Obédience : NC Loge : NC 12/03/2011


L’optimisme est-il une vertu maçonnique ?

Je ne vous cacherai pas que j’ai été quelque peu surpris par la question posée. En effet, depuis que je suis entré en F\ Maçonnerie, que ce soit par les planches de mes FF ou même des interventions au cours de nos tenues aux différents degrés, ce thème de l’optimisme n’avait jamais été abordé, à ma connaissance. De plus, nos temples, de prime abord, n’inspirent pas naturellement un optimisme maçonnique. Rappelons-nous le cabinet de réflexion lors de notre initiation, rappelons-nous notre mise en bière lors de notre exaltation à la maîtrise, regardons aujourd’hui les tentures noires maculées de larmes blanches. De plus, nos rituels nous ont appris que nous étions tous capables de tuer notre maître Hiram, et afin de nous en souvenir, nous devons enjamber son-notre-cercueil symbolique au cours de l’exécution des pas de Maître. Notre propre tenue vestimentaire, lors de nos tenues, est signe de politesse et de respect mais n’inspire pas, de prime abord, la gaieté insouciante. Comme on le voit, notre environnement matériel, dans sa solennité, n’incite pas spontanément à quelque optimisme.

Cherchons donc, dans nos rituels ce qui pourrait nous mener à quelque optimisme. Déjà, dans le cabinet de réflexion, nous lisons « si tu persévères, tu seras purifié par les éléments, tu sortiras de l’abîme des ténèbres ». A la fermeture des Travaux au 1er degré, le second surveillant déclame « que la joie soit dans les cœurs ! ». La symbolique de l’exaltation au 3ème degré peut aussi nous réjouir par son espérance d’immortalité. Au 4ème degré, la couronne de laurier et d’olivier de même est symbole d’espérance en l’immortalité. Lors de nos batteries de deuil, nous déclamons « gémissons, gémissons mais espérons ». Et, cette batterie de deuil doit être toujours couverte par une batterie d’espérance : « Espérons, espérons en confiance, espérons en confiance et en sérénité ». Je n’oublierai pas non plus la maxime du Taciturne : « il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer »qui est un acte de foi, d’une certitude au-delà de toute espérance. Ainsi, nos rituels nous mettent sur la voie de l’espérance, de cette espérance qui est un acte de foi. Oui, pour moi, l’espérance est un acte de foi, de croyance, pour tout un chacun de nous, croyant ou non croyant. Pour les chrétiens, par exemple, le Christ a annoncé l’immortalité de l’âme, et, par sa résurrection, il a révélé que la vie est plus forte que la mort. Il apporte l’espérance. Mais de même, pour les athées, l’espérance est aussi un acte de foi ; dans la science par exemple. La maxime de Lavoisier « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » peut servir de repère d’espérance à quiconque. Je dis bien « espérance » et non « espoir », car des deux mots ont des sens différents. En effet, l’espoir porte sur des objets spécifiquement humains alors que l’espérance vise des objets plus divins ou transcendants. Nous voyons donc, par ces quelques repères, que le Rite Ecossais Ancien et Accepté, par son cycle récurrent de mort symbolique et de renaissance initiatiques nous apprend à ne pas craindre la mort, car elle annonce l’accès à une vie nouvelle. Rien ne meurt, tout est vivant. Ainsi, notre Rite est porteur d’espérance, de cette espérance qui est la condition nécessaire mais non suffisante pour devenir optimiste.

Je pense maintenant qu’il faut bien définir ces deux termes : optimisme et vertu avant de pouvoir les relier.

La vertu tout d’abord : Le manuel de l’Apprenti nous demande de fuir le vice et de pratiquer la vertu. De toutes les acceptions du terme « Vertu » que les dictionnaires nous proposent, je retiendrai celle du petit Robert : la vertu est une disposition constante à accomplir des actes moraux, en particulier faire du bien par un effort de volonté. J’ai souligné les deux termes : constante et volonté. Ainsi, avoir de la vertu, c’est savoir bien faire sans que l’inclination nous y porte et s’abstenir de faire mal quoique la passion nous y pousse. Pour mémoire, je rappellerai-les vertus théologales la foi, l’espérance et la charité.

Les vertus philosophiques : ustice, la tempérance, la force et la prudence.

