Obédience : NC Loge : NC Date : NC

 

Etes-vous Franc-Maçon ?

Voici une question au combien anodine, mais bien embarrassante !

De suite, nous pouvons répondre : « mes F\ me reconnaissent comme tel ! »
Ou, nous avons bien sûr cette réponse : « c'est un homme libre et de bonnes mœurs ! »

Mais, ce soir, j’aimerai aborder avec vous mes F\ une question que je me pose souvent : « Pourquoi avons-nous cherché à entrer dans un Ordre initiatique tel que le nôtre ? »

Est ce l’ambition, avec la curiosité ou le souhait de suivre des amis ?

Est ce la vanité, de pouvoir appartenir à un Ordre qui cultive la discrétion, voire le secret ?

A chacun de nous de répondre personnellement en notre âme et conscience.

Mais, si notre motivation est dans les sens que je viens d'énumérer, dans ce cas nous faisons fausse route.

Si par contre nous sommes à la recherche d'une spiritualité, de fraternité, de bonté dans une société où règne l'ignorance, l'ambition, le fanatisme, alors oui, nous avons eu raison de frapper à la porte du Temple.

Pour cela, faisons ensemble une petite introspection, et regardons avec un peu de recul, notre parcours pour devenir un F\ M\.

Après les enquêtes, le passage sous le bandeau, vient le jour de l'initiation et la plongée dans le cabinet de réflexion.

Ce cabinet de réflexion symbolise le voyage au centre de la terre. Il signifie la mort de notre vie profane, pour après renaître dans une nouvelle vie illuminée.

À mon avis, cette mort est symbolisée par les éléments que l’impétrant trouve en ce lieu :

le testament philosophique que nous devons rédiger dans ce lieu sombre,
le mercure, symbole du retour à l'état indifférencié,
le souffre, principe actif de l'alchimie qui agit sur le mercure passif et le féconde,
le sel qui symbolise la résorption de son moi dans la loi universelle,
les initiales « VITRIOL » écrites sur le mur du cabinet de réflexion et qui signifient : « Descends dans les entrailles de la terre et grâce à la purification tu trouveras la pierre de l'œuvre ! »

Puis, nous sommes présentés à la porte du Temple, le cœur battant, ému, voire inquiet.

Que se passe-t-il en effet au niveau du profane qui va devenir Frère ?

Une profonde transformation au niveau de l'inconscient, mais qui accompagnera le Frère tout au long de sa vie, car il existe en chacun de nous un être que nous ne connaissons pas - notre inconscient - notre ego - qui dirige et influence à chaque instant notre conscient.

Notre chemin initiatique va ainsi se dérouler avec nos acquis constitués par nos qualités, nos défauts, notre connaissance du monde, nos ambitions et nos buts dans la vie. Dont la transmutation de notre être de chair et de sang doit se faire en Loge et se transposer dans le monde profane.

Je ne reviendrai pas sur les détails de notre initiation, cela alourdirait mon propos, et cela n’est pas utile, car nous nous en souvenons tous. Nous voilà initiés, que vivons nous alors lors de nos Tenues.

Dorénavant, lorsque nous pénétrons dans le Temple !

Nous n’entrons plus comme lors de notre initiation, pliés en essayant de passer par une porte étroite et basse.

Nous entrons à l’ordre, debout, par l'occident symbole de la matière, en homme libre et responsable. Nos pieds sont à l'équerre et nous avançons de trois pas. Nous avançons vers l'inconnu, cet orient symbole de lumière, de l'insaisissable, de l'insondable. Il convient d'avancer à pas lents, à ras du sol en prenant bien soin à chaque halte de nous remettre à l'équerre. Nous avançons en ligne droite en espérant qu’avec le temps nous pourrons nous en écarter, et voyager.

Nous voilà Apprenti au septentrion et condamné au silence. Mais silence ne veut pas dire mutisme. Notre contemplation doit être active. Par nos sens en éveil, sachons voir, écouter, sentir l'atmosphère de la Loge.

Nous voilà entourés de symboles.

Mais, pourquoi pas par des dogmes ? Car, le dogme impose...et ne se discute pas. Mais voilà, nous sommes en Loge Maçonnique. Nous n’imposons aucun dogme, nous travaillons philosophiquement sur la symbolique.

Les symboles suggèrent et demandent à chacun de nous un travail personnel d'interprétation. Beaucoup d'interprétations des symboles nous sont donnés. Nous les découvrons avec nos Surveillants, dans nos lectures, dans nos recherches.

