Obédience : NC Loge : NC 07/01/2011


Les symboles du Tableau de Loge

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« Ici tout est symbole »

Pour ma première prise de parole, rompant un an de réflexion silencieuse, j’ai choisi de parler du Tableau de Loge, qui regroupe justement nos principaux symboles.

Je commencerai par resituer le tableau dans sa tradition historique, puis m’arrêterai ensuite sur les symboles et réflexions qui m’ont le plus interpelé.

Au début de la maçonnerie spéculative, il n’existait pas de local maçonnique propre, mais les loges se constituaient au hasard des travaux, bien souvent dans des arrière-salles d’auberge, le local choisi devant permettre de n’être ni vu ni entendu - par exemple, la Loge Saint-Paul de Londres est plus connue sous le nom de « À l’oie et au grill ». Il convenait donc de pouvoir rendre ces lieux sacrés en y insérant les éléments indispensables, pour différencier les tenues des réunions profanes. Pour sacraliser l’endroit, après que le frère Couvreur se fut assuré que l’assemblée se trouvait à l’abri de toute indiscrétion, le frère Expert traçait à la craie ou au charbon les principaux symboles du grade auquel devait travailler la loge, puis il les effaçait soigneusement à la clôture des travaux.

Je remercie donc le frère Grand Expert d’avoir accepté ce voyage dans le passé qu’a représenté le traçage physique des symboles à l’ouverture de nos travaux. On comprend mieux que cette manière de faire avait l’avantage de permettre à tous les membres de la loge de se remémorer l’ordonnancement des symboles, indispensable aide-mémoire. De plus, lors de l’exécution du tracé, l’attention des maçons était attirée sur chacun des symboles, favorisant ainsi une véritable méditation sur leurs significations possibles.

On a pris par la suite l’habitude de représenter ces symboles sur une toile peinte, appelée tableau ou tapis de loge, car il est déroulé et enroulé lors de chaque tenue.

Le tapis est placé au centre du Temple, de l’Orient vers l’Occident - enfin, au moins quand c’est bien notre frère Louis qui officie…

Plutôt que vous présenter en détail chacun des symboles du tapis, je vous propose un court voyage sur le tapis de la Rose, en suivant notre habituel mouvement antihoraire.

Un des premiers éléments que l’on aperçoit est la représentation du Temple, à commencer par les Trois marches, symbole de la progression vers la connaissance, le passage du monde profane au monde initiatique.

Je passe rapidement sur les colonnes du Temple : J et B, marquant la frontière du Temple et du monde profane, également symbolisée par la porte du Temple. De même pour le pavé mosaïque, dont la dualité appelle à la recherche d’une voie médiane d’équilibre.

Toutefois, l’ordonnancement de ces symboles sur notre tapis de loge m’a plongé dans une grande perplexité. Car les colonnes sont inversées - et donc au rite écossais. Mais après tout, comme notre tapis a été tissé par la compagne d’un frère, il se peut que ceci soit un clin d’œil au fait que notre loge a été fondée en 1813 au rite Écossais, voire plus simplement d’un hommage à l’esprit frondeur de la Rose…

Je n’avais pas bien identifié de prime abord l’autre lien entre les mondes profane et initiatique que sont les trois fenêtres, qui suivent la marche du soleil de l’orient à l’occident. Si la fenêtre est le symbole de l’accès à la Lumière, le grillage symbolise pour sa part le secret de nos travaux. Ceux-ci se terminant à minuit, j’y fais le lien avec la phrase de notre frère Goethe : « Le franc-maçon est cet homme qui a le courage de croire en la lumière au plus profond de la nuit ».

Tout en bas du tableau, sur la colonne du Nord, on observe la pierre brute. C’est le symbole de l’homme simple non initié, produit grossier de la nature qui doit être poli et transformé en un élément de construction. Tailler sa pierre signifie qu’il faut dégager sa personnalité de la matrice originelle et libérer ainsi son esprit. Et pour polir sa pierre, l’apprenti va se servir de ses deux premiers outils, le ciseau et le maillet.

Le ciseau, par son tranchant en acier, aiguisé et trempé, indique le dur labeur à accomplir, la pierre brute étant des plus résistantes. Il sépare le néfaste et l’inutile. Mais en fait, le ciseau n’est rien sans le maillet. Celui-ci est l’agent actif, la force, la puissance, l’impulsion. Il représente la volonté dans l’action. Le ciseau est donc l’élément passif ; il symbolise la réflexion, le discernement, la pensée qui va guider l’action et la rendre efficace. Ce couple est donc inséparable, comme sur le tapis.

On observe que deux instruments surplombent les colonnes J et B : la perpendiculaire et le niveau. Ils vont aider le maçon à bâtir son œuvre.

La perpendiculaire, ou fil à plomb, est l’instrument qui permet au bâtisseur de s’assurer de la verticalité de la construction ; il peut ainsi ériger murs et colonnes d’un édifice. La solidité et la stabilité du bâtiment dépendent du bon usage de la perpendiculaire. Il en est de même de notre comportement. Attribut du second surveillant, elle est l’emblème de la recherche en profondeur de la vérité, de la connaissance, de l’équilibre, de la rectitude du jugement.

Outil complémentaire, le niveau - dont je n’ai longtemps pas compris ce qu’il représentait, habitués que nous sommes aux instruments à bulles - est quant à lui l’instrument qui permet au bâtisseur de s’assurer de l’horizontalité de la construction. Il est constitué par une équerre, au sommet de laquelle est suspendu un fil à plomb. Le Niveau est l’attribut du premier Surveillant, il représente l’égalité sociale. Si la perpendiculaire symbolise la connaissance, le niveau symbolise l’utilisation de celle-ci au plan terrestre. Lorsque l’Apprenti devient Compagnon, on dit qu'il « passe de la Perpendiculaire au Niveau », c'est à dire qu'ayant suffisamment approfondi les éléments de la connaissance, il devient capable d'envisager ceux-ci dans leurs relations avec le Monde.

