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La Gnose


J’avais primitivement l’envie de jouer avec la lettre G, à titre de gag qui permettrait de se gausser par un Glossaire non dénué de Gongorisme. Mais Il ne faut pas s’égarer en Gouaille ou se gargariser de Gaudrioles qui ne sont pas de mise en ce lieu, pas plus qu’un Gloussement voire un Gondolement même sans godille. Gare à la gloriole me dis-je goguenard comme à l’accoutumée, en pensant à cette lettre G. Ne glissons pas dans le glauque mais ne glandons pas sur ce globe. Inutile de gigoter, de gesticuler, de geindre, de regimber, de goberger et de gémir, générons, galvanisons, sortons des gangues qui nous engluent, faisons galoper nos esprits, germer nos idées, gagner nos principes trop souvent galvaudés. Vouons aux gémonies, juste un instant, les galbes et les gambettes des geishas qui agrémentent nos galipettes en cherchant le point G. Soyons le gang bang de la gamberge, les généreux géniteurs   d’un  humanisme régénéré.

Cornegidouille, ventre saint gris, je m’égare...arrêtons ce gachis, ces grumeaux de verbiage, cette gabegie de G, ce galimatias fait pour amuser la galerie qui peut en agacer quelques uns et en gonfler quelques autres. Ce G permet donc de tout dire, c’est un générique assez génial. G dit.

La lettre G, la septième lettre et la cinquième consonne de l’alphabet, je devrais dire de notre alphabet, même si dans leur grande majorité, ils varient peu jusqu’à cette lettre, ne manque pas de surprendre le compagnon que nous restons tous...

Notre rituel nous suggère un certain nombre de mots qui seraient liés à la lettre G, tels géométrie, génération, gravitation et Gnose. N’ayant jamais entendu d’exposé sur ce dernier, je me suis décidé, malgré une réticence naturelle à l’effort, à entamer une réflexion sur ce sujet la Gnose.
Ce mot Gnosis nous vient du grec, lequel constitue la racine en latin du verbe cognoscere  signifie connaissance. Ajoutons à titre indicatif que le mot grec Gnostikos signifie « celui qui sait » et celui là pourrait s’approcher de l’initié. C’est ainsi que le concevaient les gnostiques. Voilà une raison supplémentaire pour s’intéresser à la Gnose.

Il apparaît à la simple réflexion que l’énumération donnée par notre rituel ne comporte pas un terme que le pasteur Anderson aurait probablement cité en premier lieu dans sa langue maternelle pour illustrer la lettre G : GOD. Il eut pu ajouter GOOD GOD mais bon dieu, la traduction littérale, nous égare peut-être de notre sujet mais en apparence seulement...

Revenons enfin à la Gnose, et pour conserver l’usage de la lettre G, attachons nous à en tracer même sommairement la genèse avant d’en faire la glose.

S’il fallait donner en préambule un ambryon de définition de la gnose, c’est probablement par son contraire qu’il faudrait la présenter tant il est vrai que nous entendons parler plus souvent d’agnostiques que de gnostiques. Un agnostique en effet est celui qui n’admet comme réalité que le monde expérimental, le monde sensible matériel, concret qu’il estime être le seul entrant dans le champ du connaissable. Cette position conforte l’alliance du rationnalisme et du matérialisme.

Rappelons au passage que l’agnostique se différencie de l’athée, au moins dans le sens moderne du terme, lequel se contente de nier l’existence d’un dieu ou plus exactement il refuse d’adhérer aux raisons de croire à l’existence d’un dieu. Bien sûr l’athéisme contrairement à l’agnosticisme n’est pas une doctrine.

A l’opposé, pour simplifier dans un premier temps, la gnose se présente comme une connaissance purement intuitive et une expérience strictement personnelle qui donne accès au divin ou pour utiliser un terme plus générique, au transcendant ou à une forme de métaphysique. Cette approche essentiellement spiritualiste fait davantage appel à l’intelligence du coeur qu’à la raison, au moins dans la pensée des premiers gnostiques lesquels ont constitué une secte à l’origine. La question se posera de savoir si il n’existe pas encore aujourd’hui un certain sectarisme gnostique ce qui n’exclue pas un sectarisme agnostique non plus...
 
La pensée gnostique, dont on peut lire fréquemment qu’elle est néo-platonicienne, à défaut de racines peut être reliée à divers grands mouvements de pensée tant en occident qu’en orient : On y retrouve l’importance de l’âme chère aux égyptiens et reprise par Pythagore, la dualité du bien et du mal constituant essentiel de l’univers des mazdéens reprises dans les doctrines manichéennes, lesquelles ont largement influencé bien plus tard, le Catharisme. L’idée de salut par la connaissance, la prise de conscience de la part de divin en soi, l’affimation que le monde n’est qu’une illusion dont il faut s’affranchir, et enfin la recherche de l’intériorisation comme moyen d’élévation de soi, ces thèmes développés par les gnostiques se retrouvent tant dans le mouvement de la pensée grecque que Bouddhique mais aussi chez les Esséniens, chez les Astrologues de Babylone ou en Inde dans les Upanishads ( textes indous écrits entre le XVIII° et le VIII° siècle avant notre ére – textes védiques – véda signifie savoir science en sanskrit )

Sans remonter aussi loin, il est fréquemment admis que la pensée gnostique s’est développée tout particulièrement dans l’émergence du monde judéo-chrétien bien qu’elle l’ait largement précédé et sur lequel elle s’est greffée presque dès les origines.

