucher). Par le ternaire se groupent toutes les choses de la nature, dit ECKARTSHAUSEN. Le ternaire est le signe spirituel de la création. Le 3 est le nombre créateur par excellence ( R.Allendy :   Le Symbolisme des Nombres ).

Symboliquement la cérémonie d’ouverture des travaux initie la création de l’univers à l’intérieur du temple et l’illumination du temple par le soleil de midi. Symboliquement les trois piliers soutiennent le temple, le premier par la sagesse, le deuxième par la force et le troisième par la beauté et l’harmonie. Les piliers relient le temple à l’énergie de l’univers à travers leurs étoiles.

Le néophyte, avant de pénétrer dans le temple, doit subir la mort de sa personne profane. Le séjour dans le cabinet de réflexion et le temps passé sous le bandeau est un temps passé sous la terre. C’est le temps de la mort symbolique et celui de la gestation du nouvel homme. Le néophyte entre dans le temple par la porte basse qui symbolise le passage par le vagin de la femme cosmique qu’est la loge.

Fils de la terre, le néophyte est initié aux éléments qui donnent la vie sur terre: L’eau, le feu et l’air.

Et le sacré dans tout cela ?
Etymologiquement sacré s’oppose à profane. Sans le sacré le profane n’existe pas et vis versa. Notre Franc-Maçonnerie reçoit des profanes pour les initier. Le monde extérieur du temple est le monde profane. De tout cela il faut conclure que l’intérieur du temple est sacré.

Sacré désigne ce qui est à la fois séparé et circonscrit et par extension: délimiter, entourer, sacraliser, sanctifier.

Profane indique ce qui se trouve devant l’enceinte réservée et ce qui est dépourvu de caractère sacré. Ce terme appliqué à l’humain désigne celui qui n’est pas initié et par extention l’ignorant.

Le sacré n’est pas issu du surnaturel, il a été établi par l’homme dans le but d’ordonner sa compréhension du monde et pour organiser sa vie en société. Mircea Eliade a bien démontré combien l´être humain a un besoin naturel du sacré et de sacraliser, à commencer par des lieux, puis les gestes et les fonctions ainsi que des rites et voire des personnes. L’érosion contemporaine du sacré mène à la solitude humaine contre laquelle le sacré avait voulu se dresser.

Le sacré a été le savoir faire de l’humanité pour résoudre mythologiquement les inconciliables de l’expérience vécue. Le sacré a reculé en compétition avec les progrès de la connaissance scientifique et du savoir technique.

Le sacré n’est ni bon ni mauvais en soi, il n’est pas non plus une réalité transcendante, ni un impératif qui s’impose d’en haut. Il peut correspondre à ce vague sentiment d’une puissance ressentie comme supérieure que nous ne pouvons nommer et que Durkheim appelle “ le numineux “ et qui n’est peut – être rien d’autre que la partie obscure de nous-mêmes.

On peut trouver le sacré dans une spiritualité laique, c’est à dire dans une réflexion sur le monde et sur soi. Tout en ignorant les dieux, ce sacré n’en évacue pas pour autant le merveilleux, l’imaginaire ou le poétique nécessaires à l’équilibre individuel, ce qu’exprime Régis Debray, cité dans un rapport: “ Le spirituel s’arrache à l’espace quotidien, le religieux l’occupe  “.

Le philosophe André Comte-Sponville a publié un livre: L’esprit de athéisme: introduction à une spiritualité sans Dieu. Il affirme ceci:

La spiritualité est laique en ceci qu’elle n’a pas besoin d’Eglise. Un vrai mystique n’a pas besoin de dogmes, ni de foi, ni d’espérance. C’est d’ailleurs pour cela que les mystiques, dans toutes les religions, ont eu si souvent maille à partir avec leurs Eglises respectives, qui se dépêchent de les excommunier comme Maître Eckhart chez les chrétiens, ou de les brûler vifs, comme Al Halladj chez les musulmans.

La notion du sacré a beau s’opposer à celle du profane, elle est paradoxalement refusée par bien des maçons au motif qu’elle fait uniquement partie du domaine religieux.

La plupart des définitions du sacré citées dans le Larousse Encyclopédique se rapportent effectivement aux religions.

Mais le sacré est aussi :
A qui on doit un respect absolu, ou qui s’impose par sa haute valeur et qui est emprunt de grandeur ou de gravité et invite à une attitude de respect et de recueillement. (Larousse Encyclopédique)

C’est justement dans cette définition là que nous devons trouver le sacré dans notre franc – maçonnerie.

Le sacré, celui que vous propose d’honorer, ne suppose aucune abdication de la raison, aucune soumission à une règle et par voie de conséquence aucun sacrilège, mais un respect absolu.

Le domaine du sacré doit être le centre du travail maçonnique et tous les maçons doivent s’efforcer d’approfondir le dépôt traditionnel dont ils sont détenteurs, par l’étude des symboles et la pratique du rituel.

Si, dans ce sacré il y a une transgression, elle tient dans cette exigence de savoir, de connaissance qui n’accepte aucune limite ni aucun interdit.