À la croisée du Nord et de l’Orient, on trouve la planche à tracer, instrument du Maître Maçon, dont le plan d’œuvre permet à l’apprenti taillant sa pierre de savoir où elle devra s’insérer. Comment ne pas citer à ce stade la parabole des trois tailleurs de pierre :

– « Que faites-vous ? » leur demande-t-on
– « Je gagne ma vie », répond le premier
– « Je taille une pierre », dit le second
– « Avec mes frères, je construis une cathédrale », répond le troisième, grave et heureux. Celui-là représente le franc-maçon.

L’équerre est un des outils symboliques les plus connus de la Franc-maçonnerie. Destinée à tracer des angles droits, elle montre ce qui est droit et ce qui ne l’est pas. Elle permet de redresser ce qui ne l’est plus ou ce qui ne l’est pas encore. Elle permet de vérifier si la direction ou la décision prise est juste. Au niveau de la gestuelle, le signe de la mise à l’ordre rappelle au frère l’obligation de respecter le serment de son initiation, il invite à la droiture. Se mettre à l’ordre revient à incarner physiquement l’équerre.

Elle est l’emblème qui doit inspirer la droiture dans les pensées et dans les actions. Elle nous oblige à descendre en nous-mêmes, à travailler sur nous-mêmes, à nous corriger pour atteindre la rectitude de la pensée.

L’équerre représente l’action de l’homme sur la matière, ainsi que l’action de l’homme sur lui-même. C’est pour cela que l’équerre est considérée comme l’emblème de la perfection des travaux d’une loge ; elle est donc l’attribut du Vénérable Maître.

Le mot compas signifie « mesurer avec exactitude ». Il sert à tracer des cercles et transporter des longueurs et des angles. Il est le symbole de la science exacte. Son utilisation implique une rotation, donc un mouvement, c’est pourquoi il est perçu comme l’activité dynamique de l’esprit. Le compas permet donc symboliquement de prendre la mesure de toute chose, d’évaluer la portée et les conséquences de nos actes. Outil de prédilection de l'architecte, symbole d’ouverture, il incarne donc en cela les vertus de précision, de justice, de la primauté de la réflexion sur les passions, donc de la sagesse.

Comme on le voit sur le tapis, l’équerre et le compas sont intimement liés. Ils ont pour objectif de former le cœur et de régler l’esprit. Mais ces deux instruments sont aussi complémentaires. L’équerre est un instrument fixe qui reste passif et qui symbolise la matière. Le compas est mobile, donc actif et symbolise l’esprit. Au 1er degré, l’équerre est placée sur le compas, symbolisant le fait que la matière domine l’esprit, et que le travail essentiel de l’Apprenti consiste à dégrossir la pierre brute.

Baignant parmi les étoiles des voutes de nos Temples, figurent à l’Orient la lune et le soleil. Ils rappellent le rôle éminent de la nature et l’importance que nous devons lui accorder, et illustrent l’infiniment grand par rapport à l’infiniment petit que nous sommes.

Le Delta Lumineux est la lumière qui éclaire le temple. Le triangle est un important symbole maçonnique. On le retrouve dans tous les temples, ainsi que dans nos textes sous forme des trois points qui représentent ses sommets. Le symbolisme du ternaire est sans fin : liberté-égalité-fraternité, thèse-antithèse-synthèse, passé-présent-avenir, naissance-vie-mort… Figure au centre du Delta Lumineux l’œil de la conscience, l’œil qui voit tout. On peut donc voir le Delta comme la conscience de l’esprit humain qui ouvre l’œil sur le monde.

Finalement, c’est grâce à tous ces outils que l’Apprenti pourra réaliser son chef d’œuvre, la pierre cubique, située elle au Midi, sur la colonne des compagnons et maîtres. Symbole de perfection et de stabilité, elle symbolise l’idéal maçonnique, qui nécessite de longs et pénibles efforts, un travail qui n’est jamais terminé et doit se poursuivre au-dedans et au-dehors du temple.

On comprend alors que le tapis de loge est comme une carte, un jeu de piste, un résumé de l’œuvre à accomplir. Ainsi, dans un mouvement circulaire allant du nord au sud, de l’ombre à la lumière, la volonté de tailler sa propre pierre brute pourra s’appuyer sur tous les outils mis à notre disposition par la maçonnerie, afin de tenter d’approcher la perfection de la pierre cubique.

Je conclurai alors par un symbole que j’affectionne particulièrement : la corde à nœuds qui entoure le tableau de loge sans le fermer, tout comme elle ceint la voute de notre Temple. Interface entre l'espace sacré intérieur et le monde profane extérieur, on retrouve ici la fonction du cordeau qui servait à délimiter l’implantation d’un édifice. La corde forme trois nœuds rappelant le symbole de l’infini, appelés lacs d’amour, qui représentent le lien entre tous les frères. Elle se termine par une houppe à chaque extrémité, qui représente la collectivité formée des brins individuels réunis fraternellement.

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Elle est l’image de notre assemblée - souple, non fermée, prête à accueillir toutes « les hautes valeurs morales qui, sans cela, auraient continué à s'ignorer » - et est un symbole de fraternité et d’unicité malgré nos différences. Unir et relier avec force telle est l’utilité de la corde à nœuds, tel est aussi le sens de la chaine d’union dans notre rituel, qui doit réunir toutes les Maçons répandus sur la surface du globe, célébrant la force du lien qui nous unit.

J’ai dit.

O\ B\

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