Obédience : NC Loge : NC Date : NC


La Lumière
 

Il est évident qu’il aurait fallu se taire… Mais dans la joie des retrouvailles, allez tenir votre langue. Les petits cailloux, c’était un coup de génie. Mais cette fois, son père lui avait fait les poches. Et il ne lui était resté que les miettes de la pauvre miche à semer derrière lui. Et voilà, les oiseaux avaient tout picoré. Ah ! si seulement la grippe aviaire avait déjà existé… Mais trêve de plaisanterie ! Les frérots étaient plus geignards que jamais, terrorisés qu’ils étaient de marcher dans le noir absolu, avec cette humidité de la nuit qui traverse les haillons. Et par-dessus tout ça, la faim qui fore l’estomac… La situation devenait proprement intenable. C’est alors qu’en relevant la tête, Petit Poucet vit au loin une lumière… Il reprit courage et ses frères avec lui… Ils tenaient enfin une lueur d’espoir.

La lumière… Au temps de Charles Perrault, elle était bien plus qu’un halo dans le noir, elle donnait le signe de la vie, de la présence d’autres hommes et traçait pour cette bande d’enfants perdus comme pour tout autre, un chemin, le chemin. Notons que pour ceux-là, il conduisait tout droit à l’ogre et au saloir. Preuve que l’espoir fait vivre, mais un temps seulement.  Et le proverbe arménien qui énonce que « Personne ne sait si la lumière brûlera jusqu’à demain » ne dit pas autre chose. Si la lumière existe naturellement aux animaux pourvus d’yeux, seuls les hommes savent la produire, la manipuler depuis le moment où l’un d’entre leurs glorieux ancêtres, Prométhée, osa la voler aux Dieux, avec le feu. Car la lumière joue avec les flammes à ce point qu’il n’y a que bien peu de temps, rançon du progrès fluorescent, qu’elle peut avoir des sources froides. L’homme la produit et comme le note APOLLINAIRE la chérit : « Les hommes aiment avant tout la lumière, ils ont inventé le feu ». Notre langage en est tout illuminé : Lumière abondante, allumée, ardente, avare, blafarde, chaude, crue, diffuse, douce, dure, froide, lointaine, oblique, profuse, tamisée, vacillante, verticale, vive; lumière blanche, bleue, blonde, grise, jaune, pâle, pourpre, rose, rouge, terne… ces quelques échantillons d’adjectifs, juste pour montrer la richesse de sa qualification. Mais il y a aussi abondance de substantifs qui l’évoquent : action, auréole, bain, cercle, champ, degré, effet, excès, faisceau, filet, flot, foyer, gerbes, goutte, halo, impression, intensité, jets, nappe, océan, rais, rayon, éclat… Sans compter les actions qui la mettent en scène : tourner le dos à la lumière; ouvrir les yeux à la lumière bon, n’en jetons plus, nous voici « éclairés » ! La lumière est partout dans nos dires et se décrit, s’attache à tout ce qui vit. Vie et lumière sont, pour nous, inséparables.
        
Nous ouvrons nos travaux avec le soleil et les fermons avec son coucher. C’est ainsi que vivent les poules, mais aussi tous les animaux diurnes, dont nous sommes, nous les hommes. Et tout cela repose sur l’importance du sens qui n’obéit qu’à la lumière, la vue. Nos yeux nous guident, nous permettent d’agir, de construire, d’édifier.

Bien des choses de notre vie repose sur eux. Dès lors, il était normal que la lumière conquière dans nos esprits cette place prépondérante que nous lui avons trouvée. De plus, il y a fort peu de temps qu’elle est devenue cette banalité qui nous accompagne du matin au soir et réciproquement. La lumière avait, il y a un siècle à peine, la préciosité de la rareté. Elle était difficile à produire, difficile à conserver, difficile à transmettre. Aujourd’hui, nous n’avons plus de Vestales pour veiller sur le feu sacré…

Il suffit de faire claquer le briquet piézoélectrique ou mieux encore de tourner un interrupteur et la voir se répandre sans compter ample, belle, chaleureuse et dissiper volontiers qu’il n’y a plus de nuit puisque, d’après Yann Apperry, « Le jour n'est que la somme nulle d'une double négation, la lumière est la nuit de la nuit ». La lumière est tellement là, que sa massive dispersion suscitée par l’activité urbaine, pollue les télescopes et répand dans le firmament étoilé une couche de ouate qui rend les constellations les plus lointaines, invisibles. Un comble !

