Obédience : NC Loge : NC 22/06/2002

 

Mes frères me reconnaissent pour tel !

Voici des mois, mes FF\, que vous m’avez confortablement installé sur ma colonne du Nord dans le silence de l’apprentissage et voilà qu’enfin vous me donnez la possibilité d’en sortir. Ainsi, je prends à mon tour la parole pour vous livrer, ce soir, un peu de ma sensibilité d’App\. Je ne vous cacherai pas que, durant ses premiers pas, votre jeune F\, fort des certitudes que procure l’initiation, s’est écroulé tel un château de cartes, se retrouvant face à la plus horrible des interrogations que peut procurer le doute, se demandant sans cesse s’il était réellement à la hauteur de son désir de réalisation en tant qu’App\ F\ Maç\. J’étais dans le désarroi le plus total, au fin fond d’un questionnement sans réponse quand, soudain, dans le tumulte de mon silence, j’ai entendu le rituel me murmurer l’une de ses phrases : « Mes FF\ me reconnaissent pour tel ». Celle-ci et pas une autre. Une phrase qui semblait vouloir me faire comprendre que cette réalisation passerait obligatoirement par l’assimilation des symboles qu’elle recèle et par la faculté que j’aurai à les faire vivre en moi tout en vous invitant - pourquoi pas ce soir Mes FF\ - à reconnaître dans la Pierre Brute que je suis encore les prémices d’une Pierre Cubique ne désirant que trouver sa place dans le Temple Universel.

A mon midi, le M\ de la L\ m’enleva des ténèbres de l’ignorance et de l’inconscience faisant de moi un Fils de la Lumière, un F\ à part entière de notre haute et respectable Assemblée. Une instruction me fut donnée dans la foulée, m’inculquant d’emblé les secrets relatifs à mon grade, ces Signes, Mot et Attouchement permettant à chacun de nous de se faire reconnaître de ses FF\. Vous m’aviez reçu, offert toute votre confiance, mis à mon insu entre les mains, je ne l’ai compris que plus tard, les clés et les outils de ma destinée et vouliez, à mon sens, reconnaître en moi l’App\ F\ Maç\ que vous aviez pressenti dès le départ, c'est-à-dire un homme courageux qui avait décidé de faire de son plein gré le deuil de ses préjugés et de sa vulgarité profane et d’entreprendre un travail intellectuel et méditatif sur lui-même pour que sa Pierre en devenir soit de plus en plus digne des Portes du Temple. Vous vouliez, il me semble, reconnaître à travers mes agissements et comportements, à travers la taille de ma pierre, l’emprunte de la signification profonde des secrets qui m’avaient été confiés.

Trois secrets de reconnaissance, les Signes, Mot et l’Attouchement, se rapportant au nombre TROIS et me remémorant sans cesse la relation étroite que j’avais eu avec l’Air, l’Eau et le Feu lors de mes voyages initiatiques, voyages me donnant la route à suivre : passer d’un état d’agitation de la vie profane ayant engendré multiples passions et divers obstacles, souvent inutiles, à un état plus calme et plus paisible que seule la persévérance sur les chemins de la vertu procure, le but étant de faire naître l’amour et la charité envers mes FF\ et les hommes dans chacune de mes pensées, paroles et actions.

Trois secrets de reconnaissance qui n’étaient pas non plus sans me rappeler mon serment contracté sur nos Trois Grandes Lumières, à savoir le V\ L\ S\, le Compas et l’Equerre. Le premier me reprécisant continuellement l’aspect sacré de mon engagement maçonnique, le deuxième m’ayant inculqué, à force de réflexions, la nécessité de faire en sorte que ma pensée et mon raisonnement deviennent des outils justes et adéquats dans les différentes situations de ma vie. Quant au troisième, l’Equerre, présent à mon sens dès le début de ma grande aventure pour que je puisse me faire une idée de la récompense au bout du chemin, la Perfection.

Trois Secrets également qui, tout au long de mon parcours de l’Occident vers l’Orient, parcours orchestré et tracé par le M\ de la L\ selon les principes que véhiculent le Soleil et la Lune, me permettront d’apprendre à aiguiser et à conjuguer très tôt raisonnement et imagination pour que ma cathédrale à bâtir puisse demain resplendir d’une subtile harmonie de Sagesse, de Force et de Beauté. Une cathédrale en chantier dès l’apprentissage par des actions continues, volontaires et perfectibles suivant une juste et parfaite utilisation des trois outils qui m’ont déjà été confiés.

