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Le Tableau de Loge

Un tableau est une œuvre picturale exécutée sur un support fixe ou mobile.

L’homme a cherché à graver sur la Pierre, ce qu’il voyait, ce qui le marquait.

Quelle que soit la forme, quel que soit le support, l’homme a placé ce témoignage de l’histoire, de son histoire, au centre de sa vie, de son environnement.
Ainsi, les galeries de portraits permettaient au visiteur de mesurer la continuité et la place sociale de son propriétaire.
Ne mettons nous pas encore aujourd’hui un beau tableau plutôt au centre de la pièce et avec un éclairage avantageux ?
Le tableau de loge est, lui aussi, placé au centre de la pièce, au point central de l’atelier, dans « l’axi mundi » qui traverse le milieu du pavé mosaïque.

Parfois, au lieu d’utiliser un tableau imprimé, certaines loges, et c’est notre cas, ont fait tracer sur tissu les éléments requis pour le travail.

Le tableau devient alors un « tapis » de loge.
On l’appelle tapis de loge, parce qu’au 18ième siècle, il était peint sur un drap que l’on déroulait à même le sol.
On situe l’application de cette pratique vers 1730, et aujourd’hui encore, notre loge perpétue cette tradition.
A l’époque de la maçonnerie opérative, le tableau se trouvait tracé à même le sol, au noir, à la chaux ou en « creux » dans la terre.
Cela permettait de transformer tout local en temple, et de l’effacer après chaque tenue.
Ce tableau de loge est celui qui se trouve requis pour le travail rituel du degré.
Il porte tous les emblèmes et symboles usuels au grade et au travail maçonnique en général.
Enfin, je ne peux m’empêcher de faire une comparaison de ce tableau, avec les vitraux de nos cathédrales.

Au Moyen Age, les vitraux étaient les livres ouverts de l’histoire, de la tradition chrétienne.

Ils utilisaient les symboles pour que chacun puisse apprendre, et réfléchir.
La maçonnerie est une tradition orale, et comme le vitrail, elle évoque des symboles que chacun de nous doit s’approprier.
Pour vous présenter le tableau de loge, j’aborderai  cette planche en trois parties.
C’est d’abord parce qu’il fait l’objet d’une présentation lors de notre initiation que je vous propose de le replacer dans ce contexte du premier choc de l’initié.

Ce sera l’analyse rationnelle qu’on lui propose après l’émotion de l’initiation.

C’est ensuite parce qu’il comporte tous les symboles usuels au grade et au travail maçonnique qu’il me paraît important d’essayer de les analyser.
Ce sera l’approche analogique.
C’est enfin parce l’apprenti qui a reçu l’initiation symbolique, doit s’efforcer de la transcender, d’y adapter « son moi », et de s’engager sur le chemin de son élévation spirituelle, que j’aborderai ce que peuvent représenter ces symboles dans ma vie.

I  le Tableau de Loge et l’Initiation

Le tableau de loge fait l’objet d’une « instruction au grade de l’apprenti », par le second surveillant.
Cette information organisée est le premier contact maçonnique, par le rituel, avec la loge.
D’ailleurs, avant même cette approche officielle, ce tableau nous saute aux yeux.
On ne peut s’empêcher de faire le corollaire avec tout ce qui nous entoure, la reprise des symboles, leurs emplacements.

Tous ces objets sont des éléments familiers du monde terrestre.

C’est d’abord le pavé mosaïque qui attire le regard, pavé que l’on retrouve au sol.
Les couleurs blanc et noir rappellent un jeu de damier ou d’échec.
C’est à distinguer de la bordure dentelée qui entoure tout le tableau, et qui symbolise la séparation du monde profane de l’espace de la Loge.
C’est ensuite vers les deux colonnes de style corinthien que se tournent les yeux.
Paradoxalement, ce sont trois piliers de trois ordres d’architecture grecque qui entourent le tableau de loge.
C’est encore le soleil et la lune que l’on repère, tant sur ce tableau, qu’en face, situé à l’Orient du Temple.

Les deux pierres, avec leurs outils, situées de chaque coté du tableau, interpellent, mais peut-être pas plus que cela, car les maçons ne sont ils pas, par définition, des constructeurs ?