Les premiers gnostiques répertoriés et désignés comme tels au deuxième siècle de notre ére, Valentin, Marcion et Justin pour ne citer que les plus célèbres, mélaient semble-t-il la tradition juive et la philosophie religieuse des Grecs dont ils avaient été nourris, tout en adoptant de façon très personnelle l’enseignement d’un christianisme naissant et dont le contenu n’était pas encore parfaitement défini.

Ainsi pour eux le vrai Dieu ne pouvait pas être source de tout et notamment source du mal. En celà ils suivent Platon qui avait énoncé que « dieu n’est pas cause de tout ; il n’est cause que du bien ; il n’est pas responsable des maux ». Les guerres, la corruption, l’omniprésence et l’omnipuissance des romains à cette époque, tous ces malheurs,  ne pouvaient pas être le fait de Dieu qui avait dit lui même « mon royaume n’est pas de ce monde ». Ainsi les gnostiques établissaient-ils un lien entre le monde décrit par Platon et celui annoncé par le Christ dans leur représentation du dualisme de ce monde, celui du mal sur terre et celui du bien qui n’est pas ici bas, vers lequel on peut tendre par la connaissance.

La gnose devient pour eux la connaissance de la connaissance, la connaissance de dieu qui passe par et aboutit à la connaissance de soi même.

« Connais toi toi même et tu connaîtras l’univers et les dieux »

Je voudrais à cet instant faire une petite disgression sur la citation qui vient d’être énoncée laquelle est largement détournée de son sens lorsqu’elle est élidée.

Pourquoi ne cite-t-on toujours que la première partie de cette phrase célèbre, ce qui la dénature ? D’ailleurs ceux qui la dénaturent, trop souvent la détournent à leur profit et pratiquent davantage le «  connais moi, moi même » qui n’est qu’une forme d’exhibitionnisme à visée psychanalytique très pratiqué en maçonnerie.

La gnose, chacun l’a bien compris, n’est pas un  savoir, mais elle s’interprète déjà dans le sens que lui donnera bien plus tard Paul Claudel de co-naissance.
En langage contemporain nous dirions que pour les gnostiques, l’homme comme le monde est duel. Déjà formulée par Aristote, Cette dualité pour l’homme est celle de l’être de chair qui est aussi être de lumière, laquelle est d’essence divine. De cette façon l’homme devient parcelle de divin qui, elle, subsistera après la mort, libérée de sa gangue charnelle. Le corps n’est qu’une enveloppe passagère qui peut être entrainée à des excès sans que l’âme en patisse. Mais la mort ne libère pas nécessairement l’homme de l’emprise du Démiurge. Seuls ceux qui se sont libérés par la gnose y parviennent ; les autres doivent revivre une autre existence, ce qui suggère une doctrine de la réincarnation que n’aurait pas reniée Pythagore lui-même tout comme le mythe de l’ascension des âmes.

Reprenant à leur compte l’évangile de Thomas citant Jésus, les gnostiques considèrent que le destin de l’homme est de parvenir par la gnose à la connaissance de l’ineffable réalité divine d’où il provient et où il doit retourner.

Pour les alchimistes ici présents, précisons que l’étincelle divine qui est en nous correspond pour les gnostiques à l’or spirituel, ultime stade des sept degrés de l’univers décrits par Claude Ptolémée. La sphère saturnienne correspond à la matière ; elle est symbolisée par le plomb. Puis après la mort du corps et sa décomposition suivent un certain nombre de transmutations qui traversent Jupiter, assimilée au zinc, Mars au fer, Mercure le vif-argent, la lune l’argent pour atteindre enfin le soleil, l’or. Les gnostiques considéraient que ces différents métaux matérialisaient les différents stades d’évolution de la matière sur la voie de la perfection, celle de l’or que seule la gnose permettait d’atteindre.

On peut trouver ici une filiation à travers cette résurrection des métaux, avec le mythe  égyptien d’Osiris, les mystères orphiques et Dyonisiaques et certains mythes perpétués par la franc maçonnerie.

Bien sûr il est possible aussi, d’étendre, par de subtiles correspondances, la palette des métaux décrits plus haut aux couleurs. Théophrastus Bombastus von Hohenheim, plus connu sous le nom de Paracelse voyait dans le souffre le médiateur entre le corps et l’esprit et dans le sel, présent aussi dans nos rituels, l’origine de toutes les couleurs, qu’il définit comme la lumière coagulée du monde. Chacun pourra à son goût approfondir ces sujets que certains cercles maçonniques au XVIII° à tendance gnostico-hermétiques ont développé.