Jung nous disait : « La vision du symbole prépare la suite de la vie, attire la libido vers un but encore lointain mais qui à partir de ce moment, agit inévitablement sur elle, de sorte que la vie ranimée comme une flamme marche sans arrêt vers un but lointain. Le symbole est donc spécifiquement favorable à la vie. D'où la valeur et le sens des symboles religieux, attention, non pas des symboles morts et figés dans le dogme, mais de ceux qui surgissent de l'inconscient créateur de l'homme vivant ».

D’ailleurs, il convient toujours de revenir sans cesse sur le symbolisme.

Mais, je suis toujours étonné de constater que certains Frères répugnent à devoir travailler sur un symbole, ou à écouter traiter un symbole.

Chaque jour est un jour et pourtant il est différent du jour précédent.

Chacun de nous s'il se donne la peine de faire des planches personnelles, pourra s'enrichir par son travail et enrichir ses Frères par ses réflexions.

Nous constaterons plus tard que si le symbole se traite au premier degré au grade d'Apprenti, nous pourrons aller plus loin, encore plus loin dans les autres grades.

En fait le symbolisme est là pour nous aider par un travail personnel à nous découvrir. Par la connaissance de notre moi interne, nous appréhendons mieux nos semblables. Nous pourrons apprendre à connaître les lois de la nature, du cosmos et peu à peu approcher du principe créateur que nous nommons Grand Architecte de l'Univers.

Car, que sommes-nous dans l’univers ?

Un point situé entre deux infinis, incapables de nous situer dans l'espace et le temps.

Nous pouvons nous élever par la pensée, par le jeu des questions et des réponses, et ainsi tendre vers la vérité.

Le dialogue avec soi-même, avec les autres est une collaboration car les doutes, les objections sont nécessaires.

Ils permettent de rectifier, de préciser la pensée.

Mais il faut avancer avec prudence, je vous cite quelques auteurs :

Pascal nous disait : « Les principes sont si déliés et en si grand nombre qu'il est presque impossible qu'il n'en échappe. Or l'omission d'un principe mène à l'erreur ; ainsi il faut avoir la vue bien nette pour voir tous les principes et ensuite l'esprit juste pour ne pas raisonner faussement sur les principes connus ».

Il rajoutait : « Puisqu'on ne peut être universel et savoir tout ce qui se peut savoir sur tout, il faut savoir peu de tout que de savoir tout d'une chose ; cette universalité est la plus belle. Si on pouvait avoir les deux, encore mieux, mais s'il faut choisir, il faut choisir celle là et le monde le sent car le monde est un bon juge souvent ».

Ce que Jung traduit par : « Certes le caractère terrestre de l'homme face aux élans de son intuition est d'une lamentable imperfection. Mais précisément cette imperfection fait partie de sa nature innée, de la réalité de l'homme. L'homme n'est pas fait seulement de ses plus sublimes pressentiments, de ses suprêmes idées, de ses efforts les plus méritants, mais de ses données fâcheuses telles que son hérédité et de cette longue série indélébile de souvenirs qui lui crient : « c'est toi qui as fait cela, et c'est ça ce que aussi tu es ! » Il est vrai que l'homme a perdu le vieil appendice caudal des sauriens, mais il n'en reste pas moins vrai qu'une chaîne demeure fixée à son âme, le liant à la terre ; une chaîne rien moins qu'homérique de données et de si considérable importance qu'il vaut mieux leur demeurer fidèle au risque de ne devenir ni un héros, ni un saint. Etre lié à la terre ne signifie point que l'on ne puisse grandir ; au contraire cela en est même une condition sine qua non. Nul arbre noble et de haute futaie n'a jamais renoncé à ses racines obscures. Non seulement il pousse vers le haut, mais aussi vers le bas ».

Se connaître, s'accepter avec ses imperfections pour mieux les corriger. Et, cela sans complaisance.

Voilà notre tâche.

Nous devons dégrossir notre pierre, l'affiner, lui donner des formes de plus en plus parfaites. Cela pour qu’elle puisse s'insérer de la manière la plus harmonieuse dans la construction de l'édifice de l’humanité.

Etre un avec soi-même - Etre un avec nos semblables - Etre un avec le principe créateur !