Il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’ils utilisent, pour la décoration des locaux, dans lesquels ils se réunissent, les outils figurés.
C’est enfin et surtout la montée des trois marches du temple que nous explique le second surveillant.
Cette montée symbolique, sans d’ailleurs prêter plus que cela attention au chiffre trois évoqué, schématisait ce que je venais de vivre : une naissance, avec une lumière qui éblouit mais aussi réchauffe, une avancée vers un monde inconnu, mais avec l’appétit d’apprendre ces symboles si proches et pourtant si loin.
Et comme disait Malcolm de Chazal : « apprendre, c’est se retrouver »
Les épreuves qu’a subi l’apprenti, lui indiquent le sens de l’action qu’il aura à poursuivre.
Les symboles lui offrent des repères sur lesquels il pourra se guider
Il nous appartient alors d’essayer de les comprendre.

II le Tableau de Loge et ses symboles

« La maçonnerie ouvre la voie à l’initiation, c'est-à-dire à la connaissance, et ses symboles donnent au maçon la possibilité d’y accéder » disait Jules Boucher.
Le mot symbole vient du grec « sumbolon », signe de reconnaissance formé par les deux moitiés d’un objet brisé qu’on rapproche.
Par extension, ce mot signifie une représentation analogique en rapport avec l’objet considéré.
Mais rappelons nous que la valeur du symbole est dans ce qu’il exprime, et non pour l’objet lui-même.
Chaque objet dans ce tableau est un symbole.
Le premier d’entre eux est la porte.
La porte, située à l’occident du temple, et dénommée comme telle, « porte d’occident », nous paraissait familière.
Elle joue un rôle primordial dans la détermination des caractères spécifiques du vrai travail maçonnique.

On remarquera qu’elle est très basse.

Cette signification ne relève pas de l’anatomie, ou de l’histoire avec des ancêtres plus petits, mais tout simplement, que le profane doit se courber pour entrer, et marquer ainsi la difficulté du passage du monde profane au plan initiatique.
C’est aussi un retour à l’humilité.
« Cette porte doit nous faire souvenir, rappelait Plantagenet, que c’est à son seuil que le Soleil se couche, c'est-à-dire que la lumière s’éteint. Au-delà règnent donc les ténèbres, par conséquent le monde profane. »
C’est pour cette raison que le profane se débarrasse de ses métaux, fait taire ses passions et oublie jusqu’à ses intérêts personnels.
On notera d’ailleurs, que le récipiendaire est toujours prêt à céder ses métaux, sauf un, son alliance.
Cette alliance n’est elle pas elle-même un symbole ?
La porte franchie, nous entrons dans le temple.
Le Temple est le lieu sacré où règne la lumière au sens maçonnique du mot.

Dans l’antiquité romaine, on appelait « temples » les édifices dont les emplacements avaient été déterminés par les augures.(les augures étaient ceux qui prétendaient prédire l’avenir)

Le mot « fanum » était synonyme de Temple.
Fanum veut dire « sacré », par opposition à profanum, en avant ou en dehors du sacré.
On soulignera la même orientation des temples de l’antiquité avec notre temple, mais également de toutes nos églises, c'est-à-dire dans la direction Ouest-Est, ou Occident-Orient.
Les temples antiques  ne possédaient pas non plus de fenêtre.
Paradoxalement, on apprend à l’apprenti qu’il reçoit la lumière.
Mais là encore, cette lumière n’est elle pas autre chose que la lumière terrestre, n’est elle pas au fond de nous même ?
Le temple fait référence au temple de Salomon.
C’est celui de la paix, de la paix profonde vers laquelle tendent tous les maçons.
C’est en ce sens seulement, qu’il faut considérer le temple de Salomon.
Les deux colonnes font encore appel au temple de salomon.
Elles sont en airain, non pas pour résister au déluge, comme disait Ragon, mais plus symboliquement pour la propriété de l’Airain, qui est l’emblème de l’éternelle stabilité des lois divines et de la nature.
Chacune d’entre elles a une lettre, sachant que une seule lettre est connu de l’apprenti.
La première est J, correspondant au nom de Jakhin,
Jakhin était le grand prêtre assistant qui officia à la dédicace du Temple.
Ce mot signifie : « ma force est en Dieu »

Beaucoup de choses sont dites sur ces colonnes, leur taille, leur couleur, mais une chose reste flagrante :

Nous voyons le binaire se manifester au seuil  de la vie terrestre, c’est la correspondance plus ou moins parfaite de deux facteurs, à la fois opposés et complémentaires.
Dans tous les cas, ces colonnes jouent un rôle symbolique plus fort que simplement marquer l’entrée du temple.
Ce binaire continue à s’exercer avec les couleurs blanches et noires du pavé mosaïque, et poursuit en ce sens, celui des deux colonnes.
Le maçon, comme le profane est soumis au rigueur de la loi des contrastes.
Pour autant, son influence dans le monde profane est symbolisée par les deux colonnes, tandis qu’il n’en est plus ainsi dans l’enceinte sacrée, où le maçon le foule des pieds.