Enfin, il y a de la magie dans la lumière. Ses rayons, son comportement étonnent quand elle change de milieu et qu’elle diffracte : le marin voit alors sa rame devenir courbe quand il l’enfonce dans l’eau et droite quand il la sort. Elle s’accompagne souvent de chaleur. C’est le feu de la cheminée dans le manteau de laquelle l’on se blottit les grands soirs d’hiver mais c’est aussi le soleil aux rayons duquel nous offrons nos corps, l’été, sur la plage.                                                      
Tout ce mystère nous conduit à trouver naturelle la liaison qu’ont faite les premiers hommes entre la lumière et le surnaturel, bien sûr, mais avant tout et par-dessus tout, Dieu.                                                                                       
Ce que dit l’évangile de JEAN : « Dieu est lumière ».


« La lumière est la plus belle créature de ce monde ; elle vient du ciel et nous en donne le pressentiment » écrit en effet Jean Bousquet. Car Dieu, que nous allons supposer, comme tant d’autres l’ont fait toute leur existence alors que nous, nous bornerons à des rappels historiques, supposer, donc, le créateur de toutes choses, a, conséquemment, créé la Lumière.                                           
Mais il l’a faite différente, d’une essence plus digne, plus noble et plus excellente : elle n’est pas comme l’eau que l’on boit, elle est différente de l’air que l’on respire. Elle n’est pas matière. Elle porte en elle un message sacré. « Dieu, on le trouve partout où il y a de la lumière » nous dit François Garagnon.


Il suffit donc de voir, d’ouvrir les yeux, pour voir Dieu et son œuvre. Et quand on dit Dieu, c’est l’Universel, celui de toutes les religions qui ont trouvé en la lumière leur point le plus commun. TOLKIEN, le romancier du Seigneur des Anneaux, ne disait pas autre chose : « Les mythes que nous tissons, même s'ils renferment des erreurs, reflètent inévitablement un fragment de la vraie lumière, cette vérité éternelle qui est avec Dieu ».                                                         
Dieu n’est donc pas ce grand vieillard à la figure barbue, à la silhouette droite, que les peintres des siècles passés nous ont représenté sur les plafonds des lieux de culte mais encore une fois, Lumière…


Cela nous oblige à lever la tête et à la projeter dans les étoiles, non pour rêver mais pour en considérer la lumière, extrêmement faible, soit, mais pourtant chaude puisqu’au moment où le soleil fait défaut, « elles effacent les ténèbres de la nuit et du cœur de l’homme » comme l’écrit Driss Chraïbi.                                                                                                            
Et il y a plus que ce réconfort.


Il y a, d’après JOUHANDEAU, l’évidence que nous renfermons de la lumière en tant que créature : « Parcelle de Dieu, chaque âme dispose d'une lumière inextinguible, comparable seulement à celle des étoiles ». Dès lors, se rapprocher de Dieu se joue dans un effort continu que résume ANGELUS SILESIUS, médecin et mystique du XVII° siècle qui écrivait : « Dieu demeure dans une lumière où nulle voie ne mène : qui ne devient pas elle, ne le verra jamais de toute éternité ». Voilà l’homme placé dans un dilemme simple : être lumière ou s’enfoncer dans les ténèbres.                                                                                                                               
Mais attention : « La lutte est sévère, entre les ténèbres et la lumière  » nous dit MARTINE LE COZ.


