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L’Humilité, Vertu M
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Si j'ai tenu à vous parler d'humilité, c'est non seulement que j'en ai reçu des leçons ici même, mais aussi parce que je crains que tout M\soit potentiellement menacé du même syndrome d'élitisme: "je suis "initié", donc en dehors - voire "au dessus" - du commun des mortels"…
Et pourtant, être reçu dans l'Ordre, c'est d'abord être au silence, puis, quelque soit le grade que nos mérites éventuels nous valent, prendre conscience de notre chemin initiatique, de notre "statut définitif" de cherchant.
C'est, en L\, être pareillement vêtu, écouter les travaux de nos FF\ sans critique ni louange, ne prendre la parole qu'une fois, et jamais après le V\M\, être récompensé par le versement d'une obole; c'est le respect et la tolérance, la rigueur et la tempérance, en un mot la vraie fraternité. Comme nous le dit Pierre (3:8)  "Enfin, soyez tous animés des mêmes pensées et des mêmes sentiments, pleins d’amour fraternel, de compassion, d’humilité."

C'est aussi, apparemment, l'inverse vertu de l'homme, qui, créature de Dieu, veut se faire Dieu: le génie bâtisseur de nos prédécesseurs passe du Roman, fait de matière construite autour de Dieu, au Gothique élevé haut autour du vide, jusqu’à nos tours contemporaines, temples de la richesse, la puissance et la gloire dévoyés de l'Épiphanie … Se rappelle-t-on encore de la  Tour de Babel ? Et pourtant, nos modernes Babylones devraient se souvenir de cet écho dont résonnent les Proverbes (22:4) : "Le fruit de l’humilité, de la crainte de l’Eternel, C’est la richesse, la gloire et la vie"…

Comme le rappelle l'étymologie, avec cet "humus" dont l'homme fut pétri, la préhension de l’humilité ne peut elle-même être que modeste…
Principale qualité opposée à la vanité,  antinomique de l’orgueil, « L’humilité a sa source, écrivait COLETTE, dans la conscience d’une indignité, parfois dans la conscience éblouie d’une sainteté. ».
En d'autres termes, "Domine, non sum dignus"…"Seigneur, je ne suis pas digne…mais dites seulement une parole…".

3000 ans avant, David disait (Psaume  CXXI-1): «  Adonaï, mon cœur ne s’enfle pas; mes yeux ne se haussent pas. Je ne m’insinue pas dans des grandeurs et des merveilles de trop pour moi... »
Preuve que vécue par tout homme de bonne volonté, l’humilité ne peut s’exprimer que par rapport à un même absolu. Cet  absolu, pour nous Francs-Maçons du RER, est DIEU dans son immanence, Lui qui, au sein de notre Ordre, est la source de notre transmission d’influences spirituelles ainsi que la base, le fondement de notre Monde Sacré.

Dans son édifiante mémoire, la Genèse nous rappelle que l’ordre sortit du chaos et que la Création du monde eut comme apothéose celle de l’Homme issu de la glèbe, cet  Homme qui, faute d’humilité, chuta au lieu de rester le joyau de l’univers naissant. Première chute, première punition:  ( GEN III. 23-24) «  Elohim renvoie le glébeux du jardin d’Eden pour servir la glèbe dont il fut pris. Il expulse le glébeux et fait demeurer au levant du jardin d’Eden les Keroubîm et la flamme de l’épée tournoyante pour garder la route de l’Arbre de Vie... »
Mais Elohim aime, il pardonne et, même le déluge futur n’efface pas toute vie, Il scelle avec Noë cet amour par son premier Pacte:  ( GEN IX.11 )  «  Nulle chair ne sera plus tranchée par les eaux du déluge... »
Le glébeux a-t-il compris alors l’humilité? Devient-il petit pour servir et prier Celui qui lui a donné la vie? Non, cette qualité n’est pas au rendez-vous de la Tour de Babel qu’il voulait construire pour qu’elle touche le ciel afin de lui éviter de se répandre sur toute la terre. Elohim punit à nouveau , puis, comme toujours, Il pardonne en prenant Pacte avec ABRAHAM, après avoir permis à Melkitsedeq, roi de Salem et symbole de la "Tradition Primordiale", de fournir «  Le Pain et le Vin »  du premier sacrifice des espèces matérielles du blé et de la vigne, premier pont symbolique et rituel entre Ciel et Terre.
L’Humilité d’ABRAHAM fut cette obéissance totale à la  volonté de Dieu, dans la conscience douloureuse, mais librement acceptée, de son infériorité; elle lui valut  d’être le Père transfiguré de la multitude des nations.
Cette vertu d’humilité obéissante ne sera pas celle de Sodome et Gomorrhe, lieux de luxe et de luxure, de mensonge et d’orgueil ! Dans ces cités riches et brillantes, pas un seul juste ! Elles vont donc périr par le souffre et le feu: à chaque chute sa punition car Dieu seul est JUSTICE, à chaque chute son pardon car Dieu seul est MISERICORDE.

