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Les Couloirs Initiatiques

Que représente en réalité ce monde souterrain, ce monde de gnomes et des elfes, ce monde résistant sur lequel nous vivons, où nous prenons racine comme l'arbre ?

Toute définition devient imprécise et nous nous apercevons que l'homme est prisonnier d'un univers défini qu'il ne connaît pas. Pour retrouver la substance, le chercheur emprunte le labyrinthe, un chemin symbolique, dont les marches et les contre-marches sont autant d'étapes purificatrices ; dans ce monde de ténèbres et d'angoisses, l'individu prend conscience de sa nature car il a perdu toute assurance, toute fierté ; par une grâce divine, il trouve la porte noire et basse, mais bien que ses chaînes ne soient pas encore tombées, il montre des mains pures ; le voile tombe et dans cette pièce centrale, l'illumination descend en son cœur. Mais pour comprendre les mystères, pour atteindre les états supérieurs de l'Etre, il faut descendre jusqu'au centre de la terre ; il faut s'enfoncer dans la matière, dépasser le stade de la caverne qui figure le lieu de la première mort et de la seconde naissance.
 
Tous les textes, développent un rituel qui met le symbole en action. Car en réalité ce voyage souterrain n'a rien de matériel ; nature psychique et subtile, réalise dans l'être une élévation spirituelle qui peut s'effectuer sur un plan visible dans la cérémonie initiatique. La porte s'ouvre sous la montagne du Purgatoire. Comme Dante l'a montré, nous sommes alors en présence du Suprême inconnaissable et de la cristallisation luciférienne. Ce centre de la Terre permet de réfléchir à toute une influence spirituelle ; le profane en sort glorifié. S'il reprend le chemin du labyrinthe, il sait maintenant où il doit se rendre ; sa marche n'est plus hésitante.
Durant cette ascension, l'initié peut faire la récapitulation de tous ses états, depuis sa cristallisation dans le minéral jusqu'à sa condition présente. Toutes ces épreuves conduisent ainsi à la connaissance philosophique, à la libération spirituelle de l'âme.

Le héros descend dans les entrailles de la terre, conduit par une force inconnue. Il cherche le centre afin de recouvrer son énergie psychique, dans cette zone du sacré, il doit retrouver sa réalité absolue. Mais ce sanctuaire naturel se trouve très difficilement. Avant d'édifier des constructions artificielles, l'individu songe à se rapprocher des données de la nature. La grotte, la caverne, condense ces forces telluriques ; mais c'est un lieu naturel, considéré bien souvent comme la porte souterraine du monde. La caverne devient ainsi l'antre des mystères ; sa forme même peut évoquer l'image de l'œuf primordial d'où la substance androgyne provient ; mais elle est aussi un ventre - celui de la terre régénératrice - puisqu'en ce lieu l'initié meurt fictivement pour renaître épuré. La caverne représente donc la matrice universelle. Je note au passage qu'en hébreu « puits » signifie aussi femme ou épouse.

La caverne engendre donc, mais elle permet à l'être humain de conquérir son immortalité. C'est rejoindre ici la notion de l'enfer qui régénère, puisque la mort n'est qu'une transformation nécessaire, sans devenir un anéantissement. Wirth a trouvé dans le symbolisme de la caverne le parallèle avec le cabinet de réflexion, puis de la chambre du milieu ou resplendit la lumière centrale, le culte des cavernes est toujours lié à l'idée de « lieu intérieur » ou « lieu central ». Pour Guénon, le symbole de la caverne et celui du cœur sont assez proches : la caverne représente la cavité du cœur considéré comme centre de l'être et aussi l'intérieur de l'œuf du monde. Cette caverne - ou Loge - ne sert qu'à la première initiation mais elle donne accès au vrai monde souterrain. Avec Platon, la caverne, antre cosmique de l'initiation, prend toute sa signification. Il établit la différence entre les deux mondes de la connaissance ; nous voyons surgir l'image désenchantée du monde sensible où passent les reflets de la réalité transcendante mais afin de ne pas violer la loi du silence le poète s'est exprimé en images voilées.