Cela expliquerait-il que nous soyons si mal dans les ténèbres, que les aveugles sont les infirmes les plus à plaindre ?                                                                                      
Est-ce parce que c’est là que s’est réfugié l’Anti-Dieu ?                                             
Certes, dans les ténèbres, règne l’ombre de Satan. Et avec lui, le vide, le froid et les menaces confuses, indistinctes pour tout dire obscures auxquelles étaient si sensibles Petit Poucet et ses frères. Fuir le Diable, c’est fuir le noir et se tourner vers la lumière, de toutes ses forces, en priant puisque, d’après Benoît Desforêts « Toute prière est lumière et force ». et que, d’après MARTIN LUTHER KING, « L’obscurité ne chasse pas l’obscurité… Seule la lumière peut le faire ».                                                                                                
Et voilà l’homme, créature de lumière à l’image de Dieu, condamné à cultiver sa lumière par les règles que Dieu, lui dit-on a fixé : prier, être chaste, aimer son prochain, ne pas manger du cochon et marcher tout droit vers la lumière qui est sa récompense finale.


Car il lui en faut bien une pour respecter ces règles qui ne sont pas aussi évidentes qu’il y paraît aux religieux. Le Livre des Proverbes de la Bible le confirme : « Le sentier des justes est comme une lumière brillante qui s'avance et qui croît jusqu'au jour parfait ».                                                                                                                       
Il y a beaucoup de cohérence dans tous ces propos, une logique patiente, peaufinée par des siècles de recherche d’explication et de théorisation de notre présence ici-bas. Et elle a parfaitement réussi à crédibiliser et inviter à croire. CHRISTIAN BOBIN pouvait écrire sereinement « Je trouve mes lectures dans la lumière du ciel. C'est le livre le plus profond qui soit et ce n'est même pas moi qui en tourne les pages ».                                                                                                               
Et voilà autre chose encore qui nous porte à penser que la connaissance nous est donnée par la lumière divine qui porte, supporte, le Verbe créateur : « Au commencement, nous dit DAVE THOMAS, il n’y avait rien. Et Dieu dit : Que la lumière soit ! Alors, il n’y avait toujours rien, mais tout le monde le voyait ». Quelle évidence !                                                                                  

Seulement voilà : quelques hommes hardis, aventureux ont refusé de se contenter de ces montages rocambolesques et ont disséqué les corps, regardé dans les lunettes, élaboré axiomes et théorèmes, bref ont considéré le monde non comme la propriété d’un être supérieur mais comme un champ d’expériences et de découvertes.

Et tandis que la raison se mettait en marche expérimentale, la lumière d’un seul coup se divisait, se multipliait, explosait pour embraser, illuminer, le Siècle des Lumières.                                                                                                               
Attention : ce pluriel n’est pas innocent…Car il souligne que différents hommes, vivant dans différents points de l’Europe, à partir de la révolution anglaise de 1688, ont décidé de secouer le joug de l’obscurantisme, des préjugés, du prêt à penser. Et que le refuser en analysant, expérimentant, cherchant devenait un moyen de libération de l’homme, à condition bien sûr de répandre ces nouvelles conquêtes  de l’esprit, ce que soulignait CONDILLAC : « Les mots, et la manière dont nous nous en servons, peuvent fournir des lumières sur les principes de nos idées ».


Ce sont des hommes comme Newton, Bacon, Descartes ou Kant qui ont bouleversé, non sans risque, la philosophie religieuse qui se concentrait sur la piété, la toute-puissance et le mystère de la nature ultime de Dieu. Et ce chamboulement s’est réalisé au profit d’idées aussi fortes, aussi révolutionnaires que celle du « Grand Horloger » qui signifiait rien moins que le monde était intelligible, visiblement compréhensible par l’homme, par la raison, et que les lois qui le gouvernent l’étaient tout autant. Du coup, l’individualisme devenait une valeur montante en accordant de fait à tout homme des droits basés sur d’autres fondements que la seule tradition.                                            

Et ce sont Montesquieu, Locke ou, plus tard, Tocqueville qui définirent les règles d’une nouvelle vie sociale et par la même ouvrirent à l’esprit  de nouveaux domaines : l’économie et la philosophie politique.