Voilà quel doit être notre travail à tout instant de la journée comme le suggère la règle de 24 divisions. Vivre l'amour du prochain, la fraternité, la tolérance dans la liberté, dans le temple mais également dans le monde profane. Car si nous n'agissons pas, le monde continue-lui de tourner, apportant à l'humanité tant de peines et si peu de joies.

Pouvons nous nous tenir à l'écart de ce fleuve qui prend sa source dans la nuit des temps et se dirige à travers des chutes et des rapides vers la lumière de son aurore.

Au regard de l'espèce lancée par l'évolution et les ordres mystérieux dans ses gènes vers un destin qui semble sans limites, les civilisations, les nations, les individus ne sont rien.

Qu'est ce qu'une goutte d'eau dans un fleuve immense ?

Mais cette goutte d'eau, c'est vous, c'est moi.

C'est chacun des vivants que la vie emporte.

Pour chacun de nous la façon dont il est emporté, importe plus que le destin du fleuve.

Est-il si important de savoir d'où il vient et où il va ?

C'est où je vais, ce que je subis, ce que je fais, ce que je suis qui compte pour moi.

Ai je raison, ai je tort ?

De me sentir solidaire de l’humanité, de tous les hommes, ceux qui existent, ceux qui ont existé et ceux qui existeront. De me sentir emporté dans la même histoire universelle vers des buts inconnus et grandioses, m'aide à supporter ce que je subis.

Ce qui m'arrive est sans importance parce que dans le grand courant je ne suis rien.

Pourtant avec mon poids d'homme, mes efforts et mon sang je l'aide à aller de l'avant.

Et je suis tout !

Cet univers qui m'emporte, je l'ai tout entier dans mon cœur, dans ma pensée ciselée par la réflexion.

Ce que j'en connais et ce qui est inconnaissable.

Je communique et je communie notre univers par les moyens qui m'ont été donnés. Mes sens, mon intelligence, ma soif de savoir, ma quête de l’étoile flamboyante qui se dérobe sans cesse à mon regard.

Je regarde la vie autour de moi ; je mords dans la vie à pleines dents ; j'aime effleurer de mes doigts les objets qui me sont familiers ; je caresse mon chien ; j'entends le bruissement familier des feuilles agitées par le vent ; j'offre mon visage au soleil, à la pluie ; j'ai vingt ans lorsque j'aime la femme que j'aime ; j'ai cent ans et je m'en souviens, je me souviens des étoiles dans les ciels purs de mon enfance, de mes rêves d'adolescent, de mes joies d'homme, de mes peines tracées en lettre de feu dans ma chair et ma mémoire, de mon effroi de voir l'humanité se déchirer.

Comme celle des grands troupeaux, la marche en avant de l'humanité se fait dans l'injustice en piétinant les blessés et en bousculant les faibles.

Mais cette marche en avant s’accélère de plus en plus avec les progrès techniques et scientifiques.

Est-elle sans espoir ?
Est-elle un long cri de désespérance ?

Je pense sincèrement que non, et nous devons garder l’espoir.

Dans la longue chaîne d'union qui vient du fond des temps, des hommes ont réfléchi, médité, travaillé à leur initiation pour rapprocher l'homme de l'espérance de la lumière. Des hommes tels que : Pythagore, Platon, Jésus-Christ, Bouddha, Gandhi, Martin Luther King, ainsi que bien d'autres mais aussi combien d'hommes plus modestes.

Voilà le devoir que nous devons nous fixer comme un véritable but.

Etre des initiés même si nous ne le sommes que modestement.

Peu importe que notre nom soit attaché à l'histoire. Ce qui compte, c'est ce que nous avons fait par notre exemple pour la fraternité humaine.

Oui, notre initiation nous inspire des devoirs et plus nous avançons, plus nos devoirs croissent envers l'humanité.

Non, parce qu'ils nous sont imposés, mais parce que nous en percevons mieux l'impérieuse nécessité.

Nous ne devons pas oublier de rassembler ce qui est épars car le plus bel arbre ne justifie plus son existence si ses fruits tombent sur un sol aride. Depuis toujours des hommes se sont manifestés pour se donner des lignes directrices.

Platon nous disait : « Avant de songer à réformer le monde, à faire des révolutions, à méditer de nouvelles constitutions, à établir un ordre nouveau, descendez d'abord dans votre cour, faites y régner l'ordre, l'harmonie, la paix. Ensuite seulement cherchez autour de vous des âmes qui vous ressemblent et passez à l'action ».