Ce pavé s’arrête d’ailleurs très vite.

Attachons nous à présent aux trois fenêtres, la première à l’Orient, la seconde au midi, et la troisième à l’Occident.
Nous noterons que le binaire n’existe plus.
La fenêtre d’Occident fait pendant à celle de l’Orient en vertu de la loi d’équilibre.
Ces fenêtres suivent la marche du Soleil.
Il n’y a pas de fenêtre au Nord, parce que le soleil n’y passe pas.
Les travaux commencent à midi, quand le soleil rayonne de toute sa force dans le temple.
Les apprentis sont placés au Nord, parce qu’ils ont besoins d’être éclairés, ils reçoivent ainsi la pleine lumière de la fenêtre de Midi.
Des controverses existent à ce niveau d’interprétation.
Christian GUIGUE considère que les travaux se tenant à midi, heure solaire, et le soleil au zénith dardant ses rayons à la verticale, et non à l’oblique, les frères des différentes colonnes ne risquent pas de percevoir grand-chose puisque ces ouvertures n’ont pas vocation à laisser voir ou passer une lumière exotérique et profane.
Selon lui, elles ne revêtent aucune fonction matérielle ou pratique durant le travail.
Les fenêtres interviennent, pour lui, comme des bornes, des limites, des frontières par où se manifestent la « raison de l’esprit et la bonne volonté du Grand Maître ».
« Comme un Maître de loge ne peut communiquer aucun enseignement via ces fenêtres, ce Grand Maître ne peut être que le Grand Architecte, qui décide de notre avancée vers la lumière. »
Mais, le principal n’est il pas de chercher la lumière là où elle est ?

Nous ne pouvons pas faire une planche sur ce tableau de loge et ne pas évoquer la pierre.

Je devrais dire les pierres, mais je ne parlerai que de la pierre brute, la pierre cubique étant pour moi, apprenti, encore loin.
La pierre brute symbolise les imperfections de l’esprit et du cœur que le maçon doit s’appliquer à corriger.
La pierre brute rappelle qu’elle est la matière première, celle qui n’a jamais été travaillée.
C’est le travail du maçon qui lui donnera la forme attendue.
Pour se faire, il dispose des outils.
Cette pierre brute, que le tout jeune initié va travailler, lui rappelle qu’il doit partir d’idées nouvelles, non « formatées », sans à priori, mais avec une seule volonté, celle de progresser.
Le second surveillant m’a rappelé lors de l’initiation, « qu’il me faut travailler pour donner un jour à cette pierre, qui n’est que moi-même, la forme parfaite que le Grand Architecte de l’Univers lui a destinée. »
 Ces objets sont tous des symboles, mais ne pas les transposer dans sa vie quotidienne, n’aurait aucun sens et les rendrait inertes.

III les symboles dans notre vie

« La maçonnerie ouvre la voie à l’initiation, c’est à dire à la connaissance, et ses symboles donnent au maçon la possibilité d’y accéder. »
Cette phrase de Jules Boucher nous laisse entendre qu’il nous faut vaincre ce qu’il y a d’animal et d’instinctif, de caché et ténébreux en soi.
Pour apprendre, il faut écouter.
Le vénérable porte en bijou l’équerre.

Si comme symbole, l’équerre exprime la rigueur comportementale et la droiture morale, en tant qu’emblème, elle représente la terre et le monde matériel.

En d’autres termes, elle traite implicitement de l’attitude et des actes relatifs aux comportements moral et physique.
L’équerre représente en un sens, l’action de l’homme sur la matière et dans un autre sens, l’action de l’homme sur lui-même.
L’équerre est passive, tandis que le compas est actif. (Ce dernier symbolise la pensée.)
Il appartient alors à chacun d’apprendre pour évoluer dans la connaissance, qui passe d’abord par lui-même.
L’équerre est au maçon ce que le « la » est au musicien.
C’est une base, un guide pour moi.
Elle me rappelle, que comme le « la », il m’appartient de faire ma partition, et que moi seul, en suis le maître.
Au même titre qu’au début de l’initiation, on précise au profane qu’il est maître de se retirer à tout moment s’il le désire.
Si je m’écarte du la, je serais un mauvais musicien.
Si je m’écarte de l’équerre, je serai un mauvais maçon.
A l’équerre, est associé le compas.
C’est certainement l’un des instruments le plus ancien qu’inventa l’homme, lorsqu’il eut la notion du cercle.
Il sert non seulement à tracer des cercles mais encore à prendre et à reporter des mesures.
Vous le savez, il se compose essentiellement de deux branches articulées et reliées par un axe.
« Le compas est l’image de la pensée dans les divers cercles qu’elle parcourt ; les écartements de ses branches et leur rapprochement figurent les divers modes du raisonnement, qui selon les circonstances, doivent être abondants et larges, ou précis et serrés, mais toujours clairs et persuasifs. »

Le compas est pour moi, cette nécessité permanente de s’adapter, ne jamais être limité à un cercle, mais savoir au contraire remettre en cause une situation, et accepter de faire un nouveau cercle.