Ces hommes étaient parfaitement conscients de leur action et des répercussions qu’elles devaient entraîner.                                   
Écoutons KANT, dans un court extrait de son œuvre « Réponse à la question : qu’est-ce que les Lumières ? », datée de 1784 :

« Qu’est-ce que les Lumières ? La sortie de l’homme de sa minorité dont il est lui-même responsable. Minorité, c’est-à-dire incapacité de se servir de son entendement (pouvoir de penser) sans la direction d’autrui, minorité dont il est lui-même responsable (faute) puisque la cause en réside non dans un défaut de l’entendement mais dans un manque de décision et de courage de s’en servir sans la direction d’autrui. Sapere aude ! (Ose penser) Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières ».


La minorité dit KANT… c’est à dire la petitesse, l’état de faiblesse où conduit, par paresse, par lâcheté, le refus d’être responsable, l’incapacité de penser par soi-même.                                                                                                  
Lui, comme toutes les Lumières de son siècle qui avaient conscience de former une élite courageuse, visait à établir à l’aide de la « raison éclairée » une éthique, une esthétique, un savoir, transcendant les siècles d’irrationalité, de superstition et de tyrannie. Et ils y réussirent. Non dans l’instant mais dans le sillon du temps où se firent les moissons de leurs éclairages. Car le temps fait beaucoup à l’affaire. Il bonifie non seulement le vin, mais aussi la connaissance qui se mue en expérience. Ainsi VICTOR HUGO notait-il joliment :

" Et l’on voit de la flamme aux yeux des jeunes gens,
Mais dans l’œil du vieillard, on voit de la lumière ".

Ces philosophes, ces savants se fixèrent deux tâches complémentaires : élucider c’et à dire mettre en lumière et répandre la lumière en faisant courir sous le manteau leurs écrits imprimés. Ce fut du travail courageux car ils voyaient bien que le savoir est une montagne au pied de laquelle nous ne sommes que souris, ce que Charles Joseph, Prince de Ligne exprimait ainsi : « À mesure qu’on est plus éclairé, on a moins de lumière ». Mais ils firent à la façon que RENE CHAR le chanta au siècle dernier : « il faut souffler sur quelques lueurs pour faire de la bonne lumière ». Et de ce premier mouvement, le plus difficile: celui de la locomotive qui arrache le train au quai immobile, s’ensuivit d’autres conquêtes qui nous menèrent à l’explosion de la science, à l’expansion de la démocratie, même si elle piétine dans bien des contrées, bref au progrès moral qui donne aux hommes la responsabilité de leurs actes par la conscience, la liberté et le pouvoir de communiquer entre eux sans contrainte du temps et de la distance.

Et à mesure que se développaient la raison et la force de l’entendement,  s’éteignait l’idée d’un dieu omniprésent celui que décrivait EPICTÈTE :  « Quand tu as refermé la porte de ta chambre et soufflé ta lumière, veille à ne jamais prétendre que tu es seul car Dieu est avec toi ». Cette extinction s’accompagna du vertige de soi que d’aucuns ne supportèrent point, comme RESTIF DE LA BRETONNE  qui disait que « La dépravation suit le progrès des lumières. Chose très naturelle que les hommes ne puissent s'éclairer sans se corrompre ». Mais que d’autres combattirent par la recherche et le développement de soi. Est-ce à dire que c’est cette nécessité qui prévalut à la création du mouvement maçonnique ? On ne saurait l’affirmer. Mais il ne fait pas de doute qu’il vint en ce temps des Lumières et que la franc-maçonnerie fit de la Lumière un élément central, point de départ et point d’arrivée.

