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Le Cheminement Initiatique C’est cela, la magie du cheminement initiatique : un seul chemin, commun à tous, celui de l’initiation. Mais ce chemin commun mène en des lieux propres à chacun, des lieux dont aucun ne ressemble aux autres. Nous sommes tous ensembles sur la même route, nous progressons avec les mêmes outils, avec un langage symbolique commun, mais nous recherchons tous quelque chose de différent, quelque chose de secret, (qui nous est d’ailleurs secret à nous même). Comme dit très justement notre TCF N\, on naît seul, on s’initie seul, on meurt seul. Mais alors, que faisons-nous ici ensemble ? Quel est cet apparent paradoxe qui oppose un processus initiatique intime, personnel, un lent travail sur soi, et un processus collectif qui nous réunis chaque tenue. Nous ne ferions qu’y accoler nos solitudes ? Pas du tout. A mon avis, contrairement à Jacques Brel, l’athée qui dans la chanson « adieu l’Emile », faisait que son mourant déclarait au prêtre : « Adieu l’abbé je t’aimais bien etc. etc.. nous ne prenions pas les mêmes chemins, mais nous allions au même port ». Nous faisons le contraire. Nos ports nous sont particuliers, différents pour chacun, mais nous partageons la route, nous partageons la méthode. Parce qu’à coup sûr, si chaque cheminement, initiatique ou pas, est personnel, il existe également des chemins qui ne mènent nulle part, ou dans le mur (il n’est qu’à voir ce qui se passe dans le monde profane : pour moi, l’intégriste militant, le fasciste encarté, le membre aveuglé d’une secte, ce n’est pas un imbécile malveillant, c’est quelqu’un qui souvent cherche une vérité, une forme de solution à un problème qu’il ressent, comme nous...mais qui s’est trompé de chemin). 1- Du vocabulaire D’abord, si vous le permettez, un peu de
vocabulaire. Comme il s’agit de termes que nous utilisons
très souvent sous cette voûte, je voudrais
préciser ici le sens que je prête à
ceux qui se déclinent sur le thème de
l’initiation. Comme d’ailleurs son nom l’indique
très bien, une initiation est un début.
C’est un fait initial et initiateur. Une initiation, comme
celle lors de laquelle le profane reçoit la
lumière, c’est un instant T zéro. Tout
commence à partir de là. Autrement dit, il faudrait instaurer l’usage du terme de « s’initiant » ou mieux, de « cheminant » pour nous qualifier tous. S’il existe un initié parmi nous, mon sentiment, fondé sur ce parti-pris de vocabulaire, est qu’il doit se dénoncer et couvrir le temple. Nous aurons plaisir à aller recueillir ses sages paroles aux agapes, mais qu’il nous laisse à nos lents et ingrats travaux de polissage. 2. Du cheminement global au cheminement personnel. Ce point de vocabulaire étant
posé, voyons quelle pourrait être la nature
profonde, essentielle, du cheminement initiatique. Mais l’homme est ainsi fait, c’est d’ailleurs assez sympathique, que dès lors qu’il a le ventre plein et quelques facteurs de stabilité assurés, il se pose des questions existentielles. C’est un fait général et humainement universel. Pas une philosophie, pas une religion, pas une civilisation qui n’évacue le problème de savoir d’où nous venons, où nous allons et à quoi cela sert-il, et même, selon la superbe question que pose exactement l’astrophysique fondamentale d’aujourd’hui : « pourquoi y a t’il quelque chose plutôt que rien ». Chacun de nous, qu’il le formule clairement ou pas, est titillé peu ou prou par les mêmes interrogations. Alors il se pose la question tout seul, et puis il se la pose en groupe. Il n’y a sans doute qu’une seule réponse, (...je la connais pas...), mais comme nous sommes tous différents, elle prend des formes différentes pour chacun. La phase de questionnement et d’affinement de la question s’appelle le cheminement initiatique. Vous voyez, c’est très simple et ce n’est pas purement maçonnique. 