De nombreux épisodes de l'histoire Sainte se déroulent sous terre. L'Annonciation faite à Marie par l'ange Gabriel, a lieu dans une grotte, qui se situe près d'une source. Nous retrouvons les eaux - sous forme de source ou de puits - eaux supérieures, conception de la féminité la plus élevée où règne la Vierge (un autre exemple frappant avec la grotte de Lourdes !). Le même rapprochement être fait avec la caverne abritant la Nativité. Comme Zeus, Agni voit le jour lui aussi dans une grotte. Les Mexicains pensent que la grotte de Chicomotzoc ; qui signifie le « 7 grottes », donc un lieu sacré, fut le berceau de leur race. Homère note des arbres vénérés qui croissent près des grottes : c'est souvent l'olivier.

Toutes les cavernes sanctifiées par le passage de Jésus restent d'accès difficile, avec des montées périlleuses, des entrées fort étroites. Les entrées des temples initiatiques, toujours orientées, obligent le postulant à se baisser. Platon mentionne la présence de deux ouvertures : l'une qui donne accès au ciel, l'autre au monde souterrain. Dante sort de l'enfer et sa force ascensionnelle lui livre passage au monde d'En-Haut. Cette voûte correspond à la voûte étoilée, le trou à la porte solaire : la lumière pénètre ainsi par le toit du monde, s'établissant sous la forme d'une pyramide. Ce percement de la voûte nous ramène à l'ouverture localisée de la tête, à ce 3è œil de Shiva, à l'auréole du Saint, à la tonsure du prêtre. Guénon a montré que le rite de la trépanation posthume permettait à l'âme de se libérer plus rapidement et lorsque le Cardinal camerlingue frappe 3 fois au sommet de la tête du Pontife décédé, c'est encore pour évoquer la restitution de cette substance universelle. Ces passages bas et étroits caractérisent donc le circuit de la matière fluidique. Le « 3è œil » ou « œil pinéal » donne tous les pouvoirs de la conscience cosmique et supraterrestre.

La grotte peut abriter des temples. Ceux de Nubie se composent de 4 salles dont seule la 1è est éclairée naturellement. Les aménagements souterrains sont somptueux. Le Saint des Saints dans le temple égyptien est inaccessible aux profanes. Les Hindous creusèrent des temples comparables à ceux des Egyptiens. Et nous retrouvons les proportions colossales pour célébrer le culte de Bouddha. Ces grottes qui donnent accès au monde inférieur, permettent une liaison directe avec l'esprit qui réside au centre immuable.
Ces conceptions figurent également dans de nombreux contes : dans  « Barbe Bleue » où le sang dénonciateur, avec ses phases cérémonielles évoque « l'apprenti sorcier » ; dans la « Belle et la Bête » la chaLes Couloirs Initiatiquesmbre interdite n'est-elle pas l'image de cette caverne où se déroule un acte bien déterminé ? La caverne « d'Ali Baba » est emplie de richesses fabuleuses et le mot magique qui permet l'ouverture de la porte, est le nom de la plus petite graine. Il ne faut pas oublier Rabelais et son temple de la Dive bouteille. Le temple souterrain édifié dans la grotte, permet au postulant de prendre contact avec les forces de la terre et provoque ainsi sa régénération.

Jusqu'à présent, je n'ai envisagé la caverne que sous l'angle initiatique ; mais dans la littérature profane ces grandes cavités souterraines avec leur profondeur inconnue, leurs bruits, leurs cours d'eau ont attiré l'attention des hommes en causant terreur et superstition. Et indistinctement les cavernes sont nommées grottes des fées ou grottes du diable. Beaucoup de récits, sans fondements, établissent que les cavernes furent les 1è  habitations humaines. Des manuels scolaires ont illustré ces fables et ont imprégné les jeunes cerveaux, où les hommes vêtus de peaux de bêtes, vivent dans un état d'abrutissement complet. Historiquement, les hommes de Cro-Magnon, au front développé, sont grands et bien proportionnés. Il faut convenir que la caverne a pu servir momentanément de refuge, lors des guerres, d'épidémies ou de grands froids, mais en général les habitations s'élevaient en plein air. En réalité la grotte sert de sanctuaire, car il s'il déroule un rite magique ou religieux. Je pense qu'il est difficile de dissocier ces 2 modes de pensées, la religion étant par définition un acte magique.

