Obédience : NC Loge : NC Date : NC


Les Héritiers de Caïn


Il est un personnage biblique  dont les significations symboliques attire ma curiosité depuis longtemps et davantage maintenant que je suis Maçon…. Je veux vous parler du premier fils  d’Adam et Eve : CAIN…
 Et partager avec vous le fruit de mes réflexions… Réflexions  que je ne pensais pas soulever en m’intéressant à la tragédie d’Abel et Caïn, deux frères rivaux ; dont le mythe des frères qui s’affrontent se retrouve dans diverses civilisations : Romus et Romulus, Osiris  et Seth, Jacob et Esaü….
Car qui veut bien s’interroger sur cette anecdote de la Genèse, en admettant quelle se soit réellement déroulé comme elle nous est contée, n’en demeure pas moins intéressante sur nous même.

Caïn est le premier enfant né d’Adam et Eve après avoir été chassé du jardin d’Eden. Sa mère Eve lui donnera ce nom qui veut dire acquisition (celui que la connaissance, les rapports intimes, a produit.) .Le nom de Caïn est lié à la racine Kan qui dans diverses langues implique la notion  de pouvoir et de puissance.
 Acquisition qu’elle détient directement d’Adam, premier enfant né dans la douleur selon l’Ancien Testament…. Apres cette naissance ; arrive un autre fils  né lui aussi dans les mêmes conditions :… Abel… L’étymologie de  l’hébreu signifie : vapeur, souffle, existence précaire.

 Ces deux enfants, je  vous le rappelle sont nées après la chute adamique ; ils ignorent tout de la vie édénique. L’innocence est déjà perdue ; mais en ont-ils conscience ?

Les enfants grandissent  et deviennent des hommes .Abel élève du bétail tandis que son frère ainé, Caïn,  cultive la terre .Caïn est le premier cultivateur, le premier propriétaire de la terre mais aussi le premier sacrificateur  dont l’offrande n’est pas agrée par Dieu.

Le sacrifice  d’Abel est accepté de Dieu parce qu’Abel reconnaît que tout ce qu’il possède vient du créateur en lui offrant les premiers nouveaux nées  de son troupeau et les parties les plus intéressantes : la graisse… Symbole d’abondance  et de vitalité.
 Caïn offre, mais Dieu n’agrée pas le sacrifice de Caïn, ce  dernier s’en offusque mais Dieu lui  donne l’explication suivante.

Je reproduis ici les propos de la bible qui relate cette histoire.

Le créateur s’adresse à Caïn :
Pourquoi est tu irrité, et pourquoi ton visage est il abattu ? Certainement, si tu agis bien, tu relèveras to visage ; et si tu agis mal, le péché se couche à la porte, et ses désirs se portent vers toi ; mais toi, domines sur lui
Cependant, en ce qui me concerne, j’estime que l’explication  donnée quant au dénigrement de Dieu de l’offrande de Caïn est assez  vague. Le choix de Dieu m’apparaît arbitraire... Car ce dernier se donne plus de mal que son frère Abel… Abel est un contemplatif qui possède tout son temps pour se tourner vers l’œuvre du créateur tandis que son frère  Caïn, travaille à sa survie par son seul labeur. Abel ne doit  sa survie qu’à son bétail ; qui sont des créatures de Dieu… Pas de son labeur ! Il peut remercier Dieu de lui donner le bétail, mais Caïn, lui, offre une partie du fruit de son travail. Travail qu’il ne doit  qu’à lui-même, tiré de la terre  qu’il doit domestiquer.
 Terre, que le créateur a maudit à la suite de la faute de ses parents : avoir gouté du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal.

Mais, si vous le voulez bien ; j’aimerai vous faire part de mes réflexions sur ce que j’appelle :

L’OFFRANDE D’ABEL

 Ce dernier sacrifie un animal en offrande au créateur ; mais dans quel but ? Caïn en fait de même, à sa manière, certes !
Abel a choisis de sacrifier un  des animaux les plus doux qui existe, un des plus innocents et les plus utiles, un des plus en rapport avec l’humain : l’agneau.
La violence qui s’exerce sur l’offrande devient un acte d’apaisement et de respect, voire de crainte envers le créateur. Cette violence se retrouve dans toutes les religions, invoquant des raisons identiques.
Abel transforme la victime sacrifié en  offrande consacrée ; elle est retirée du monde profane pour devenir une offrande de valeur sacrée. Si Abel ne tue pas son semblable il décharge malgré tout sa violence en sacrifiant un des animaux les plus en rapport avec l’humanité, par leurs instincts et leurs habitudes.
 Mais pourquoi sacrifié une vie, même animal, au nom de celui qui vous a crée ? Oter une vie en guise de respect envers le créateur  apparaît aberrant, voire barbare.
 Le sang de la victime, consacrée par le sacrifice, même animal, devient un objet de substitution des pulsions agressives d’Abel en signe d’apaisement et de craintes vers le créateur. Il ne s’agit pas d’un acte irréfléchi et brutal, mais pensé, et qui doit délivrer le sacrificateur de ses fautes dont il se décharge sur une victime innocente….

