Obédience : NC Loge : NC Date : NC


Mes Frères me reconnaissent comme Tel


Cette phrase vient en réponse à la question: Etes-vous Franc-maçon? A la page 67 du rituel du 1er degré symbolique se posent effectivement quelques questions essentielles de la démarche et de l’engagement maçonniques. Cette proposition en met en lumière certains aspects. Les termes de cette phrase ne posent pas de problème sémantique majeur. La définition du terme frère mérite, toutefois, qu’on s’y arrête. C’est ce que nous ferons dans un premier temps. Puis nous nous interrogerons sur la signification de cette proposition. A quoi reconnaît-on un Franc-maçon? Quelles qualités développons-nous? Et, pourquoi cette reconnaissance, passe-t-elle nécessairement par mes frères? Ceci ne constitue-t-il pas un risque d’aliénation de deux de mes  libertés fondamentales, celle de penser, et celle de m’exprimer? Ou bien, au contraire, m’en remettre avec humilité au jugement de mes frères, ne me permet-il pas de toujours m’assurer que je ne dévie pas de l’objectif que nous nous sommes fixés en rentrant dans le temple?
      
Le terme, frères, désigne ceux qui sont nés du même père, de la même mère.  Le Littré nous indique que ce mot s’emploie pour désigner des hommes liés par des sentiments de bienveillance, de fraternité, pour des membres d’une même société ou association, pour souligner les communautés d’opinion qui les unissent. Ce terme est donc tout à fait approprié pour nous désigner, nous tous, mes frères, qui avons frappé à la porte du temple, et avons reçu la lumière, nous tous, qui sommes là pour bâtir ensemble, le temple de fraternité universelle. Des objectifs communs nous animent. Nous poursuivons les mêmes finalités. Des relations d’amitié peuvent parfois nous unir. Mais ce terme “frère” va bien au delà de la simple notion d’amitié. J’ajouterai, que lorsque je me rends à nos tenues, je reviens à chaque fois  vers ma loge mère, celle qui m’a vu naître en Franc-maçonnerie. Je vis  notre loge, comme une matrice au sein de laquelle je viens me nourrir, me ressourcer. Et il me semble alors tout particulièrement approprié d’employer le terme frère pour des êtres provenant d’une même matrice, d’un même sein nourricier, des frères de lait, en quelque sorte. Ce sentiment est encore renforcé par le fait que nous vivions nos initiations ensemble. Et le professeur d’éducation physique que je suis, sait à quel point les choses, les expériences physiques communes vécues ensemble soudent les hommes, en font souvent des frères. Celui, ceux avec lesquels nous vivons une initiation ne seront plus jamais les mêmes. Ils deviennent des frères.

Dans le rituel du 1er degré symbolique, à la question: êtes-vous Franc-maçon?, l’apprenti répond donc:” mes frères me reconnaissent comme tel”. Il aurait pu répondre oui, ou non, ou peut-être, ou encore je ne sais pas. Mais il répond ainsi parce que l’apprenti Franc-maçon doit se défier de lui-même, et de la fragilité de ses connaissances maçonniques, nous précise encore le rituel. Il doit donc éviter de porter un jugement avant d’avoir fait appel aux lumières de ses frères. Perd-il, pour autant, toute capacité de jugement, et tout libre-arbitre, alors que la Franc-maçonnerie se veut une association d’hommes libres? Est-on réellement libre de penser, si on s’en remet toujours au jugement de ses frères? La meilleure réponse est certainement à trouver dans les notions d’échange, de partage, qui découlent du questionnement de ses frères. Je pense, mais sans jamais me précipiter. Je prends le temps de la réflexion.  J’évite de porter un jugement hâtif, voire erroné. L’interrogation, le questionnement de mes frères suscite immanquablement de nouvelles interrogations, me poussent dans ma réflexion, m’obligent à m’interroger sur des aspects qui m’avaient échappés, à approfondir certains points ébauchés, à explorer certaines pistes non encore défrichées. Je m’enrichis de vos points de vue, je me nourris de vos différences, de vos connaissances, de vos interrogations, de vos doutes, de vos certitudes aussi.

Une bonne illustration de ce propos se trouve certainement dans le travail de nos planches d’apprentis. Après une première ébauche, je soumets cette esquisse à notre frère 2ème surveillant. Puis, après ses critiques, ses apports, je me remets au travail. Je taille patiemment ma pierre, fort d’interrogations, de pistes nouvelles. Et je remettrai mon tablier autant de fois qu’il le faudra, pour la satisfaction d’une pierre bien taillée, d’un devoir accompli, d’une planche bien traçée, d’une réflexion approfondie. Ne serait-ce que pour ne pas vous décevoir, mes frères. Car si nous venons à nos tenues, dans notre temple, ce lieu intemporel, cet espace où le temps du monde profane n’a plus cours, c’est aussi pour nous nourrir, nous ressourcer. Et même si en certaines circonstances, le cœur n’est pas à l’ouvrage, nous nous devons de toujours respecter nos engagements. L’apprenti travaille sur lui-même, explore sa verticale, apprend à mieux se connaître, à savoir ce qui lui est essentiel, ce qui l’est moins. Mon engagement en Franc-maçonnerie me semble essentiel. Me connaître, pour ensuite pouvoir pleinement m’ouvrir aux autres, ne pas avoir peur d’exprimer mes doutes, mes faiblesses. Et lorsque mes frères perçoivent un relâchement, il en est toujours un pour m’inciter à me remettre au travail. J’ai grandement apprécié de vous sentir avec moi dans l’épreuve douloureuse de la disparition d’un être cher, le passage à l’orient éternel de mon père. J’ai apprécié que vous m’entouriez de votre affection, et que la chaîne d’union me donne force, courage, et espoir. J’ai pu éprouver notre chaîne d’union, et j’ai ressenti sa force, la force de notre loge. Au delà de nos différences, nous existons ensemble. Que vous me reconnaissiez comme tel m’a réconforté. Je mesure le chemin à parcourir pour approcher la sagesse. Mais je crois savoir aujourd’hui ce qui m’est essentiel, ce qui l’est moins, ce qui est futil. Le Franc-maçon se reconnaît à ses qualités d’écoute, à sa capacité à ne pas porter de jugement hâtif, à sa liberté de ton, de parole. Libre, mais en évitant de heurter, de blesser. Libre, mais en respectant toujours profondément son prochain.