Afin de rendre plus sensible le mystère qui émane de la caverne naturelle, l'homme songe à l'aménager ; ainsi naissent les peintures rupestres. Cette matrice des trésors, ce lieu de sépultures, cet antre qui donne accès au monde souterrain, devient le lieu de la divination et de la prophétie. Ces talismans totémiques attirent des forces cosmiques dont les bienfaits doivent se répandre sur la tribu.  Ces signes cruciformes, ces dessins symboliques apparaissent en noir et en rouge. Cette couleur rouge 'apparente à celle du sang, principe de vie. Ces totems pouvaient avoir une action sur la vie des bêtes ; dans un 1è stade, l'homme prenait soin d'elles afin qu'elles se multiplient ; dans un 2è stade le chasseur s'en emparait.
Nous serions donc devant un acte magique et cérémoniel, un acte d'incantation et d'envoûtement. Il faut y voir un sentiment religieux très élevé. Ces dessins figurent dans des endroits fort retirés, très mal éclairés, accessible après des passages rétrécis. Nous pouvons nous demander pourquoi de telles décorations existaient en ces lieux retirés ?
Ce ne sont pas des dessins élémentaires, mais d'admirables fresques ; cette extraordinaire maîtrise laisse supposer une société avancée et éduquée : la représentation graphique repose sur la conception du sacré ; l'homme du paléothique va à ce qui est essentiel dans l'art, il n'existe pas encore de dessèchement de l'être.

Quant à Lascaux, où le rite est très observé, la grande salle des taureaux se nomme la « Chapelle Sixtine de la Préhistoire ». Elle est composée de 600 dessins d'animaux et de 400 signes divers. Mais seuls certains animaux ont été représentés : le renne est représenté 1 fois, alors qu'il représente 90% de la nourriture consommée ; le cheval est l'animal le plus représenté de tous dans l'art pariétal, ne représente que 1% des déchets consommés sous terre. Mais ces statistiques sont en contradiction avec l'affirmation précédente. L'étude de toutes les traces, notamment celle des pieds, est celles de jeunes, ce qui milite en faveur d'une initiation. L'acte d'accouplement n'est jamais représenté, il semble relever d'un interdit. Quant aux signes, il est impossible d'apporter des réponses directes ou des explications précises. C'est le domaine de l'intuition, de la supputation ; ils correspondaient vraisemblablement à des mots, des actes, peuLes Couloirs Initiatiquest-être une langue archaïque ? Donc les cavernes avec leurs décorations, ne s'inscrivent pas dans un art gratuit. Nous ignorons comment  vivaient nos ancêtres, mais ces dessins nous prouvent qu'une civilisation existait. Ce sanctuaire nous met cependant sur la voie du totem ; un des aspects magiques nous reste avec la Vierge Noire, avec le Temple souterrain, cette grotte matrice de la terre-mère qui nous a donné la vie et qui nous recevra.

Des couloirs obscurs, mystérieux, tortueux, aboutissent aux chapelles souterraines ; majestueuse, la Vierge Noire apparaît et s'associe à la caverne. Elle trône dans la crypte, grotte sacrée, antre des mystères, dont la forme évoque l'image de l'œuf primordial d'où la substance androgyne est née. Ce lieu qui permet la condensation des forces telluriques donne accès au vrai monde souterrain, mais dans ce cœur du monde la Mère, éternellement jeune et vierge, replace le postulant dans son milieu originel en vue de sa régénération.
Ce sanctuaire affecte souvent une forme circulaire, comme la terre. Cette crypte millénaire se situe en général dans un sanctuaire bâti sur une hauteur boisée et un puits y est placé près de la vierge. Les pénitents se plongent dans cette eau miraculeuse : « La vérité sort du puits » dit le proverbe. L'eau purificatrice isole au même titre que la forêt et elle se met en marge de l'action. Les Vierges Noires se présentent sous la forme de statuettes en bois, de petites dimensions. Les mains de ces vierges, souvent grandes, font songer à celles des dieux qui figurent dans les dessins rupestres. Le noircissement de la déesse peut nous intriguer. Seuls le visage et les mains se détachent sur une robe plus claire. La coloration noire indique un caractère bien particulier. La puissance et la sainteté des Vierges Noires, en Europe, ont fait naître des pèlerinages fort nombreux.