Pour le sens du mot « optimisme », je ferai appel au conte de Voltaire « Candide ». Celui-ci, alors que son maître à penser Pangloss lui avait appris que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes, sera confronté, au cours de ses nombreux et divers voyages (voyages à valeur initiatique) à la dure réalité du comportement et de la nature et des humains et en reviendra plus lucide, plus sage et saura cultiver son jardin. Cette formule « sachons cultiver notre jardin » continue de formater notre pensée et n’est pas sans rappeler notre « Continuons à l’extérieur l’œuvre commencée dans le Temple ».Ainsi, l’optimiste, bien que sachant qu’il y a de la tristesse, du malheur, de l’incertain dans la vie, imagine qu’il existera une issue favorable et agira pour la précipiter. L’optimisme est donc de pensée et d’action. Il n’est pas seulement un trait inné de caractère, mais il se nourrit de volonté, car nous n’avons pas tous les mêmes dispositions en la matière.

L’optimisme est-il donc une vertu ? Il est maintenant aisé de répondre par l’affirmative. En effet, seul l’optimisme peut faire bouger le monde et faire évoluer positivement ceux qui y vivent. Il est vrai que le pessimiste a souvent raison, techniquement parlant. Mais c’est aussi parce que l’optimiste ne le croit pas qu’il entreprend, qu’il sort du cadre, qu’il prend des risques, qu’il s’aventure, qu’il parie, bref qu’il profite davantage du voyage de la vie, quelles que soient les surprises-bonnes ou mauvaises-que celle-ci lui réserve.

L’optimisme est-il donc une vertu maçonnique ? Avant de répondre à la question, il me semble nécessaire de rappeler que l’ordre maçonnique est fondé sur une philosophie du comportement individuel et social. L’engagement du Franc-maçon est avant tout l’attitude d’un homme libre et de bonnes mœurs qui, prenant conscience du monde dans lequel il vit, renonce à être un simple spectateur-fataliste et résigné-et met sa pensée, ses connaissances et son énergie au service d’une cause au profit de l’humanité. Notre rite nous a légué sa tradition chevaleresque faite de noblesse et de courage. Il doit être exemplaire pour prétendre travailler au perfectionnement de l’individu. Or, s’il veut être exemplaire, comment ne pas être optimiste et faire rayonner son optimisme autour de lui ? Cet optimisme, qui ne se nourrit surtout pas de la méthode Couet est un devoir social, ne serait-ce que par rapport aux nouvelles générations. La désespérance est toujours négative. Il existe autant de raisons de s’émerveiller que de désespérer, et c’est justement un des rôles du franc-maçon de montrer cette ouverture vers la voûte étoilée. Pour s’émerveiller, il faut être capable de regarder au-delà de l’immédiateté. Cet optimisme est un acte militant, il est un combat philosophique et social et donc une quête majeure car chargée de sens pour la marche du monde. Cet optimisme est nécessaire car il se nourrit d’enthousiasme autant qu’il en diffuse autour de lui. Il est une attitude globale créatrice d’énergie positive et de mouvement vers le meilleur, pour ne pas dire vers le bonheur. La maxime du Taciturne prend tout son sens : c’est l’optimisme fait de volonté qui permet de mettre en application ses paroles et non son application qui permet d’être optimiste.

Voilà, TFM et vous tous mes FF MS, le fruit de mes réflexions sur la question qui m’a été posée. Réflexions qui ne me permettent pas de répondre d’une manière assurée. En effet, je pense que l’optimisme est une vertu du Franc-maçon plus qu’il n’est une vertu de la Franc-maçonnerie. Peut-être m’aiderez-vous à m’expliquer ce que je ressens en moi mais que je ne sais vous démontrer.

Pour finir, je ne peux m’empêcher de vous dire que l’Histoire de l’humanité, même récente, ne manquant jamais de nous faire trébucher dans nos certitudes, vient de m’apporter la contre-preuve de ce que j’ai voulu démontrer. En effet, c’est la désespérance, au-delà du désespoir, d’un citoyen s’immolant par le feu qui a redonné l’espoir à tout un peuple. Bien sûr, je ne vais pas vous faire l’apologie de l’immolation, mais ce geste donne à ma planche un air d’inachevé.

J’ai dit

G\ L\


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