Trois secrets enfin dont j’entrevoyais le rapport étroit avec les Trois Grands Coups qui m’avaient permis d’accéder au Temple du Travail et de la Perfection. Moi qui étais venu vous demander la Lumière, moi qui ai envie de chercher la Vérité non pas pour la posséder mais plutôt pour apprendre à la vivre et à devenir un « Homme de Vérité », moi qui, le moment venu, à l’Orient d’une vie de travail assidu et digne du zèle qui anime mon avancée pour l’instant de Trois Pas vers le G\ A\ D\ L\U, aimerais voir s’ouvrir aux yeux de mon âme, en juste récompense, la Porte du T\ céleste.

Depuis cette prise de conscience, je n’ai eu de cesse à perpétuer du sens et de la vie à mon initiation par des actions réfléchies et décisives visant à dégrossir ma Pierre Brute de ses encombrantes et aveuglantes aspérités. J’avais saisi, il me semble, le principe de la méthode maçonnique et tentais de faire en sorte que l’équité et la franchise soient de plus en plus présentes dans ma façon de penser et d’agir, que mon langage s’inspire de cette loyauté et de cette sincérité que je découvrais petit à petit en Loge et que de véritables élans de fraternité et de solidarité émanent de ma personne de la façon la plus naturelle qu’il soit. Il me fallait pénétrer en profondeur nos Signes, Mot et Attouchement.

L’assimilation par l’attitude corporelle de nos Signes et mes recherches personnelles sur la réelle signification des symboles qu’ils véhiculent, à savoir directement l’Equerre, le Niveau et la Perpendiculaire, ou encore le devoir de secret, m’ont amené à me rendre compte, mes FF\, qu’au fur et à mesure que j’apprivoisais ces symboles, que je m’en imprégnais et que je leur donnais vie, plus d’une de mes pensées, de mes paroles et de mes actions s’orientaient effectivement, petit à petit, entre la rigueur comportementale et la droiture morale, et cela à mon grand étonnement. Certes, je n’ai pas eu vraiment à approfondir l’Equerre et le Niveau, je n’ai que Trois ans.

Toutefois, il me semble avoir saisi que mes mises à l’ordre successives dans le Temple, pieds en équerre et corps planté à la perpendiculaire de l’avant bras, étaient en train de donner un premier souffle à cette équerre naturelle, symbole de Lumière et de grande rectitude qui, à mon insu, depuis longtemps, se cachait en moi ; un premier souffle que rythmait ma main, elle-même placée en équerre sur ma gorge, au fur et à mesure que j’apprenais à contenir le feu de mes passions et à me munir d’une certaine lucidité d’esprit pour pouvoir, comme le dit Plantaget, « considérer toutes choses avec une égale sérénité » et juger les faits de ma vie avec plus d’impartialité. Trois Equerres en fait alignées selon une colonne verticale reliant déjà ciel et terre pour que les Lumières d’en haut donnent aux agissements et comportements d’en bas toute la rectitude nécessaire à sa stabilité et à son élévation. Quant à notre « Signe Pénal » qui dans son tracé reconstitue l’Equerre, ne donne-t-il pas tout son sens à cette rectitude que nous recherchons ?

Des trois symboles issus de notre signe d’ordre, je n’ai vécu dans toute sa splendeur que celui propre à mon grade, la perpendiculaire, en allant aussi souvent que je me sentais invité dans mon propre V\ I\ T\ R\ I\ O\ L\ et en cherchant à donner sa juste dimension à la maxime socratique « Connais-toi toi-même ! ». Que de peines ai-je connu mes FF\, et connaîtrai-je encore, à prendre conscience de l’aspect opaque et aveuglant de certains de mes défauts ! Que de peines ai-je connu, mes FF\, et connaîtrai-je encore, à flirter avec la réalité sombre de mon être ! Mais quelle joie ai-je du contenir, dans mon silence d’apprenti, lorsque j’ai senti se façonner en moi les premières faces d’une pierre qui ne voulaient que donner de la forme, du sens et de l’orientation à sa véritable destination ! Quelle joie ai-je du contenir lorsque, dans la lourde obscurité du tombeau de ma conscience, je me suis réellement senti guidé par les Lumières d’en haut, l’action du Maillet sur le Ciseau devenant de plus en plus précise et efficace. Quelle plaisir avais-je à constater au fil de nos différentes tenues que des semences d’amour fraternel et de solidarité poussaient en moi tels les bourgeons d’une plante qui ne demande qu’à croître, et cela bien avant notre rituel « Bonsoir mon F\ ! » et bien au de-là du délicieux souvenir de nos agapes. Oui, il y a eu une réelle transformation qui s’est mise en œuvre et qui, je le sens et le sais, se poursuivra encore demain, jusqu’à ce que ma propre Pierre connaisse sa véritable dimension de Sagesse, de Force et de Beauté. Je suis venu pour me livrer à vous et j’ai envie de vous dire, mes FF\, pardonnez ici ce que l’on pourrait considérer comme un manque d’humilité en ce lieu sacré, que les interrogations admiratives de proches quant au fait ils ont de plus en plus plaisir à ne plus vraiment me « reconnaître » me semblent être une parfaite illustration des prémices de mon changement. J’ai envie de vous dire, de manière plus solennelle que ma soif de plus en plus intense de discernement et d’assimilation du langage symbolique en est également une autre.