Inlassablement Elohim aime:  devant Babylone se dessine déjà Jérusalem quand le Miséricordieux donne à MOISE d’une part ses Commandements mais, d’autre part et surtout, son Nom, cette Parole ineffable dont la prononciation parfaite et  le savoir total permettent la Connaissance transfigurante de sa Lumière.
Pourquoi MOISE ? Moïse était le plus humble de tous ( NOMBRES XII. 3 )  «  Et l’homme Mosche était fort humble, plus que tout humain sur la surface de la glèbe. » , lui,  Moïse le prince d’Egypte devenu esclave pour servir ses frères,  Moïse qui, ayant reçu la LOI, l’ALLIANCE et la PAROLE, abattu le veau d’or et traversé la Mer Rouge, accepte, en homme obéissant et humble, de mourir à l’horizon de cette Terre Promise au Peuple Elu et, pour lui, son chef, cependant et pour toujours interdite. C’est lui «  l’homme Saint de douleurs »  d’ISAIE, c’est par «  sa main que le désir d’Adonai triomphe », c’est lui qui a compris le plus profondément que: (PROVERBES 15:33 ) : « La crainte de l’Eternel enseigne la sagesse, Et l’humilité précède la gloire... »
Celui qui était le PROPHETE d’Israël et son premier GRAND-PRETRE ne fut ainsi jamais ROI, la Tiare était encore à venir avec l'Épiphanie. L’Humilité avec Moïse est sacrifice, abnégation et FIDELITE.

Puis, dans sa bonté, Dieu nous donne SALOMON, roi de Justice et bâtisseur du Temple. Temple bientôt détruit - nouvelle leçon: les pierres elles-mêmes vivent et meurent. Les Temples redeviennent pierres, les pierres redeviennent sable, le sable redevient silence.
Mais l’Humilité du sable est encore trop confortable pour JOB qui, du fond de sa solitude, de sa désolation, ose se lamenter ( JOB III. 3, III.11, X.1, XXIII. 8-9) : « Je veux parler dans l’amertume de mon âme. Mais si je vais à l’Orient, Il n’y est pas, et à l’Occident je ne Le discerne pas, vers le Nord je Le cherche et ne l’aperçois pas, je me tourne au Midi et ne Le vois pas... »
Cruauté apparemment aveugle de l’initiation de l’humain dans sa montée hésitante et inquiète aux frontières de l’espoir des arcanes célestes. Dans ses épreuves aux quatre points cardinaux de son Initiation au monde de l’Immanence, JOB s’instruit en APPRENTI, voyage en COMPAGNON et meurt à lui-même en MAITRE. Il devient pierre, puis sable, puis moins que le sable. De son  « ego »  aux plaisirs lointains, il fait un feu purifiant et régénérateur, il se consume. Sable brûlé, il élève son cri à la mélodie de l’Obéissance et de l’Humilité au point de chanter un hymne d’Espérance; à cette Lumière d’Espérance il ranime sa Foi, avec sa Foi raffermie il ouvre son coeur à la Charité. Avec JOB, l’humilité c’est accepter la misère absolue; c’est le courage de la Prière dans la souffrance, c’est devenir un objet de Dieu, le plus petit si tel est son dessein; c’est comprendre que l’unique destin que la spiritualité peut réserver à l’homme est de n'être qu’un vecteur de la  Volonté de l’Eternel. Alors l’humble, dans l’unité de son destin, devient Contemplation pour tout ce qui procède et ne vit qu’avec, pour et dans la Parole. Et Dieu récompensa JOB selon les termes de la Prière de TOBIE : ( TOB XIII.2 ) : «  Béni soit Dieu qui vit à jamais, Béni  soit son règne, car Il flagelle et prend pitié. »

Et l’aventure des Ecritures continue: Dieu nous donne les prophètes messagers d’Apocalypses, les bêtes vaincues par l’Agneau, la Vie après la mort déifiée par le Pardon et non par le Talion, l’orgueil vaincu par l’Humilité, le triomphe de sa Vérité sur l’inversion terrestre des valeurs. Etre courageux, sans être intrépide, et cela dans le seul but d’être Fidèle et de servir son Seigneur et  Maître:  Dieu, Grand Architecte de L’Univers, crée l’Humilité.