A quoi encore, reconnaît-on un Franc-maçon? Ses frères le reconnaissent comme tel, soit. Mais Le rituel nous indique aussi, qu’”on reconnaît un Franc-maçon à ses signes, mots, et attouchements. On reconnaît un frère à sa façon d’agir, toujours équitable et franche(les signes); à son langage loyal et sincère(les mots); enfin à la sollicitude fraternelle qu’il manifeste pour tous ceux à qui il est attaché par les liens de la solidarité(les attouchements)”. On reconnaît un Franc-maçon à son travail, car nous nous réunissons pour travailler. Et nous travaillons ensemble. Un Franc-maçon existe avec ses frères, par ses frères. Un Franc-maçon ne peut exister seul, sans ses frères. C’est pourquoi, me semble-t-il, reconnaît-on aussi un Franc-maçon à son assiduité en loge. Franc-maçon, seul dans mon coin, sans me rendre aux tenues, sans me nourrir de vos travaux, sans apporter ma contribution, Franc-maçon seul n’a guère de sens. Mon engagement en maçonnerie ne prend pleinement son sens qu’à travers vous, et plus particulièrement avec vous, mes frères de notre loge La République. On ne peut être Franc-maçon seul, on l’est collectivement. Ce travail, cet engagement n’a de sens, ne prend pleinement son sens, que collectivement. Avec vous, et même si l’année 6003 a été une année maçonnique “hachée” pour un apprenti ( beaucoup de tenues aux 2ème et 3ème degrés), je goûte les plaisirs de l’engagement collectif orienté vers l’amélioration de l’homme (à commencer par moi, mais aussi vous, mes frères). Et je ressens comme un manque, un vide, lorsque je ne peux être parmi vous. Avec vous, je sens qu’on peut tout dire, même, si je ne l’ai pas encore expérimenté moi-même, réfugié que j’étais dans le silence imposé à l’apprenti. Ce silence que j’ai goûté, apprécié. Ce silence qui m’a permis de mieux appréhender la liberté de parole, de ton qui vous caractérise.         

Enfin, j’ai souvent entendu des frères dire en parlant d’une de leur relation: “ Je ne serai pas étonné que ce soit un frère”. Ceci sous-entend, que les qualités qu’ils attribuent à cette personne(grande capacité d’écoute, respect de l’autre, liberté de parole, de ton…) leur laisse à croire que cette personne pourrait être Franc-maçon, qu’ils le reconnaitraient comme tel. Au risque d’ailleurs, de se tromper, car certains profanes, et c’est heureux, se comportent comme des Franc-maçons. Mais, inversement, certains ”frères” ne se comportent pas comme des Franc-maçons dignes de ce nom. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire les nombreux articles de presse consacrés aux errements de certains « Frères ». Et ces quelques cas jettent un insupportable discrédit sur l’ensemble de la Franc-maçonnerie. Suis-je, alors, obligé de les reconnaître comme tels? Ma liberté de ne pas les reconnaître, existe-t-elle? J’ose le croire. Mais pour reconnaître, il faut connaître. Et mes connaissances maçonniques n’en sont qu’aux prémisses, alors j’espère qu’une attitude d’humilité m’animera, et que je me garderai de tout jugement hâtif. Mais il est difficile de ne pas juger encore plus sévèrement celui qui est entré dans le temple, avec de soi-disant objectifs altruistes, et qui détourne la fraternité à son profit. On devrait évincer les brebis galeuses, et puis le faire savoir. 

En frappant à la porte du temple, je ne savais pas, je n’imaginai pas, quelle richesse je trouverai. J’étais relativement hermétique au symbole. Je me réjouis maintenant d’entrer en résonnance avec nombre d’entre eux. Je n’aurai pas goûté le symbole, mes frères, sans vous pour m’initier, sans vous pour me faire appréhender sa puissance et son caractère universels. Je découvre la Franc-maçonnerie comme un tout judicieusement pensé, agencé, ordonné. Je goûte le plaisir de comprendre, en m’en remettant souvent à vos lumières, les logiques internes qui régissent le rituel, nos tenues, les charges des officiers, les décors, les outils. Le tout me semble articulé comme une œuvre cohérente, mue par sa logique interne, UN TOUT COHERENT. Et j’ai maintenant hâte, mes frères, de rejoindre la colonne du midi pour, peut-être, je ne sais encore qu’épeler, apprendre à former des mots, puis des phrases. Je n’éprouve aucune frustration, aucun “endoctrinement”, à m’en remettre à vos lumières. Simplement une grande humilité devant mon ignorance. Simplement une grande soif d’apprendre, d’approfondir mes connaissances maçonniques, une grande envie de me nourrir de vos richesses.

J’ai dit Vénérable Maître.

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