Marie a vraisemblablement le type de Palestine, donc non noir. L'iconographie religieuse respecte le visage blanc : ovale, allongé, nez droit, cheveux lisses et non crêpés, bouche finement marquée. Ainsi le visage d'une femme blanche se peint en noir ! Si nous cherchons dans l'histoire des religions, nous nous apercevons que le Vierges Noires existèrent dans toutes les parties du monde : Isis, Cybèle, Minerve, Athéna…Toutes ces déesses représentent la  Terre Mère, fécondatrice qui reste chaste, matrice d'où procèdent toutes choses et à laquelle toutes choses retournent. Isis représente toutes les divinités féminines, épouse douloureuse d'Osiris, elle enfante d'Horus. Isis, Osiris, Horus forment la trinité la plus parfaite ; par ce symbolisme, nous rejoignons la signification des 3 piliers : Sagesse, Force et Beauté. Isis était connue en Gaule ; une statuette siégeait à St Germain des Prés. Une statuette d'Isis trônait dans la cathédrale de Metz. Une statue analogue aurait existé à Lyon. D'abord hostile à toute conversion d'images païennes, l'Eglise pratique ensuite une politique de tolérance, et reconnaît que l'adoration de la Vierge Noire proviendrait de l'ancien culte d'Isis. La Vierge Noire a la couleur du commencement du grand-Œuvre alchimique, et que sous terre  est cachée « la lumière minérale » au plus profond d'un corps immonde et méprisé. Ces vierges   portent ainsi la lumière du monde et leur ventre resplendit d'un soleil rayonnant. Cette terre rendue féconde par le feu intérieur devient l'Immaculée Conception ; au désir non manifesté, à la passivité universelle, succède la naissance miraculeuse. Elle est la médiatrice parfaite entre le ciel et la terre. De cet ordre cosmique est né, sur le mode divin, le processus de la naissance de jésus, qui incarne le monde ; c'est retrouver une loi de mutation et d'analogie. Nous sommes en présence de l'intelligence principe, la Conscience à l'état pur.

L'atelier souterrain reste donc le lieu privilégié où la nature transmet son pouvoir : le forgeron s'inspire de l'acte magique, les nains conservent des richesses, mais nous revenons toujours vers la recherche d'une réalisation spirituelle : cette usine, cette mine, cette crypte, participent au symbolisme de la grotte, du temple initiatique, car elles mettent l'homme en contact avec les puissances cachées, les forces qui lui permettront d'acquérir sa seconde naissance.

Nous venons de parcourir un long chemin, et il reste encore tant à dire ! De nombreuses notes devraient être complétées, d'autres exemples auraient dû être cités. Mais il faut conserver l'essentiel : « Que représente en réalité ce monde souterrain ? ». J'ai cherché ce qui pouvait être universel, car chacun détient une grande part de vérité, mais la vérité n'est ni hindoue, ni juive, ni chrétienne, ni maçonnique ; elle n'est que la Vérité. Il faut s'aventurer à la conquête du vrai, à travers les ténèbres d'un monde inconnu, il faut  pénétrer l'essence des choses et suivant les paroles de St Augustin : « nous chercherons donc, comme si nous allions trouver, mais nous ne trouverons jamais qu'en ayant toujours à chercher ».
Celui qui cherche ne peut pas être trompé.

J\ F\


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