Ce sacrifice peut il racheter la faute d’Adam et Eve ?

Cependant Caïn agit différemment avec le créateur. Il ne sacrifie pas ; il pratique une oblation, il offre une partie de son labeur ; du grec : laboros, travail pénible. Caïn n’utilise pas de bouc émissaire. Mais il semble pourtant que le sacrifice d’une vie plaise à Dieu bien plus qu’une oblation.

Caïn revendique le fruit du travail de l’homme sur la terre que Dieu a crée ; une partie de son offrande à lui-même… Le don n’est pas entier puisqu’il affirme en être le maitre d’œuvre. Il revendique la possession de la terre qui lui donnera son indépendance ; la possession de lui-même, de son destin.
 Le créateur a chassé ses parents du jardin édénique… Caïn a-t-il compris qu’il ne devait que compter que sur lui-même à la suite des événements que ses parents ont vécus ?... Peut être !... Mais alors dans ce cas…  Caïn est il le signe de la responsabilité humaine ?

LA COLERE DE CAIN

Mais Dieu ne récompensait pas  son travail acharné. Caïn se révolta…
 Et d’un coup de silex sur la gorge de son frère Abel, il lui ôta la vie… En tuant Abel, Caïn brise la fraternité par sa violence et parachève le travail de Dieu.
 Peut être pas par jalousie mais plutôt par révolte contre Dieu qui vient au regard de Caïn de classer les hommes en élus et en réprouvés. Cette offrande que Dieu semble ignorer sans raisons apparentes, et que Caïn considère arbitraire provoque le drame de ce dernier qui fait de lui le premier meurtrier, Le premier fratricide… Pis que cela ;  avant lui le visage de la mort n’existe pas. C’est son frère dont il précipite la date de la mort, et par cet acte fratricide  il devance Dieu qui avait décidé que la conséquence du pêché était de retourner à la terre…
 L’attitude vient peut être du fait que le sacrifice de Caïn n’est pas total, il s’attribuait son labeur qu’à lui même alors qu’il le doit à Dieu puisque ses parents sont chassé du jardin d’Eden et que par cette expulsion, le créateur leur impose le choix de leurs destinée. Cependant Caïn est fier de son labeur  et affirme la valeur de son effort… Il se passe de  Dieu…Ou bien peut être, je dis bien peut être, en tuant Abel, Caïn se débarrasse t’il d’un autre aspect de lui-même ? Cet autre qui l’empêche de se libérer de la soumission totale envers Dieu et qui doit être éliminé pour parvenir à la liberté. La liberté de penser par lui-même, pour retrouver  la parcelle de divinité qui est en lui. Ce que ne semble pas chercher Abel qui reste soumis au créateur.
  
Mais il me vient à l’esprit cette réflexion que je vous soumets :
Abel est éleveur et s’incline la face contre terre, vers le créateur…
Caïn s’incline vers la  terre mère ; matière dont son Père Adam a été crée, et  d’où il retournera .Caïn se détourne de Dieu parce que sa survie ne dépends que de cette terre et de sa seule volonté.
Est-ce pour cela que depuis, une terrible rivalité existe entre  les éleveurs et les cultivateurs ? Les premiers considérants  les cultivateurs comme des êtres inférieurs…
Cette rivalité a d’ailleurs amené à  un génocide  en Afrique, au Rwanda. Les Hutus, cultivateurs, massacrèrent les Tutsis, pasteurs, qui considéraient les Hutus comme des esclaves.
.
CAIN EST IL L’INITIATEUR DE LA MORT ?

Mais en tuant ; Caïn  ne cherche t’il pas à supplanter Dieu ? Si ses parents lui ont donné la vie, lui aussi peut la donner ; mais en ôtant celle d’Abel, il s’aperçoit qu’il peut s’identifier à Dieu :

L’homme peut donner la vie mais la reprendre quand il veut !... Une dérive du libre arbitre qui peut amener l’homme à bien des erreurs s’il agit en toute partialité. L’histoire des hommes nous le montre même encore de nos jours. Et la mort est elle le dernier fruit de l’arbre de la connaissance auquel nos ancêtres ne devaient pas toucher ?
 
Car ce fruit laisse un gout amer aux humains et le créateur bien que condamnant Caïn au bannissement, interdit à quiconque de venger la mort d’Abel en ôtant celle de Caïn.
Ce dernier à devancé le travail de Dieu en devenant le premier meurtrier, en cela on peut se poser la question suivante :

Caïn est il l’initiateur de la mort ? 

Est-ce pour cela que Dieu le condamne au bannissement, à l’errance a l’Orient  d’Eden, au pays de NOD … A suivre la course du soleil, vers un jour nouveau , afin de l’obliger à comprendre le sens de la responsabilité, car maintenant Caïn possède le libre arbitre. Il est le premier homme à marcher sans fin vers le soleil levant.
Désormais, livré à lui-même,… De Dieu il n’affrontera que l’absence, comme tous ses descendants que nous sommes.
 Et  c’est dans cette solitude qu’il devra affronter en permanence sa propre présence.
Caïn découvre sa conscience à laquelle il ne peut échapper. Il est seul juge de ses actes.