Toutefois, il ne me fallait pas griller les étapes de mon perfectionnement graduel et me souvenir sans cesse que je n’avais que Trois ans, que le Mot Sacré que vous m’aviez confié dans le secret devait me rappeler que, bien qu’ayant eu accès à la première porte du langage symbolique de l’Initié, j’étais encore proche de celles de ma propre ignorance. La compréhension des symboles de mon grade ne m’étant pas encore aisée et, ne sachant ni lire ni écrire, je me devais de faire appel aussi souvent que cela semblait nécessaire aux lumières de mes FF\ pour déchiffrer leur sens, me défier de mes propres jugements et de mes méthodes de discernement encore trop proches d’une architecture instable et profane. Suivre scrupuleusement l’instruction que me permettait et m’autorisait mon âge maçonnique tout en me laissant pénétrer par mon rituel était la règle de conduite que me dictait le Mot Sacré, le nom de ma Colonne du Nord. Un Mot que je ne sais qu’épeler, symbole de patience et de persévérance, indicateur de l’étendu du savoir utile à une juste reconnaissance de l’App\ que je suis et qui m’a amené à comprendre que chacune de mes imprégnations symboliques devait, durant mon temps d’apprentissage, s’ériger avec force telle une Colonne resplendissante de Beauté, l’édifice en devenir refusant toute fragilité sur ses bases.

Enfin, je dois vous dire que je ne pourrais vous faire part de mon sentiment profond à propos de l’Attouchement de mon grade. Je vous rassure toutefois mes FF\ : je maîtrise le geste d’une façon juste et parfaite et je saisis tout à fait que cet Attouchement est un premier pas vers l’élaboration d’un véritable sentiment fraternel, que la reconnaissance d’un F\ Maç\ passe également par son attitude et son aptitude à donner vie au tissu fraternel engendré par les différents maillons de notre Chaîne d’Union rencontrés en Loge, lors de voyages. Je n’ai voyagé que deux fois et ne puis donc parler de ce que je n’ai pu vraiment vivre. Le lien fraternel qui nous unit dans ma Loge de Saint-Jean, la R\ L\ Kanissa, je le ressens fortement : il nous est propre mes FF\. Mais, en ce qui me concerne, je suis convaincu qu’il n’a aucunement été impulsé par un Attouchement maçonnique au hasard d’une rencontre. Vous m’avez vu naître et il s’agit là de notre privilège : un privilège ne pouvant que nous inviter à donner à notre Concorde, à notre Fraternité et à notre Charité le plus beau de tous les élans. Aussi, à défaut d’une plus grande expérience de l’Attouchement de mon grade dans d’autres Loges ou dans des lieux où souvent il pleut, permettez-moi de vous offrir ce soir, mes FF\, la quintessence du Cantique des Degrés de David. Quelques vers qui ont su m’émouvoir, moi qui ai toujours souffert de l’absence d’un authentique sentiment fraternel au sein de ma propre fratrie de sang, moi qui, chez nous, ai appris, avant, pendant et après nos Travaux, à redonner du sens à ce mot en allant puiser continuellement au fond de moi-même le meilleur qui s’y cachait pour le mettre en pleine Lumière :

« …qu’il est agréable, qu’il est doux,
Pour des frères de demeurer ensemble !

C’est comme la rosée de l’Hermon,
Qui descend sur les montagnes de Sion ;
Car, c’est là que l’Eternel envoie sa bénédiction,
La vie, pour l’éternité ».

Convaincu de sa vertu, un homme, le UN, est venu librement frapper à la Porte du Temple pour parfaire son idée du Bien et du Mal. Il y a rencontré d’autres hommes tout aussi vertueux, des F\ Maç\, le DEUX, qui ont déposé chaleureusement entre ses mains les clés et les outils de sa propre destinée : reconnaissez-vous, mes FF\, en cet homme, à son midi créé, constitué et reçu App\ F\ Maç\, le TROIS, un F\ Maç\ arrivé au terme de sa réalisation ternaire ?

J’ai dit V\ M\

F\ J\ R\ L\


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