Obédience : NC Loge : NC 17/09/2012

La KABBALE, cle de voute de l’esoterisme occidental

Preambule.

Qu’est-ce que l’esoterisme ? Mais surtout l’esoterisme occidental.

Avant de répondre à cette question, on peut en poser une autre. Rassurons-nous, je ne vais pas de question en question remonter à l’origine du monde ! Mais je crois qu’il faut s’interroger sur la notion d’Occident, d’autant plus que le sujet de ce travail est « la Kabbale, clé de voûte
de l’ésotérisme occidental ».

L’Occident, est-ce une forme de société ? Une morale ? Une manière de vivre ? Un état d’esprit ? En fait, l’Occident est tout à la fois : une morale forgée par la spiritualité judéo-chrétienne ; une manière de vivre issue de sa traumatisante histoire faite de progrès, de guerres, de génocides humains et culturels ; enfin et surtout un état d’esprit démocratique et tolérant mais qui s’accommode et qui justifie des pratiques de prédateur.

Quant aux origines de l’ésotérisme occidental et sans remonter à la nuit des temps, c’est en Grèce que l’apparition des cultes à mystères et des sociétés d’initiés se fait. C’est un courant de pensée qui va influencer le christianisme et le judaïsme. Les pythagoriciens, en créant une société « intérieure » (esoteroi), inventent l’ésotérisme. Des les premiers siècles de notre ère, les Pères de l’Eglise developpent des thèmes ésoteriques mais c’est la Renaissance qui marque le début de l’ésoterisme occidental avec justement l’apparition des premiers livres (sefer) de la Kabbale au XIIIème siècle (période de la Pré-Renaissance).

Quelles sont les définitions que l’on donne de l’ésotérisme ? En Occident, la question est d’actualité si on considère la médiatisation dont le mot « ésotérisme » fait l’objet. Le mot designe quoi ? Trois réponses ne nous avancent guère mais elles sont malheureusement courantes ! La première tente de dégager un fond commun à toutes les oeuvres, les discours dits « ésotériques ». Mais les contenus sont tellement différents et /ou infondés que, bien vite, l’entreprise s’avere vaine, ou mieux, inepte. La deuxième est celle de ceux pour qui le mot renvoie à leur vision du monde ou de la tradition dont ils font partie. Alors, l’ésotérisme est ce qu’ils auront décidé. Ils ne s’écartent surtout pas de la ligne. Ils n’explorent pas le monde
extérieur. La troisième définition donnée, et c’est la plus courante, relève de la marchandisation, de la médiatisation. Elle contribue à entretenir – à des fins mercantiles – la confusion prenant « ésotérisme » comme synonyme de termes existants comme : magie, initiation, symbolisme, sciences occultes ; tels qu’on nous présente les différents ouvrages, afférant à ces termes, dans n’importe quelle librairie y compris celles en « ligne » ! Une autre manière de répondre à la question « qu’est-ce-que l’ésotérisme ? » consiste à ne plus se demander ce qu’est l’ésotérisme en soi mais à reconnaître que c’est un mot tiroir et qu’il a plusieurs sens comme les mots : religion, sacré, magie, spiritualité...

Mais il y a une définition historique au sens scientifique du terme. De fait, les historiens ont conservé le mot par pure commodité (il a le mérite d’exister) pour désigner un ensemble de courants qui présentent de fortes similitudes et qui se trouvent reliés historiquement entre eux. « Esotérisme occidental » designe ici un Occident formé par des traditions religieuses juives et chrétiennes et visité par bien d’autres courants assimilés progressivement pour former le corpus de l’ésotérisme actuel. On peut citer les écrits d’Hermès Trismégiste, le gnosticisme chrétien, l’alchimie, la magie et bien d’autres. Et pour la période dite moderne, citons surtout à la Renaissance la Kabbale et la Kabbale chrétienne qui est un recueil d’interprétations de la Kabbale juive visant à l’harmoniser avec des vérités du christianisme.

La KABBALE, clé de voûte de l’ésotérisme occidental.

Comme supposé dans le préambule, le champ de l’étude de ce Travail se devrait de débuter au coeur de la Renaissance. Mais il faudra bien remonter aux origines de la Kabbale et aussi donner les définitions et les explications communément acceptées. D’autre part, des personnages célèbres, un corpus littéraire et des lieux mémorables seront évoqués.

En 70, Rome, la puissance impériale, détruit le Temple de Jérusalem. Les armées de Titus massacrent par milliers les juifs révoltés. Toute la terre d’Israël est en proie à la dévastation. L’administration et l’enseignement sont désorganisés. Les archives sont perdues. La mémoire juive va s’altérer, disparaître sous l’effet du choc inimaginable de la disparition du Temple, coeur de la Nation et de leur culte. Le Temple vers lequel, trois fois par an, les foules convergeaient pour les fêtes de Pessah, de Chavouot et de Soukkot.