Et après l’ère du Taureau, passée l’ère du Bélier, vint l’ère du Poisson, cet ICTUS symbole du Christ gravé dans la nuit des catacombes où la Religion Chrétienne vivait dans l’humilité des cachots, tout près de l’or et de la pourpre impériale. Il y avait eu le Temple de SALOMON, puis celui de ZOROBABEL et, enfin, le Troisième Temple, « non pas bâti seulement de main d’homme mais éternel dans les cieux », celui du Corps du CHRIST, le Fils de la Trinité Sacrée.
JEAN, le modeste Baptiste, annonçait ce troisième Temple. Il savait déjà conjuguer l’Humilité avec le respect marié à la joie. Lui qui se disait «  indigne de délier les lacets d’Emmanuel » n’avait-t-il pas compris que, si le Prophète est éclairé, sa lumière n’est en rien humaine mais, seulement et totalement, une inspiration venant d’En haut  ? Que lui n’était rien en face de son message? Que l’Humilité est la Porte unique et indispensable qu’il faut franchir dans la Quête de la Lumière ?

Après l’aube des hommes vint donc le Fils de Dieu, celui qu'annonçait déjà Zacharie (9:9) en ces termes :
« Sois transportée d’allégresse, fille de Sion! Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem! Voici, ton roi vient à toi; Il est juste et victorieux, Il est  humble et monté sur un âne, Sur un âne, le petit d’une ânesse..»
 Celui qui vérifiait les prophètes vécut son baptême du Jourdain dans la fatalité du Golgotha. Lui dont toute la vie terrestre fut leçon absolue d'Humilité dans son propre absolu, connut le procès des hommes et, au terme de son supplice, tel JOB anéanti, Il cria:  «  Elohaî, Elohaî, lama sabaqtani ? »  , «  Mon Père, mon Père, pourquoi m’as-tu abandonné? ».  Dans cette humble supplique  désespérée d’un Dieu totalement Homme et d’un Homme totalement  Dieu, naissait, sur l’arbre mort de la Croix, LA VIE, cette vie qui, après trois jours de deuil ouvrait pour toujours le «MALKUTH», dernier séphirot kabbalistique, porte terrestre de la réintégration au «Kether», le premier cercle de la Vie Eternelle.
Cette vie de l’Humilité de l’Homme, dans l’obéissance au PERE, Souverain Maître, dans l’intelligence de l’ESPRIT, et grâce au martyr du FILS, devenait ainsi Alchimie du Verbe, racines dans l’humus de la terre et sommet dans la rosée du Ciel.

Le Maître de l’Humilité est le Maître de l’Amour, DIEU et, tout particulièrement pour nous Francs-Maçons du Régime Rectifié, l’Agneau,  le Christ ressuscité et dès lors en Majesté, ce Frère qui nous ouvre et nous montre le chemin, son chemin, dans le respect et l’obéissance.
CLEMENT d’ALEXANDRIE, dans sa première Epître écrit: ( CLE XVI.1, XLVIII.5 ) : « Le Christ appartient aux humbles, non à ceux qui se dressent au-dessus de son troupeau... Quelqu’un apte à exposer la Connaissance... doit être d’autant plus humble qu’il paraît plus grand et chercher l’intérêt commun et non pas le sien en particulier... »
Si nous avons soif de cette Eau, nous comprenons mieux pourquoi le Christ est issu des Lévites, eux-mêmes issus de la lignée de JACOB, qui humblement quitta sa propre terre pour se rendre chez LABAN afin d’y recevoir les Douze Sceptres d’Israël. Nous partagerons aussi mieux avec Lui le Centre de la Croix, union des mondes horizontal et vertical, le Centre de toute Vie, extension ou concentration du Secret Divin. L’Humilité, au Centre du cosmos, comprend le sens du Verbe, tout comme l’Initié doit se rappeler l’adage: « SIC TRANSIT GLORIA MUNDI ».

Pour Saint AUGUSTIN, « Les hommes prévaricateurs seront rangés à gauche parce qu’ils n’auront pas cherché Dieu par la Porte de l’humilité que le Seigneur Jésus-Christ a montrée lui-même, et parce qu’ils auront vécu sans miséricorde dans l’orgueil ». Dans le même ouvrage, « Le Maître, le Libre Arbitre », il énonce ( I.13, 27-28 ) des qualités ordinales qui nous sont familières: Prudence, Tempérance et Justice.
A l’exemple du CHRIST, le plus éclairé des hommes est bien le plus humble, et le plus humble est bien celui le plus au service des autres, et le plus au service des autres est celui qui se fait serviteur, et d’autant plus serviteur que ses prérogatives, titres et responsabilités sont élevés dans l’échelle des vivants, à la Lumière et à la crainte de l'Échelle de Jacob.

Saint BENOIT dans sa Règle Monastique et en préambule à ses "Douze Degrés de l’Humilité", faisant référence à cette Échelle mystique, écrivait: « On descend par l’ élèvement, on monte  par l’Humilité... ».