C’est aussi le symbole de l’ouverture d’esprit.
On pourrait croire que la limite matérielle de ce cercle dépend de l’angle du compas, comme l’ouverture d’esprit trouverait sa frontière dans la capacité spirituelle de l’individu.
Selon moi, il n’en est rien.
Les limites sont celles que l’on se fixe.
Accepter et vouloir apprendre, c’est déjà repousser ses propres limites.
N’existe-t-il pas plusieurs compas, que l’on prend au fur et à mesure de l’avancée de l’ouvrage, en prenant l’un et revenant sur l’autre.
Savoir écouter et s’ouvrir sur les autres est pour moi important.
Le tableau de loge me rappelle une forme de vitrail dont la lumière reproduit l’image au sol, ce tableau qui est la transmission d’une tradition,….la nôtre.
« ce vitrail » se reproduirait au sol de façon plus claire, plus nette, en fonction de l’intensité de la lumière.


La lumière est encore plus intense quand on se positionne pour la chercher, et la trouver sous le meilleur angle.

Cette lumière est celle que chacun de nous cherche.
Elle est celle qui réconforte, qui apaise, mais qui réchauffe aussi.
Elle symbolise également pour le profane la vie, ou l’espoir de la vie après la mort.
Ne représente t’on pas au cinéma, ou sur les dessins, la venue de l’au-delà par une forte lumière, « les anges descendant du ciel venant chercher l’âme de l’homme »
Ceux qui ont connu un coma gravissime, et revenant sur le monde terrestre ne font t’ils pas état d’une lumière intense qui les appellent, les réconfortent et les réchauffent, faisant oublier leurs douleurs.
La notion de lumière prend une place considérable dans notre vie.
On met en avant un monument grâce à la lumière, on utilise même des jeux de lumière.
On le sort de l’ombre, on lui permet d’être regardé pour ce qu’il est.
La lumière rythme également notre vie, « on se lève avec la lumière, on se couche avec la lumière »
C’est elle qui nous oriente, et c’est peut – être parce qu’on ne la maîtrise pas que l’on souhaite la découvrir.

La lumière est pour moi, le symbole le plus important.

Ce serait facile de dire que c’est le chemin que l’on suit, mais c’est dans tous les cas, le repère que l’on se fixe.
Pour preuve, les étoiles, lumières de la nuit, ont toujours servies de guide aux navigateurs.
Elles fascinent leurs observateurs, et elles semblent proches et pourtant si loin.
Toute cette symbolique ne doit pas se limiter dans le temple, mais bien au-delà.
Ce comportement est celui que je dois conforter chaque jour.
Pour moi, la vie de franc maçon a commencé au jour de l’initiation et se poursuit chaque jour que Dieu me donne.
Elle m’impose de réfléchir sur moi-même, d’écouter les autres, et d’aimer l’homme pour ce qu’il est, et non pas pour ce que je voudrais qu’il soit.
La porte basse , et cette nécessité symbolique de se courber, au-delà de l’initiation, me rappelle que lorsque je sors du temple, je dois également me courber et mettre en pratique cette humilité, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du temple.

Je ne voulais pas conclure cette partie sur ce que je ressens, sans faire allusion au dernier symbole qui figure sur ce tableau et qui est la chaîne de l’union.

On la forme généralement à la fin des travaux, et me provoque à chaque fois une émotion toute particulière en m’indiquant que le sens de Fraternité n’est pas un vain mot.
C’est un moment important qui nous unit, et qui me permet de conclure en trois points
C’est d’abord que je n’ai pu connaître tout cela que grâce à un homme, mon parrain, à qui je dédis cette première planche. Je ne le remercierai jamais assez.

C’est ensuite à chaque fois un moment fort que je vis, en dehors du temps, loin des contraintes terrestres,


Et c’est enfin, comme disait jean Gabin, une réalité, celle que je sais que je ne sais pas, et que j’ai encore beaucoup à apprendre.


J’ai dit, Très Vénérable

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