Quelques survivants s’inquiètent de voir le déclin et la disparition certaine de la mémoire juive. En promettant aux autorités romaines de ne plus faire de la politique, Yohanan ben Zakkai (fondateur du judaïsme rabbinique, il fut aussi le promoteur de l'académie talmudique de Yavne qui permit la perpétuation du judaïsme après la destruction du Temple de Jérusalem) et d’autres sages comme Akiva ben Yoseph (autre fondateur du judaïsme rabbinique) obtiennent de fonder une école à Yavné. Le but de cette institution est de consigner d’urgence dans des livres tout ce qui se transmet oralement dans le face-à-face de l’étude, entre maître et élève. A partir de cette école de Yavné, un travail de collecte et de transcription est mené à partir de la mémoire des survivants et des bibliothèques de la diaspora (mot surtout utilisé pour désigner, après 70, l’ensemble des communautés juives dans les différents pays hors Israël).

Que se transmettent donc d’essentiel les juifs de cette époque ? D’abord que Moïse a reçu de Dieu sur le mont Sinaï non seulement la Loi écrite (la Torah, ou Enseignement) mais aussi la Loi orale (le Talmud, ou Etude) « ainsi que les commentaires ésotériques se rapportant à cette loi ». De l’hébreu qabbala (réception, transmission, tradition), la Kabbale est donc cet ensemble de commentaires ésotériques transmis sans recours à un texte écrit, par crainte de voir se fossiliser le sens de cet enseignement. Jusqu’au IIème siècle, où un prestigieux élève de l’école de Yavne, rabbi Simeon bar Yochai, aurait consigné tous ces commentaires dans un manuscrit secret, le Sefer ha-Zohar (le Livre de la Splendeur). La legende raconte que le manuscrit aurait été caché dans une grotte pèes de Safed, ville qui reste aujourd’hui encore un haut lieu de la Kabbale en Israël même. D’autres livres d’inspiration kabbalistique apparaissent au long des siècles, comme le Sefer Yetsirah (Livre de la Creation) ou le Sefer
ha-Bahir (Livre de la Clarte) écrits au XIIème siècle, dont les auteurs sont inconnus, et qui sont des textes fondateurs de la Kabbale. Quant à Moïse ben Maimon (1138-1204) né à Cordoue, plus connu en Occident sous le nom de Maimonide, c’est sans doute le plus important penseur juif du Moyen Age. C’est au Caire qu’il redigea « le Guide des egares » dont le contenu bouleversera, pour des siècles, les études philosophiques.

C’est finalement au XIIIème siècle que paraît le Zohar, désormais considéré comme un texte canonique au même titre que la Torah et le Talmud. Il est rédigé en araméen, certains disent par Moïse de León (1240-1305), un kabbaliste espagnol de Guadalajara. S’estimant lui-même simple maillon de la chaîne des dépositaires de ce savoir ésotérique, il l’attribue à rabbi Simeon bar Yochai. Compose de 23 volumes, il est devenu l’instrument quotidien des kabbalistes (meqabelim) qui tentent de percer les secrets de la Torah et d’approfondir la compréhension des 613 mitsvot (les commandements). Ce mouvement va connaître un tournant décisif après l’expulsion des juifs d’Espagne en 1492. Les kabbalistes espagnols
contraints à l’exil vont se disperser autour de la Méditerranée ; un noyau de grands érudits se retrouve a Safed, en Galilee, et amorce au début du XVIème siècle un formidable renouveau doctrinal, elabore au sein de confréries mystiques. Moïse Cordovero (1522-1570), auteur d’ouvrages fondamentaux, en est la première grande figure. Les enseignements de son disciple Isaac Louria (1534-1572), dit le Ari Z’al, le Saint Lion, sont recueillis par son élève Haim Vital (1542-1620) et consignés dans divers ouvrages dont le Sefer Ets Hayyim (Livre de l’Arbre de vie). On leur doit l’élaboration de concepts essentiels comme le tsimtsoum (la contraction divine qui permet a la Création de se déployer), la chevirat hakelim (la brisure des vases) et le tiqqun (la réparation) incombant à l’homme qui, par sa conduite exemplaire, doit rassembler les étincelles emprisonnées dans les écorces, les klippoth, pour réparer l’Unité divine.

Le Zohar prolonge considérablement la dimension talmudique relative au travail ou aux rites pour développer une mythologie dont la Renaissance saura tirer parti. Le grand mystique Abraham Abufalia (1240-1291), né à Saragosse, enseigne une technique méditative à l’aspect initiatique et symbolique.

La kabbale lourianique poursuit au XVIIIème siècle son odyssée en Italie, à Padoue, où Moshé Haïm Luzzato rend accessible, au fil d’une oeuvre monumentale, les textes du Ari Z’al, au premier abord impénétrables. Ses textes poursuivent leur chemin vers le nord de l’Europe et donnent naissance, au XVIIIème siècle, par l’influence décisive qu’ils auront sur nombre de juifs troublés par le mouvement des Lumières juives (la Haskala), au mouvement hassidique (Europe de l’Est) créé par le Baal Chem Tov (le « Maître du Bon Nom »).