Au Plérome, le monde du divin s’oppose chez les gnostiques, le Kérome, le monde des apparences et de la matière. Son créateur qui ressemble au Jéhovah de l’ancien testament se distingue voire s’oppose au dieu de lumière et de bonté, seul vrai dieu mais inconnaissable.

Alors que Platon dans le Timée imagine le démiurge comme un poète qui crée un cosmos aux proportions harmonieuses, la gnose lui attribue la création d’un monde dénaturé inachevé, un chaos.

Sur le plan éthique, les gnostiques considèrent que les lois morales, qui doivent être évolutives et adaptées par chacun, n’ont d’autre objet que d’assurer la vie en société. Elles constituent un arsenal juridique propre à réguler les relations entre individus. Les suivre n’apporte rien pour le salut de l’individu lequel ne peut s’obtenir que par la voie spirituelle et individuellement. Les êtres de chair sont freinés dans cette quête par la pesanteur de leur propre nature matérielle et ils ne sont pas égaux entre eux devant la spiritualité. Nous retrouvons comme chez Pythagore une certaine forme d’élitisme.

Il existe des êtres de lumière considérés comme des messagers du divin qui sont chargés d’aider l’humanité dans sa quête de la gnose. Parmi beaucoup d’autres, Jésus est de ceux là. Cette thèse se rapproche de celle du livre des grands initiés d’ Edouard Shuré que chacun connaît ici, grands initiés auxquels il est fait référence dans le rituel du deuxième degré..

A titre indicatif, Le soufisme connaît des catégories similaires, le stade ultime étant celui des Malamati dont l’état est assimilable à celui de prophète, alors que le Sufi se contente, si on peut dire, d’avoir accès à la gnose.

On perçoit déjà dans l’approche gnostique, ce qu’un auteur a défini comme l’hellenisation du christianisme. La gnose en bien des points s’éloigne de la foi chrétienne et notamment en ce qu’elle est une expérience personnelle du transcendant sans adhésion à un dogme. Elle est aussi l’affirmation que l’homme peut assurer seul son salut. Les théologiens du christianisme dénonceront très tôt cette hérésie adoptée plus tard par les cathares et combattue par l’inquisition.

L’étincelle divine des gnostiques qui pousse à la connaisance de dieu fait partie intégrante de l’âme protestante dans sa recherche individuelle du salut. Les Luthériens y étaient plus sensibles que d’autres. La même approche se retrouve chez les rose-croix mais aussi chez les mystiques anglais influencés par le théosophe mystique allemand du XV° siècle, Jacob Böhme puis dans la philosophie de l’idéalisme allemand avec Hegel et Schelling. Cette influence se retrouve enfin, dans la littérature contemporaine notamment chez Joyce, Rimbaud, Breton et Artaud.

De nos jours encore des résurgences de gnosticisme persistent notamment dans le syncrétisme de la société théosophique créé par Hélène Blavatsky fin XIX° mais dont les thèses racistes ont alimenté la pensée national-socialiste allemande :
 ( le but de l’humanité c’est l’ascension du corps matériel et sexué vers un corps éthérique de lumière ; mais cette ascension se fait à partir de la race mère qui est la race Aryenne située pour elle aux USA de son époque )

Ainsi des mouvements gnostiques se retrouvent dans les religions chrétiennes, y compris dans le Judaïsme et dans l’Islam notamment à travers le Soufisme. 

Alors la question se pose de savoir pourquoi ce terme de Gnose, figure dans l’interprétation de la lettre G. L’influence protestante y est probablement pour beaucoup. N’est-ce pas précisément la gnose qui a généré les condamnations papales de la F.M. libérale, en ce qu’elle permet un accès directe à un être transcendant en ignorant l’église ?

Mais les Maçons ne sont pas nécessairement des gnostiques au sens originel du terme. Pour éviter toute référence christique, la gnose en F.M. libérale est souvent présentée comme étant la connaissance initiatique. L’impétrant en d’autres termes, comme Mr Jourdain avec la prose, ferait de la gnose sans le savoir. Il s’agit, en effet, comme pour les gnostiques, non pas d’un savoir mais de la découverte du sens caché des choses et du monde, par une recherche personnelle et nous concernant, aux moyens des symboles. Il n’est probablement pas abusif d’assimiler cette co-naissance à une renaissance telle que nous la faisons vivre à l’initiation.

Là aussi la connaissance, comme toute expérience initiatique, est plus affaire de coeur que de raison. Mais là s’arrête la comparaison et l’utilisation du terme de gnose dans le rituel, à ce stade, sauf si la définition de la gnose se limite à celle de « prise de conscience » me paraît abusive, mais celà n’engage que l’auteur de ces lignes.

Cette courte réflexion n’avait pour but que de contribuer à réfléchir sur la gnose certes mais aussi par voie de conséquence, sur l’initiation et sur les définitions que nous voulons  donner aux mots que nous employons.

Je laisse donc à chacun le soin d’alimenter sa propre analyse sur ce chemin ou sur tout autre, tant il est vrai que ce qui importe, est moins le but à atteindre que le chemin parcouru pour y parvenir. 

G dit.

A\J\ T\

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