Le point de départ, c’est bien sûr l’Initiation qui n’est accomplie que lorsque le soupirant répond à la question « Pourquoi êtes vous venu en Loge ? » par un magnifique « Pour voir la Lumière ». Cette illumination a pour objet en nous faisant « passer des ténèbres à la lumière », de changer sensiblement notre être, nos sentiments, notre comportement. Mais bien sûr ce n’est pas le choc de la Lumière qui provoque cette transmutation, cette nouvelle naissance qui devra faire passer l’initié de l’homme de nature à l’homme de culture. Là encore, c’est le temps qui agit, dans la faible lumière du septentrion, sur les novices par un symbole très lumineux mais pourtant sous-jacent, non exprimé… le passage de la lumière.                                                                                 

En effet, dans la Loge, la lumière est là, toujours présente… Par les trois fenêtres, bien sûr, par les Cinq Lumières que sont le TV, les deux Surveillants, l’Orateur et le Secrétaire. Sur la chaire du TV, brûle constamment cette flamme qui, à l’ouverture des travaux, permet au Maître de Cérémonies de répandre la lumière sur les trois piliers - Force, Sagesse et Beauté - tandis que sont présents les « trois grandes lumières », repères de la connaissance : équerre, compas et volume de la loi sacrée…                                                                                                     

Dans certaines obédiences, l’instruction au premier Grade pose la question : Combien y a-t-il de lumières dans votre loge ? à quoi l’on répond : Deux, une pour y voir en entrant et une pour y voir en travaillant.

Mais cette permanence de la Lumière n’entraîne, au sein de la Loge rien d’autre, comme si le symbole qu’elle représente, était trop écrasant, trop infini pour être développé. On en parle, mais peu et on l’évoque surtout pour tracer un chemin au bout duquel se trouve la pleine Lumière, le point d’arrivée de tout Être… Souvenons-nous de ce que GIONO disait : « Quand les mystères sont très malins, ils se cachent dans la lumière ».   La Lumière est-elle le refuge de l’Indicible ?

Nous avons évoqué tout à l’heure « le passage de la Lumière » après avoir longuement décrit le travail des « Lumières ». Et l’on disait alors que ce pluriel n’était pas innocent. Car dans la Loge entière, chaque frère et sœur est une lumière et c’est sa lumière qu’il offre et transmet, plus ou moins volontairement, par les mots, les leçons, les exemples, les réactions ou même les gestes à l’Apprenti, mais également à tous les autres. Et réciproquement, comme le long d’une chaîne invisible. Le jeu est subtil.

Car il n’agit pas seulement en direct mais aussi par réflexion : « Prendre conscience, c’est transformer le voile qui recouvre la lumière en miroir » disait LAO TSEU. Ce qui signifie que dès que la connaissance rentre en notre esprit, il devient un relais, passif ou actif, c’est selon les moments, les énergies. « Celui qui apprend quelque chose de moi enrichit son savoir sans réduire le mien, tout comme celui qui allume sa chandelle à la mienne se donne de la lumière sans me plonger dans l'obscurité » notait généreusement Thomas Jefferson.

Regardons la lumière de cette bougie allumée sur qui se penche cette bougie qui n’a jamais été allumée. Dans le moment de cette illumination, la mèche toute neuve grésille et lance aussitôt une flamme vive, conquérante.  Il en est ainsi des connaissances qui s’échangent au contact, il en est ainsi des influences qui passent, tout en subtilité, d’être en être sans qu’elles se mesurent, s’évaluent car elles sont pour chacun profondes ou légères, différentes ou indifférentes. « En faisant scintiller notre lumière, nous offrons aux autres la possibilité d’en faire autant » disait MANDELA, prenant en compte bien évidemment, la mécanique de la chose : la transmission.