A la Renaissance, puis au siecle des Lumieres, l’etude de la Kabbale connait egalement un grand essor, bien au-dela des milieux juifs, notamment par le biais de kabbalistes chretiens comme Pic de La Mirandole qui trouve dans quelques aspects de la Kabbale une prefiguration et une explication de certains dogmes chretiens, notamment celui de la Trinite.

Pic de la Mirandole (Giovanni Pico della Mirandola), prince florentin incarnant – entre Leonard de Vinci et Erasme – l’image de la magnificence du Quattrocento, cette icone de l’humanisme de la Renaissance comme la plupart de ses contemporains, se passionnait pour ce que nous appelons l’esoterisme. Son oeuvre le revele : les mysteres chretiens, le pythagorisme, l’hermetisme, l’astrologie – qu’il refuta – et surtout la kabbale figuraient au coeur de sa vision du monde et de son projet intellectuel. Des disciplines que la Renaissance prenait non seulement au serieux mais portait au pinacle d’une culture unifiant la nature et l’esprit. S’il est le premier non juif a etudier et a interpreter les ouvrages de la kabbale, c’est en vue de legitimer la sacro-sainte foi catholique. Et surtout pas de dialogue inter religieux dans cette decouverte, mais au contraire une recuperation du patrimoine esoterique hebraique pour refuter et confondre le judaisme. Il n’en demeure pas moins que cette exploration debouche sur une ouverture et un enrichissement de l’horizon chretien. Ce qui valut a Pic d’etre inquiete par l’Inquisition. Heureusement pour lui, grace a l'intercession de plusieurs princes italiens, il echappe a un proces en heresie. Nee avec Pic de la Mirandole, la kabbale chretienne deviendra l’un des piliers de l’esoterisme chretien et occidental.

Avec l’émancipation et l’acculturation des juifs à la culture occidentale, les communautés juives se détachèrent progressivement de la Kabbale, en particulier sous l’influence de la Haskala (Lumières) qui avait pris le Hassidisme pour cible. Tout au long du XIXème siècle, sous l’influence du rationalisme, la philosophie juive est considerée par les tenants de la Science du judaisme (Wissenschaft) comme un ramassis de superstitions. En Italie, en Allemagne, naissent de violentes polémiques anti kabbalistiques.

Devant la montée de l’antisémitisme, l’oeuvre de Gershom Scholem (1897-1982) rompt avec ce mépris. Motive par son idéologie sioniste, Scholem va reconnaître dans la Kabbale une expression vitale de l’existence juive. Il fonde ainsi l’étude historico-critique de la Kabbale. Ses travaux sont le point de départ obligé de tout travail sérieux dans le domaine de la mystique juive. Il faut ajouter que sur le plan du vécu, particulièrement après le génocide hitlérien, un renouveau d’intérêt s’est manifesté dans de larges couches du peuple juif à l’égard de la mystique. Cela explique la réedition de la plupart des textes fondateurs et la traduction de certains dans diverses langues européennes. Si ce regain d’intérêt, même s’il n’est pas toujours de bon aloi (voir Kabballywood de Madonna et de Rav Berg son rabbingourou) permet, tant sur le plan scientifique que sur le plan de l’introspection personnelle, une prise en considération de la Tradition où s’ancrent nos racines.

S’intéresser à l’histoire de la Kabbale et de sa place dans l’ésotérisme occidental demande une « mise en marche » intellectuelle particulière. Je dis bien « mise en marche » et non pas démarche pour bien montrer que, désormais, la Kabbale est devenue pour moi une méthode d’étude.

Se mettre en marche, aller vers le but par un chemin. Pour un F\ M\ c’est aller encore plus profond en soi toujours vers cette étincelle divine, cette inaccessible étoile. C’est devenir un passant. Celui qui n’est pas d’ici, celui qui va vers quelque chose. J’ai souvent cité le Logion 42 de l’Evangile de Thomas : « Jésus a dit : Soyez passants ». C’est le thème du Passage (Pessah) ou de la Pâque. Nous sommes en route.

« I » (...Ivri) vient de la racine d’un verbe de la langue hebraique qui signifie passer. Par définition, les Hebreux seraient « ceux qui passent » ou « ceux par-delà le fleuve », qui ne s'installent pas, des pérégrinants.

« En marche les humiliés du souffle ! Oui, le Royaume des ciels est à eux ! ». C’est la traduction d’André Chouraqui des Béatitudes de Matthieu. Les humiliés du souffle (le Pneuma) sont les pauvres en esprit. Etre pauvre en esprit c’est une attitude envers soi-même. L'homme dans le monde a confiance en lui-même. Il ne doit rien à personne. Il se hisse plus haut par son savoir, son éducation. L’Initié est conscient de l'énormité de savoir qui lui échappe. Aussi se met-il en marche vers le Royaume, vers la Connaissance. C’est la Voie qui mène du créé à l’Incréé.

Chouraqui traduit le 12ème et dernier verset par : « Jubilez, exultez ! Votre salaire est grand aux ciels ! » Salaire ? C’est un terme courant pour nous et on l’utilise pour dire merci ! La Franc-maçonnerie est bien dans la Tradition comme la Kabbale.

J’ai dit V\ M\

F\ S\


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