Mes frères, notre attitude pendant la tenue, le recueillement pendant les cérémonies d’ouverture et de fermeture des travaux, pendant la chaîne d’union et les cérémonies d’initiation, le respect de ne pas troubler les travaux, le silence, les mots et gestes rituels effectués,

tout cela ne temoigne-t-il pas d’un sentiment profond qui s’apparente à l’attitude des fidèles au cours d’une cérémonie dans l’église, à savoir le sentiment religieux ?

Selon Mircea Eliade le sacré est avant tout une expérience qui se traduit par un sentiment religieux au sens initial du terme, de ce qui relie les êtres et les choses, et induit dans le tréfonds de l’être humain le respect.
                                   
Le profane est initié au cours d’une mise en scène que nous appelons cérémonie, du latin CAERIMONIA, ce qui veut dire: à caractère sacré.

Le rite maçonnique est un acte cérémoniel ( Larousse Encyclopédique ). Donc tout ce que nous faisons en loge est cérémoniel et partant à caractère sacré.

Et une cérémonie maçonnique peut-elle être religieuse ?

Selon Mircéa Eliade les iniations religieuses donnent accès à des confrèries religieuses ou des sociétés secrètes. Il affirme que la franc-maçonnerie appartient à cette dernière catégorie.

L’étymologie du mot religion est incertaine. Les auteurs chrétiens se basant sur LACTANCE et TERTULLIEN se plaisent à expliquer le latin RELIGIO par les verbes LIGARE et RELIGARE, donc lier et relier.

Une autre approche signalée par CICERON veut que RELIGIO se tire de LIGERE, soit
cueillir,  ramasser, ou de RELIGERE, soit recueillir, récolter.

Les deux approches valent pour la franc – maçonnerie :
RELIER, c’est lier ensemble. C’est l’initiation avec laquelle le nouveau maillon est lié à la chaîne d’union.
CUEILLIR, RAMASSER,  mais quoi? Mais bien sûr l’enseignement maçonnique, c’est là le travail en loge?
SE RECUEILLIR, c’est la concentration de la pensée sur la vie spirituelle, s’isoler pour mieux réfléchir, rentrer en soi-même, c’est la description de la méditation.
RECOLTER: on recolte entre autres: la fraternité et la voie initiatique qui permet l’amélioration personnelle.

L’initiation est un passage qui consiste à mourir à un certaine forme de vie pour naître à une nouvelle forme de vie, c’est donc une renaissance, une métamorphose à une nouvelle conception de la vérité, à une nouvelle conception de l’homme. Le nouvel initié cherche, il travaille à son perfectionnement. L’initiation maçonnique est un processus de lente transformation individuelle.

Le cheminement sur la voie initiatique est plus capital que l’aboutissement de la voie. Il est de la plus haute importance que ce travail intérieur soit considéré par tous les frères comme essentiel et sacré, car le perfectionnement moral et spirituel de l’espèce humaine est subordonné au perfectionnement de chacun des individus qui la composent.

Ce qui est sacré c’est l’homme lui-même, en tant qu’il cherche, qu’il travaille et qu’il construit. Ce qui est sacré c’est la conception de la vérité et de la fraternité.

Ce qui est sacré c’est cette capacité humaine à se perfectionner.

La voie sacrée est une quête infinie, elle est le stimulant d’une humanité meilleure et mieux éclairée, responsable et raisonnée. Une sérénité en lieu et place d’une béatitude.

Ce qui est sacré est la tenue maçonnique qui permet ce perfectionnement dans un espace sacré, le temple.

Pour les frères, demeurer dans l’espace sacré, c’est se retirer du monde profane. Le temps des activités profanes est suspendu. Les coups de maillet et les batteries ponctueront désormais l’écoulement d’un temps immuable, le temps sacré, de midi à minuit.

Les frères ont sacralisé la tenue en donnant à la vie en loge de l’importance ainsi que le respect absolu et en exécutant un rituel traditionnel et tout cela en dehors de toute référence à une source ou principe créateur.

Le rituel marque intensément chaque participant. Chargé de sens et de pouvoirs, le rituel permet aux frères de se concentrer. Le rituel provoque une rupture avec le monde profane et il met les frères dans une disposition de réceptivité et chacun se concentre sur son Etre intérieur et chasse les métaux hors du temple.

Tout geste rituel est un symbole agi et met l’homme en relation avec lui-même et l’univers. (René Guénon )

Pour que le rituel soit efficace il doit être exécuté strictement, sans hésitation, sans bafouillage et dans le silence  propice à l’égrégore qui est la force de cohésion fraternelle des maçons.

Les rites, les symboles et les mythes sont des instruments de l’émancipation de l’homme.

Loin de l’irrationnel et de l’inutile nos rituels ont pour fonction d’initier les maçons à être les artisans d’une société fondée sur ces vertues sacrées qui sont entre autres :
l’honnêteté, la tolérance, l’équité, le respect de la personne humaine et la générosité.

En conclusion on peut dire qu’il n’y a pas d’existence objective du sacré classique, de celui qui vient d’en haut, il n’y a que des constructions et des représentations humaines comme celle que vous venez d’entendre.

Une conception de ce sacré laique, mais aussi de l’infini et du mystère, trouvera ainsi sa source dans cette approche du lien humain respectueux d’altérité.

J’ai dit.

P
\ K\

3079-4 L'EDIFICE  -  contact@ledifice.net \