Pascal a rajouté : « S'il n'y avait point d'obscurité, l'homme ne sentirait point sa corruption ; s'il n'y avait point de lumière, l'homme n'espérerait point de remède. Ainsi il n'est non seulement juste, mais utile pour nous que Dieu soit caché en partie et découvert en partie, puisqu'il est également dangereux à l'homme de connaître Dieu sans connaître sa misère et de connaître sa misère sans connaître Dieu. Il est donc vrai que tout instruit l'homme de sa condition, mais il le faut bien entendre : car il n'est pas vrai que tout découvre Dieu, et il n'est pas vrai que tout cache Dieu. Mais il est vrai tout ensemble qu'il se cache à ceux qui le cherchent parce que les hommes sont tout ensemble indignes de Dieu et capables de Dieu, indignes par leur corruption, capables par leur première nature ».

Travailler sa pierre brute n'est pas simplement une allégorie, cela se double d'un acte mental qui conduit à une discipline intérieure pour accéder à un pouvoir spirituel.
C'est pour nous rappeler notre travail que nous portons un tablier. C'est pour nous rappeler que chaque heure de notre temps doit être consacrée au travail que nous avons en Loge, une règle à 24 divisions.
C'est pour nous rappeler que nous devons rester purs et sans tâches que nous portons des gants blancs.

L'équerre symbole de la loi morale doit nous inspirer la rectitude, la droiture.

Notre volonté doit être un puissant levier nous permettant d'ébranler ce qui paraît au-dessus de nos forces.

En laissant nos métaux à la porte du Temple, nous nous mettons au même niveau pour joindre ce qui est en bas à ce qui est en haut grâce au fil à plomb.

Nous devons travailler avec force, sagesse, beauté pour peu à peu transformer le véritable bandeau qui recouvre encore nos yeux en un voile transparent.
Nous voyageons dans le Temple de l'Orient à l'Occident, du Midi au Septentrion, de midi à minuit afin de comprendre et respecter nos symboles et nos rites.
Nous devons voyager aussi en dehors de notre Loge car le monde entier est notre Temple.
Nous sommes un dans la multitude, et les contraintes de la vie commune passent par une évidente vérité. L'homme n'est pas assez fort pour vivre seul.

Il n'y a dans l'histoire de l’humanité aucune forme de vie qui ne soit menée en groupe avec des lois et des usages de vie commune.
Un homme seul est trop faible et condamné à mourir.
Son salut est dans une vie collective, dans la division et répartition du travail qui permet la création de biens dont il a besoin.
L'homme a puisé dans son état d'infériorité une force de création extraordinaire.

Ainsi se sont développés les organes d'adaptation de la pensée et de l'action. Ainsi il a crée des sociétés structurées, respectueuses pour tout un chacun.

Se servant de sa volonté comme d'un levier puissant, l'homme confronté à la vie en commun, a cherché sans cesse des règles, des us et coutumes nécessaires à assurer le genre humain.

De là vient qu'un certain nombre de valeurs morales telles que la fraternité, l’humanité, l'amour du travail et du prochain, la fidélité, l'honnêteté deviennent les exigences de la communauté.

Mais cette vie en commun doit aussi nous permettre de cultiver la tolérance.

Cette vie en commun doit nous permettre de remettre notre ego à sa vraie place, et pas le faire valoir au détriment de notre fraternité et notre humanisme.

Nous avons en effet tendance à comparer l'individu au type idéal utile à la communauté.

Or aucun de nous n'est le type idéal, mais chacun de nous en son fort intérieur pense en être plus près que son voisin.

Par-là même, chacun de nous professe une large tolérance pour lui-même et une intolérance plus ou moins avouée envers autrui.

Sachons accepter l’autre car il est notre miroir.

Etre ou ne pas être ?
Est-il possible de conclure ?
Je m'en garderai bien.

Ai-je répondu à cette question : « Etes-vous Franc-Maçon ? »

Je n'aurai pas l'audace de répondre par l'affirmative et mes Frères auront, je l'espère, la même prudence.

Je me permettrai simplement de répondre par :

« On ne peut juger de la beauté d'une journée à l'aurore, même si les promesses de l'aube sont infiniment séduisantes. C'est la nuit venue qu'il convient d'en juger ».

Ainsi en va-t-il de la vie en général et de la vie maçonnique en particulier.

Je vous livre en conclusion cette réflexion de Pascal : « Regardez à la pierre d'où vous êtes taillé ».

J'ai dit V\ M\ et vous tous M\ T\ F\.

R\ V\


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