 Victor Hugo l’à bien décrit  dans un de ses poèmes de La Légende des Siècles : La Conscience.

Après son fratricide qui le condamne au bannissement ordonné par Dieu, Caïn ne peut trouver la paix intérieure.
Aussi loin qu’il fuit, sa faute le poursuit, et sa conscience, des qu’il se retrouve seul, lui rappelle son crime sous l’apparence d’un œil toujours ouvert, même derrière les murailles les plus épaisses ou les ténèbres les plus sombres et jusque dans la tombe ou il pense trouver repos, sa conscience est là pour lui montrer sa faute qu’il ne peut qu’accepter que pour lui-même…

Car honnêtement, combien d’hommes sont capables de reconnaître leurs fautes lorsqu’elles sont graves…

Caïn est également le premier nomade. Etre nomade, c’est se remettre en question continuellement. Un jour nouveau nécessite une adaptation continuelle à l’inverse du sédentaire qui peut se projeter dans l’avenir pour lui-même et les siens. Pour l’époque ; nous dirons : la tribu ou le clan.

Mais Caïn en s’éloignant de  Dieu prendra une femme dont le nom n’est pas cité dans la bible,  et on peut se demander pourquoi !...
Elle lui donnera un fils : Hénoch.

 Caïn construira la première ville à qui il donnera le nom de son fils.
 En construisant la première ville Caïn cherche t il à se réconcilier avec Dieu ? On peut se poser la question, car une ville c’est l’élévation, une tentative d’édification de l’homme par son travail personnel  en maitrisant la matière pour tendre les bras vers le ciel, comme un arbre cherche la lumière ; ne se tourne t’il pas vers l’insondable ? A-t-il compris qu’au travers de sa faute Il devait s’assumer sans l’aide du créateur pour retrouver sa part de divinité ?
Caïn ajoute le fruit du travail de l’homme à la terre que Dieu a crée sans l’aide de ce dernier…
Caïn revendique son indépendance dans  l’œuvre de la création. Laissé seul avec lui-même, il doit affronter sa vie, son chemin ; car comme je l’ai dit plus haut ; du créateur il n’affronte plus que l’absence.
En maitrisant la matière de  sa seule connaissance, de sa seule volonté, il laisse apparaître à ses descendants le pouvoir divin de l’homme : la maitrise de la matière qui lui permettra de s’en dégager afin de s’élever spirituellement.
En se dégageant totalement de toutes dépendances du créateur, Caïn revendique sa destiné qu’a lui-même, assumant la responsabilité de ses actes et des conséquences pour son existence… Existence qui ne dépendra  pour lui et ses descendants que de ses actes, ses décisions, qui dépendront de ses réflexions sans l’intervention du créateur qui laisse le libre arbitre à sa plus belle création, comme il est d’habitude de le faire remarquer dans  les religions dogmatiques. En ce cas on peut se demander : Pourquoi autant d’imperfections dans ce qui devrait être à l’image de celui qui l’a crée ? Et si nous sommes une émanation du créateur nous avons en nous une partie obscure à éliminer pour nous élever.

Au regard de toutes les réflexions que  j’ai soulevé dans cette planche ; je me pose la question suivante à laquelle je n’ai pas la réponse :

A partir de quels moments, aussi loin que nous pouvons reculer dans l’histoire de l’homme, c'est-à-dire lorsque l’homme prend conscience de sa supériorité sur le règne animal, et qu’il possède par l’utilisation de la violence la possibilité de s’imposer, avec ses exigences sur ses frères pour dominer et imposer sa loi par la force brutale ?…Et si l’homme n’avait  jamais utilisé la violence  pour dominer ?... Que seraient devenu l’homme et sa descendance ? La violence de Caïn a  t’elle été nécessaire pour l’évolution  de l’homme ? Est-ce la conséquence de la chute Adamique ? L’acte de Caïn est il la pour nous montrer notre faiblesse  d’homme, mais que nous avons la possibilité en nous de la dominer et de retrouver le chemin qui mène à la lumière.

A noter que la lignée de Caïn se termine avec Tubalcain, figure légendaire du premier degré :

Possession du monde !... Qui ne tient qu’à nous même pour faire évoluer ce monde entouré de préjugés et d’ignorances ; ou comme le disait Ernest Renan : L’injustice est le principe même de la marche de cet univers… Et pourtant il ne tient qu’a nous de construire un monde digne de ce que nous sommes : des hommes.

Dans le miroir que nous possédons tous, n’y a-t-il pas un Caïn qui  se reflète ?... Restons sincère avec nous même et acceptons-le… Nous devons affronter notre propre présence d’humain avec toutes nos imperfections et tenter tant bien que mal à nous élever spirituellement. Car le plus terrible de tous nos ennemis ; n’est ce pas nous même ?

Alors en ce cas sommes-nous les héritiers de Caïn ? 

P\ P\

3053-4 L'EDIFICE  -  contact@ledifice.net \