Et lorsque Saint BERNARD de CLAIRVAUX dit « Donnez-vous tout entier à votre charge. Repoussez toute timidité en considération de votre devoir. Agissez en Maître. Donnez tout puisque tout vous sera demandé, jusqu’à la dernière obole... L’HUMILITE est la Pierre Angulaire de toute vie mystique», on comprend mieux la fière devise de l’Ordre du Temple, dont il avait fixé la règle :  « NON NOBIS, DOMINE, NON NOBIS SED NOMINI TUO DA GLORIAM » Non pas à nous Seigneur, non pas à nous, mais donne la gloire à ton nom…

Pour les Templiers, qui, au commencement, et bien qu'issus des plus hautes lignées, s'appelaient "Pauvres Chevaliers du Christ", l’Humilité vient donc bien d’EN HAUT:  le Chevalier, le Moine, le Maître, Compagnon ou Apprenti, partageant le même Idéal d’Ordre, pourront entendre ensemble, dans une seule Fraternité agissante d’Hommes debout, ce conseil d’IGNACE d’ANTIOCHE  (Lettre aux Ephésiens X.1-2): «  Mais au moins qu’aux hommes votre exemple leur indique la Voie. A leur colère opposez votre douceur, à leur arrogance votre Humilité, à leurs blasphèmes vos prières, à leurs erreurs la fermeté de votre Foi, à leur violence votre sérénité... »

L’Humilité, c'est aussi l'effort dans la fuite des tranquilles certitudes, du dogme imposé par rapport au symbole librement accepté, et même du trop-plein d'humilité qui confine à l'orgueil, comme le dit -encore- Saint BERNARD: « une modestie qui empêche d’agir est sans mérite, une humilité contraire à la vérité est blâmable »
…C'est la tempérance face aux tentations, la prudence face à nous-mêmes, j'allais presque dire la force tranquille de qui connaît son ultime finalité…

Un moine demanda à son Maître
          Suis-je en possession de la nature de BOUDDHA ?
Le Maître répondit :
          Non, vous ne l’êtes pas.
Le moine questionna :
          J’ai entendu que toutes choses sont en possession de la nature de BOUDDHA  pourquoi pas moi ?
Le Maître répéta
          Les insectes, les animaux, les plantes, les pierres, tous ont la nature de BOUDDHA, et vous, Non !
Alors le moine-disciple s’inquiète:
         Pourquoi pas moi?
Et le Maître répondit:
         Parce que vous me posez la question.

L’humilité doit donc répondre à des nécessites constantes quels que soient le temps et l’espace. Les éléments de ces devoirs proposés à notre libre arbitre étant cependant incomplets, et leur liste n’étant pas exhaustive:
   *Ne rien demander pour soi: le Maître doit apparaître quand l’Elève est prêt.
   *Se définir avec intelligence, objectivité et générosité par rapport à la Loi et l’accepter pour en vivre.
   *Ne pas imposer aux autres les limites de ses propres insuffisances - ou de sa propre suffisance.
   *Se donner une limite raisonnable de jugement et d’action entre culture et nature.
   *Respecter l’adversité et surtout l’infériorité, quels qu’en soient les écueils.
   *Rencontrer et accueillir l’autre sans le soumettre à ses propres manques, en comprenant, même à la limite de la légitime tolérance, qu’il est en fait le miroir de nos limites personnelles.
   *Accepter, autant que la loi morale pourra objectivement le permettre, de perdre une probable victoire personnelle pour garantir simplement l’existence de son prochain.
   *Admettre, sans trahir sa Foi, une idée Transcendantale différente et, éventuellement opposée, d’un adversaire, Frère éloigné sans doute mais, malgré tout, et à l’évidence, lui aussi créé par Dieu, donc Fils, même séparé, du même Père et Frère du seul Christ.

V\M\, mes Frères, toute chose, y compris la matière,  est en possession de Dieu, mais il faut être un Homme pour le réaliser dans la Liberté de sa vie. Que l’Homme-Apprenti apprenne avec obéissance, que l’Homme-Compagnon ne frappe pas le Maître par ambition illégitime , que l’Homme-Maître soit l’Initié-Initiant dans la solitude de sa conscience, que l’Homme-Vénérable soit une Conscience dans la solitude de son Obligation de Vertu. Qu’lls soient, tous unis en Loge, dans le Temple et hors du Temple, dans le même chantier d’action du monde sacré, en devenant les TEMOINS VIVANTS de l’Obéissante Humilité.

Pour  réaliser ce projet essentiel de l’Idéal de Perfection permettez-moi de croire que si l’Amour est l’incantation du Verbe sur terre, la Foi en est l’Hymne et l’Humilité la chanson.

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