La Lumière de l’Être n’est pas celle d’un réverbère dont la flamme vacille plus ou moins mais une sorte de lampe ultra-violette, hors de portée des yeux, qui agit sans que l’on s’en rende compte et qui donne bronzage plus ou moins fort à tous ceux qui l’approchent. Ainsi se réalise le but de l’initiation maçonnique, au fil des jours, rencontres après rencontres, degré par degré mais, pour le coup, d’une façon invisible, profonde mais incertaine, tangible mais imprévisible, indifférenciée mais non équivalente et sans autre terme que le point d’arrivée : « la vie c’est ça, écrivait CELINE, un bout de lumière qui finit dans la nuit ». Il n’y a de règle, au cours, le plus long possible, de ces échanges, que celle de la réception… « L'écoute. L'ouverture. La présence. La vie. La transmission de la lumière n'est pas intentionnelle. Elle se produit spontanément quand l'ouverture rencontre l'ouverture… » écrit JEAN KLEIN qui ajoute : « Ce que nous sommes réellement se révèle de soi-même. La seule réalité est d'être la lumière qui éclaire le film ». Reste à en connaître le scénario , puisque le scénario a toujours, sans surprise aucune, la même fin, les même péripéties !

Et là, tout est possible, le pire comme le meilleur, le pur comme l’abominable. Il suffit de peu de choses, comme un petit trou dans un grand barrage, faille insignifiante qui finit par emporter l’ouvrage. La vie aussi est un métier qu’il convient d’apprendre et d’exercer avec talent, persévérance et courage, tout comme un maçon qui construit les fondations de la cathédrale. « La connaissance de soi, a dit Marie-Madeleine Davy, est une naissance à sa propre lumière, à son propre soleil. L'homme qui se connaît est un homme vivant ". C’est ce que nous sommes venus chercher en maçonnerie et c’est ce que nous y trouvons : le mieux vivre par l’échange fraternel, lumineux. 

Donc, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles… Eh bien, ce n’est pas si sûr. « Une société n'est forte que lorsqu'elle met la vérité sous la grande lumière du soleil » écrivait Emile Zola, à un ami qui n’était pas THOMAS MANN qui, lui, lui aurait répondu : « la méchanceté est l’esprit de la critique, et la critique est à l’origine du progrès et des lumières de la civilisation ». Rassurez-vous, il n' y a aucune méchanceté entre nous sur le sujet.

La question qui se pose à nous tous, ici comme dans les grandes obédiences, est celle précisément de la lumière, considérée comme dans l’armure du chevalier en croisade, l’ouverture de son heaume. La lumière n’est plus un mystère depuis que Descartes a révélé le rôle de la rétine, depuis que POINCARÉ en a mesuré précisément la vitesse, 299 792 458 mètres à la seconde, et que EINSTEIN a énoncé e=mc2 qui clôt le débat sur sa nature. Son phénomène physique est celui de la vibration, c’est-à-dire que comme nous, la lumière s’inscrit dans le temps. Cela nous la rend à la fois plus proche et encore plus mystérieusement insaisissable.                                                                               

Bref, la voici domestiquée, lasérisée et support, en des fibres ténues et indestructibles, de gigantesques transmissions de données. Car il est loin le temps de la bougie, aussi loin que celui des chevaux porteurs de dépêche. Et les échanges entre les hommes s’intensifient de façon vertigineuse, par moteur de recherches, blogs et sites. Tout se sait, se répand instantanément. Tout se met en ligne presque gratuitement. Et devant cette vibration gigantesque dont l’intensité croit de façon exponentielle qui éclaire les hommes des mille nuances  qu’un diamant donne à la lumière en la dispersant, que fait le petit peuple des maçons ?                                                                                     
Il s’extasie au mieux, hausse les épaules au pire.

Il y a pourtant une formidable opportunité sans tout casser, sans remettre en question la vie de la loge ni son secret mais en lui donnant un sens nouveau, actuel, en lui redonnant le sens profond que les Loges ont exercé justement au Siècle des Lumières et encore bien après : celui du THINK TANK, le groupe de réflexion.                                                                                                 

Mais pas un groupe fermé, mais ouvert, participatif… que sais-je, sinon qu’il est urgent d’inventer un nouveau mode de participation à la Cité sans remettre en question la Tradition. Car CHRISTOPHE COLOMB l’exprimait bien : « Ceux qui aperçoivent la lumière avant les autres sont condamnés à la poursuivre en dépit des autres ».          

Tels sommes nous, mes frères et sœurs.

J’ai dit

B
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