DH Loge : NC Date : NC
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Entre l’équerre et le compas

Le rôle que j’ai tenu lors de la précédente cérémonie d’élévation à la maîtrise a été un élément déclencheur quant au choix du thème puisque j’étais Maître Hiram, mort, couché sur le sol.

J’ai eu tout le temps de vivre intensément cette cérémonie et de me questionner dans cette position horizontale singulière, entre l’équerre au niveau de la tête à l’occident et aux pieds le compas à l’orient. J’oserai dire que c’était une position propice à un travail intérieur de recherche sur le plan symbolique.

Ensuite une motivation certainement en gestation depuis ma propre élévation à la maîtrise.  Le futur maître, identifié à Hiram, se retrouve entre l’équerre et le compas puis par relèvement il devient maître. Les pieds sur terre et la tête vers le ciel symbolise une élévation vers la connaissance. L’architecte assassiné revit en chacun de nous, sous la forme d’un maître intérieur. Bien évidemment ce maître intérieur demande à être développé. Son rayonnement perceptible de l’extérieur se manifeste par son écoute, sa tolérance plus que par l’orgueil et la suffisance. Cette élévation à la maîtrise en affirmant l’importance de la verticalité bouscule les certitudes du monde profane où la banalisation du libéralisme économique, la montée des extrémismes, l’exclusion tentent de réduire l’être humain à sa dimension la plus ordinaire.

La symbolique de la mort vécue dans ce psychodrame amène à une interprétation de la résurrection. La mort dont il s’agit n’est pas celle qui nous attend, demain ou plus tard, lorsque notre temps de vie aura été écoulé. En réalité, la pensée de la mort, loin de combler notre aspiration à la quiétude, peut réveiller au contraire notre inquiétude et peut même dégénérer en effroi. C’est de notre présent qu’il s’agit. Nous sommes invités à nous considérer tel que nous sommes pour renaître, pour réveiller la parcelle de vie dont nous sommes dépositaires, qui fait que notre passage sur la Terre peut être utile et fécond, à la mesure de l’éternité.
Le franc-maçon est un bâtisseur, l’équerre et le compas sont les outils offerts à la vue des apprentis et à disposition des compagnons et des maîtres pour se construire eux-mêmes. L’équerre c’est la base, son énergie est passive. Elle montre ce qui est droit, elle permet de redresser, de vérifier la direction. Le compas est vif. Il faut s’entraîner à le manier car il peut être dangereux si la sagesse n’est pas présente. Son énergie est active. Il mesure toute chose, il permet les comparaisons. Plus les branches s’écartent, plus l’espace s’ouvre, plus l’esprit grandit. Mais son usage ne permet pas une ouverture complète. Dans les trois premiers grades de la franc-maçonnerie, le compas est ouvert à 45°.

La maçonnerie met en avant la droiture, la sincérité, la fraternité et le travail. Elle est de par sa symbolique la glorification du travail. Le message est simple. L’apprenti est une pierre brute qui ne peut trouver sa place qu’au plus profond des fondations. La volonté de celui qui entre en maçonnerie est de s’élever. Il va donc travailler sur lui-même avec les outils mis à sa disposition, accompagné du second puis du premier surveillant pour devenir une pierre cubique. Avec la maîtrise le travail ne s’arrête pas, bien au contraire. Il y a les offices, les charges et la nécessité de poursuivre l’engagement personnel librement consenti. Ce travail ne peut se faire au détriment de sa vie sociale, familiale, professionnelle. Mais ce travail ne se termine pas dans le temple, à la clôture des travaux. Le maçon doit aller porter dans le monde profane le fruit de ses travaux. Le maître est un homme, une femme, d’équilibre, qui évolue entre l’équerre et le compas.

Symboliquement, l’équerre et le compas correspondent au carré et au cercle qui représentent respectivement la terre et le ciel. Le maître placé entre l’équerre et le compas, devient le médiateur qui les unit, en quelque sorte le pont qui va de l’un à l’autre. Il réintègre dans l’unité les dualismes de sa nature.

Dans notre symbolique, le compas est placé en haut et l’équerre en bas. Cette hiérarchisation entre un plan supérieur et un plan inférieur peut marquer une opposition verticale. Nous ne pouvons cependant séparer l’esprit et le corps. L’essence et la substance sont à un même degré de réalité et peuvent être considérés comme complémentaires dans une opposition horizontale. Ces oppositions verticale et horizontale représentent une croix dans laquelle le maître accompli est placé en son milieu.

Dans le mémento du grade de maître, à la question du très respectable  maître «  Si un maître était perdu où le retrouverait-on ? », le grand expert répond :  « Entre l’équerre et le compas » c’est à dire au lieu même de l’invariable milieu. C’est le point de rencontre entre le concret et l’abstrait, entre le simple et le complexe, entre le soi et l’autre. Il s’agit d’ouverture d’esprit, d’amour, de trouver en toutes choses l’harmonie. Mais cette alchimie est  éphémère, demeure toujours à conquérir et nous devons sans cesse rassembler ce qui est épars.

Quel sens apporter lorsqu’il est dit qu’un maître peut se perdre ? S’agit-il d’évoluer sans possibilité de sortir d’une norme bien pensante ? S’agit-il de s’installer dans un confort intellectuel ? Pourtant le maçon est libre et les mots tels que originalité, indépendance, rébellion accompagnent cette notion de liberté.
Pour ma part, la capacité d’indignation, le devoir de résistance font écho à l’esprit de liberté.

Par la connaissance vécue et la mise en pratique, l’initié élargit progressivement le champ de sa conscience et acquiert une maîtrise plus étendue sur les forces de l’inconscient. Le maître intérieur n’est pas le juge garant du code moral porté par le groupe qui à l’occasion pourrait culpabiliser ou punir. Il est la conscience en tant que centre de l’être et ne craint pas les forces obscures de l’inconscient. Il travaille à les intégrer par la connaissance. C’est un travail toujours inachevé pour lequel le maître peut ne plus se sentir concerné. Dés lors, il n’est plus en éveil, il ne peut plus se développer. C’est peut-être cela se perdre lorsqu’on est maître.

Dans les trois premiers grades, la notion de devoir est omniprésente. Parmi les devoirs contractés, issus de l’obligation librement prêtée, je pense au devoir d’assiduité, de discrétion, de rechercher la justice, d’aimer ses FF\ et ses SS\. Il s’agit des devoirs non du devoir. Le devoir n’est-il pas de s’engager sur le chemin de la lumière ? C’est par l’accomplissement de ce devoir que chacun peut partir à la recherche du maître intérieur. C’est l’œuvre d’une vie à remplir. La démarche maçonnique nous engage sur un chemin de vie.

 Au moment de conclure, j’ai conscience que l’élaboration de cette planche a contribué à ce que je puisse me retrouver entre  l’équerre et le compas dans une période troublée par les écueils rencontrés dans mon chemin personnel. Elle participe d’une certaine sérénité. La maçonnerie a ceci de spécifique que par le travail en loge, en dehors de l’espace et du temps, elle permet de puiser force et vigueur.

A\ D\
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