3- De la quête de la vérité. Au plan individuel, l’une des priorités du « s’initiant » est la recherche de la vérité, que nous symbolisons, comme d’ailleurs beaucoup d’autres, par la lumière, qui dissipe les ténèbres de l’erreur et de l’obscurantisme. Techniquement, comme dans une enquête policière, rechercher le vrai, c’est l’extraire de la masse du faux qui l’entoure et le cache. Car, et c’est là un point très intéressant : le faux semblant, l’obscur, l’invisible, l’inconnu, sont majoritaires dans notre univers. Immensément majoritaires. La masse de tout ce qui est inconnu est mille fois supérieure à la masse de tout ce que avons pu découvrir (voyez la puissance évocatrice des mots qui désignent la recherche) : découvrir, éclairer, inventer, déceler. Bref, la vérité est physiquement minoritaire, cachée, assombrie. C’est dire qu’il y a du travail pour que la lumière nous éclaire complètement. La quête de la vérité, c’est la recherche d’une aiguille dans une botte de foin. Naturellement, nous ne sommes pas sans moyens. La science, la philosophie, la démarche initiatique, le symbolisme ne sont que des détecteurs d’aiguilles. Elles nous permettent de trouver plus d’aiguilles, plus de vérité, qu’en fouillant au hasard dans la botte. Mais comme il y a peu d’aiguilles et que la botte de foin est énorme, pleine de faux semblants, des fausses valeurs que nous appelons les métaux, des fausses vérités que sont les dogmatismes, et plus encore des fausses routes que sont les erreurs de bonne foi, comme je vous le disait, ce n’est pas le travail qui manque. 4- De l’allez retour dialectique : Vous connaissez ma méfiance à
l’égard des formulations pseudo
ésotériques qui cachent trop souvent un vide de
contenu. Faire une planche, ce n’est pas compliquer une
question simple, mais décanter une question
compliquée pour aboutir à une
réalité aussi cristalline que possible. Le cheminement initiatique, c’est une quête de vérité, qui porte au départ sur les mystères du monde, qui permet ensuite de comprendre plus de soi même. Cette compréhension meilleure de soi même dans le monde permet de jeter un nouveau regard sur le monde, et ainsi de suite. Le cheminement initiatique est une recherche dialectique qui - et là j’exprime un avis tout personnel - doit conduire à l’acceptation de soi tel quel l’on est, et du monde tel qu’il est. Si le chemin initiatique a un bout, celui de l’éveil, celui où l’initié atteint un état de sagesse ultime (l’éveillé est le sens du mot « Bouddha ») vers laquelle tout « s’initiant » tente de se transporter, cet état, ce bout, est soit un état d’acceptation, soit un état de connaissance parfaite de soi même et de l’univers. Entendons nous bien. Ma question est bien : quand est on
initié ? En quoi cela consiste-t-il ? On atteint le niveau
« d’initié »,
le nirvana bouddhiste, lorsqu’on a accepté
l’idée que la question de soi et du monde est
vaine, et que l’incompréhensibilité
n’est pas un souci. Dans la tradition bouddhiste, il va se
réincarner autant de fois que nécessaire, pour
poursuivre son travail de percement et d’ouverture de la
porte. Et un jour, un beau jour, s’il parvient au bout de son
cheminement initiatique, il trouve la solution. Cette solution, ce
serait de rompre le maléfice, de parvenir à vivre
et à être heureux en plantant là la
pièce fermée et la porte close.
L’initié, ce n’est peut être
pas celui qui a accédé à la
connaissance, mais celui qui est parvenu à vivre sereinement
en sachant qu’il ne saura pas. Lorsque je
m’applique cette hypothèse à
moi-même, je réalise que je suis bien loin de mon
aboutissement initiatique. J’ai eu de longues discussions avec un
ex-otage, retenu de longs mois au Liban. Il en est ressorti que cet
homme, ni plus ni moins spirituel que la moyenne, s’est
retrouvé à vivre une expérience
particulière qu’il a transformé en
démarche initiatique ultra rapide et réussie. Je
le considère comme un initié, un
éveillé : il ne se pose plus de questions. Il est
serein et heureux. Il aurait beaucoup de mal à
répondre à la question : « s’il
était possible revenir en arrière et que cette
épreuve n’ait pas lieu, que feriez vous ? ». Pour conclure, et à titre d’exemple
final de ces initiations « hors système
initiatique », je voudrais vous lire, sans en faire
ensuite de commentaire, vous en verrez
l’inutilité, un extrait du testament de mon grand
père, un italien que j’aimais beaucoup, qui est
mort voici 22 ans, qui a quitté l’Italie pour fuir
le fascisme, qui a commencé à travailler
à 12 ans comme coursier, en sachant à peine lire
et a fini par diriger une banque, malgré son militantisme
syndical, qui a milité toute sa vie pour une cause qui
semble acquise aujourd’hui, mais qui ne l’a pas
toujours été, qui est la
laïcité. Et cet homme exilé et
déraciné de son pays (et même de sa
langue maternelle), dont la vie n’a été
qu’une longue bataille, cet homme qui, à mon avis,
a fait tout seul de sa vie un cheminement initiatique, voici ce
qu’il écrit alors qu’il pense
à sa mort et peu avant celle-ci : |
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